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Entre la Grèce et nous par Patrick Boucheron

suivi de "La Grèce dans les romans de Philippe Sollers"

D 19 janvier 2022     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



« Cette langue et cette culture existent toujours dans des quantités d’attitude, de mentalités que nous avons. Le vocabulaire de la sience moderne reste toujours du grec. Et je suis toujour émerveillé que pour trouver un mot qui désigne une fonction tout à fait moderne de l’automatisme on ait inventé "cybernétique"qui est un mot exactement employé par Aristote et Platon. »

Patrick Boucheron
Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire : Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècles

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J’écoutais distraitement France Inter quand j’ai été happé par le mot « cybernétique » prononcé par Patrick Boucheron. Par un mouvement réflexe, mon oreille s’était dressée et écoutait. Son ton et l’histoire qu’il commençait à raconter me concernait. A mon tour, j’étais émerveillé.

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Entre la Grèce et nous
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Qu’y a-t-il entre la Grèce et nous ? Une histoire d’amour, longue et durable, qui se manifeste dans tant d’objets, de tableaux, de dessins d’architecture, de photographies que vous pouvez voir jusqu’au 7 février dans la belle exposition du Louvre, Paris-Athènes.


La Vénus de Milo au musée du Louvre de retour après restauration à Paris © Getty / François LOCHON/Gamma-Rapho
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C’est peut-être cela, la Grèce. La lumière des mots oui, mais d’abord la lumière. L’été grec de Jacques Lacarrière est baigné de cette clarté, celle des commencements. Cette ethnologie du quotidien est aussi l’histoire d’un passé qui s’attarde, car ces commencements durent encore pour nous aujourd’hui. L’été grec est paru en 1975, dans la belle collection « Terre humaine », au moment où la Grèce sortait des ténèbres de la dictature des colonels.

Qu’y a-t-il entre la Grèce et nous ? Une histoire d’amour, longue et durable, qui se manifeste dans tant d’objets, de tableaux, de dessins d’architecture, de photographies que vous pouvez voir jusqu’au 7 février dans la belle exposition du Louvre, Paris-Athènes. Naissance de la Grèce moderne, 1675-1919.

Entre la Grèce et nous s’interpose toute une histoire, celle de l’invention de la modernité, qui engage à la fois une expérience politique — l’avènement d’une nation — et une expérience visuelle — l’aventure d’un regard.
Entre la Grèce et nous, tel est le titre de l’émission du jour. On y parlera d’art et d’archéologie, de littérature, mais aussi de guerre, de domination et d’incompréhensions réciproques. Il y sera question d’un certain idéal de beauté et d’engagement, où se joue aussi l’idée d’Europe. Car c’est aussi du nationalisme dont nous aurons à parler avec l’historienne Anne Couderc, bientôt rejointe par notre sociétaire du jour, Paulin Ismard.

France Inter, 16 janvier 2022

*

Anne Couderc est maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’université de Paris 1, spécialiste des relations internationales, et particulièrement des rapports entre les grandes puissances européennes et l’Etat grec au XIXe siècle.

Paulin Ismard est Professeur d’histoire grecque à l’Université d’Aix-Marseille

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BIBLIOGRAPHIE

Jacques Lacarrière, L’été grec. Une Grèce quotidienne de 4000 ans, Paris, Plon (« Terre humaine »), 1975.

Jean-Luc Martinez dir., Paris-Athènes. Naissance de la Grèce moderne, 1675-1919, Paris, Hazan/Louvre éditions, 2021

Anne Couderc, « Chateaubriand et la Grèce. La France de la Restauration face à la nation hellène », conférence prononcée à l’Auditorium du Louvre, 18 octobre 2021

Anne Couderc, « L’Europe et la Grèce, 1821-1830. Le Concert européen face à l’émergence d’un État-nation », Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, 2015/2 (N° 42), p. 47-74 :

Hervé Mazurel, Vertiges de la guerre. Byron, les philhellènes et le mirage grec, Paris, Belles Lettres, 2013.

Dimitri Skopelitis et Dimitri Zufferey, Construire la Grèce (1770-1843), Paris, Antipodes, 2011.

Yannis Tsiomis, Athènes à soi-même étrangère. Naissance d’une capitale néoclassique, Marseille, éditions Parenthèses, 2017.

François Lissarague, La Cité des satyres. Une anthropologie ludique (Athènes Ve-IVe siècle av. J.-C.), Paris, Éditions de l’EHESS, 2013.

Jean-Claude Golvin, L’Antiquité retrouvée, Paris, Errance, 2015.

Yannis Kiourtsakis, Le Dicôlon, traduit du grec par René Bouchet, Lagrasse, Verdier, 2011.

Yannis Kiourtsakis, La GHrèce : toujours et aujourd’hui, Paris, Editions la Bibliothèque, 2016.

