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Temps profond ou Denis Roche plus que présent

Un monde de livres, 28 novembre 2019 / art press 471, novembre 2019

D 31 août 2021     A par Albert Gauvin - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


« le dieu qui donne ses ordres à l’anarchie »


RCJ, Un monde de livres
Josyane Savigneau, 28/11/2019.
Invités : Philippe Sollers
Jacques Henric et Vincent Roy.
Au sommaire :
Philippe Sollers, Lettres à Dominique Rolin (1981-2008)
Denis Roche, Temps profond
L’émission dans son intégralité

Sur Denis Roche

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L’article de Denis Roche sur Paradis : Tout est paradis dans cet enfer.

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A l’occasion de la publication de divers ouvrages de Denis Roche — Temps profond. Essai de littérature arrêtée 1977-1984, A Varèse. Un essai de littérature arrêtée (Seuil, Fiction & Cie), Louve basse (Seuil, Points) — et sur Denis Roche — Jean-Marie Gleize, Denis Roche. Éloge de la véhémence (Seuil, Fiction & Cie) ; Guillaume Cassegrain, Vanishing Point (approches de Denis Roche) (Fage) —, art press consacre, dans son numéro de novembre, un dossier à l’écrivain et au photographe.

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Denis Roche, 4 février 1983, Capri,
Ph. Françoise Peyrot.

La présentation de Jacques Henric.

temps profond

Jacques Henric


art press 471, novembre 2019.
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LE SOMMAIRE COMPLET

DENIS ROCHE AU SEUIL

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EXTRAIT 1

D’un geste familier il sortait de la poche droite de sa veste le carnet de feuilles légères, à la brochure fragile, sur lequel il notait, à un rythme irrégulier, une phrase entendue ou lue, une idée, un rêve, un fragment de récit, une rencontre, une citation ou des titres de livres, un récit sexuel, quelques points de repère, une liste de courses diverses, une conversation, qui lui serviraient peut-être plus tard, matière vivante, matrice de la littérature à venir.

Après avoir transformé certaines de ces notes en pages définitives toujours précisément datées, une version brève ou détaillée de la même scène pouvant cohabiter, ou pour certaines, les avoir écrites dans l’élan du moment avant que le souvenir des détails ne s’efface, il les avait, au fil du temps, réunies dans une chemise qui porte la mention Essais de littérature arrêtée 1977-1984, et dans laquelle il avait glissé quelques textes postérieurs. Puis il n’en avait plus parlé, s’agaçant des questions qu’on pouvait lui poser sur ce manuscrit fantôme.

Mais tout au long des années il avait gardé à maintes reprises ce même dispositif — une date, un récit — auquel il donnait des titres différents selon l’usage qu’il en faisait. Ainsi le livre À Varèse paru en 1986, ou les nombreux récits des moments qui précèdent la prise d’une photo et qu’il caractérisait comme une Montée des circonstances, ou diverses préfaces, articles de presse, etc., auxquels, aussi différents soient-ils, il imposait cette même forme. Cette publication des textes qu’il avait choisi de rassembler, ceux des premières années, restés inédits à de rares et partielles exceptions près, permet de compléter le puzzle et d’en éclairer la cohérence.

Il manque à ce livre silencieux le staccato rapide de la machine à écrire dont les touches enfonçaient le papier vergé qu’il aimait utiliser. La lente sédimentation des années a balayé la poussière des pistes trop attendues — autobiographie ou journal intime — pour révéler les fondations du « grand livre lyrique » dont l’obsession ne l’avait pas quitté et dont il voulait réaliser l’unité en exploitant les notes d’une vie entière pour en faire la matière même de l’écriture.

En témoignent quelques indices dans ses carnets, telle cette phrase, le 30 mars 1981, à Louxor, « [...] pensant en même temps aux différents dieux Nil qu’on voit un peu partout "ligaturant" les deux joncs (la Haute et la Basse-Égypte) [...] et à cette figure que les Aztèques appelaient "la ligature des années" je me dis que si je publie le premier tome du Journal sous le titre Essais de littérature arrêtée le deuxième devrait s’appeler La Ligature des années ».

