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Lettre ouverte

à propos de la soirée L’Eclaircie 23 janvier 2012

D 29 janvier 2012     A par Viktor Kirtov - C 4 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Dans le courrier pileface :

2/02/2012 : ajout d’un postscriptum (V.K.)

A Ph. SOLLERS le 24 janvier 12 (124)

Cher Monsieur

Je suis à cette soirée mémorable du 23 janvier 2012 au collège des Bernardins. Tout s’annonce plutôt bien malgré ma timidité qui m’empêche de venir vous saluer et vous dire combien, je suis sensible à vos livres, vous dire que vous faites partie de ces figures qui reviennent à l’esprit en-dehors de la parution de vos ouvrages, en-dehors de vos passages à la télévision, depuis l’époque de Tel Quel et depuis H. Vous êtes toujours là avec la question qui m’empêche de m’enfoncer complètement dans la pesanteur de l’obscurité, et puis un amour contemporain de votre livre « Plaisir » que j’ai partagé avec cette femme, une étape était passée, je passe sous silence le silence mental d’où je viens, depuis je vous ai suivi, je commence à accepter le plaisir de se retrouver dans un monde double à la fois inconnu et familier, puis ce sont des mondes qui s’ouvrent puis leurs croisements, puis les doutes et les contradictions, puis au long de ma lecture assez lente, et avec des rythmes mêlant celui du texte et les réponses intérieures que je lui fais, la visite des interstices peut me plonger dans des vies parallèles.

Je perçois la fragilité derrière la force et la puissance de vie heureuse avec les mots et ses rythmes, une véritable polyphonie, à la Bach et son art des modulations de la fugue de la jubilation. Et plus j’avance en lecture, plus vous visez juste, là où ça fait bouger, là où monte le NON à la bêtise, et il faut être tellement méfiant quand on sait qu’on n’a pas encore trouvé sa vérité d’être. Je veux vous dire tout ça et plus même mais les mots se croisent et finissent pas des noeuds que je trancherais par une simple louange béate autrement dit une connerie de salon, je me suis abstenu je ne l’ai regretté qu’à la fin après votre chute en montant les quelques marches qui vous menaient au pupitre, et ce fut le cri déchirant la toile de fond de la comédie vers laquelle vous avaient poussé et les circonstances, et le public, et les fauteuils confortables pour entendre un film, des phrases, une voix venu d’outre tombe là où vous avez vu ce que l’homme à cru voir Oui le jeu tourne mal les ténèbres s’obscurcissent. Votre lumière aveugle les idolâtres et ne pénètre plus les coeurs endurcis. Le spectacle prend des formes de cruauté auxquelles nous n’avions pas pensé, la bête hideuse prend des aspects si chargés de bonne conscience, de fausse raison, de jouissance sexuelle bas de gamme et triste comme celle que décrit Y. Haenel dans « Cercle » la passage où il est à Berlin de mémoire.

Alors je veux intervenir pour vous « expliquer » ce qui nous fait jouir de notre ignorance, j’imagine un théâtralisation de la réponse, sur plusieurs voix, plusieurs corps en fugue et en synthèse : donc la voix rauque de l’attrait de la mort bien plus facile à atteindre que la jouissance de vivre, (qui peut vivre de l’intérieur ce que Fabrice vit dans sa tour en regardant la femme aimée) et la farandole de la danse macabre venue faire la nique à celui qui parle d’amour, de volupté, d’écriture, de mots chargés de sens à décrypter, et de là sortent des flacus voci haineux et criards dont on se demande si ce n’est pas aux locuteurs eux-mêmes qu’ils s’adressent, avec ce ressentiment du genre « toi aussi SOLLERS tu ne vaux pas mieux que nous et nous te ramenons sur notre terre de misère, car nous ne voulons pas une tête qui dépasse, encore moins un âme grandiose qui se nourrit de nectar et d’ambroisie ». Il y a aussi les mélismes sirupeux du miroir de notre impuissance que ton regard perçant renvoie au fond de nos coeurs et là devant cette horreur de leur propre déchéance, de leurs lâchetés, qui se transforment en hurlements barbares : il ne reste plus qu’à détruire tout ce qui nous empêche de nous admirer nous-mêmes, et l’illusion de la jouissance danse dans nos artères malades de jalousie et de colère contre tout ce qui se présente d’un peu vivant y compris en nous. Et puis aussi nous jouissons de ce confort plus moelleux encore dans nos âmes que dans corps. Nous recevons la douce chaleur des fauteuils, du groupe de gens « éclairés » venus écouter « un grand écrivain connu et controversé » avec un « voyez cher voisin, chère voisine comme nous sommes admirables » et nous recevons une parole si intelligente, si fine, si pensée qu’on n’a même plus besoin de réfléchir soi-même, d’autres fourguent leurs armes pour démolir ce qu’ils sentent de sensible, chacun selon son statut dans la sphère des affaires littéraires.

