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Chris Patten (dernier gouverneur de Hong Kong) :« Nous sous-estimons nos forces face à la Chine »

ou Les leçons de l’Histoire

D 25 juillet 2020     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Pour le dernier gouverneur britannique de Hongkong, Chris Patten, Pékin a montré qu’on ne peut pas lui faire confiance.. Nous reviendrons aussi brièvement sur l’histoire de HongKong et des Britanniques et nous terminerons par un article de La Croix du 1er juillet 1997, date de rétrocession de HongKong à la Chine, d’une justesse prémonitoire : les leçons de l’Histoire ou quand l’Histoire éclaire le présent.

Chris Patten réagit aux dernières décisions de la Chine imposant la loi dite de « sécurité nationale » à Hong Kong afin de museler l’opposition porte-drapeau des idées démocratiques et de liberté.

Chris Patten est un observateur averti des relations avec Pékin, qu’il pratiquées pendant quatre ans avant la rétrocession de Hong Kong à la Chine. Il s’exprime ici dans les colonnes du Monde, après l’avoir fait aussi dans le Figaro avec des mots forts :


Le régime communiste use de méthodes dignes de la mafia.
Chris Patten

Le dernier gouverneur britannique de Hongkong (1992-1997) dénonce la « trahison » de la Chine, et appelle les démocraties à s’unir face au Parti communiste, lors d’un entretien avec des correspondants étrangers basés en Chine.

LE FIGARO (Sébastien Falletti) .- La Chine rompt-elle ses engagements en imposant la loi de sécurité nationale à Hongkong ?

Chris PATTEN.-Cette nouvelle législation est une violation flagrante de la « Loi fondamentale » de Hongkong et de la déclaration sino-britannique que la Chine a signée en 1984. Pékin est obligé de respecter ce traité international de l’ONU jusqu’en 2047, garantissant l’autonomie de Hongkong. Il n’y a pas un manque de droit à Hongkong, il y a seulement un manque de ce que le Parti communiste veut. Cette loi de sécurité nationale a été rejetée par le monde des affaires en 2003. Mais ils s’en fichent. Je suis inquiet. […]

Et voici l’entretien du Monde : :

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Chris Patten : « Nous sous-estimons nos forces face à la Chine »
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L’ancien drapeau colonial est brandi lors d’une manifestation à Hongkong, le 1 er juillet. KIN CHEUNG/APZOOM : cliquer l’image
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Propos recueillis par Cécile Ducourtieux

Pour le dernier gouverneur de Hongkong, Chris Patten, Pékin a montré qu’on ne peut pas lui faire confiance

ENTRETIEN
LONDRES - correspondante

Lord Chris Patten, 76 ans, fut le dernier gouverneur de Hongkong (1992-1997), celui qui géra la rétrocession de l’ex-colonie britannique à la Chine. En réponse à l’adoption, le 30 juin, d’une loi visant à museler la contestation du régime chinois dans la ville, le Royaume-Uni durcit sa position vis-à-vis de Pékin, en suspendant lundi 20 juillet son traité d’extradition avec Hongkong, après avoir banni Huawei de ses réseaux 5G. L’ex-commissaire européen et désormais recteur d’Oxford explique pourquoi les Européens – Britanniques en tête – doivent cesser de sous-estimer leur pouvoir vis-à-vis de la superpuissance asiatique. L’entretien a été réalisé avec un groupe de journaux internationaux, dont Die Welt, El Pais, Libération ou le Neue Zürcher Zeitung.

Imaginiez-vous, lors de la rétrocession de Hongkong à la Chine, qu’on en serait à cette situation d’imposition d’une loi de sécurité nationale par Pékin et de la n du principe « un pays, deux systèmes », qui devait garantir l’autonomie de la ville pendant un demi-siècle ?

