Sur et autour de Sollers
vous etes ici : Accueil » NOTES » Si René de Obaldia nous était conté par : PileFace.com
  • > NOTES

Si René de Obaldia nous était conté

D 1er février 2022     C 1 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   


René de Obaldia en 2011 à La Forêt des livres - Photo AFP / Alain JOCARD .
ZOOM : cliquer l’image
GIF

DISPARITION - Poète, dramaturge, romancier, doyen de l’Académie française… L’Immortel exquis, d’une politesse hors d’âge, pouvait être extrêmement mordant et caustique. Il est décédé à 103 ans.

GIF

Par Adriano Tiniscopa ,
Livres hebdo avec afp
28/01/2022

L’Académie française a annoncé la mort de son doyen, René de Obaldia, jeudi 27 janvier à l’âge de 103 ans à Paris. Le dramaturge, romancier et poète avait acquis une notoriété internationale à partir des années 1960 avec des pièces de théâtre traduites dans une vingtaine de langues notamment Du vent dans les branches de sassafras, sa pièce la plus connue, Monsieur Klebs et Rozalie ou bien encore La Rue Obaldia. "Notre merveilleux centenaire toujours alerte vient de nous quitter. C’est une immense perte pour l’Académie et une peine infinie pour moi", a déclaré à l’AFP la secrétaire perpétuelle Hélène Carrère d’Encausse.

Né à Hong Kong en 1918, d’une mère française et d’un père diplomate panaméen, qui disparaît à sa naissance, il est élevé par une nourrice en arrivant en France avant que sa grand-mère maternelle installée dans la Somme ne prenne soin de lui. Il a 20 ans lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale durant laquelle il est fait prisonnier et envoyé en Silésie (Pologne) d’où il sera libéré en 1944. Son premier roman, Tamerlan des cœurs est édité en 1956 , puis est publié Le Centenaire en 1959, long monologue romanesque d’un vieillard ressassant ses souvenirs. Ecrivain touche-à-tout, cultivant le détachement, la dérision et un humour mordant, il participe entre autres avec Samuel Becket et Eugène Ionesco à la réémergence du théâtre français portée par le Théâtre national populaire (TNP). En 1985, il reçoit le Grand Prix du Théâtre de l’Académie française, avant d’être élu au fauteuil 22 en 1999 pour prendre place dans l’institution l’année suivante. Lors de son discours de réception à l’Académie en 2000, il s’avouait "souvent en porte-à-faux avec la réalité ; une réalité pour laquelle, je vous l’avoue, je nourris une forte suspicion".

Une existence riche

René de Obaldia a conquis une grande audience grâce à ses pièces de théâtre, notamment Génousie en 1961 mise en scène par Jean Vilar. Notoire pour ses satires, pleines d’humour comme dans Le Bon bourgeois (1980), il laissait une grande place à l’imaginaire, source de la création à ses yeux. Couronné de prix tout du long de sa carrière, le dramaturge est notamment lauréat en 1993 du Molière du meilleur auteur pour sa pièce Monsieur Klebs et Rozalie (1975) et reçoit un Molière d’honneur pour l’ensemble de sa carrière dramatique la même année. Son œuvre dramaturgique a été publiée chez Grasset, comme une grande partie de ses livres de prose (comme ses Mémoires, Exobiographie) ou de poésie (Innocentines), et ses livres jeunesses (Moi j’irai dans la lune).

GIF

Membre de l’Académie Alphonse Allais, il a également été distingué pour son œuvre par le Grand prix SACD et le prix du PEN Club français, ainsi que le Prix de la langue française. Pour son dernier ouvrage, Perles de vie (2017), il se félicitait d’une "existence riche en métamorphoses : poèmes, romans, théâtre, mémoires" et écrivait en quatrième de couverture : "Je vais maintenant prendre congé de vous, non sans vous gratifier d’un proverbe bantou : « Mon ami n’est pas mort puisque je vis encore. »"


ZOOM : cliquer l’image
GIF

INTERVIEW, il y a trois ans : « Cent ans ! J’en reste ébaubi ! »

Par Armelle Héliot
Le Figaro, Publié le 21/10/2018

INTERVIEW - Académicien français, il est né le 22 octobre 1918 à Hongkong. Il est toujours aussi vif, spirituel, actif. Il lit, il écrit, il s’intéresse au monde et aux autres. Il livre au Figaro quelques pensées et souvenirs.