Il y a bien entendu ce plaisir sournois de se complaire à la déchéance... mais sans talent, car sans vie sans énergie.

Voilà ce que je dis mais personne n’écoute plus personne et même Ulysse n’entend plus le chant de sa déesse. Le coup de colère fige les fibres musicales. Mais qui donc est ce public des Bernardins, est-il à la hauteur de ce qui se dit ce soir, une introduction délicate, pleine de sensibilité et d’intelligence, une présentation d’un film où se joue une porte de sortie des ténèbres Des mots assassins, révoltant ; l’anonyme, juste avant de quitter la salle, révèle bien les mauvaises intentions de son auteur qui attend que le vent tourne pour savoir où se placer dans la jungle qu’il révère, comme les fauves à la chasse, comme un sniper à Sarajevo Oui c’est la guerre, le noyau se durcit.

Vos textes, vos interventions sont comme des gouttes d’acide qui brûlent la chaîne des certitudes, c’est dangereux la vie dans notre monde. Votre sagacité et désir de la vérité multiple, votre travail et aussi votre vertu j’ose dire vous permettent de percevoir la noirceur de certaines âmes aux belles apparences et donnent du coeur à l’ouvrage de ceux qui entendent le choeur des anges autre versions des chants des divins grecs. Vous êtes un diable d’homme, j’aime bien cette formule que je n’utilise plus depuis longtemps, vous êtes un peu comme un passeur des cartes du temps, vous nous refilez la carte de Peutinger avec grâce et certes il faut un effort pour s’y retrouver, n’êtes-vous une forme de prophète sans Dieu-Daimon (le Démon existe alors que Dieu ne fait sans doute qu’être), un provocateur de vie ici et maintenant. Vos fidèles ne le sont pas toujours, flirtent avec des opposés mais reviennent à vos écrits, ce sont des chercheurs de leur propre vérité ou sans doute de leurs vérités voulant trouver l’adéquation entre le temps et l’espace de leur corps avec celui du monde et de l’amour. Formulant ceci les difficultés apparaissent et le courage de les surmonter est d’autant plus nécessaire que la jouissance vécue a été faible et misérable.

Ce matin m’est apparue la vision de cette soirée comme une représentation d’un concert de Joséphine devant le peuple des souris ce texte qui s’est emparé de moi par une clarté tout à fait particulière et provoque un grand silence dès que je veux en parler.

Vous avez traversé la comédie divine à plusieurs reprises, l’Enfer, le Purgatoire, le Paradis, je tentais de vous prendre comme guide pour me sortir de cet enfer pour me conduire vers le paradis mais la voix est ailleurs car Virgile n’entre pas au Paradis avec Dante.

La séance se termine, je vais voir Julia, la félicite pour son « Thérèse, mon amour » je lui dis deux mots sur la force des vos écrits, elle évoque l’au-delà de l’enfer, mais déjà tout son corps se tourne vers vous. Un au revoir simple et poli clôt l’entretien. Je sors un peu triste mais avec la sensation qu’il s’est passé quelque chose. Dans l’ascenseur une petite femme chiquement habillée, la quarantaine bien entamée monologue tout en cherchant des yeux un complice potentiel : « c’est inadmissible, pour qui se prend-il celui-là, et dire que j’ai payé pour voir ça, avant c’était gratuit ! » je la regarde décontenancé par la méchanceté et bêtise de son propos. Je n’ai pas le temps de lui demander qu’elle est cette somme si importante dont on l’a floué que j’entends une voix lui rétorquer « Vous auriez dû payer encore plus cher pour ce que vous avez entendu » je lève le regard, il s’agit d’une charmante jeune femme, en sortant je lui dit qu’elle a bien eu raison de répondre ainsi, que c’était ce public que Sollers visait, la conversation s’engage, je veux poursuivre, je lui propose un verre, pas longtemps car je dois me rendre chez mon fils, la conversation fut des plus agréables, je n’avais jamais encore discuté de Sollers avec quelqu’un. Faut dire que je suis un peu isolé mais tout de même, ce soir finalement un peu d’air frais. La soirée se termine par un sourire de désir, une victoire nous sommes sur le bon chemin moi et mes fantômes.

