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Edouard Manet, Correspondance du siège de Paris et de la Commune 1870-1871

D 2 mars 2015     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

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Guerre civile, 1871, lithographie, 39,7 x 50,8 cm.

De Manet, on se fait volontiers l’image d’un homme posé et distingué, élégant, dandy à ses heures, « grisonnant avec esprit » comme l’écrivit son ami Mallarmé ; on se souvient aussi que l’Elstir de Proust lui doit quelques traits. Et l’on a peine à l’imaginer confronté directement, autrement qu’en pensée, à l’Histoire, et à l’Histoire dans ce qu’elle a de plus dur, de plus cru : la guerre (et en l’occurrence, avec la Commune, une brève guerre civile par surcroît) et son cortège habituel de violences et de massacres. Outre son importance de témoignage proprement historique, c’est l’intérêt de cette correspondance de Manet durant le siège de Paris et la Commune, que vient de réunir Samuel Rodary, de révéler avec une grande exactitude la personnalité du peintre. On peut penser en effet qu’il n’est pas de meilleur révélateur de la nature profonde d’un homme qu’une situation extrême, où il se trouve en proie aux affres d’une tragédie collective, où la mort est omniprésente.

On se souvient que l’avancée des armées prussiennes vers Paris ne décida pas Manet à quitter la capitale, au contraire d’autres artistes qui trouvèrent refuge en province, comme Sisley, ou en Angleterre, comme Daubigny, Monet ou Pissarro, et bien que sa famille – son épouse Suzanne et son fils Léon, notamment – eût pareillement quitté Paris pour s’installer à Oloron-Sainte-Marie, dans les Pyrénées, non loin de Pau. Manet vécut ainsi avec les Parisiens les quatre mois du siège et ne put quitter la ville pour aller retrouver sa famille qu’en février 1871, juste après la capitulation de Paris et la signature de l’armistice (le 28 janvier) ; il n’y revint qu’en mai ou juin, soit après, soit pendant la Semaine sanglante, la date exacte de ce retour est controversée. Mais il ne fait pas de doute que l’homme qui avait peint il’Exécution de Maximilien/i trois ans auparavant assista à des scènes assez atroces, dans les rues, et, une fois au moins, à l’exécution de Communards (celle de Bourgeois, Ferré et Rossel).

La plupart des cinquante-neuf lettres du peintre recueillies dans le livre sont adressées à Suzanne Manet (il est étonnant de penser que, pendant le siège de la ville, toute cette correspondance avec la province se faisait par ballons montés ou grâce aux bons offices de pigeons voyageurs). Mais il est très regrettable qu’à l’exception d’un court billet, les lettres de Suzanne à son mari n’aient pas été conservées. Les autres destinataires sont Éva Gonzalès, l’élève de Manet, et son père Emmanuel, Berthe Morisot, le collectionneur Théodore Duret, le peintre très oublié Alphonse Hirsch, le graveur Félix Bracquemond et Émile Zola (une seule lettre de février 1871, mais bien intéressante, où l’on peut lire : « J’apprends d’hier seulement la mort du pauvre Bazille, j’en suis navré. Hélas, nous avons vu mourir bien du monde ici, de toutes les façons », une phrase où Manet exprime son émotion, pudiquement certes, mais sans détour). L’édition est complétée par quelques lettres de Gustave Manet, le frère du peintre, à leur mère, et de Suzanne à Éva Gonzalès. La suite, ici...

Alain Madeleine-Perdrillat, décembre 2014

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On pourra également consulter le blog de Stéphane Guégan qui rend compte de cette correspondance : Détonnant Manet.