L’été indien le comble. Par les fenêtres de son appartement parisien, il contemple le ciel bleu et l’église de la Trinité. Le bâtiment est en travaux et le clocher de 65 mètres se dresse dans la gangue d’un échafaudage métallique qui luit dans le soleil. Une occasion de plus d’admirer ce paysage urbain familier, avec ses toits, les murs ocre de son immeuble qui donnent quelque chose d’italien à la vue.

René de Obaldia vous reçoit avec chaleur et simplicité. Il a beau être un éminent académicien français, il a conservé l’esprit d’un éternel camarade. Que l’on soit de sa génération ou non, il est fraternel et c’est un privilège extraordinaire que de le connaître depuis si longtemps. Le temps a passé. Ce lundi 22 octobre, cet esprit vif, cet homme érudit et malicieux, cette âme forte, ce cœur aimant, fête ses 100 ans. Un déjeuner avec sa famille du Quai Conti, où il compte beaucoup d’amis, la tendresse de ses enfants et, dans quelque temps, une soirée théâtrale organisée au La Bruyère.

LE FIGARO. - Quel effet cela fait-il d’avoir 100 ans ?

René DE OBALDIA. -Je suis dans un sentiment d’ahurissement ! Un profond sentiment d’étonnement… Cent ans ! J’en reste ébaubi ! J’aime citer ce proverbe russe : « Pour devenir centenaire, il faut s’y prendre de bonne heure. »

Vous semblez en grande forme ?

N’exagérons pas ! J’ai quelques soucis… À 22 ans, il est logique de connaître des problèmes. Le temps est une étrange chose. On se voit vieillir. La vie vous rappelle à la réalité. Mais l’âge est autre chose. Je persévère dans mon être, comme je le dis parfois…

Avez-vous connu d’autres artistes, d’autres intellectuels qui aient atteint ce bel âge ?

Je pense à notre chère Gisèle Casadesus, à Maurice Nadeau qui a été déterminant à mes tout débuts. À l’Académie, nous avons célébré, il y a dix ans, le centenaire de Claude Lévi-Strauss, grand esprit, demeuré aigu jusqu’au bout.

Les académiciens sont savants, passionnés et souvent très drôles
René de Obaldia

Élu en 1999, vous occupez le fauteuil 22 à l’Académie française. Que vous a apporté la fréquentation de cette illustre compagnie ?

Pour moi, c’est une famille. Une famille chaleureuse, riche de personnalités fortes. Et qui se renouvelle. J’ai beaucoup d’admiration pour ces écrivains venus d’horizons très différents : Dany Laferrière, Amin Maalouf, Andreï Makine, notamment. Je suis très proche d’Yves Pouliquen qui, par-delà sa science de médecin, possède une érudition extraordinaire et organise des concerts. Hélène Carrère d’Encausse, notre Secrétaire perpétuelle, veille sur moi comme une sœur. Elle est d’une grande humanité. C’est ce que j’admire le plus chez les êtres, l’humanité.

Êtes-vous assidu aux séances ?

Autant que me le permet ma santé ! Il arrive que je sois fatigué… Ainsi n’ai-je pas assisté à la réception de Michel Zink, la semaine dernière. Avouons-le : j’étais dans l’appréhension du grand jour… Mais j’apprécie beaucoup les séances du dictionnaire. C’est un privilège extraordinaire de débattre ainsi, d’échanger, de se lancer dans de belles disputes. Les académiciens sont savants, passionnés et souvent très drôles.

Êtes-vous sensible à l’affection dont on vous entoure, au-delà de l’admiration que le monde a pour votre œuvre ?

Oui. On n’est jamais insensible aux honneurs, à la reconnaissance. Ce qui m’a le plus ému, ces derniers temps, c’est qu’une école communale, dans un village situé près de la maison de campagne que j’avais acquise avec les droits d’auteur deDu vent dans les branches de Sassafras, il y a cinquante ans, ait pris mon nom. C’est un honneur dont je mesure la valeur et qui a donné lieu à une cérémonie touchante, avec le maire de la commune, Thimert-Gâtelles, en Eure-et-Loir et les enfants qui avaient appris quelques-unes de mesInnocentineset les ont récitées.