Ensuite je lis les commentaires sur le blog « pileface » quelques jours après.

Je lis des mots ronflants comme une déformation aseptisée « le Nietzschéen Sollers » qui nierait l’influence de Nietzsche sur Sollers mais la formule semble le mettre dans un tiroir avec d’autres « Nietzschéens » vous le voyez dans la catégorie philosophe d’Argentan ? Il serait « pape » de son propre paradis qui serait bien peut-être un enfer qui sait ? que nous cache ses écrits, « Golgotha », « Crucifié » « l’orateur joue de sa voix » « magie » « mystification » le terme « preuve » qu’emploie Ph. S. est mis en doute par les guillemets, « Sollers démiurge » se veut-il ironique personne ne croit plus au démiurge. Donc dans cette présentation qui n’est pas fausse sous certains aspects perce le point de vue d’une partie des gens visés par son glaçant « Des questions les petits bourgeois ! » Oui le Spectacle avait été bon jusque là Sollers comme artiste de la faim ! Quel régal mais faut pas pousser, faut pas bousculer, nous les clients de Sollers semble t’il dire. Puis vient l’explication psychologique, vieux d’artères, le whisky qui les durcit, un « dédoublement » et tout à coup sont oubliés une grande partie de l’oeuvre son Identité Multiple, les temps physiologique l’emporterait sur les autres temps. On pourrait presque croire que beaucoup de ses écrits ne sont pas à prendre au sérieux et qu’ils ne sortent pas d’un rapport de vécu, Sollers serait champion de l’auto fiction comme tant d’autres et puis à la psychologie proche de celle des comportementalistes, l’explication sociologique, sa classe bourgeoise d’origine, le voilà transformé en amateurs de « bobos », serait il maso ? On reprend son idée pour lui percer le coeur « En somme on n’échappe pas à son enfance » c’est ne pas voir toute la richesse de l’enfance, ses potentialités infinies, ses voyages dans l’esprit, cet appétit de vie débordant, il n’y a pas à échapper à son enfance car ce n’est pas une prison, la prison se constitue de ce qui contraint son âme, son esprit et son corps en bref la famille et les institutions. « En somme ... » ne veut il pas dire c’est comme ça pour toute le monde Sollers est un homme donc Sollers est comme tout les hommes. Ca rassure à peu de frais passons. Quant à la violence en lui, n’oublions pas qu’il fait la guerre et c’est dur d’apprendre qu’une partie de nous peut être son ennemi. On le comprend en le lisant. Si c’est un démiurge, c’est dans le coeur du chercheur de vérité qu’il agit, voulant dissoudre à l’acide notre propension au ressentiment, au fatalisme, au mouvement vers la mort. Il a raison quand il dit « Vous irez partout sauf à l’essentiel, vous êtes déjà décomposés ». Passons vite sur la phrase vous voulez mettre ça sur le compte de l’outrance : menteur que vous êtes.

Je passe sur les considérations « endormissement, manque d’intérêt pendant le film » j’ai appris des choses dans ce film, le sens du silence des choses de l’art.

Que dire de cette soirée littéraire, il n’y a pas eu d’outrance dans les propos de Ph. S., simplement l’expression du refus de l’insupportable comédie qui se joue où tous dénoncent les ténèbres et l’obscurité tout en continuant leur petit bonhomme de chemin, à tâtons, tombant dans les bras d’un ou d’une qui joue les protecteurs, les « Lord Protecteur », chacun a t-il donc peur de se brûler aux petites lumières qui scintillent ici où là pour s’en éloigner, J. Rogozinsky écrit dans son travail sur A. Artaud : « Tout ce qu’il dit est vrai ». Je reprends cela est prétend que « tout ce qu’à dit Sollers le 23 janvier 2012 au Collège des Bernardins à Paris, rue de Poissy est VRAI. »

Chacun en fera ce qu’il voudra s’enfermer dans l’obscurité ou prend son chemin de lumière.

