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Sollers, le « contre-fou »

Médium

D 21 janvier 2014     A par Albert Gauvin - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



Le dimanche 19 janvier 2014, La Règle du Jeu accueillait Philippe Sollers pour son dernier roman Médium.

Une conversation animée par Alexis Lacroix.

« Médium, qui est du grand, du très grand Sollers est aussi, surtout ?, le débat d’un franc-tireur des lettres avec une France plus "moisie" que jamais.

Face à cette patrie rabougrie, enkystée dans le ressentiment et les tempêtes dans un verre d’eau stagnante, le grand vivant qu’est l’écrivain demande de l’air. Il veut rouvrir d’urgence les soupentes de notre imaginaire. Et il oppose au déprimisme tâtillon un programme esthétique, la "contre-folie" : croire, aimer, s’évader. Chiche ! »

Un débat alerte, caustique, profond, plein d’humour qui a été filmé par la RDJ, mais aussi par G.K. Galabov dont l’assistance a pu voir un film remarquable, très musical (séquences inoubliables avec Cecilia Bartoli interprétant Agitata da due venti [1] et Ella Fitzgerald), qui se trouve sur le site de Sollers : MÉDIUM, un film de G.K. Galabov et Sophie Zhang.

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Deux temps trois mouvements

Découpage de la séance

1. Philippe Sollers interviewé par Alexis Lacroix

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2. Philippe Sollers — Médium

Extrait du film de G.K. Galabov et Sophie Zhang.

Sollers lit un extrait de Médium, Gallimard, p. 33 à 36.

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Comme tout s’accélère, beaucoup de vraies stars ne font qu’une apparition, et sont vite remplacées par le flot suivant. Combien de célébrités s’effilochent, s’effritent, sont oubliées jusque dans l’entrefilet de leur mort ! Dans les journaux, les « nécros » s’empilent, les « viandes froides » attendent leur tour, et le romancier qui voulait faire concurrence à l’État Civil a, depuis longtemps, refermé son ordinateur. Un seul champion toutes catégories persiste et signe : le duc de Saint-Simon, 7000 pages, 7854 personnages, nuits à la bougie dans son château nécropole. Maigre feu dans la cheminée, pas une rature, souffle du Saint-Esprit. Ses manuscrits ressemblent à des rouleaux chinois, principe d’autorité, c’est comme ça. Par rapport à lui, n’importe quel écrivain titube, tâtonne, continue ses foirades de façon butée, se rue au pilon, au gommage, au néant maussade. Ce ne sont qu’approximations, barbouillages, érotisme poussif, sentiments, doutes, marmelade. Aucune légitimité, comme s’ils n’étaient pas nés. Ils ne savent ni se lire ni vivre, leurs yeux sont sourds, leurs oreilles aveugles, ils n’ont qu’une existence d’emprunt, mais, tant qu’ils sont là, ils infectent tout de leur poids.

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LE DUC

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Je l’ouvre un instant le soir, à La Riviera, le duc, en mangeant ma friture de poissons sous le soleil rouge. Comme le temps a changé sur la vieille Terre ! Comme le 19e et le 20e siècle semblent loin ! Ce diable du 18e écrit en secret, personne ne se doute de son action noire. Il n’a rien à imaginer, toute la comédie se déroule sous ses yeux, chaque mot, chaque geste, chaque silence compte. Dieu est mort, mais, depuis cet angle vide, son secrétaire observe tout à la loupe, mariages, naissances, bâtardises, fortunes, vols, usurpations, trafics, agonies, ruines. Rien ne lui échappe, et ça va vite. Cet homme est un tourbillon dans un tourbillon.

C’est un plaisir étrange de le lire ici, au crépuscule, en pleine mondialisation numérique, tout en regardant passer les bateaux. Un monde disparaît, un autre surgit, un bébé crie, un vieillard expire. Versailles est devenu, comme Venise, une navette spatio-temporelle qui peut se poser partout, en plein Paris, à New York, à Shanghai. Elle court sur l’eau, la navette, vaisseau de génie dont les passagers sont vivants, même s’ils sont morts. À bord, les phrases crépitent, c’est un feu de dieu, bâbord et tribord.

Il faut bien que Dieu se fasse Diable pour reconnaître le Diable. Voici un possédé, vous venez de le rencontrer dans les couloirs de n’importe quelle entreprise : « Il sent le faux en tout et partout à pleine bouche. » Un dirigeant politique ? « Il ne pense qu’à tout subjuguer, à tout confondre, à faire que tout soit peuple. » L’état général ? Voici : « Tout passe, tout s’avilit, tout se détruit, tout devient chaos... Tout est en pillage et en indécence... Prostitutions, mélange, confusion, règne des gens de rien, pillage et insolence des financiers, avilissement de tout ordre, aversion et crainte de tout mérite, vils champignons dominant dans les premières places, dont tout l’intérêt est de tout décomposer et de tout détruire... De cette façon, ceux qui n’étaient rien sont enfin devenus tout, jusqu’à dépouiller leur origine essentielle qui leur faisait honte, et, comme les bassins de la balance, ceux qui étaient tout, et d’origine et d’essence, sont tombés au néant. »

Dans quel style écrire ça ? « Tout doit faire voûte, rien d’inutile, tout serré, tout en preuve et en chaîne, sans interruption. »
Action.


3. Questions/Réponses

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La morale de tout cela ?

« Je remplace la mélancolie par le courage, le doute par la certitude, le désespoir par l’espoir, la méchanceté par le bien, les plaintes par le devoir, le scepticisme par la foi, les sophismes par la froideur du calme et l’orgueil par la modestie. » Isidore Ducasse, Poésies I.

Apprenez ça par coeur.

Lire aussi : La révolution selon et avec Philippe Sollers par Bernard-Henri Lévy.

A noter que Philippe Sollers sera également présent le 25 janvier 2014, 17h à la Librairie Kléber à Strasbourg.


[1Concert donné avec avec Il Giardino Armonico en 2000. Vous pouvez en voir des extraits ici.

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