En 1997, quand nous avons quitté Hongkong, cette situation d’un territoire avec son haut degré d’autonomie et son Etat de droit, devait perdurer pour cinquante ans. C’était ce que stipulait la déclaration conjointe déposée aux Nations unies. A l’époque, j’avais quand même des désaccords avec des spécialistes de la Chine au Foreign Office, qui me disaient : les Chinois sont des gens de parole. Mais les choses se sont finalement plutôt bien passées, à part une ou deux difficultés, par exemple en 2003, quand il y a eu une première tentative d’imposer une loi de sécurité nationale, un demi-million de personnes étaient descendues dans la rue.

Mais c’est depuis l’an dernier et le projet du gouvernement chinois d’une loi sur l’extradition que la situation s’est détériorée. Hongkong a été victime du durcissement du régime communiste. Il y avait un sentiment croissant au sommet du pouvoir qu’avec la globalisation, Internet, l’urbanisation du pays, le Parti communiste allait perdre sa capacité à garder le contrôle sur le pays. Et depuis que Xi Jinping a accédé au pouvoir [en 2013], les dissidents ont été traités bien plus durement et les musulmans du Xinjiang d’une manière épouvantable.

Hongkong représentait tous ces aspects de la démocratie libérale, que le Parti communiste chinois considère comme une menace à son hégémonie. Si les événements qui s’y jouent sont si importants pour le reste du monde, c’est parce qu’ils montrent à quel point il n’est pas possible de faire confiance à la Chine. Ils illustrent aussi ce conflit entre démocratie libérale et autoritarisme qui se joue au XXI siècle. La question n’est pas de savoir si vous aimez la Chine ou pas, mais si vous êtes prêts à résister à la politique d’intimidation du Parti communiste chinois. Pour les Européens et les Britanniques, il ne devrait y avoir qu’une réponse possible.

L’Union européenne [UE] a répondu mollement, après l’imposition de la loi de sécurité nationale à Hongkong, certains Etats dépendant fortement des investissements chinois. Doit-elle se montrer plus dure, notamment l’Allemagne ?

En tant que britannique, je ne peux donner aucune leçon aux Européens – même si j’étais passionnément en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union. Mais où sont les valeurs européennes avec ce qui se passe en Hongrie et en Pologne ? Avec M. Orban qui dénonce l’UE du lundi au vendredi et empoche les chèques européens du samedi au dimanche ? La politique étrangère commune ne peut se fonder uniquement sur la base de l’importance des montants que vous avez empruntés à la Chine ! [qui multiplient les atteintes à l’Etat de droit]

Ce que Pékin a fait avec son initiative des « nouvelles routes de la soie » est d’exporter ses crédits et ses dettes à d’autres pays. Cette diplomatie de la dette risque de causer des dommages irréparables à l’UE. Il s’agit d’un sujet fondamental auquel elle doit faire face même s’il risque de provoquer de fortes tensions en son sein.

Ce serait manquer de respect à Angela Merkel de penser qu’elle ignore ce que veut dire vivre dans une société libre. Elle a grandi dans une société qui n’était pas libre, elle sait la différence entre un Etat policier et un pays libre. Je suis sûr qu’elle écoute les préoccupations des industriels allemands qui ont de gros intérêts en Chine, mais je ne pense pas que la seule manière de convaincre les consommateurs chinois d’acheter des voitures allemandes est de passer sous silence le génocide des Ouïgours ou l’agression envers Hongkong.

Le Brexit a-t-il à voir avec la ligne ferme adoptée par Londres vis-à-vis de Pékin ?

Soyons clairs, le Royaume-Uni serait dans une position bien meilleure si nous étions toujours membres de l’UE pour adopter une ligne sensée et construire un dialogue sur le long terme avec la Chine. Nous sommes dans une position bien moins forte désormais. Je suis satisfait que nous ayons pris des mesures fermes mais j’espère que nous comprendrons que nous aurons plus de chances de construire un monde plus sûr et soutenable si nous travaillons avec nos collègues européens, ainsi qu’avec l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande ou les Etats-Unis.