L’anonymat serait une protection contre qui ?

Eric MALFILATRE

Merci à Eric MALFILATRE pour ce beau témoignage sur Sollers, venant de quelqu’un qui semble revenu de l’enfer - « le silence mental d’où je viens » - et, à ce titre, a sans doute quelques raisons de mieux comprendre la « solitude » de Sollers, que beaucoup d’autres !
Intitulée : Lettre à Ph. Sollers (partie à décharge), votre lettre aurait pu s’intituler, pour la deuxième partie : Lettre à pileface et plus spécialement à ce Kirtov, (partie à charge) auteur du billet « Conférence aux Bernardins : une mauvaise chute ! », puisque votre diatribe s’exerce à mon égard.

Juste quelques brefs commentaires : simplement pour dire que j’assume pleinement le contenu de l’article et de ce site que j’ai créé en 2005, parce qu’il n’y avait pas alors de site officiel, ni de véritable site dédié à Philippe Sollers. Le nom de domaine est « pileface », mais le titre du site est « Philippe Sollers - Sur et autour de Sollers. ». C’est déjà une forme de manifeste ! Mais aussi et surtout un terrain de jeu. Une volonté affichée depuis le début (cf. section Crédits), d’entrer dans le jeu de Sollers et chez les auteurs et artistes qu’il m’a fait découvrir, en se divertissant.
C’est aussi rappelé dans l’en-tête de pileface sur
Twitter [1].
Ce serait une erreur de prendre au premier degré tout ce que j’écris. Parfois, me hasarde à la parodie, à l’ironie. Ca marche ou ça ne marche pas ! Vu, ce que vous me dîtes, je n’ai, manifestement, pas réussi mon coup avec vous !

Ce n’est pas à moi que vous appliqueriez les mots de votre adresse à Philippe Sollers :
« Votre sagacité et désir de la vérité multiple, votre travail et aussi votre vertu j’ose dire vous permettent de percevoir la noirceur de certaines âmes aux belles apparences ». Peut-être je me trompe, j’ai beau m’essayer à percevoir des cinq sens à la fois, j’avoue cette grande faiblesse, parmi toutes les autres qualités que vous avez pointées du doigt, de ne jamais y arriver, mais là, dans votre texte, mon ouïe peu développée croit bien entendre des mots « ronflants » !
Ils donnent même « du coeur à l’ouvrage de ceux qui entendent le choeur des anges autre versions des chants des divins grecs. » poursuivez-vous.

Mais vous avez parfaitement raison, quand j’invoque, bille en tête, « Sollers le Nietzschéen », « le Crucifié »... ce sont bien des mots « ronflants ». Même ronflants comme des roulements de tambour, de ceux que l’on utilise dans les jeux du cirque pour annoncer le numéro. Même, roulements de casseroles, si vous préférez ! Il y avait du drame humain dans la posture finale de Sollers en « incompris », en « crucifié », saignant (de la main - pas du crâne, dieu soit loué !), en dieu vengeur, en Sollers-Nietzsche... Raison de plus pour faire rouler les tambours au début, et ne pas annoncer sérieusement quelque chose qui l’était (Quant au « pape de son Eglise », c’était carrément parodique !). Ne cherchez pas plus loin ! Ne me prêtez pas trop d’intentions, autres que celles de se distraire - avec un bon sujet - en s’amusant, ni d’intention spéciale à l’utilisation plus ou moins erratique des guillemets, ainsi pour « preuve ». Je n’avais strictement aucune intention derrière la tête en les utilisant, là !

Outre mes quelques interventions personnelles, pileface est surtout une arche de Noé de textes « de, sur et autour de Sollers » écrits par Sollers et des tiers, puisqu’ils doivent bien constituer au moins 95% du contenu de cette base de références, reconnue comme telle par quelques uns.

