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Philippe Sollers : Sur le catholicisme

« Catholicisme, grandeur et misère »

D 25 juin 2023     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



Les obsèques de Philippe Sollers ont eu lieu à l’église d’Ars en Ré le 15 mai 2023. Messe catholique. Regardez et surtout réécoutez SOLLERS EN RÉ. Aucun article, à ma connaissance, même parmi les meilleurs, n’a fait allusion à cet événement et, surtout, personne n’a cru bon de revenir de manière un peu précise sur le rapport essentiel que Sollers a entretenu dans sa vie comme dans ses livres avec le catholicisme. Si je redonne quelque actualité à cet article, c’est parce que vous pourrez y voir l’intervention subversive que Sollers fit, dans la soirée du lundi 13 septembre 2010, sur ce qu’il a toujours appelé « la révolution catholique », Rome, les papes et l’Église catholique devant un public, je peux en témoigner, particulièrement déconcerté. L’intervention a été filmée par G.K. Galabov.

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A l’occasion de son numéro de septembre 2010, la Revue des Deux Mondes organisait, le lundi 13 septembre, en partenariat avec le Collège des Bernardins, une rencontre sous le titre de « Catholicisme, grandeur et misère ».
Michel Crépu, Philippe Sollers, Michel de Virville et Marin de Viry animaient les débats.

Le numéro de la Revue — intitulé de manière provocatrice, selon son rédacteur en chef, « Requiem pour le catholicisme ? » — reprend judicieusement un long entretien avec Philippe Sollers publié en 1985 que j’avais estimé utile d’exhumer de mes archives, pour Pileface, en janvier dernier, peu avant l’intervention de Sollers au collège des Bernardins sur « La révolution catholique » [1].

La réédition de ce texte — « Vatican II, l’effet de la cure » — est précédée de la présentation suivante :

« L’entretien avec Philippe Sollers qu’on va lire a paru en décembre 1985 dans la revue Autrement, qui consacrait alors un numéro, dirigé par Michel Crépu et Bruno Tiliette, intitulé « La scène catholique » [2]. Il s’inscrit dans un contexte historique d’avant la chute du mur de Berlin, alors que la Pologne venait de donner un pape au monde et que le syndicat Solidarnosc allait jouer le rôle que l’on sait.
Il nous a semblé que ces propos, vingt-cinq ans plus tard, portant sur la nature d’un concile (en l’occurrence celui de Vatican II) et ses effets dans le temps, n’avaient pas vieilli et méritaient d’être relus dans sa couleur d’époque. »
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«  Le problème de l’évaluation du temps à partir de la Seconde Guerre mondiale est encore en cours. Je veux dire par là que quarante ans, pour la fin de cette guerre, c’est très peu de chose et que, étant donné l’effondrement qui s’est produit là dans ce creuset, on est probablement au tout début aujourd’hui d’une évaluation du noeud de l’événement. Sur tous les plans.
Alors si on attaque la question religieuse occidentale, il est bien évident qu’on est soumis à une double interrogation. D’une part, les effets de la Seconde Guerre mondiale sont à peine en cours et, d’autre part, les effets d’un concile comme celui de Vatican Il sont eux aussi en cours ; à peine, je dis bien à peine... Au fur et à mesure que le temps va passer, je crois que beaucoup de spéculations, de vagues et de réactions vont se trouver petit à petit périmées.
L’histoire nous enseigne que les effets d’un concile catholique ne sont pleinement appréciables, visibles, qu’avec un certain recul ; je prendrai comme exemple celui du concile de Trente qui est sûrement un des plus importants dans l’histoire occidentale : ses effets dans la culture demanderaient une étude monumentale qui malheureusement nous manque...
Le fait de vivre apparemment dans une culture catholique qui se sait vaguement être catholique mais qui en réalité est une culture très violemment anticatholique depuis deux siècles et demi au moins, nous empêche de prendre la mesure de ses effets puisque la scolarité, l’université, la médiation intellectuelle, souvent sans le savoir, sont fondées sur un a priori anticatholique, un a priori spontané, qui ne revient pas sur soi.
 »

Lire la suite de « Vatican II , l’effet de la cure ».

*

Le 13 septembre 2010...