Et aussi cette note en date du 11 janvier 2002, d’une précision ambiguë : « TEMPS PROFOND sera donc le titre des Essais de littérature arrêtée. Je l’ai dit à Françoise. Reste à l’écrire. » (p. 11-12)

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EXTRAIT 2

Texte lu par Jean Henric le 28 novembre 2019 lors de l’émission de Josyane Savigneau.

3 janvier 1981 (samedi). — Toute la nuit Françoise a de la fièvre, je sens sa chaleur le long de moi. Quand elle se tourne dans la nuit, le mouvement qu’elle fait en soulevant les draps et les couvertures pousse encore plus sa chaleur vers moi. Je caresse ses seins tandis qu’elle dort, je lui murmure quelques mots à voix très basse pour qu’elle ne risque pas d’entendre. Je sens la chaleur intense de ses seins sous la paume de ma n1ain, comme le rocher en fin de journée en été. Même le mamelon est chaud. Je le lui dis quand elle se réveille. À un moment donné, dans la première partie de la nuit, je suis réveillé par un très violent mouvement de vent dehors. J’ouvre la fenêtre et je vois vraiment le vent qui s’engouffre dans la cour par la droite en passant dans les deux arbres sans feuilles. Ça fait une sorte de ronflement qui se casse dès que la trombe d’air est prise entre les murs de gauche. Je me dis que ça va bien avec la fièvre de Françoise. Je la regarde souvent dans la nuit.
Ensuite il fait une journée grise, avec peu de vent. Je suis seul quasiment tout le temps, Françoise, épuisée, dort au­ dessus de moi, Adrien est occupé ailleurs. Micheline travaille et reviendra coucher ici le soir. André et Nicolas viendront sans doute en fin d’après-midi. Je vais et viens un peu partout dans la maison, j’écoute des disques, je prends des notes encore pour mon article sur Paradis. J’ai commencé de lire Le Chant du bourreau de Mailer.
Ce matin, essayant de sortir de cette hébétude propre aux jours gris et où quelqu’un est malade, je m’assieds sous la douche pendant une demi-heure. Je suis assis en tailleur, le dos calé dans l’angle du mur. La céramique est tiède. L’eau tombe de haut sur mes épaules et le dedans de mes cuisses. Je me branle longtemps, le regard perdu sur le mur opposé, la pièce noyée dans la buée à peine rouge à cause de la lumière réfléchie sur les murs qui ont la couleur du sang. Quand j’éjacule, le sperme retombe sur mes mains et mon bas-ventre et l’eau l’emporte assez vite. Je reste encore un moment après avoir joui, profitant de l’étonnante détente.
Troisième acte de la Tosca, encore une fois, tandis que je commence à taper. (p. 126-127)

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art press 471, novembre 2019.
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LIRE DANS ART PRESS :
Laurent Perez, ultima multis

LIRE AUSSI :
Tiphaine Samoyault, Reprendre la littérature
Fabien Ribery, Faire l’amour comme on cueille du tilleul, par Denis Roche, écrivain
Maryline Desbiolles, Denis Roche, je lis

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Louve basse

« J’ai commencé d’écrire Louve basse fin 72, quelques mois après un premier texte en prose, Artaud refait, tous refaits !, en grande partie fabriqué au magnétophone – et le seul à se retrouver ici non retravaillé. J’annonçai en même temps, en publiant Le Mécrit, la fin d’une démonstration appliquée jusqu’alors à la seule pratique poétique : à savoir que la poésie était une lande pelée où le langage ne soufflait plus qu’à "mots couverts", que ses différents fermiers s’y gelaient le cul, que les rats se mettaient à y pisser partout.

Pendant deux ans, je publiai divers morceaux de Louve basse, comptant sur l’événement pour faire "prendre" le discours, mordant sur la tranche d’angoisse qu’on tient généralement à distance, assemblant en moi comme une figure furieuse de chien et occupé à déterrer peu à peu l’objet d’un plus fort désir : un os à ronger "toujours", mon os de mort sur quoi je m’excitai à fond. Je lus beaucoup, visitant des cimetières et accumulant comme un chien – ce dont la louve n’est que l’avatar déplacé et asymbolique.

J’examinai, aussi, de façon obscène, la littérature (Louve basse, dans son projet initial, devait s’appeler La Femme et la prose), repensant vaguement au Cymbalum mundi qu’on avait brûlé en place publique parce que Bonaventure Des Périers y faisait tenir des propos philosophiques par des chiens. En fin de compte, rien ne me parut vraiment irréductible à la vocifération humaine généralisée, par quoi la Mort ne cessait de m’asticoter, et l’écriture de m’envahir.