Ceci dit, il reste beaucoup à faire, et vous êtes le bienvenu pour ajouter des textes, des citations de Sollers qui ont résonné pour vous, les commenter si le coeur vous en dit. Il n’y a pas qu’une entrée au Paradis (et l’Enfer) de Sollers.

Désennuyons nous ! Mais laissons plutôt la parole à Philippe Sollers :

Dans ses Carnets, Sartre écrit aussi : « Je hais le sérieux. » Et aussi : « Il n’est pas possible de se saisir soi-même comme conscience sans penser que la vie est un jeu. » Vous avez bien lu : la vie est un jeu, le pouvoir est un chancre. Il serait temps que la France retrouve un peu ses esprits. Seule la bonne littérature y aide. Sinon, comme on peut le constater, le chancre sévit partout.

Philippe Sollers,
Le Journal du dimanche, 29 mai 2011

*


La vie est un jeu, avec, au bout des lignes, le feu.

Philippe Sollers
Une vie divine, p. 17

*

Et enfin, son autoportrait dans « Portrait du Joueur »

Couverture de l’édition illustrée par Martin Veyron
coédition Futuropolis, Gallimard, en grand format 22x29 cm.

« Martin Veyron, spécialiste de l’Amour Dessiné est un voyeur privilégié. Ses dessins nous montrent - et nous cachent - les tiroirs du grand jeu de Philippe Sollers »

nous dit la 4ème de couverture.

Viktor Kirtov


GIF Post Scriptum (2/02/12)

Désolé de ne pas répondre point par point, ce n’est pas mon propos de polémiquer avec analyse de texte des messages qui portent la contradiction. Et les propos de Mongue, entre autres, sont assez talentueux pour porter leur message et se suffire à eux-mêmes. Le mien est de témoigner subjectivement, d’un événement auquel j’ai assisté - le commentaire du commentaire a ses limites. Les attaques sentencieuses à destination du public (indifférencié), ne m’ont pas gênées. C’était de bonne guerre, si j’ose dire ! Par contre l’attaque sur Anna m’a été pénible.
A la sortie de la conférence, ma première réaction, était de traiter l’ensemble de l’épisode off. Un homme a dérapé, c’est humain, tournons la page. Mais le lendemain matin, quand je me suis mis devant mon clavier, je réentendais les coups de boutoir de Sollers à l’égard d’Anna. Il s’est imposé à moi que je devais en rendre compte et restituer ce qui s’était dit dans l’intensité du moment, autant que possible. Comment en rendre compte ? Extraire une phrase de l’échange ! Ca ne restituait rien. La seule limite que je m’imposais, c’était de ne pas publier la bande son correspondante. L’épisode a été pénible, pas nécessaire d’en rajouter avec le son. Laisser les mots parler d’eux-mêmes. C’est déjà beaucoup, mais nécessaire de mon point de vue pour rendre justice à cette femme Anna, que je ne connais pas.
Et force m’est de constater que les commentaires tiers retenaient le « Comment faites-vous pour jouir de tant d’ignorance ? », « des questions les petits bourgeois ? ».
Anna serait passée à la trappe !
Pas de trace ! Ca n’a pas existé...
C’est aussi pourquoi, lorsqu’elle s’est manifestée dans le forum, ai répondu par un commentaire personnel. Et que l’évoque ici, à nouveau.

Je laisse au plus autorisé, je crois, Antoine Guggenheim, théologien, celui qui a invité Philippe Sollers aux Bernardins, qui connaît bien l’homme et ses écrits, qui partage avec lui quelques valeurs, qui a vécu la scène, dire le dernier mot,
l’ultime épilogue de ce moment singulier :

La réponse officielle des Bernardins, est ICI (pdf)

Et avant de clore ce chapitre, ne manquez pas de rembobiner le film ; ...le reprendre au début et écouter le meilleur de la soirée : l’introduction de Jérôme Alexandre puis la présentation de Philippe Sollers.

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4 Messages

  • V.K. | 3 février 2012 - 21:34 1

    L’en-tête cité est une accroche, un slogan, la « baseline » (horribilis) disent d’autres, comprimée en quelques mots par définition.

