2. ....« ce que je nomme le Prospect est un office de raison qui dépend de trois choses, savoir de l' œil, du rayon visuel, et de la distance de l' œil à l'objet: et c'est de cette connaissance dont il serait à souhaiter que ceux qui se meslent de donner leur jugement fussent bien instruits. » (Rapporté par Félibien.) Si l'on distingue le regard passif et comme hébété (celui par exemple qui se bloque, inerte, devant cette page, sans que nous puissions ni la fragmenter - en commencer la lecture - ni donc la comprendre; celui qui peut tout juste apprécier une harmonie générale et en isoler, en solidifier, quelques points) ; le regard simplement considératif (global, mais forcément incomplet, celui, pourtant «lucide », qui suit un mouvement d'accommodation) ; et enfin le regard du « prospect » (qui procède par ordre, évalue les distances, reconnaît son objet, et perd momentanément - sauf « en rappel» - la notion de l'ensemble); si l'on distingue ces regards et leurs variantes, leurs cas particuliers; une continuité peut sans doute être trouvée dans cette discontinuité même, dont l'effet, bien ménagé, devra, joint aux informations des autres sens et à la conception de l'ensemble, représenter précisément la vision la plus juste et la plus générale. Voilà, en tout cas, où devrait tendre, sinon réussir, tout art « objectif» : art de la perception mentale, il veut en supprimer le hasard par une présentation inévitable, et vise à produire des effets certains. « Je vous supplie, si vous le trouvez bon [ce tableau], de l'omer d'un peu de corniche car il en a besoin afin que, en le considérant en toutes ses parties, les rayons de l'œil soient retenus et non point épars au dehors, en recevant les espèces des autres objets voisins qui, venant pêle-mêle avec les choses dépeintes, confondent le jour. » (Lettre à Chantelou, 28 avril 1639.)