Une de nos illusions nationales est basée sur cette notion d’exceptionnalisme : nous, Britanniques, serions différents des autres Européens et aurions plus d’influence hors de l’UE. Nous sommes la cinquième ou sixième économie au monde, notre enseignement supérieur, notre culture, notre armée sont encore de grands atouts, mais nous ne pouvons pas agir autant que nous le voudrions seuls. L’un des principaux slogans de la campagne mensongère du Brexit était (« reprenez le contrôle »). Dans le monde d’aujourd’hui, celui de la pandémie, reprendre le contrôle c’est travailler avec d’autres. [en 2016] « Take back control »

Quel type d’action souhaiteriez-vous de la part des Européens, Britanniques compris, pour prévenir l’agressivité chinoise ?

J’espère qu’en novembre prochain , nous aurons un président américain croyant aux alliances, car la vérité, c’est qu’il est très difficile à l’Europe de bâtir une stratégie cohérente sur de grands sujets sans implication des Etats-Unis.

Si nous ne parvenons pas à travailler ensemble, la Chine va cibler les pays les uns après les autres : l’Australie, l’Inde, etc. [lors de l’élection présidentielle]

Nous ne devrions pas autant nous laisser intimider. Si nous agissons de concert, nous pouvons faire face à une Chine qui se comporte mieux, ce qui est dans nos intérêts et dans les siens. Nous sous-estimons nos forces vis-à-vis de Pékin. Quand Liu Xiaobo [écrivain et militant des droits de l’homme] a reçu le prix Nobel de la paix en 2010, la réaction immédiate du régime communiste a été de menacer la Norvège : on ne vous achètera plus rien. La Norvège vend principalement du saumon à la Chine. Devinez quoi ? Les ventes de saumon norvégien au Vietnam ont bondi, et les ventes de saumon du Vietnam à la Chine ont bondi à leur tour…

Pensez-vous que, confronté à la résistance occidentale, le régime chinois pourrait adopter une diplomatie moins agressive ?

Question difficile. Je ne sais pas si le pouvoir chinois va comprendre à quel point il a mal joué [en se mettant à dos nombre de démocraties] ou s’il a suffisamment de crédit politique auprès de sa population pour revenir sur ses positions. Nous avons constaté la montée du nationalisme chinois. C’est le sentiment nationaliste qui est attisé dans le cas des frictions avec Taïwan ou l’Inde. Peut-être que le pouvoir se sent obligé d’en passer par là, parce que sa crédibilité dans la gestion de la crise du Covid-19 a été entamée et parce qu’il sait que l’économie nationale est dans une bien moins bonne situation qu’il veut bien l’admettre ?

Le Royaume-Uni doit-il aller plus loin et imposer des sanctions individuelles contre les dirigeants Chinois, visant leur traitement de la population ouïgoure ou de Hongkong ?

Nous venons d’introduire notre propre politique de sanctions basées sur les droits humains [mi-juillet]. Mais je suis plutôt partisan d’attendre de voir comment les Chinois vont utiliser le mécanisme sécuritaire qu’ils ont implanté à Hongkong. Ce qui s’y passe est un exemple de ce que le sinologue américain Perry Link [de l’université de Princeton] a appelé « l’Anaconda dans le lustre ». Les gens savent qu’il y a quelque chose d’horrible au-dessus de leur tête mais ne savent pas quand, ni si elle va leur tomber dessus. C’est le règne de la peur au lieu de celui de l’Etat de droit. En général, je ne suis pas un partisan des sanctions, je suis en revanche pour défendre l’Etat de droit.

Vous êtes le recteur de la prestigieuse université d’Oxford. N’êtes-vous pas inquiet de la perte de revenus pour l’institution, si les étudiants chinois viennent moins nombreux ?

Il est vrai que pour financer leur éducation supérieure, le Royaume-Uni, comme l’Australie et quelques autres dépendent trop des étudiants étrangers, notamment des Chinois. Je suppose , le nombre d’étudiants chinois va baisser à cause de l’épidémie et des difficultés à voyager. Mais j’espère qu’Oxford va continuer à attirer des étudiants du monde entier. L’institution doit cependant rester claire sur deux points : elle doit continuer à s’opposer à toute forme de racisme, à toute forme de sinophobie. Elle doit aussi très fermement défendre les valeurs de la démocratie libérale, elle doit rester au cœur de ce qu’elles signifient.

