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Thibault Biscarrat, L’initié

D 3 avril 2022     C 1 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

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Thibault Biscarrat, L’initié suivi de La libre étendue et L’incandescence

La critique sensible de Fabien Ribery

Vie, mort, vie, par Thibault Biscarrat, poète

« Aujourd’hui, voici, la solitude m’assiège mais mon cœur n’a pas peur. Il existe un lieu, une voix, un destin. »

Thibault Biscarrat écrit des livres où la parole brûle.

Des livres où résonnent les mots du Christ repris par Saint Luc : « J’apporte le feu sur la Terre et qu’ai-je voulu sinon qu’il brûle ? »

Des livres de lumière aveuglante, écrits par un habitant d’Ephèse ou d’Eleusis.

« Je façonne mon visage à la manière des arbres qui s’étreignent en leurs racines. Secrète alliance du ciel et de la terre. Dis-moi quelle est la voie vers ton cœur, je te dirai le secret de la source. Je te dirai l’encre et je te dirai le mystère. Il est une voix, Une, qui chavire à l’intime. »

Thibault Biscarrat a lu la Bible, les grands récits mythologiques, les mystiques, Kafka, et probablement, pour la pensée-rythme, François Meyronnis.

« Ma peau tatouée de runes et d’escarres se souvient de l’ancien trône. Ma voix éprouve la muraille, mon souffle enlace le thyrse, les vignes. »

Composant son dernier opus, L’initié, par blocs de phrases compactes, comme des rochers de mémoire, l’écrivain inspiré situe sa parole dans l’écho du Verbe créateur.

Dieu est là, comme dans une église romane, ou un bosquet mouvant.

« Une couronne précède l’éternité, la brisure des vases. Otez vos masques voyageurs, laissez les mots glisser sur votre peau, vous défaire des scories du temps, inscrivez votre nom sur la pierre d’angle de la demeure. Vivez au plus près de la foudre, des troubles. Je suis la voix, le souffle, le destin. »

Il faut quitter, partir, se risquer, dans la confiance et la loyauté du chemin qui nous porte.

« Ce soir, je regagne ma tente et je mange de ce pain de silence. Au loin la foudre façonne les nuages, indique une présence »

Ce que nous prenons pour notre identité est un leurre, notre nom est bien plus mystérieux qu’une carte de police.

Voyelles, consonnes, corps soufflés.

Chaleur de ce qui est, de toujours et pour la première fois.

Aimer, écrire, vivre.

Le poète tisse ses visions, tout est neuf et constamment repris, comme un approfondissement de liberté, ou un enseignement gnostique.

Il n’y a de séparation que du diabolique, poésie est retrouvailles, unité, épousailles.

« Ma main gauche sous ta tête, ma main droite caresse ta peau, ta chevelure. Ne résiste pas à l’appel. Nous vivrons à nouveau dans la montée du souffle. Et je bâtirai des demeures, des sortilèges. »

L’érotique partagée, vécue comme un royaume à deux, est l’un des signes de l’amour divin.

« Montre-moi ton visage, mon aimée, toi qui trembles d’amour. Je veux te connaître là où ta mère fut enfantée. Tu erres, çà et là, parmi les jardins, les collines. Tu connais les parfums, les rivières, les torrents, les offrandes. Tu m’aimes d’un amour inconditionnel. Je t’aime d’un amour d’encre et de pétales. Viens et vois : la lumière est plus grande au creux de tes seins. Viens et vois : ta peau est douce, suave comme le miel. Nous enfanterons des déesses, nous enfanterons des dieux. Ta peau contre la mienne. Tes gestes. Ton regard. Que la parole nous soit caresse, don des langues, ciel favorable. »

Tel est le lyrisme incandescent de Thibault Biscarrat.

Qui écrit : « J’ai écrit cette strophe pour me délivrer des voix qui m’assiègent. »

Fabien Ribery, L’intervalle, 25 mars 2022

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Le précédent livre de Thibaut Biscarrat, Chant continu, dont nous avions rendu compte au mois d’octobre (lire ici), vient de faire l’objet d’un livre audio. La poésie doit non seulement être lue, mais écoutée dans sa profonde musicalité.

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