L’équipe

- Xavier Pestuggia Réalisateur
- Ophélie Vivier Attachée de production


La Grèce dans les romans de Philippe Sollers
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Dans Guerres secrètes

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Le pseudo que s’est choisi Sollers n’est qu’une variante d’ Ulysse. L’auteur nous l’a dit plus d’une fois et le redit dans Guerres secrètes :

Guerres secrètes avec aussi en exergue :


Et nous devenus matelots sur le bateau d’Ulysse
toujours nous servirons Dionysos

Euripide

Je me demande depuis un certain temps, alors que j’ai lu et relu Homère, L’Iliade et L’Odyssée, pourquoi ce vieux texte monte de plus en plus vers moi d’une façon fraîche, énigmatique et violente. Et pourquoi, dans le même temps, tout ce qui peut se dire en chinois, dans la stratégie chinoise en particulier, monte avec le même caractère d’urgence. Serait-ce que la Grèce et la Chine ont des choses à se dire ? Le grand stratège Sunzi a vécu entre Homère et Euripide. Ces figures précèdent de peu l’ère qu’on dit chrétienne, et qui méritait mieux que d’inaugurer un calendrier. Les Grecs et les Chinois ont failli se rejoindre après le Concile de Trente. Puis ces mondes se sont séparés, grosso modo depuis la Révolution française, avant d’être peu à peu oubliés de tous : la synthèse, ou plutôt la tenue de la contradiction, n’a pu être opérée longtemps. Les Chinois sont délibérément méconnus. Quant aux Grecs, on sait le sort d’oubli qui leur est maintenant réservé. »

Ph.S.


Philippe Sollers en Grèce, 1978
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Philippe Sollers en Grèce, 1978 (Crédit : philippesollers.net)
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La guerre d’un dieu : Dionysos


Pour aller vers ce dieu grec, si étrange, et sur lequel il reste sans arrêt des choses à dire — puisqu’il est la mobilité même, le masque, la métamorphose incessante—, il faut rappeler quelques données.

La suite ICI

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Dans « Beauté »
(Gallimard, 2017)

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Le narrateur est avec Lisa, en Grèce, son pays. « C’est une virtuose du piano, je me débrouille avec les mots, on aime par-dessus tout le silence. »

L’exergue

« Immortelle est la beauté »
Inscription grecque dans le temple d’Athéna Aphaia à Égine
(5e siècle avant notre ère).

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Ulysse et les Sirènes

Les Sirènes d’autrefois attiraient, sur la côte, les marins grecs de passage, avec leurs chants mélodieux. Ils y allaient, les cons, et leurs ossements s’empilaient sur le sable. Ulysse, attaché à son mât, les a écoutées, après avoir pris la précaution de boucher les oreilles de son équipage avec de la cire. Qu’a-t-il entendu ? On ne sait pas. Un silence assourdissant d’aimant, dit Kafka. L’interprétation idiote traditionnelle veut qu’il s’agisse d’un irrésistible appel sensuel. Mais non, pas du tout, et Webern, attaché au mât de sa musique verticale, vous prévient.

Voici ce qu’elles chantent, les Sirènes de mort :

« Pauvres navigateurs, vous n’arriverez jamais à bon port. Tout n’est plus pour vous que bruit, fureur, chaos, folie, détraquage. Votre vie n’a plus aucun sens. Venez, vous serez consolés, bercés, reposés. Abandonnez ce monde insensé, et jetez-vous dans nos bras de neige. »

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Empédocle

Philosophe, poète, ingénieur et médecin grec de Sicile, du V siècle av. J.-C. Il fait partie des philosophes présocratiques.

Empédocle a raison : nous avons été précipités dans « le pays sans joie » où règne la Haine et son « furieux délire », en même temps que le meurtre, la colère, la sécheresse, la putréfaction, la corruption, et l’errance dans les ténèbres. En surface, tout a l’air lisse, mais, juste en dessous, la séparation fait rage. La souillure natale vous interdit toute remontée vers la source bienheureuse, et vous prive de tout plaisir. La fausse pianiste toquée est là pour détruire la musique, c’est-à-dire « la certitude adorable » de la « vivifiante Aphrodite ». Voilà pourquoi vous êtes « en exil parmi les mortels ».

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Dans Beauté (suite)

FOUDRE


On est en mai, il fait très beau, je suis avec Lisa à Athènes. La nuit, vers 3 h du matin, l’expérience se renouvelle. Mon corps n’est plus là, je plane au-dessus de lui, ça dure à peine trois secondes, mais j’ai tort de dire « secondes », puisque le temps a disparu.