Propos recueillis par Cécile Ducourtieux

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Le Royaume-Uni suspend son traité d’extradition avec Hongkong
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C. DU. (Londres, correspondante)

LUNDI 20 JUILLET, Le gouvernement britannique a annoncé deux nouvelles réponses « nécessaires et proportionnées » à l’imposition, le mois dernier par Pékin, de sa loi de sécurité nationale à Hongkong, ex-colonie britannique rétrocédée à la Chine en 1997. Le Royaume-Uni va d’abord étendre à Hongkong son embargo sur les ventes d’armes appliqué à la Chine depuis le massacre de Tiananmen de 1989. Lundi 20 juillet, a précisé le ministre des affaires étrangères, Dominic Raab. (…)

« Cette extension de l’embargo signifie qu’il ne pourra y avoir aucune exportation d’armes potentiellement létales du Royaume-Uni vers Hongkong, Sera aussi concernée une interdiction d’exporter des équipements pouvant être utilisés à des fins de répression intérieure, tels des chaînes, des équipements d’interception, des armes à feu ou des grenades fumigènes. »

Downing Street a par ailleurs décidé de le traité d’extradition entre le Royaume-Uni et Hongkong « immédiatement et définitivement », a précisé M. Raab. Ce traité permettait jusqu’à présent aux autorités britanniques de réclamer que soit livrée à leur justice toute personne suspectée de crime au Royaume-Uni et résidant à Hongkong – et vice-versa pour les autorités hongkongaises. « suspendre »

Désormais, une personne suspectée de crime par Hongkong et résidant au Royaume-Uni ne pourra plus être renvoyée vers Hongkong. Londres craint qu’elle ne finisse par tomber aux mains de la justice chinoise. a insisté Dominic Raab.

« Nous ne réactiverons pas ce traité tant que de clairs et solides garde-fous n’auront pas été mis en place pour prévenir le détournement d’une extradition depuis le Royaume-Uni dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale ». Cette décision permettra de mieux garantir la sécurité des militants hongkongais inquiétés par Pékin qui accepteraient l’offre de Londres de venir se réfugier au Royaume-Uni. Fin juin, le pays a confirmé que les 300 000 détenteurs d’un BNO (passeport dit « Britannique d’outre-mer », octroyé au moment de la rétrocession à Pékin), allaient bénéficier d’un visa de séjour de cinq ans au Royaume-Uni et de la possibilité d’y réclamer la nationalité britannique. Le militant prodémocratie Nathan Law a annoncé, il y a quelques jours, sur Twitter, qu’il venait d’arriver à Londres.

« En finir avec la naïveté »

L’ex-leader étudiant a déjà rencontré des élus britanniques, dont Iain Duncan Smith, ex-chef de le du Parti conservateur, et l’un des députés les plus remontés contre la Chine à la Chambre des communes. Il fait partie de la grosse soixantaine de tories qui ont milité, ces derniers mois, pour un bannissement complet de Huawei du marché de la 5G au Royaume-Uni. Ils ont eu gain de cause mi-juillet, le premier ministre, Boris Johnson, revenant sur le feu vert octroyé début 2020 au géant chinois des télécommunications. Les « faucons » ne se recrutent pas que dans les rangs conservateurs : la défiance à l’égard de la Chine est désormais générale parmi les responsables politiques britanniques. Les travaillistes ont approuvé le durcissement de ton supplémentaire de Downing Street lundi, tout comme ils avaient approuvé l’interdiction d’achat de matériel Huawei une semaine plus tôt. Il est « extrêmement bienvenu » a jugé Lisa Nandy, ministre des affaires étrangères du cabinet fantôme de Keir Starmer, leader du Labour. La jeune femme a même souhaité une « nouvelle ère » dans les relations entre son pays et la Chine. « Nous devons en finir avec la naïveté de l’ âge d’or [souhaité par l’ex-premier ministre David Cameron] et davantage baser notre politique étrangère sur l’éthique. Nous n’avons rien contre les Chinois, mais contre l’érosion des libertés à Hongkong, l’action du gouvernement chinois en mer de Chine ou le traitement épouvantable du peuple ouïghour. »

Londres, correspondante


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1er juillet 1997, la rétrocession de Hong Kong à la Chine communiste
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[CE JOUR-LÀ] Après 156 années de souveraineté britannique, Hong Kong était rétrocédée le 1erjuillet 1997 à la Chine. Un retour à la mère patrie communiste célébrée dans le monde chinois.