    Et y entendre le mot italien « divertimento », et aussi un peu de la musique de Haydn et de Mozart , pourquoi pas ? Cela me convient parfaitement !
    _ Mais même italien, c’est sûrement trop restrictif pour couvrir la palette de Sollers, en la matière.
    _ Ainsi, le « désennuyons-nous » de L’Eclaircie est aussi inclus dans ce divertissement.
    _ Inclus aussi, le plaisir, un thème largement couvert par Sollers...

    Quant à Pascal, encore influencé par l’étymolologie latine « divertere » du mot dans le sens d’esquive à connotation morale, il est évidemment hors jeu pour ce divertissement.

    Et last but not least, pour ce qui est de L’écriture et l’expérience des limites, on pourrait presque paraphraser le postulat II du Programme en : « La théorie du divertissement se fait dans le mouvement de la pratique de ce divertissement »

    Un divertimento de Mozart, c’est effectivement une bonne façon d’entrer dans le mouvement de la pratique. En voici une autre version :

    Mozart - Divertimento pour cordes Kw 136 (sur Dailymotion)


  • A.G. | 3 février 2012 - 18:26 2

    Je découvre sur twitter que pileface entend considérer (avec Sollers comme « passeur ») « la littérature et l’art comme divertissement ». C’est sûrement un peu restrictif pour comprendre « l’écriture et l’expérience des limites », mais, après tout, pourquoi pas ? A la condition d’entendre « divertissement » non dans son sens pascalien, mais dans son sens italien de « divertimento » ! Et d’y entendre aussi un peu de la musique de Haydn et de Mozart.

    « Dans la musique instrumentale (mais aussi parfois vocale) de la fin du XVIIe siècle et de la plus grande partie du XVIIIe, le terme « divertissement », qui évoque surtout pour nous certaines ?uvres de Haydn, de Mozart et de leurs contemporains, recouvre des réalités fort diverses. Pour la musique de chambre, en particulier germanique, du milieu du XVIIIe siècle, les termes « divertissement », « sérénade », « nocturne », « cassation » furent souvent employés de façon synonyme, et, inversement, les sources différentes d’une même ?uvre utilisent souvent l’un ou l’autre. Des quatre, celui de « divertissement » a la portée la plus générale, au point de pouvoir éventuellement englober les trois autres, et surtout la plus fonctionnelle, la plus liée en soi au fait de distraire, de « divertir ». [...] Pour Mozart, fidèle en cela à la tradition salzbourgeoise, c’est essentiellement (mais non exclusivement) une ?uvre tendant vers la musique de chambre, avec un seul instrument par partie, en plusieurs mouvements et pour cordes et/ou vents, ceci par opposition à la sérénade, conçue en principe pour orchestre et destinée à des occasions plus solennelles. L’origine de ce concept de divertissement semble se trouver dans la musique de chambre vocale italienne de la fin du XVIIe siècle : en 1681, Carlo Grossi appela son opus 9 Il Divertimento di Grandi, musiche da camera o per servizio di tavola... con dialogo amoroso e uno in idioma ebraico. [...] D’une façon générale, on peut dire qu’avant 1780 le concept de divertimento englobait (ou pouvait englober), en Autriche, toute musique instrumentale non orchestrale, même de caractère sérieux, et qu’après cette date seulement il s’appliqua plus spécifiquement à une musique de caractère plutôt léger. » (source : Encyclopédie Larousse).


    Mozart (au clavier) en 1770 avec le jeune violoniste Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862. _ Thomas Linley, détail d’une toile anonyme du XVIIIe siècle

    Mozart, enfant, voyage beaucoup (l’Europe). Son père lui fait découvrir l’Italie. En 1771, il a quinze ans. Il compose le Divertimento in D Major KV 136 .

    Le voici interprété par Gábor Csonka, premier violon, Viktor Uhrin, second violon, János Markó, viole, Marcell Vámos, violoncelle (7’30).


