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Astronomie. Le télescope spatial James Webb va changer notre vision de l’Univers

D 10 janvier 2022     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Lancé depuis Kourou, en Guyane, le 25 décembre, le téléscope spatial James-Webb, le plus ambitieux jamais construit, est une formidable machine à explorer le temps. Il devrait nous livrer des images des premières étoiles, apparues 200millions d’années après le big bang, mais aussi révéler l’atmosphère des exoplanètes et d’éventuelles traces de vie.

Nous sommes au début du mois d’octobre 2021. Un cargo vire sur tribord et quitte l’Atlantique au large de la côte est de l’Amérique du Sud pour pénétrer dans les eaux boueuses de l’embouchure du Kourou. C’est la dernière étape de son voyage, et tout a été entrepris pour protéger la précieuse cargaison qu’iltransporte.

Cette cargaison exceptionnelle n’est autre que le télescope spatial James Webb (JWST). Et jamais un équipement scientifique n’a été attendu avec autant d’impatience. Sa mise au point aura pris plus de vingt-cinq ans, son lancement a été reporté à maintes reprises. Mais il a enfin achevé son périple jusqu’au pas de tir, situé en Guyane française.

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Une machine à remonter le temps

Le dispositif est conçu pour nous servir de machine à remonter le temps, jusqu’à l’époque mystérieuse des premières étoiles de l’Univers, dont nous ne savons presque rien. Fantastique aussi parce qu’il devrait dévoiler avec une précision inégalée les atmosphères de planètes potentiellement habitables en orbite autour d’autres étoiles. Il n’est pas exagéré d’affirmer que ce télescope, avec son gigantesque miroir revêtu d’or, va bouleverser la vision que nous avons de l’Univers et de la place que nous yoccupons.

C’est vers la Noël 1995 qu’a commencé l’histoire du JWST. Pendant dix jours de ce mois de décembre, le télescope spatial Hubble était resté braqué sur une zone du ciel que rien ne distinguait et qui aurait pu être couverte par une tête d’épingle tenue à bout de bras. Vue à l’aide de télescopes terrestres, cette région du ciel était vide. Mais a émergé alors l’image de ce qu’on nomme depuis le Champ profond d’Hubble [région située dans la constellation de la Grande Ourse], révélant que ce coin de firmament est rempli de 3 000 galaxies, dont la luminosité est quatre milliards de fois plus faible que ce que peut percevoir l’œil humain. Parmi elles se trouvaient les plus vieilles galaxies jamais observées.

Les astronomes ne s’étaient pas attendus à ce que des galaxies aussi anciennes soient détectables, surtout en si grand nombre. Mis en appétit, ils ont conçu un plan afin de pouvoir mieux contempler l’Univers dans sa prime jeunesse. Au début de 1996, plusieurs d’entre eux se sont réunis pour lancer les travaux de ce que l’on appelait alors le télescope spatial de nouvelle génération, qui est devenu plus tard le JWST, un projet qui associe actuellement la Nasa, l’ESA et l’Agence spatiale canadienne.

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Explorer la composition des premières étoiles

Et pendant ce temps, le désir de voir les premières étoiles de l’Univers n’a fait que croître. En se consumant, une étoile produit des éléments chimiques qu’elle recrache dans l’espace à sa mort, le plus souvent enexplosant en une supernova. Une partie de ces débris finit par se transformer en une nouvelle génération d’étoiles, et le cycle se répète. Au tout début, suppose-t-on, les étoiles devaient être constituées d’éléments des plus simples. Les premières se seraient formées à partir de nuages d’hydrogène et d’hélium, [les atomes les plus légers qui soient], à un moment que l’on a baptisé “l’aube cosmique”. Puis, lentement, leur composition aurait évolué pour intégrer des éléments chimiques plus lourds. L’ennui est que les calculs [des scientifiques] sur l’origine des éléments lourds de l’Univers ne collent pas. Une hypothèse veut que les mystérieuses premières étoiles aient joué un rôle plus important dans leur création qu’on ne le pensait.

Jusqu’à présent, nous ne sommes pas parvenus à voir avec précision les étoiles qui ont vécu durant les cent premiers millions d’années après le big bang, nous n’en avons eu que des aperçus indirects. La lumière des premières étoiles aurait interagi avec les résidus d’hydrogène de l’Univers primitif, modifiant la façon qu’a le gaz d’absorber le fond diffus cosmologique [rayonnement électromagnétique très homogène], lequel est un vestige des radiations du big bang que l’on peut encore détecter. En 2018, les chercheurs travaillant sur l’expérience de radioastronomie Edges ont annoncé qu’ils avaient réussi à détecter ce changement dans le fond diffus cosmologique, permettant ainsi d’obtenir un signal indirect des premières étoiles. Une découverte jugée cependant ambiguë par d’autres scientifiques, car le signal est subtil et ne ressemblait pas exactement à ce qui avait été prédit.

Bénéficier d’une vue inégalée

Quoi qu’il en soit, la lumière de quelques-unes des premières étoiles emprunte pour nous parvenir une trajectoire qui la rapproche d’un amas de galaxies. La gravité de ces galaxies agit comme une loupe qui nous permet de voir la lumière stellaire. Mais cela ne se produit que dans des cas très rares. Avec le JWST, c’en serait fini de tout ça, et nous devrions bénéficier d’une meilleure vue.“La sensibilité du JWST est de 100 à 1 000 fois supérieure à celle des télescopes à infrarouges passés ou actuels”, s’enthousiasmeRobertoMaiolino, de l’université de Cambridge (Royaume-Uni). Il compare cette différence avec celle qui sépare la lunette de Galilée des observatoires modernes en altitude.“En dix ans, nous allons réaliser l’équivalent de quatre siècles de découvertes”, déclare-t-il.