Comment se passent vos journées ?

Je médite. Je réfléchis à la condition humaine. Je me tiens souvent dans cette pièce, entouré par les livres. Je tire un volume de ces rayonnages. Je vais vers les mystiques. Sainte Thérèse d’Avila, saint Augustin dont je possède une très belle édition complète, le père Bromberger. J’ai toujours été passionné par la religion, les questions sur l’au-delà. J’ai été un chrétien qui s’interrogeait, doutait. Aujourd’hui, je n’ai plus la foi.

Vous êtes entouré de livres récents, lisez-vous les jeunes écrivains ?

Bien sûr. Je m’intéresse aux auteurs du temps, romanciers, poètes, essayistes. Et les jeunes auteurs dramatiques, bien sûr. Mais, comme je lis et relis les mystiques, je lis et relis les écrivains qui ont marqué ma vie. Je picore. Je reprends des passages que j’aime. J’ai ainsi reluJules Verne. Cela m’a rappelé mon enfance. Si je suis né à Hongkong, où mon père, diplomate, représentait son pays, le Panama, ma mère était originaire de Picardie et c’est là que j’ai grandi. Mes parents s’étaient rencontrés à Paris, au Bal Bullier.

Lorsque je suis né, mon père, un séducteur, avait déjà disparu quelque part en Chine. Ma mère est rentrée en France, avec ses trois enfants. Elle m’a d’abord mis en nourrice car elle devait travailler, puis j’ai grandi auprès de ma grand-mère Honorine. Nous avions un rite dont je me souviens très bien : après ses journées harassantes, elle prenait des bains de pieds, bassine et gros sel, et me demandait de lui faire la lecture. Je lisais Jules Verne. Je me souviens de ma découverte duTour du monde en 80 jours.

Vous avez traversé des épisodes très cruels dans votre vie. Cela vous a-t-il marqué jusqu’à aujourd’hui ?

La mort des proches est une épreuve. Diane, ma dernière femme, s’est éteinte en 2012, elle a été malade, elle a souffert et j’en demeure inconsolé. Ici, c’était sa maison, son goût et je n’imaginais pas qu’elle puisse mourir avant moi. Cela, c’est pour le plus profond, le plus intime. Mais évidemment, il y a le monde comme il va, ou plutôt va si mal, partout, et cela me touche, me désole, me hante.

Quels souvenirs avez-vous de la guerre ?

J’évoquerai d’abord un des très grands souvenirs de ma vie : la libération de Paris. J’avais une chambre de bonne entre la porte d’Orléans et celle de Châtillon, et j’ai assisté à l’entrée de Leclerc et des chars qui nous délivraient. Il y avait des tireurs embusqués sur les toits et un homme a été blessé, juste à côté de moi. Mais le sentiment qui nous soulevait, la liesse, le bonheur sont indescriptibles et inoubliables.

Je ne me suis jamais projeté dans l’avenir, pas plus que je ne me complais dans le passé, sauf pour penser à ceux que j’ai aimés, que j’aime
René de Obaldia

Mais la guerre, pour vous, n’est-ce pas aussi la captivité ?

En 1939, j’ai reçu ma feuille de mobilisation et rejoint mon corps, un régiment breton, à Saint-Brieuc. On ne croyait pas à cette guerre. On pensait qu’il y aurait un arrangement. Nous avions 20 ans. Ce fut « la drôle de guerre ». Mais lorsque l’Allemagne a envahi la Pologne, nous avons compris. Je me suis souvenu de notre professeur d’histoire, au lycée Condorcet. M. Malaurie se taisait tout soudain, nous regardait et nous disait : « Mes pauvres enfants… » Il savait que l’on connaîtrait la guerre, que la boucherie de 14-18 n’était pas la fin des conflits. Quant à mon régiment, il a été envoyé à Cambrai. On attendait et puis un soir des nuées de bombardiers allemands sont passées au-dessus de nous. Armés de nos fusils Lebel de la guerre précédente, nous avons avancé jusqu’au village de Flesquières. Parce que j’ai été au-devant d’un char, il ne m’a pas vu et j’ai été épargné… Dix-sept de mes camarades sont morts. Je ne les ai jamais oubliés. J’ai été fait prisonnier et été envoyé dans un camp, en Silésie. Cela a duré quatre ans, j’ai été rapatrié un peu avant mes camarades, car j’étais très affaibli…

Cette expérience a-t-elle influencé votre œuvre ?

