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La dernière toile de Matisse, Katia à la chemise jaune,
au musée de Lyon

D 23 mai 2021     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



Henri Matisse, Katia à la chemise jaune, 1951.
Succession H. Matisse, 2021.
© Lyon MBA - Photo Martial Couderette. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Grâce à une opération exceptionnelle de mécénat du Club du musée Saint-Pierre, au concours de l’État et à la participation de la Ville de Lyon, le dernier tableau peint par Matisse en 1951, Katia à la chemise jaune, fait son entrée au musée des Beaux-Arts de Lyon. L’acquisition de ce tableau, reconnu œuvre d’intérêt patrimonial majeur par le ministère de la Culture, s’inscrit à la suite de l’importante exposition présentée en 2016-2017, « Henri Matisse, le laboratoire intérieur » qui avait été rendue possible grâce à des prêts exceptionnels de musées européens et américains ainsi que de la famille de l’artiste, et déjà avec le concours du Club du musée Saint-Pierre.

Katia à la chemise jaune permet d’enrichir un ensemble déjà important d’œuvres de l’artiste qui concerne tout particulièrement le dessin et le livre. Après son passage à Lyon en 1941, Matisse envoie en 1943 au musée un exemplaire de son livre Thèmes et Variations qu’il accompagne d’une série de six dessins originaux réalisés pour cet ouvrage. À partir de cette date et jusqu’en 1950, il donne également neuf ouvrages illustrés dont l’album Jazz. En 1947, René Jullian alors directeur du musée achète le portrait de L’Antiquaire Georges-Joseph Demotte (1918). Cet ensemble d’œuvres sera encore augmenté en 1993 par Jeune Femme en blanc, fond rouge (1946), déposée par le Centre Pompidou après la dation en 1991 de Pierre Matisse, fils de l’artiste.

Katia à la chemise jaune est inspiré par un modèle, Carmen Leschennes, d’origine suisse, que Lydia Delectorskaya, l’assistante et le modèle russe de l’artiste, lui aurait présenté. Selon Louis Aragon (Henri Matisse, roman, 1971) elle serait apparue en octobre 1950 et le peintre lui aurait préféré le prénom de Katia « parce qu’à son goût cela va mieux à cette femme blonde ».

Le poète nous apprend également qu’il se plaisait à la surnommer « le Platane ». Katia-Carmen inspire à Matisse d’octobre 1950 à juillet 1952 plusieurs œuvres graphiques, une sculpture et deux peintures : Femme à la gandoura bleue (Le Cateau-Cambrésis, musée départemental Matisse) et Katia à la chemise jaune. Les dessins, d’une très grande sensualité, tournent autour de son visage ou la représentent dans sa nudité. Matisse façonne d’après elle un nu en sculpture, qui se cassa en cours d’exécution, comme le suggère un de ses titres : Nu debout/ Taille cassée/Le Platane (1950. Nice, musée Matisse).

Impressionné par la stature monumentale de son modèle, « taille demi-dieux », Matisse cherche à rendre l’élan vital qui l’habite. La jeune femme lui inspire un grand dessin au pinceau à l’encre de Chine avec des découpages, le Nu aux oranges (Paris, Centre Pompidou-MNAM-CCI). Daté approximativement de 1953, il serait plutôt contemporain de la série des études inspirées en 1951 par d’immenses platanes situés à Villeneuve-Loubet, en vue de réaliser un décor pour la villa Natacha de l’éditeur Tériade à Saint-Jean-Cap-Ferrat.

Financement pour l’acquisition du tableau

Classé œuvre d’intérêt patrimonial majeur, le tableau a été acquis auprès de la Pierre and Tana Matisse Foundation, New York pour un montant de 4 800 000 €.