Cérémonie, le 1er juillet 1997, marquant la fin de 156 ans de domination britannique sur le territoire de Hong Kong et la rétrocession à la Chine . (à droite les militaires britanniques s’en vont, laissant la place aux militaires chinois). Paul Lakatos/AFP
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CONTEXTE

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Cédé à l’Empire britannique en 1841 après les guerres de l’opium, puis loué en partie pour 99 ans, Hong Kong célébrait le 30 juin 1997 dans une ambiance de fête mêlée d’inquiétude sa réintégration dans la grande Chine actée en 1984 et effective le soir même à partir de minuit.

En envoyant immédiatement 4 000 soldats et en intronisant son nouveau gouvernement, Pékin imposait sa nouvelle autorité sur cette nouvelle région administrative spéciale (RAS), un statut créé à l’occasion. Pour les Européens, l’événement marquait la fin d’une longue histoire coloniale, la fin d’un empire et l’émergence d’une nouvelle puissance chinoise et asiatique, à l’aube du XXIe siècle.

Mais « loin des discours, des concerts et des cocktails qui avaient marqué cette première journée sous souveraineté continentale », « le petit peuple  » s’était «  réfugié chez lui, regardant avec circonspection cette transition historique au sujet de laquelle ils n’avaient jamais eu leur mot à dire », rapportait Dorian Malovic, envoyé spécial pour la Croix à Hong Kong à l’occasion des cérémonies. Une ère pleine de doutes, d’inconnues et d’incertitudes sur le respect des libertés religieuses et démocratiques commençaient pour « cette citadelle asiatique d’un capitalisme débridé ».

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"La Croix" du 1er juillet 1997

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Par Dorian Malovic, envoyé spécial

Hong Kong survivra. Comme elle l’a déjà fait avec les Britanniques et contre les communistes chinois il y a cinquante ans. Sans les Britanniques et avec les capitalistes chinois, comme elle s’apprête à le faire le 1er juillet 1997. Lorsque le dernier gouverneur de la colonie, Chris Patten, aura quitté le territoire à bord du yacht royal Britannia, après avoir passé le relais à son successeur chinois de Hong Kong, Tung Chee-hwa, l’histoire de ce petit territoire et de ses 6,5 millions d’habitants ne s’arrêtera pas.

Une nouvelle ère chinoise s’ouvre devant lui. Pleine de doutes, d’incertitudes et d’inconnu, mais comme par le passé, Hong Kong saura sans aucun doute trouver l’énergie et le dynamisme nécessaires pour surmonter d’éventuelles douloureuses épreuves.

Tout au long de ce siècle, Hong Kong a su tirer avantage de tous les soubresauts dramatiques et sanglants de l’histoire chinoise continentale. De la chute de l’empire Qing en 1911 à ce 1er juillet 1997 où elle retourne dans le giron chinois, Hong Kong a toujours encaissé les chocs : occupation japonaise (1941-1945), arrivée des communistes au pouvoir à Pékin (1949), révolution culturelle (1966-1976), ouverture et réformes économiques lancées par Den Xiao Ping en 1978, crash boursier en 1987, massacre de Tien An Men en 1989, brève récession économique en 1991… Hong Kong a payé parfois très cher ces bouleversements mais a toujours survécu.