Vingt-cinq ans plus tard, le contexte a changé, mais le débat continue. Après la présentation de Michel Crépu insistant d’entrée de jeu sur « le désir de parler avec l’instance catholique » dans un nécessaire « affrontement avec le nihilisme », c’est un Philippe Sollers très nietzschéen, voire très dionysiaque, tour à tour véhément, drôle et irritant (whisky et cigarettes aidant), qui posa, en des termes que n’aurait pas reniés non plus Joseph de Maistre, le problème du catholicisme français, c’est-à-dire du « gallicanisme ».

Citations : «  Le problème, c’est l’ignorance.
La grande voyageuse du Temps, c’est l’Église catholique.
 »
«  La France est un pays indécent où les catholiques sont indécents et les anti-catholiques obscènes. »
«  Ce qui domine, c’est l’ignorance, l’ignorance de Rome. »
« Merci aux Bernardins de m’avoir permis de parler de Dante. Le trasumanar. Le Pape. »
«  Tant que l’Église catholique n’aura pas traité théologiquement la question de la sexualité, on n’avancera pas d’un pas. »
«  La représentation qu’a l’Église catholique de la sexualité est d’une connerie gigantesque. Je suis un athée sexuel. Je sais que je n’ai aucune chance d’être entendu. »
«  La sexualité n’a pas d’importance. »
«  Je suis docteur in peccato. Il faut un théologien strict pour traiter ça. Je pose ma candidature. »
«  Ce qui est spécifiquement catholique, c’est la Vierge Marie, l’assomption. »

Les références : toujours Nietzsche (« contre le christianisme »), Joyce (« le secret de la véritable Église »), Dante bien sûr.
Éloge du pape et du Vatican pour la lettre courtoise adressée à Sophie Zhang et Georgi K. Galabov en remerciements à l’envoi du DVD « Vers le Paradis » (VOIR ICI) et insistance sur l’importance, pour James Joyce, du cardinal Newman (qui sera béatifié par Benoit XVI le 19 septembre) [3].

Sophie Zhang et Georgi Galabov ont filmé le débat comme à l’accoutumé. Sans doute pour une mise en ligne à venir...

C’est fait (22-09-10).

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Notons, ce 25 juin 2023, que la vidéo a disparu du site de Sollers et qu’il n’y a aucune transcription de cette intervention.
Quant à Marin de Viry, il n’a pas vraiment apprécié. Vous pouvez lire son récit de la soirée sur « Ring » : Philippe Sollers, à la droite de lui-même (l’article a aussi disparu).

Vous pouvez lire, regarder et écouter :
Pourquoi je suis catholique
Le XVIIIe siècle et la révolution catholique
Le catholicisme de Dante
Grandeur du Catholicisme

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Le numéro de la Revue de Deux Mondes

ÉDITORIAL

par Michel Crépu

ALORS, LE CATHOLICISME ?

Ce numéro est dédié à la mémoire de Maurice Clavel, qui nous manque.

En dépit de son titre inquiet, ce numéro procède d’abord d’une passion pour son objet. Source inépuisable du ressentiment qui s’exprime à son égard, le catholicisme a fini par se fondre avec sa projection haineuse. Vieille histoire aux épisode innombrables. Aucune institution au monde, religieuse ou non, ne suscite à ce point le commentaire réprobateur jusqu’à la toute récente et cauchemardesque crise sexuelle pédophile - dont il est permis de se demander si elle affecte la seule institution catholique ou bien non. Le catholicisme a beau avoir été une fabuleuse machine à produire de la beauté, de Giotto à Paul Claudel, rien n’y fait : cela ne sera pas compté en sa faveur, ni même ne fera l’objet de la moindre curiosité de la part des innombrables Michel Onfray que compte désormais le village. Il y a là comme un mystère, quasi un signe d’élection extra­ordinaire dans l’art de la mauvaise foi. Est-ce surmontable ? Peut-on échapper à cette tenaille qui somme en permanence d’apporter des papiers en règle ? De prouver par des actes que l’on se range à ­l’opinion officielle ? Oui, on le peut tout à fait et c’est exactement le pari de ce numéro, qui en appellera d’autres. La Revue des Deux Mondes, qui n’a jamais été une revue confessionnelle, ne s’est jamais désintéressée du destin en cours de l’Église romaine. Que l’on remonte à la séparation de l’Église et de l’État ou au concile Vatican II tel que la Revue l’interpréta et relu ici par Jean-Paul Clément, on ne manque pas de relever à quel point ce destin de l’Église a pu, de fait, passionner les esprits. Les ravages de l’inculture religieuse actuelle font, hélas, que cette passion a cédé la place aux jugements péremptoires, à l’indifférence pompeuse, si niaisement sûre de son fait. Comme il semble déjà loin, le temps où un Georges Duby écrivait ce livre admirable, le Temps des cathédrales  ! Et comme il semble encore plus loin, le temps où la familiarité avec la bibliothèque religieuse, de saint Augustin au Maritain du Paysan de la Garonne, auquel se réfère ici Patrick Kéchichian dans un texte d’une rare justesse, témoignait d’une vivacité spirituelle excitante, donnant envie de replonger encore une fois dans les vieux textes.