    Pour démarrer l’écoute, cliquez sur la flèche verte


  • Mongue | 30 janvier 2012 - 17:47 3

    Bonjour,
    tout d’abord, du fond du coeur, je suis avec le plus grand intérêt ce site "sur et autour de Ph.S", le seul aussi complet, sérieux, clair, réellement instructif en profondeur sur le pape de la littérature française même pour un bon amateur du bordelais fou comme moi. Mais enfin, là n’est, me semble-t-il pas la question de la lettre ouverte, faisant suite à l’article relatant la "chute" du monstre intellectuel au pied d’argile. C’est un peu répondre à côté, ce que je ne veux pas faire.
    Pour dire la vérité, j’ai été assez surpris moi aussi de lire ce premier texte (la chute), écrit par celui qui fournit tout ce boulot formidable via ce site, surpris car, s’il est évident que le devoir de chacun lorsqu’on se fait un peu journaliste est de relater le réel au plus près, même s’il nous dérange, entre les lignes, aux environs du trentième degré de relecture ou pas, me revenait sans cesse la phrase souvent citée (approximativement, juste l’idée) par Sollers : ceux qui nous veulent du bien sont souvent plus néfastes que ceux qui nous veulent du mal, les bons ennemis sont préférables parfois aux mauvais amis, le plus grand danger vient de l’intérieur etc...Parce qu’on dirait qu’ils nous comprennent parfois plus mal que nos plus grands ennemis et que leurs louables intentions nous desservent. Propos chinois ou christiques, je ne sais mais il est vrai, presque inaudibles aujourd’hui et d’actualité me parait-il.
    Bien évidemment, je n’étais pas présent le fameux soir et donc je n’ai pas été sous le choc de l’émotion de la même façon que ceux qui ont été en présence directe de la voix assassine, insultante, méprisante - et sans doute légèrement (lourdement ?) alcoolisée, sans doute - face à la salle sourde, endormie, repue - c’est indéniable. Pourtant, le choc de l’émotion ressenti lors de la lecture de cet article existe bel et bien, même s’il est d’une autre nature. Il y a en effet un épisode ou une question qui n’apparaît pas dans le compte-rendu précité me semble-t-il, Sollers sort, boit encore à la flasque, revient, tombe et se met à invectiver la salle et le public présent, des bourgeois sourds, obtus, mais gentils attendant confortablement et pacifiquement que le spectacle intellectuel et sensuel dont ils se foutent royalement pour la plupart et auquel ils assistent on ne sait pourquoi se termine enfin car quoi, il est bientôt l’heure. Très bien mais pourquoi un tel geste, un tel mépris ? Parmi toutes les réponses possibles présentes entre les lignes des différents textes sur ce sujet, laquelle choisir ? Parce qu’il s’est vexé suite à sa défaillance physique ? Parce qu’il a senti le public ricaner et espérer dans son dos dans ce moment pénible ? Parce qu’il n’en pouvait plus, suite à cette chute, de la cécité de son public par rapport à l’art, la vérité, la sensation, le silence, la musique, la liberté ? Parce qu’il était ivre ? Parce qu’il s’est pris, l’espace d’une seconde, pour la réincarnation de Thomas Bernard ? Parce qu’il n’a pas pu se désennuyer préalablement comme d’habitude ? Disons, que tout est vrai, si l’on veut mais cela ne répond toujours pas à la question, à mon avis.
    Puisque, pour moi, il ne s’agit pas de chute mais d’élévation, je veux dire, si ceux qui ont été choqué avaient mieux lu ses livres, ils n’auraient pas été si surpris. Je monte un peu le volume et le degré d’intensité, de violence, d’agressivité parce que ce n’est plus supportable autant de mépris, non pas pour moi mais pour la beauté, l’art, la vérité, la liberté en général, d’où qu’elle émane, ce soir. Ce soir, merde, il faut monter le son. La meilleure attaque, c’est la défense, la preuve.
    Si, à la place de Sollers, nous avions eu Charles Bukowsky proférant les mêmes sarcasmes à la limite du supportable, tout le monde aurait crié au génie. Mais Sollers, c’est encore plus complexe que pour le vieux Hank, n’est-ce-pas ? A cause de la théorie de la stratégie et de la légèreté, de l’humour, du sens chinois qu’il cherche à donner à son aventure ? On l’attend au tournant celui-là avec ses grandes théories, son self control, son fume-cigarette, qu’on l’aime ou pas (Sollers, l’écrivain que vous aimez haïr ?). Quand va-t-il enfin tomber du piédestal où nous l’avons placé ? On a l’impression que le public vient et espère assister à sa chute en direct, un de ces jours, tout en faisant semblant de s’intéresser alors que la plupart du temps, comme il l’a dit lors de la conférence, les gens s’en foutent de l’art, du temps, de la merveille, de la nature, de tout ça. Ils s’endorment au spectacle, je le sais, j’ai déjà assisté à quelques unes des conférences de Sollers et assez souvent, c’est l’impression manifeste qui se dégage de l’assemblée, parfait contraste avec les propos savants de l’orateur. Autre détail plein de signification, lu entre les lignes (pardon pour les procès d’intention, je dis ce que je lis) : que Sollers boive, tout au long de la journée, possède une flasque, ce que je ne savais pas, me le rend encore plus sympathique et authentique, je ne vais pas citer les noms de tous les buveurs conséquents ici, mais il est clair que j’ai un faible pour eux. Il a été agressif, violent, brutal, aussi bien dans le fond que dans la forme, ce qui ne lui ressemble pas ? Eh bien tant pis, tant mieux...Bravo même ! Il a enfin réveillé son public, il était grand temps. Il nous a rappelé Artaud à la salle du vieux colombiers, perdant pied, bouleversant d’humanité ? Ulysse, retenu captif de Calypso, momentanément vaincu et perdant espoir et maîtrise de lui sur la plage de l’île d’Ogygie, en pleurs ? Oh, Oh, pourquoi pas, décidément Sollers est toujours prêt à nous surprendre, à surgir là où plus personne ne l’attend plus, pas même lui, même si pour ma part, je n’y crois pas du tout. Il s’agit de tout autre chose. Je note plus simplement qu’il s’est adressé à une foule, et que si par malheur, parmi cette foule, certains ont pris au pied de la lettre ses invectives, je veux dire pour eux, eh bien, c’est qu’ils le méritaient non ? Pour les autres, tout va bien, l’élévation de la voix leur a fait un bien fou j’imagine : ils possèdent aujourd’hui des tympans neufs, en cuivre éclatant. Heureux les chanceux qui ont pu entendre de leur propres oreilles une telle musique dans un tel décor ! J’aurais adoré être présent. Le message a été clairement énoncé et il résonne encore. La prochaine fois, ces chanceux ne pourront plus jouer les surpris. Pour toutes ces raisons, je ne vois pas de chute. Seulement, parfois, s’il le faut, pour couper court au malentendu, le ton monte.


