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Lamentations de Venise

D 19 février 2014     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

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© Saubi Jean Jacques/Maxppp

par Eric Naulleau
Le 17 février 2014

Le temps où Eric Naulleau éreintait Philippe Sollers dans son pamphlet, n’est plus (cf. « Le Jourde & Naulleau : Précis de littérature du XXIe siècle »). Le critique acerbe a depuis changé de camp : de critique, il s’est essayé à l’écriture et s’est lui-même fait éreinter. L’arroseur arrosé : la critique est un art plus facile que l’écriture semble t-il et les années passant, le critique a mis de l’eau dans son picrate à perforer les intestins. Lisez la métamorphose et comparez avec un extrait vidéo de 2008  :

Réfugié dans la Sérénissime, l’écrivain fustige l’inanité de notre époque. Réjouissant.

Tout vient à point à qui sait attendre – même un bon livre de Sollers, omet de préciser le dicton. Raison de plus pour saluer l’événement. Nous sommes donc à Venise où l’écrivain se fait donner du « professore », tout comme son collègue Gustav von Aschenbach dans une célèbre nouvelle de Thomas Mann. Et de la mort à Venise, précisément, flotte parfois entre ces pages la tentation : « Après tout, pourquoi ne pas disparaître ici, tranquillement, dans l’ombre ? J’ai ce qu’il faut comme produit, crise cardiaque, petite buée dans les médias, et basta. » En attendant, notre Italien d’adoption déguste des pâtes à la carbonara, se fait masser par la vigoureuse Ada, relit Saint-Simon tel un commentaire sur notre époque d’une encre souvent plus fraîche que les éditoriaux du jour. Éprouve aussi la cruelle métamorphose où, l’âge venant, un homme cesse d’être dans l’œil des femmes un objet de désir pour se changer en vague sujet de curiosité. Se défonce à on ne sait quelle substance dont il exagère parfois la dose – effets secondaires garantis : « Drôle de truc, d’avoir un cerveau cosmique, et de ne plus savoir qui l’on est. » Tentant.

Calfeutré dans son petit appartement vénitien, Sollers a d’évidence « cessé de se désirer ailleurs », pour citer André Breton, déniché l’encoignure du monde d’où tenir à distance tant la vaine agitation du siècle que l’incessant clapotis médiatique. Le monde coule, l’auteur de « Femmes » s’en éloigne sur un canot de sauvetage en forme de gondole. Et souque ferme. Mais abandonne derrière lui un « Manuel de contre-folie », un bréviaire d’urgence où ses contemporains trouveront le remède à bien des maux chroniques : l’art moderne, les nouveaux philosophes, les journalistes, le trafic d’organes ou le nouvel ordre sexuel. Liste hélas non exhaustive… encore un effort, professore !

Eric Naulleau

« Médium », de Philippe Sollers, éd. Gallimard, 176 pages, 17,50 euros

Extraits de Médium

La ronde des critiques

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Eric Naulleau avec Pierre Berger - avant sa conversion sollersienne - à l’occasion de la réédition de son livre « Jourde & Naulleau : Précis de littérature du XXIe siècle », édition revue et augmentée de 2008. Sur le plateau de La Grande Librairie animée par François Busnel :


2008, Naulleau & Luchini & Pierre Bergé [le Jourde & Naulleau]

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