La fin d’une longue histoire colonialeC’est en partie cette rage de survivre qui fait de cette rétrocession à la Chine un des grands événements de cette fin de siècle. Mais c’est aussi et surtout pour les Européens, la fin d’une longue histoire coloniale, la fin d’un empire et l’émergence d’une nouvelle puissance chinoise et asiatique, à l’aube du XXIe siècle. Comme le disait un riche homme d’affaires hongkongais il y a quelques jours : « Le XIXe siècle aura été européen, le XXe siècle américain et le XXIe sera chinois… ».

La roue tourne et au moment où l’Europe se bat pour construire son unité, seule alternative pour faire face au grand défi planétaire du prochain millénaire, on ne peut regarder cette rétrocession sans une certaine nostalgie d’une glorieuse époque passée, mais aussi avec une crainte de se voir surpassé par les nouvelles puissances asiatiques.

Ce qui donne au retour de Hong Kong à la Chine une autre dimension historique et unique : d’abord, la colonie ne célèbre pas son indépendance, comme l’ont fait bien d’autres pays à l’ère de la décolonisation dans les années 50 et 60, mais va rejoindre son ancestral continent d’origine.

De plus, ce n’est pas un territoire pauvre, endetté ou qui meurt de faim, qui est rendu, mais une des économies les plus prospère au monde, plus riche que la Grande-Bretagne (la puissance coloniale), 7e puissance commerciale de la planète avec un PNB par habitant de 23 000 dollars, et dotée d’un des systèmes financiers les plus sophistiqués au monde. Ce qui conduit à s’arrêter quelques instants sur le bilan de cette colonisation britannique, atypique à plus d’un titre.

Dans le cas précis de Hong Kong, on ne peut pas parler du modèle classique de colonisation où il y aurait eu des « maîtres et des esclaves », des exploiteurs et des exploités. En 1841, il n’y avait pas d’exploité potentiel sur ce rocher désertique. Il n’y a pas eu de « traite des Jaunes » sur Hong Kong. L’histoire violente et tourmentée de la Chine a largement pourvu à l’afflux des millions d’émigrants volontaires venus trouver un refuge sur ce territoire où l’État de droit était en vigueur depuis le début.

Un parfum de liberté en plusDans ce cadre, les deux sociétés britannique et chinoise, qui ne se mélangeaient pas il est vrai, ont prospéré dans les affaires, le commerce et les trafics les plus illicites. Chacun y a trouvé son compte finalement et, 156 ans après, les plus « fortunés » du territoire ne sont pas les Occidentaux ou les Anglais, mais les Hongkongais. Hong Kong est situé en Extrême-Orient mais bénéficie de tous les avantages technologiques de l’Occident avec le parfum de liberté en plus qui n’est pas encore à l’ordre du jour à Pékin.

Ainsi, en dépit de ce « modèle de colonialisme » comme l’a qualifié David Tang, un des busnessmen les plus en vue de Hong Kong, certains Britanniques se demandent si les conditions dans lesquelles se déroule cette rétrocession sont bien dignes d’une grande démocratie comme la Grande-Bretagne.

S’exprimant dans les colonnes du très respecté hebdomadaire local The Review, l’historien anglais Paul Johnson redoute que la « postérité ne soit très sévère contre nous d’avoir rendu Hong Kong et son peuple aux autorités de Pékin. Ces dernières sont différentes de celles de 1840, mais, sur le fond, ce sont les mêmes. Ils sont autocratiques, cruels, pris dans une idéologie absurde, méprisent l’État de droit et sont, de surcroît, corrompus. Leurs faiblesses morales sont les mêmes, sinon pires, et toutes les raisons qui ont poussé les Britanniques à créer Hong Kong en 1841, restent plus que jamais valables aujourd’hui. »

Cette nouvelle page d’histoire de Hong Kong reste à écrire. La grande question est de savoir si l’identité culturelle hongkongaise sera assez forte pour influencer (comme elle l’a déjà fait dans les affaires) les consciences chinoises continentales ; ou bien si Pékin ne laissera aucune chance à des idées qu’elle juge « subversives », de passer la frontière

Juillet 2020 : « Fin de partie » pour Hong Kong. Cet article de La Croix du 1er juillet 1997 se révélait très prémonitoire.
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