État : 500 000 €
Ville de Lyon : 200 000 €
+ Mécénat

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Henri Matisse, Nu debout/ Taille cassée/Le Platane, 1950.
Nice, musée Matisse. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Henri Matisse, Nu aux oranges, 1952.
Centre Pompidou. ZOOM : cliquer sur l’image.
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DOSSIER DE PRESSE pdf

MBA LYON

« Pourquoi je ne mets pas d’yeux, quelquefois, ni de bouche à mes personnages ? Mais c’est parce que le visage humain est anonyme. Parce que l’expression porte dans tout le tableau. Les bras, les jambes, tout cela ce sont des lignes qui agissent comme dans un orchestre, un registre, des mouvements, des timbres différents. Si on met des yeux, un nez, une bouche, ça n’a pas grande utilité, au contraire, ça paralyse l’imagination du spectateur et ça oblige à voir une personne d’une certaine forme, une certaine ressemblance, etc., tandis que si vous donnez des lignes, des valeurs, des forces, eh bien son esprit part à travers ça et alors… l’imagination est délivrée de toute limite. » Henri Matisse : Entretien avec Georges Charbonnier, 1950.

EXTRAITS DE ARAGON, HENRI MATISSE, ROMAN, PARIS, 1971 (1998)

Depuis au moins octobre 1950 de nouveaux modèles envahissent L’œil matissien. L’un d’eux, on L’appelait d’abord Carmen, puis le peintre a préféré pour lui, pour elle, le nom de Katia, parce qu’à son goût cela va mieux à cette femme blonde. Toute une série de grandes femmes, qui auraient pu être des « platanes », bien que, seule, Katia-Carmen porte ce nom pour Matisse, le Platane. Les dessins de cette période sont d’une merveilleuse sensualité, d’une pureté de lignes et d’une simplicité, qui montrent bien la persistance au-delà de La chapelle de ce culte païen de la femme. Par exemple, la suite de dessins où une sorte de peignoir s’ouvre sur la nudité, et malgré moi j’y trouve toujours quelque chose d’André Rouveyre, de longtemps un ami de Matisse ... mais ça m’entraînerait trop loin. Un jour de l’an 51, au mois d’octobre, parce que « Le Platane » aura revêtu, à son tour revêtu ledit peignoir, nous apprendrons que c’était à nouveau une gandoura, La Gandoura bleue qui donnera son nom au tableau où Katia-Carmen prend couleur. Et ce sera, avec Katia en robe jaune, le dernier tableau, au sens classique d’Henri Matisse (...) ».

« De La couleur ou plutôt : d’une certaine couleur des idées », 1969, p. 707.

On dit que Matisse n’a plus peint, au sens marchand du mot peindre, depuis 1948. Cela est vrai pour l’année de La chapelle. Mais, en fait, les dernières « toiles », puisque la peinture il faut que cela soit des toiles, sont de l’année 1951. J’en ai parlé, décrivant plus haut la saison des Platanes. Je les ai gardées pour ici, à leur place. Ce sont Katia en robe jaune et La Gandoura bleue, images que précèdent tant de dessins. de cette femme à qui Matisse reconnaissait la taille des demi-dieux. Avec elle, nous avons deux fois l’exemple de la peinture à l’échelle de la grande composition à quoi rêvait H. M., et dont les images entrent ainsi dans le monde monumental des grandes gouaches découpées, sœurs de ces femmes bleues de l’année suivante. À côté de ces toiles prend ici place un dessin, qui est aussi Katia-Carmen, Le Nu aux oranges de 1951, et que la couleur des fruits me fait mettre dans l’Anthologie Il, à ce moment de cette anthologie, comme l’un des seuils par où l’on passe d’une province à L’autre chez Matisse, du découpage au dessin, du dessin à la peinture, dans l’univers des demi-dieux, ou tout simplement l’avenir. »

« Anthologie Il », p. 826.

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Le Musée des Beaux-Arts de Lyon s’offre la dernière huile sur toile de Matisse

Le tableau « Katia à la chemise jaune », datant de 1951, a été acquis pour 4,8 millions d’euros.

Par Philippe Dagen

A sa réouverture, le Musée des Beaux-Arts de Lyon présentera une acquisition spectaculaire, une toile d’Henri Matisse (1869-1954). Katia à la chemise jaune figure une jeune femme vêtue d’un corsage jaune et d’une jupe bleu et vert assise dans un fauteuil devant un fond en frottis bleu. La toile, qui mesure 81 centimètres de haut et 60 de large, est signée en lettres majuscules noires « H MATISSE 51 ». C’est sa dernière huile sur toile, mais non sa dernière création.