Sans doute ai-je dès lors voulu préférer le bonheur… Une certaine distance avec le sérieux. J’écrivais avant la guerre. J’ai continué après. Je me voyais poète, mais, parce qu’il fallait gagner sa vie, j’ai écrit des chansons. Je les signais Maurice Ygor, par passion pourIgor Stravinsky. J’ai été conseillé par des amis, Michel Emer, Marguerite Monnot qui m’avait dit que les textes étaient « un peu trop littéraires ». Je me suis alors élagué ! « Tout accomplissement est suppressif », ne l’oublions pas !Luis Marianoa choisi l’une de mes chansons, et cela a été un bon tremplin pour moi.

Pourquoi n’avez-vous pas persévéré dans la chanson ?

Je rêvais poésie, roman.Tamerlan des cœurs, mon premier roman, a eu beaucoup de retentissement et un soir, lors d’un dîner, j’ai rencontréJean Vilar. Il m’a dit : « Obaldia, vous devriez écrire pour le théâtre. » Ce futGenousie, pièce qu’il a créée en 1960 au Théâtre Récamier. La première lecture, avec Maria Casarès, Georges Wilson, Jean Topart, entre autres, est inoubliable… C’est Maria Mauban et Jean Rochefort qui l’ont créée.

Vous n’aviez pas 40 ans lorsque vous avez écritLe Centenaire, pensiez-vous atteindre ce bel âge ?

J’ai pris les devants ! Je ne me suis jamais projeté dans l’avenir, pas plus que je ne me complais dans le passé, sauf pour penser à ceux que j’ai aimés, que j’aime. Mais je crois au présent. Il faut savoir être au présent et réfléchir à ce que nous offre la langue française : le présent est un présent.

À lire :Théâtre complet, Grasset, 2001, 38,10euros, etExobiographie, ses Mémoires ; Grasset, 1993. PuisLes Cahiers rouges, 2011, 13,70euros.

Voyage dans l’œuvre de René de Obaldia


50 minutes d’un festival rare, riche de nombreuses archives de l’INA. Si vous avez un peu de temps, vaut l’écoute. Guillaume Gallienne, réalisateur et comédien (sociétaire de la Comédie Française) sert magnifiquement les textes qu’il interprète

GIF

L’infatigable René de Obaldia célébrait en octobre ses cent ans. Découvrons quelques extraits de son œuvre, entre récit autobiographique, roman, théâtre et poésie. Un univers savoureux qui balance entre la farce et la métaphysique...

Extrait de "Exobiographie" de René de Obaldia

GIF

"Dès mon plus jeune âge, je me suis interrogé sur la manière dont "la Dame à la Faulx" viendrait à ma rencontre. Par quel détour, quel stratagème, au cours de quel rendez-vous galant, la dame enveloppée de sa vaste houppelande de nuit, me lancera-t-elle, de ses orbites creuses, une œillade ? Maladie ? Accident ? Suicide ? Mille scénarios me traversent l’esprit. Et si je mourais de ma belle mort ? Si tout simplement, je m’éteignais ? Imaginons : Tout va très vite. Je m’allège. Comme si j’étais « aspiré » par le haut. La mer s’est retirée à l’autre bout du monde. D’où vient cette lumière qui n’est pas d’ici, qui gagne en intensité ? Mon cœur bondit d’allégresse dans ma poitrine, une excitation inouïe s’empare de moi : je vais faire la connaissance de mon ange-gardien !"

GIF

C’est avec ces mots que René de Obaldia, romancier, poète, académicien et dramaturge imaginait sa fin et concluait sa savoureuse Exobiographie, parue chez Grasset, comme l’ensemble de son œuvre.