Roberto Maiolino travaille avec le spectrographe duJWST, qui fonctionne dans l’infrarouge moyen [la couleur des astres du début de l’Univers] et est l’une des pièces technologiques maîtresses qui devraient contribuer à ces découvertes. L’instrument décompose les fréquences qui constituent la lumière stellaire, et permet ainsi de mesurer l’intensité de la lumière à chaque fréquence. Certains éléments chimiques absorbent la lumière à des fréquences caractéristiques, donc les fragments de lumière manquants indiquent quels éléments sont présents dans les étoiles et les galaxies les plus anciennes.“Nous allons passer beaucoup de temps à analyser en profondeur le spectre des premières galaxies,explique Maiolino.Nous voulons savoir comment les premiers éléments clés se sont formés dansl’Univers.”

Un immense bouclier thermique

On se heurte cependant à un obstacle majeur quand on veut observer la lumière infrarouge. Elle n’est pas seulement émise par d’antiques étoiles et galaxies, mais aussi par la chaleur d’objets de toutes sortes – dont notre Soleil et notre planète. Cela signifie qu’on ne peut pas se contenter de placer un télescope spatial sur une orbite terrestre classique. La chaleur de la Terre l’empêcherait de capter la timide lueur de très vieilles étoiles. Ce serait comme de vouloir percevoir un murmure lors du concert de rock le plus bruyant du monde. C’est pourquoi leJWSTest équipé d’un immense bouclier thermique, et pourquoi il sera positionné à un point particulier de l’espace [le point de LagrangeL2], situé à une distance équivalant à près de quatre fois celle qui sépare la Terre de laLune. Si la première phase du voyage du télescope [sur notre planète] a été intense, son odyssée de 1,5million de kilomètres dans l’espace sera vraimentépique.

Ce nouvel œil dans le ciel est en outre le plus grand télescope spatial de l’histoire. Il était impossible de faire entrer dans une fusée son miroir de 6,5mètres, plus haut qu’un bâtiment de trois étages, dans sa configuration définitive. Il se compose donc de 18 segments hexagonaux qui seront repliés pour le lancement et ne se déploieront que quand le télescope sera dans l’espace.“C’est comme un Transformer [robot du filmTransformers] géant qui s’élance dans l’espace”,décrit Knicole Colón, directrice adjointe du projet à la Nasa. Chaque segment du miroir est recouvert d’une couche d’or d’une incroyable finesse, qui accroît considérablement la capacité du dispositif à réfléchir et concentrer la lumière infrarouge.

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Détecter les liaisons chimiques nécessaires à la vie

Jusqu’à présent, nos observations des exoplanètes ont eu recours à la lumière visible. Mais la composition chimique de leur atmosphère sera nettement plus visible dans le spectre infrarouge, que le JWST est justement conçu pour détecter. Or les retards de lancement ont permis de modifier sa conception afin de pouvoir observer plus efficacement ces mondes inaccessibles. “On n’a encore presque jamais étudié des exoplanètes à ces longueurs d’onde”, assure Knicole Colón. Perspective particulièrement alléchante, les liaisons entre les atomes de carbone – signe révélateur de la chimie organique qui sert d’échafaudage à la vie sur Terre – seront clairement perceptibles dans le spectreinfrarouge.

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Le télescope devrait être opérationnel à partir du milieu de 2022, et il commencera alors à remonter le temps pour scruter les existences énigmatiques des toutes premières étoiles, mais aussi à traquer les planètes de type “Terre” en orbite autour d’autres étoiles. Et les nouveaux télescopes sont souvent synonymes de découvertes imprévues.“Il faut s’attendre à être surpris, conclut Torsten Böker. Nous allons voir des choses dont nous n’avions même pas rêvé, ça n’a pas deprix.”

Colin Stuart

SOURCE : NEW SCIENTIST Londres www.newscientist.com

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS), 24/12/2021

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8 janvier 2022

Le télescope spatial James Webb déployé

Le déploiement du miroir principal du télescope spatial James Webb s’est achevé avec succès, samedi 8 janvier. Le dernier joyau de la Nasa va maintenant poursuivre sa route vers sa destination finale, avant son entrée en service dans un peu plus de cinq mois.

Un soupir de soulagement et des applaudissements nourris ont retenti samedi dans les allées de la Nasa à Baltimore (Maryland) : à 10h28 locales, la deuxième “aile” du miroir principal du télescope James Webb s’est ouverte avec succès, point d’orgue du périlleux déploiement de l’observatoire le plus sophistiqué jamais envoyé dans l’espace.

Le télescope, lancé le 25 décembre,“compte deux miroirs et un bouclier thermique, qui devaient tous être déployés dans l’espace, ce qui n’avait jamais été fait auparavant”.. Le miroir principal, avec ses 6,5 mètres de diamètre, est tellement grand“qu’il avait dû être plié comme un origami dans le télescope”, ajoute la radio américaine..

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

V.K.