Jusqu’à sa mort, trois ans plus tard, Matisse continue de dessiner et d’assembler des gouaches découpées. Jusqu’à son achat, l’œuvre appartenait à la Pierre and Tana Matisse Foundation, créée en 1995 par Maria Gaetana Matisse, veuve de Pierre Matisse (1900-1989), deuxième fils de l’artiste et galeriste new-yorkais. Elle a été cédée au musée lyonnais pour 4,8 millions d’euros, un prix qui, si élevé soit-il, paraît modeste au regard de l’intérêt de la toile et des sommes qu’obtiennent dans les ventes aux enchères tant d’œuvres actuelles d’une portée bien moindre.

Signe de femme plutôt que portrait

Son histoire est bien connue. Matisse fait poser celle qui est alors son modèle préféré, Carmen Leschennes, qu’il surnomme Katia, prénom mieux adapté selon lui à sa blondeur, et aussi « le Platane  » en raison de l’impression de force qui se dégage d’elle. C’est cette impression qu’il cherche à fixer entre octobre 1950 et juillet 1952 dans des séries de dessins, une sculpture et deux toiles, Femme à la gandoura bleue, qui appartient au Musée Matisse du Cateau-Cambrésis (Nord), et celle-ci.


Henri Matisse, Femme à la gandoura bleue, 1951.
Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis.
© A. Gauvin, 4 janvier 2018. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Sans doute est-ce dans cette version qu’il y réussit le plus complètement, par la géométrisation et l’amplification des volumes et de visibles simplifications. Deux seins hémisphériques sur un buste tubulaire, une épaule en quart de cercle et un visage ovale sont dessinés par des courbes d’un noir dilué et rehaussé par un jaune intense posé par touches irrégulières. Ainsi le corps est-il réduit à ce qui est essentiel pour l’artiste. L’absence de toute description du visage, dont le contour extérieur est juste tracé sur les couleurs, contribue à accentuer le côté symbolique de la toile, signe de femme plutôt que portrait.

C’est à la suite de l’exposition « Henri Matisse, le laboratoire intérieur » au Musée des Beaux-Arts de Lyon, en 2016-2017, que sa directrice, Sylvie Ramond, s’est engagée dans le processus d’achat. Elle avait pour argument la présence, dans ses collections, de plusieurs Matisse donnés par l’artiste : six dessins de la série Thèmes et variations et neuf ouvrages, dont l’album Jazz.

Lire la critique d’une exposition au Musée des beaux-arts de Lyon (en 2017) : Ce Matisse au trait libre et brutal

L’Etat, la Ville et les mécènes

Matisse n’est pas réputé pour sa générosité, mais il a un motif sérieux d’aimer Lyon : c’est dans cette ville qu’il est opéré avec succès, en 1941, d’un cancer du duodénum. Par ailleurs, René Jullian, alors directeur du musée, a acheté en 1947 le portrait de L’Antiquaire Georges-Joseph Demotte, un Matisse de 1918 qui fait penser à Cranach. Restait à réunir les 4,8 millions d’euros. L’Etat en a versé 500 000, la Ville de Lyon 200 000 et les 4,1 millions manquants ont été ajoutés par les quinze entreprises mécènes du musée, réunies dans le Club du Musée Saint-Pierre, auxquelles se sont jointes pour l’occasion six autres sociétés. Le musée est coutumier de telles coopérations : elles lui ont permis d’acquérir, depuis 2008, deux Poussin, deux Fragonard, deux Soulages et un Ingres.

S’il est le principal enrichissement réalisé durant la période de pandémie, le Matisse est loin d’être le seul. Par achats, dons ou legs, le musée a acquis d’autres œuvres remarquables, parmi lesquelles une Femme au fauteuil (1939), de Wifredo Lam, une sculpture tragicomique d’Erik Dietman nommée Tombe (1992) et deux autres d’Etienne Martin. Elles seront présentées dans une version renouvelée des salles XXe et XXIe siècles du musée.

Lire le récit (dans « M ») : Matisse et son « Intérieur aux aubergines » : itinéraire d’un chef-d’œuvre méconnu

Philippe Dagen, Le Monde

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