Au printemps 74, d’accord avec le jésuite Spiegel qui disait que les "fesses ont été données à l’homme pour qu’étant commodément assis, il puisse se livrer à son aise à l’étude des choses divines", je disposai autour de ma machine à écrire les 4 à 500 feuillets de ce que j’appelais mon "ensemble rongeur" et j’y allai une dernière fois, dans une langue de vent violent où j’eus beaucoup de peine à ne pas être tué, agité d’un vaste désespoir de danse, de musique et de nudité. » — Denis Roche.

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Avant-garde : en 1976 à la publication de son roman de 240 pages Louve basse, Denis Roche revendique « totalement et délibérément la métaphore militaire » : « c’est curieux, personne ne se réclame jamais de l’arrière-garde, or 99% des gens qui écrivent sont d’arrière-garde » dit-il, or « nous sommes en guerre contre les autres écrivains qui sont eux-mêmes en guerre contre nous. Et nous sommes en guerre à l’intérieur d’un certain type de discours [...] ».

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Sur Louve Basse :

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LIRE : Denis Roche : après Louve basse pdf (propos recueillis par Olivier Biegelmann, Textuerre, n° 3-4, mai 1977, p. 4-22) (crédit : axolotldenisroche)

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Denis Roche : « Je suis partagé d’enthousiasme entre l’éphémère et le définitif, entre le délibéré et l’improvisé »

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Denis Roche, 1978. Crédits : Andersen Ulf - Sipa.

Écrivain, éditeur, poète, photographe, en 2002, Denis Roche était invité par l’émission "A Voix Nue". Il évoquait ses diverses activités artistiques, ainsi que sa vie. Premier et dernier épisode de la série.

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Écrivain, traducteur, éditeur, fondateur de la collection Fiction&Cie, photographe, co-fondateur des Cahiers de la photographie, Denis Roche a été secoués par les avant-gardes des années 1970. La revue Tel Quel, qu’il publie et en tant que membre du comité de rédaction, son recueil de poésie le Mécrit suivi par un roman, Louve basse (1976), relèvent de cette » machinerie congestive » qui caractérise son activité créatrice. S’il figure au sommaire du n°1 d’artpress, en décembre 1972, c’est parce que la rencontre entre la revue, qui accordait déjà une large place à la littérature, et le traducteur et poète d’alors s’inscrivait dans une commune vision de la littérature et de l’art. Par la suite, c’est de photographie qu’il est question dans les entretiens. Il s’y montre toujours véhément dans la défense de cette discipline et souligne sa parenté avec l’écriture.

Par Bernard Dufour, Régis Durand, Alain Fleischer, Jacques Henric, Marin Karmitz, Carole Naggar, Michel Nuridsany, Jean- Pierre Salgas.
Préface de Philippe Forest.

« La photographie crée du réel, elle en crée sans arrêt. Le réel est multiplié en milliards d’autres réels »

DENIS ROCHE PHOTOGRAPHE

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Denis Roche
Éloge de la véhémence
Jean-Marie Gleize

Il ne saurait y avoir de « portrait complet » de Denis Roche. Pourquoi ? En raison de sa mobilité extrême, de la multiplicité des positions qu’il a occupées successivement ou simultanément : écrivain et photographe, éditeur et traducteur, poète et post-poète. Parfait dandy révolté, érudit désinvolte, promeneur solitaire, amoureux absolu, créateur de formes. Il est peu d’œuvre aussi stratégiquement déterminée que la sienne mais en même temps aussi fougueusement improvisée. Ennemi irréductible du lyrisme des « poètes », il est aussi le plus lyrique des artistes. Le plus radical et le plus véhément. Son influence est décisive, à la mesure de son indifférence à l’exercer. On tente ici d’en restituer tout le plus vif.

EXTRAIT

Denis Roche, inventeur de formes, écrivain révolutionnaire

L’écrivain et poète Jean-Marie Gleize s’est ré-immergé dans l’œuvre foisonnante de Denis Roche, qui l’édita dans sa collection « Fiction & Cie », au Seuil, pour lui consacrer une biographie.

