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Georges Ambrosino et Georges Bataille

D 7 janvier 2023     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

L’expérience à l’épreuve, correspondance et inédits (1943-1960)

La correspondance de Georges Bataille dans l’immédiat après-guerre avec son ami, le physicien nucléaire Georges Ambrosino, détaille de façon suivie une amitié turbulente dont l’origine est précisément Acéphale. En 1945-1947, Ambrosino reste un interlocuteur intellectuel plus que privilégié pour Bataille qui, s’étant dégagé du radicalisme révolutionnaire, veut cependant promouvoir un idéal anti-utilitaire, anticapitaliste, universel et sacrificiel - idéal qu’il appelle « souveraineté » - dans un monde où se manifestent les prodromes d’une guerre froide déjà sous l’emprise de la bombe atomique. Dans plusieurs lettres remarquables, il précise ainsi ses attitudes de l’époque : philosophiques, politiques et scientifiques.

Georges Ambrosino et Georges Bataille : la recherche de la vérité

Complétées d’un essai inédit de Bataille sur Jean- Paul Sartre (1946) et de notes et manuscrits d’Ambrosino, ces lettres poursuivent le dialogue entamé avant guerre par les deux correspondants. Le philosophe et le scientifique manifestent un grand respect l’un envers l’autre. Ils cherchent à découvrir le monde et les hommes qui l’habitent, l’univers physique - celui des particules jusqu’au monde des étoiles. « Un monde formidable, si nouveau pour moi » écrit Ambrosino.

Dans cette correspondance se retrouve le côté passionné des deux correspondants. Ils sont fort de leurs savoirs mais vulnérables affectivement. Ils abordent des thématiques essentielles. Pour eux les valeurs soumises à l’éclairage du temps flambent comme des allumettes depuis les origines de l’homme, du monde, des civilisations. Les deux correspondants à la fois s’opposent et se réconfortent. Tout ne va pas sans heurts. Ils font des efforts pour toucher au mystère de l’homme dont l’essence est ce qu’il nomme « poésie . Ils continuent de la chercher comme ils le firent avant guerre au sein des premières revues qu’ils fondèrent (dont « Acéphale ») et celles qu’ils créèrent ensuite (« Critique » entre autres).

Les deux épistoliers font preuve d’écoute même s’ils s’accusent de ne pas s’entendre. Les deux auteurs font preuve d’attention, de lucidité, d’évidente responsabilité de ce qu’ils font tout en préservant la primordiale nécessité d’être soi-même. Claudine Frank offre de ce dialogue une édition scientifique, pertinente. Entre le philosophe et le scientifique, se retrouvent — pour peu qu’on les décontextualise — des réflexions qui n’ont rien perdu de leur actualité. Entre autre sur la notion d’énergie. La réflexion prend dans un tel échange une dimension telle qu’elle pourrait aujourd’hui encore « nourrir » le débat intellectuel jusque dans ses nouvelles données spécistes.

Jean-Paul Gavard-Perret, 5 janvier 2022.