  • Eric MALFILATRE | 29 janvier 2012 - 18:15 4

    Cher Viktor

    Merci de m’avoir lu avec autant de finesse.
    La création de ce blog est à votre honneur, sans doute contribue t’il au renforcement de ce noyau de résistance qui se forme avec le développement de la mélasse verbiale comme proverbiale qui nous enveloppe. c’est pourquoi, j’ai réagit aux commentaires de pile face pour souligner vous l’avez compris que les enjeux du spectacle de ce lundi était aussi une tentative pour sortir de cette société de spectacle dont nos esprits et nos corps sont gavés et là le vocabulaire doit être soigné, votre description de la soirée est juste, vous constatez que je n’ai critiqué que certains aspects interprétatifs et pas seulement les vôtres. Sans doute étiez-vous encore sous le choc quand vous avez écrit, moi-même j’ai modifié la première lettre après relecture puis vendredi j’ai lu les commentaires, je fus touché au vif et j’ai éprouvé un impératif de préciser et de formuler mes réactions. Dans la salle le public était désarçonné mais chacun dans sa chute s’est révélé en se raccrochant à une branche pour ne pas être emporté dans le tourbillon : c’est psychologique et c’est le danger. Cette dame Anna qui voulait exprimer maladroitement qu’elle avait été très touchée par le conférences et le film et plus tard cet homme tout heureux du meurtre symbolique public qu’il commettait, se prenant sans doute pour Fouquet Tinville avec son "T’es mort Sollers" dira t’il son nom ou restera t’il caché à l’ombre de son ignominie ? Il fallait réagir. De là le mélange des lettres, à Ph Sollers et à pile face (j’ai apprécié le titre de lettre ouverte que vous avez choisi, cela correspond très bien)
    Merci pour votre travail pour ce blog