Propos recueillis par Nils C. Ahl (Collaborateur du « Monde des livres »)

Le Monde. Publié le 21 novembre 2019


27 décembre 1990, Madurai, Inde. DENIS ROCHE.
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Pour accompagner la parution de Temps profond, un ­livre singulier, biographique, sur Denis Roche, paraît dans la collection « Fiction & Cie » du Seuil, qu’il a lui-même fondée en 1974. L’ouvrage est ­signé par l’un des auteurs qu’il y publiait, Jean-Marie Gleize. Les hasards de l’édition sont parfois heureux. Une sorte d’évidence se dégage, cependant, à la lecture de ce texte ardemment méticuleux, aussi juste que transporté, qui tourne autour de son sujet et multiplie les ­angles. « Il part dans tous les sens mais de manière concertée, me semble-t-il  », avance Jean-Marie Gleize, dont le dernier texte, Trouver ici, est paru en 2018, toujours chez « Fiction & Cie », désormais ­dirigée par Bernard Comment. Tirer le fil qui relie l’homme, né à Paris en 1937 (fils d’un père prospecteur de pétrole qui lui fit passer ses premières années au Venezuela, à Trinidad et au Brésil), le poète, qui écrivit entre 1962 et 1972 puis s’arrêta, l’éditeur (entré au comité du Seuil en 1971) et le photographe, voilà le menu de ce texte, si opportunément sous-titré Eloge de la véhémence.

En descendant le cours de votre livre, on se rend compte de la sinuosité, des écarts, des détours, et pourtant de la constance et de l’intensité du parcours de Denis Roche, paradoxalement fait de ruptures radicales…

Denis Roche est tout à fait insaisissable, tout à fait multiple, tout à fait centrifuge. Il y a chez lui une sorte d’improvisation fiévreuse, mais aussi une stratégie d’ensemble, qui existe et qui est forte. J’espère ne pas être tombé dans le panneau de ­reconstruire un Denis Roche trop simplifié… Ce qui est frappant, c’est que dans les écoles de photographie, Denis Roche est connu comme photographe exclusivement, pas comme écrivain. Il y a un cloisonnement dont il est en partie responsable, dans la mesure où il a toujours tenu à dire qu’il s’agissait de pratiques spécifiques, sans rapport les unes avec les autres. Néanmoins, il suffit de regarder les choses pour se rendre compte qu’il s’agit d’un seul et même ­effort déployé dans différents domaines, de différentes façons. Certes, il a, dans un premier temps, travaillé la matière poésie, pour en sortir [en cessant d’écrire de la poésie]. Il y a une rupture, là, et pourtant, non : des livres comme Louve basse (1976), qui se présente comme un roman, sont, d’un point de vue technique, de la poésie prolongée par d’autres moyens. Quand on interrogeait Denis Roche sur son activité d’éditeur, il en parlait comme d’une pratique professionnelle qui n’avait rien à voir avec le reste. Pourtant, dans son écriture, on voyait bien une ouverture à d’autres écritures : il s’est toujours nourri de celles-ci, et il entretenait avec ses auteurs une relation faite de dialogue ­intellectuel et artistique.

Est-ce qu’à l’origine de ce livre il y a justement la volonté de rendre une cohérence à la figure de Denis Roche ?

Il est très clair que j’ai voulu lutter ­contre le découpage de Denis Roche en tranches indépendantes les unes des autres, et ­rétablir la complexité-continuité de son travail. Mais ce qui m’a d’abord poussé à l’écrire, c’est la longue fréquentation de Tel Quel [groupe littéraire auquel Denis Roche appartint à partir de 1962], puis de Denis Roche, qui m’a accueilli chez « Fiction & Cie ». J’ai longtemps enseigné la poésie contemporaine dans les universités, et Denis Roche m’a toujours été d’un grand secours. Lorsqu’il est mort [le 2 septembre 2015], je me suis dit que j’avais une dette à son égard. Evidemment, j’avais une relation de complicité intellectuelle, affective, très proche. Comme éditeur, ce que je retiens de lui, personnellement, c’est qu’il avait toujours une sorte de sourire un peu ironique parce qu’il trouvait que je prenais la littérature beaucoup trop au sérieux. Selon lui, il fallait un peu plus de désinvolture.