René de Obaldia, entre farce et métaphysique

Né à Hongkong en 1918 d’un père consul du Panama et d’une mère française, René de Obaldia, à qui l’on promettait 48 heures de vie, tant sa santé semblait fragile, fêtait en octobre dernier ses cent ans. À sa vingtaine, il est incorporé dans l’armée française et bientôt détenu par les Allemands pendant quatre ans. Cette expérience précoce de la cruauté le porte à s’interroger tout au long de sa vie sur la condition humaine. C’est à la Libération qu’il prend la plume en tant que parolier pour Luis Mariano avant de collaborer à diverses revues littéraires. Mais son talent se déploie bientôt à travers le roman, la poésie et bien entendu le théâtre qui lui vaut d’être connu dans le monde entier.

René de Obaldia regarde le monde avec un perpétuel sentiment d’étonnement et, une certaine inquiétude. Face à la tragédie de l’existence, son univers balance entre la farce et la métaphysique… mais c’est l’humour qui a souvent le dernier mot. Un humour salvateur qui flirte avec l’absurde. Puisque le monde est fou, rions-en ! nous suggère-il…

Références

Vous pourrez entendre des extraits de :

- Exobiographie, paru en 1992 aux éditions Grasset
- Les Innocentines (recueil de 70 poèmes "pour enfants et quelques adultes " paru en 1969)
- Tamerlan des cœurs, roman, paru en 1954
- Et les pièces de théâtres : Du vent dans les branches de sassafras,L’azote, L’air du large, Genousie.

Les archives de l’ I.N.A.

- "Le rire est chez moi libérateur, (citant Miguel de Unamuno) j’ai le sentiment tragique de la vie" : For intérieur 04/11/2001 Olivier Germain-Thomas
- "Je suis né en Chine d’un père panaméen et d’une mère française , cela m’a donné un sentiment d’étrangeté, je me sens étranger à ma propre existence" : For intérieur 04/11/2001 Olivier Germain-Thomas
- "J’ai passé quatre ans au stalag, quatre années assez irréelles" : Images et visages du théâtre d’aujourd’hui -1967 Moussa Abadi
- "La guerre , ça apprend ce que c’est que l’homme nu" : Le Grand Atelier de Vincent Josse du 17/09/2011
- "Toute œuvre doit être une exaltation, elle doit alléger… j’aimerais que le public ressorte de mes spectacles en ayant pris du plaisir... aujourd’hui la notion de plaisir est suspecte" : Radioscopie de Jacques Chancel du 17/11/1971
- Le retour de Michel Simon sur scène dans sa pièce Du vent dans les branches de sassafras : Hors champs 21/01/2010
- Sa pièce Genousie : Inter actualités 25/09/1960

La playlist de l’émission

- Philippe Katerine : Chanson des jours bénis
- Julos Beaucarne : Antoinette et moi
- Hélène Martin : Berceuse de l’enfant qui ne veut pas grandir

Pour en savoir plus

Vous pouvez consulter la publication de Nadja Viet, René de Obaldia, le poète de cent ans.

Les invités

- René de ObaldiaAuteur dramatique, poète et romancier.

L’équipe

- Xavier PestuggiaRéalisateur
- Fanny Leroychargée de programme
- Claire TeisseireAttachée de Production

· Ça peut pas faire de mal
samedi 26 janvier 2019
par Guillaume Gallienne

Quand René de Obaldia fêtait ses cent ans seul en scène

Par Bertrand Guyard et Sacha Benitah
Le Figaro, le 22/11/2018

GIF

VIDÉO - Au cabaret montmartrois La Crémaillère, le doyen des Immortels, qui a célébré le 22 octobre [2018] son centième anniversaire, a ravi ses joyeux compagnons de l’Académie Alphonse-Allais en redonnant le spectacle jubilatoire qu’il avait créé il y a dix ans au Petit Hébertot. Le Figaro était présent pour immortaliser ce moment unique.

« Il y a une cinquantaine d’années, j’avais écrit mesMémoires de Centenaire- oui, j’avais pris les devants - , sans me douter que, au fur et à mesure du temps, j’allais me rapprocher dangereusement de mon personnage. » Dès ses premiers mots,René de Obaldiaa fait sourire d’aise l’assemblée des joyeux drilles del’Académie Alphonse-Allaisqui pour rien au monde n’auraient manqué le spectacle donné pour célébrer un exceptionnel anniversaire. Car le doyen de la Coupole, vient de souffler cent bougies sur un gâteau, le 22 octobre dernier.