[…]

Après ce coup de foudre à Égine, on est rentrés à Athènes, d’où Lisa devait prendre un avion pour un concert à Berlin. Je la revois à Paris où elle vient de temps en temps. Un soir, à dîner je lui ai demandé si elle avait repensé à Égine. Elle m’a regardé, et m’a dit simplement avec un sourire : « Tu n’as pas remarqué que, depuis, je joue mieux ? » (p. 11-14)

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Dans « L’Eclaircie »

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Sur les dieux grecs

Vous n’allez tout de même pas me dire que Manet est une sorte de dieu grec ? Mais si, justement, à condition de savoir, ou plutôt d’éprouver, ce qu’est un « dieu grec ». Prenons le plus profond penseur qui s’est occupé de ces choses au 20e siècle :
« Un dieu grec n’est jamais un dieu qui commande, mais un dieu qui montre, qui indique. »
Et surtout :
« Les dieux sont ceux qui regardent vers l’intérieur, dans l’éclaircie de ce qui vient en présence. »
Voilà ce que pensait et voyait, sans arrêt, la main de Manet.
(Gallimard, p. 28)

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Ouvrons le livre, nous y lisons aussi

La présence des dieux grecs dans la vie et l’œuvre de Picasso demanderait une étude spéciale. C’est là qu’il est le plus gênant dans un temps désacralisé mécanique. Il se monte la tête, passe sur ses proches comme un rouleau compresseur, n’écoute que ses flûtes de Pan, rend les femmes plus ou moins folles comme un Dionysos ressuscité, prend des bains turcs, torée tout l’après-midi, sculpte, ramasse ce qu’il a sous la main, l’utilise, une selle de vélo fera l’affaire, il a son crâne de bronze bien en main, il le tient.

[…]

Que de dérobades devant la peinture devenant sculpture ! Picasso s’invente une vie de dieu grec. C’est Zeus polymorphe, mais aussi Apollon, Dionysos, Héphaïstos, Arès, Hermès. Ses femmes, ses filles, ses sœurs s’appellent, selon son humeur, Héra, Athéna, Artémis, Aphrodite.

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Nu comme un dieu Grec

Encore dans l’Eclaircie :

Léon, dans Le Déjeuner dans l’atelier, est nu comme un dieu grec qui a juste emprunté un habit (et une auréole de canotier) pour être dans les mœurs de son temps (qu’il dépasse de toutes ses forces).

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Dans « Illuminations : A travers les textes sacrés »

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Sacré Parménide

À l’autre bout du monde grec, on trouve Parménide d’Élée, plus jeune qu’Héraclite et son apparent opposé. Parménide est l’auteur d’un poème,De la nature,aujourd’hui disparu dans son ensemble, malgré de nombreux fragments. A-t-on vraiment dit quelque chose de lui, lorsque l’on a résumé ainsi sa pensée : rien ne peut se transformer ; rien ne naît de rien ; tout a toujours existé ; ce qui n’est rien ne peut devenir quelque chose ; et, comme rien ne peut devenir autre chose, il n’y a guère que l’être et l’éternel ; donc nos sens sont voués à l’illusion.

Élée se situe au sud de Paestum, en face de Palinure.

Elle s’étage de plateau en plateau vers la mer, cependant qu’elle fait face au mont Etoile.

Écoutons à présent le début du poème de Parménide (traduction de Jean-Paul Dumont) [...].


« Les cavales qui m’emportent, m’ont entraîné
Aussi loin que mon coeur en formait le désir,
Quand, en me conduisant, elles m’ont dirigé
Sur la voie renommée de la Divinité,

[…]

La suite du poème de Parménide ICI

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Dans « Complots », La Règle du Jeu, L’Infini…

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Le Parménide de Heidegger

Philippe Sollers : Faisons attention aux dates. Le Parménide de Heidegger résulte de cours prononcés à l’université de Fribourg-en-Brisgau durant l’hiver 1942-1943. Dès le début, Heidegger nous fait remarquer que deux mille cinq cents ans se sont écoulés depuis le commencement de la pensée occidentale. Nous lisons ces cours en français soixante-dix ans après qu’ils ont été prononcés dans les dernières années, les plus terribles, du régime hitlérien. Nous sommes en pleine guerre mondiale, et la bataille fait rage sur le front russe. On se bat à Stalingrad. En décembre 1941, les Japonais ont attaqué Pearl Harbour. Les puissances de l’Axe — le Japon et l’Allemagne — se battent à la fois contre les Soviétiques et contre les Américains. Heidegger s’exprime donc au milieu d’une véritable convulsion historique. C’est depuis cette convulsion qu’il interroge le poème de Parménide, que je ne nommerai pas, comme lui, un « poème didactique » , mais un poème de pensée. Le bruit et la fureur, voilà des mots faibles pour désigner ce qui se passe ; la démence et l’horreur, ces mots ne sont pas davantage à la hauteur du cataclysme.
Nous sommes, dans cet hiver 42-43, dans un moment du temps — de l’histoire — qui décide de ce qu’on appelle la « pensée occidentale ».
Le destin de cette pensée est envisagé à partir d’une langue et d’un pays, l’Allemagne, en train de sombrer dans une catastrophe abyssale.

[…]

Philippe Sollers, Juin 2012.
Ligne de risque 27, questions de François Meyronnis et Yannick Haenel.
L’Infini 121, Hiver 2012.
Complots, Gallimard, 2016.

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