Votre biographie n’est pas classique, elle joue avec les frontières et les ­pratiques littéraires. C’est un livre ­typique de la collection « Fiction & Cie », comme si vous l’aviez écrit sous le regard de Denis Roche…

C’est un livre dont j’espère qu’il est vraiment un livre, une construction qui tient debout, qui a son propre équilibre, son propre équilibre-déséquilibre. C’est un ­livre, ce n’est pas un manuel. Denis ­Roche, lui, adorait les biographies, surtout les grosses, quand les auteurs rentrent dans le détail, les journaux intimes, aussi. Ce livre, je l’ai écrit sur lui, pour lui, avec lui. J’avoue que je me suis demandé très souvent ce qu’il en aurait pensé. On discutait beaucoup, on n’était pas toujours d’accord. Pendant des années, je lui ai demandé de publier son journal, je lui demandais des pages inédites pour ma revue, Nioques. A chaque fois il refusait, il finissait par dire que je l’agaçais avec cette question. Et puis maintenant, voilà Temps profond publié, grâce à Françoise Peyrot [la veuve de Denis Roche].

Votre livre témoigne aussi d’une ­époque, d’une vie littéraire qui n’est pas si ancienne et qui pourtant peut apparaître lointaine au lecteur d’aujourd’hui…

Les temps ont plus que changé, nous sommes dans un univers très différent. Les années après Tel Quel, ce sont des ­années d’ébullition, de réflexion autour d’une réinvention littéraire, d’un renouvellement du langage poétique. Depuis, il y a eu un retour terrible d’une littérature beaucoup plus conventionnelle. En préparant mon livre, j’ai revu l’émission où Bernard Pivot a reçu Denis Roche, à la parution de Louve basse. S’il l’avait invité, cela voulait bien dire que le livre faisait événement. Aujourd’hui, je ne suis vraiment pas sûr que ce serait le cas. La ­période est plus à l’indifférence, à l’équivalence de tout. Réexpliquer la signification de la trajectoire de Denis Roche, ­republier certains de ses livres, faire ­paraître Temps profond, c’est important pour ça, aussi.

En lisant « Temps profond », on est aux prises avec un texte d’une grande actualité en dépit de sa forme journal, de son époque de rédaction. Qu’est-ce qui fait de Denis Roche un écrivain toujours contemporain, aujourd’hui ?

Je pense aussi aux jeunes écrivains qui sont des écrivains d’après la poésie, à ceux que je publie dans ma revue. Pour beaucoup d’entre eux, c’est une figure très lointaine. Je pense que j’ai aussi écrit ce livre pour eux, pour ces jeunes auteurs-là, qui inventent des choses sans se souvenir que Dépôt de savoir & de technique [Seuil, « Fiction & Cie », 1980] est un des plus grands livres de montage qui existe, et qui préexiste à leur propre travail. Ils ne connaissent pas forcément mieux William Burroughs, d’ailleurs, alors qu’ils empruntent un chemin très proche. Pour moi, Denis Roche, c’est un inventeur de formes, il a su avoir un ­regard critique, de déconstruction du donné. Pour moi, c’est cela être contemporain, actuel, c’est prendre une distance critique, être dans une déconstruction positive. Pour moi, Denis Roche est un écrivain révolutionnaire.

LIRE AUSSI :
Jean-Marie Gleize : « Pour Denis Roche, l’acte de l’artiste est révolutionnaire »
Denis Roche, l’art énergumène et la mort, par Jean-Marie Gleize, écrivain

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Littérature de combat et éloge de la véhémence

L’une travaille la viande l’autre fait éloge de la véhémence. Carcasses, cadavres, morceaux, lambeaux, coupes, découpes et littérature de combat. Aujourd’hui deux poètes et un troisième, Antonin Artaud. Avec Liliane Giraudon et Jean-Marie Gleize dans les pas de Denis Roche.

La Compagnie des poètes par Manou Farine, 17 janvier 2020.

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Denis Roche, Autoportrait.
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LIRE SUR PILEFACE (sélection) :
Denis Roche est mort, les psoêtes aussi, et le mec rit
Le photographe et le poète Denis Roche est décédé
Denis Roche, Pour Ezra Pound
Denis Roche, Tout est paradis dans cet enfer
Pascal Boulanger, L’inadmissible et son poème
PLUS ICI

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