Tirés de ses œuvres romancées, poétiques et théâtrales (Les Richesses naturelles,Le Centenaire,Les Innocentines,Les Bons Bourgeois,Le Défunt...), les instants choisis seront tous marqués de l’inextinguible et féconde fantaisie de son esprit.

De ces fulgurances, nous retiendrons à la manière d’Alphonse Allais, dont René de Obaldia est devenu en ce soir béni le seul grand commandeur de son ordre, que la plus facétieuse. Il s’agit de l’élection du plus beau vers de la langue française qui se décline ainsi : « Le geai gélatineux geignait dans le jasmin ». Le poète suggérera bientôt le pourquoi de cette intronisation sur l’Olympe des versificateurs : « Admirez comme voyelles et consonnes sont étroitement liées les zunes zappuyant les zuns de leurs zailes. Admirez aussi, mes zinfints, ces gé à vif, ces gé sans fin, tous ces gé zingénus qui sonnent comme un glas... » Hélène Carrère d’Encausse a décidément raison, René de Obaldia, cent ans aux fleurs, est vraiment un génial galopin.

Perles d’Obaldia

JPEG - 28.1 ko
Feuilleter le livre sur amazon.fr


Chers lecteurs, je vais bientôt me quitter
annonçait-il en 2017 dans « Perles de vie ».

L’OBS republie la critique d’alors de Jérôme Garcin d’août 2017.

C’est un proverbe russe qu’il cite volontiers et dont je me demande s’il n’est pas l’auteur : « Pour devenir centenaire, il faut commencer jeune. » René de Obaldia, qui fêtera en octobre prochain ses 99 ans, en avait en effet 40 lorsqu’il publia « le Centenaire », hilarant monologue d’un vieillard logorrhéique, et à peine plus lorsqu’il écrivit pour Michel Simon « Du vent dans les branches de sassafras », la pièce qui en fit, au mitan de sa vie, un classique.

Car Obaldia est le seul immortel qu’on croit mort. Les élèves qui apprennent les « Innocentines », cette merveille, et les apprentis-comédiens qui travaillent les répliques de « M.Klebs et Rozalie », le pensent contemporain de Guitry, Audiberti ou Ionesco. Ils le voient en buste de marbre ou en visage de timbre-poste. Ils n’imaginent pas combien ce dramaturge, qui défie les lois du temps et de la pesanteur, est vivant, alerte, éloquent, moqueur et séducteur. Si sa vie fut un roman - je rappelle que ce cousin de Michèle Morgan est né, en1918, à Hongkong, d’un père panaméen et d’une mère française, qu’il a été élevé par une nourrice chinoise et enfermé pendant quatre ans par les Allemands dans un stalag de Silésie, qu’il a été le parolier de Luis Mariano et le partenaire fugace de Louis Jouvet au cinéma - sa vieillesse est un madrigal.

Obaldia poétise son grand âge. Il chante son centenaire. Il gambade dans son siècle. Et il pousse le raffinement jusqu’à publier un ultime petit livre où, pour annoncer son imminent grand départ, il laisse à d’autres écrivains le soin d’exprimer sa rieuse mélancolie et sa conviction qu’un pessimiste est un optimiste bien informé. Dans « Perles de vie » (Grasset), précieux collier de citations, il fait siennes les pensées d’Alphonse Allais : « L’ennui, lorsque je vais mourir, c’est que je vais me manquer », de Mark Twain : « Je n’aime pas l’idée d’avoir à choisir entre le ciel et l’enfer, j’ai des amis dans les deux », de Jean Cocteau : « La mort ? Je suis habitué, j’ai été si longtemps mort avant de naître », ou de Pablo Picasso :« Il faut beaucoup de temps pour devenir jeune. »

Ce recueil de maximes, qu’on peut lire comme un épitomé de sa longue existence, est précédé d’un avertissement qui s’ouvre par une exquise obaldiablerie :« Chers lecteurs, je vais bientôt me quitter. »Cher René, l’essentiel est que, grâce à votre œuvre, où geignent les geais gélatineux, s’envolent les cosmonautes agricoles et se révoltent les Zazie cybernétiques, on ne se quitte jamais.

Le Secret, poésie

GIF

V.K.