Lire la suite

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LE SOMMAIRE

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[2Lire la présentation que j’en faisais le 12 janvier 2010 : La scène catholique.

[3NOTE. On trouve dans La Trinité de Joyce (entretien de Sollers avec Jean-Louis Houdebine de 1979) cette note :

« Un cardinal joua un rôle important sur le jeune James Joyce. Il s’agit du cardinal Newman (1801-1890) qui abandonna l’Eglise anglicane pour se convertir au catholicisme en 1845 et ne cessa de faire scandale en Angleterre pendant toute la seconde moitié du XIXe siècle. C’est à l’Université catholique de Dublin, fondée par Newman en 1853 que Joyce fut étudiant. Celui-ci admira très tôt la prose de Newman. Outre le destin tout à fait exceptionnel du personnage, qui apparaît très bien dans son Apologia pro vita sua, il faut ajouter que le cardinal Newman s’était converti sur des bases qui ne pouvait qu’intéresser Joyce et le confirmer dans son opinion, émise au chapitre V du Portrait, sur le catholicisme et le protestantisme : « Quel sorte de délivrance y aurait-il à répudier une absurdité logique et cohérente pour en embrasser une autre, illogique et incohérente ?  » Retenons essentiellement ici que Newman invoquait, dans les motifs de sa conversion, différentes sortes de raisons. Tout d’abord des raisons précisément d’ordre logique : ce que cherche Newman, c’est en effet à formuler une base logique à sa foi, et l’anglicanisme, dont les fondements théologiques sont pratiquement inexistants, va lui apparaître assez rapidement d’une parfaite incohérence ; il est intéressant à cet égard de noter ici que le premier ouvrage de Newman, alors qu’il était encore anglican, fut consacré à l’hérésie arienne (The Arians of the Fourth Century, 1833) ; c’est même en travaillant à cette étude qu’il commença à se rendre compte que l’anglicanisme n’était en fait qu’une reproduction, elle-même très appauvrie, des grandes hérésies qu’avait connues l’Église romaine au cours des premiers siècles, et essentiellement de l’arianisme. Autres raisons : celles d’ordre éthique, dans la mesure où il lui apparaît que l’anglicanisme constitue un mélange délibéré, et particulièrement pernicieux, du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel ; vieux problème, d’ailleurs, que celui-là, dont on sait l’importance que Dante lui a accordée. aussi bien dans la Divine Comédie que dans le De Monarchia. Ajoutons enfin des raisons apparemment plus subjectives, mais qui n’en sont pas moins d’un grand intérêt pour nous : des raisons d’ordre esthétique, dans la mesure où pour Newman, passionné d’art et de littérature, le protestantisme constitue « la plus morne de toutes les religions possibles ». Difficile de ne pas penser ici aux remarques de Bloom et de Stephen sur la grandeur sublime de la musique sacrée catholique, comparée à la médiocrité esthétique de la plupart des cantiques protestants (Ulysse, p. 587 ; cf. également les réflexions de Bloom dans l’église, p. 80). » (note 24 des entretiens La Trinité de Joyce, Tel Quel 83, printemps 1980, p. 60. Repris dans Discours Parfait, p. 865).

Voir, sur Pileface, notre dossier du 15-04-07 : Le cardinal Joyce.

Lire aussi Benoit XVI et le cardinal converti et Benoît XVI voit en Newman un « docteur ».

Le Sens de la béatification de Newman par le Père Keith Beaumont, Prêtre de l’Oratoire, Président de l’Association française des Amis de Newman.

Un colloque sur Newman intitulé « Lire John Henry Newman à l’occasion de sa béatification » est organisé à Paris, au Collège des Bernardins, le jeudi 14 octobre 2010, de 17h à 22h.

[4Un nouveau dossier de trente pages sur la photo retrouvée.

[5Kéchichian dont il faut lire Le petit éloge du catholicisme.

[6Très intéressant entretien avec l’auteur de L’Être et le Divin.

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