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Vivez !

D 28 février 2013     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Petit tour en librairie. Impossible de trouver le petit livre sulfureux de Marcela Iacub — "Belle et bête" — dont les uns ont dit le plus grand bien et les autres le plus grand mal. Apparemment la décision de justice et sa médiatisation vont faire décoller les ventes ! Je lis quand même dans Le Nouvel Obs, journal qui a publié des "bonnes feuilles" du livre et qui vient, à ce titre, d’être condamné, je lis donc, sous la plume d’un chroniqueur attitré, ces phrases qui font froid dans le dos, je cite : "Je ne veux plus subir Marcela Iacub, car la simple idée de son existence m’est devenue intolérable" et "Je vais faire en sorte qu’elle n’existe plus." Rien que ça !

Je suis tombé sur un petit livre de Stéphane Hessel : "Vivez !" (carnets nord, 2012 [1]). Après "Indignez-vous !" et "Engagez-vous !", j’attendais "Désertez !", mais "Vivez !" n’est pas mal. Comme disait Guy Debord : "Pour savoir écrire, il faut savoir lire, et pour savoir lire, il faut savoir vivre." Stéphane Hessel a bien vécu et bien lu. Il nous livre ses poèmes préférés. Il conseille de les apprendre par coeur comme il l’a fait, lui, en allemand, en anglais, et en français, entre 7 et 18 ans. Les voici. Le premier, c’est sa mère qui lui a appris en allemand alors qu’il habitait encore Berlin :
— Hölderlin, "Le chant du destin d’Hypérion".

Vous foulez en haute Lumière
Un tapis souple, ô Génies bienheureux !
Le brillant vent des Dieux
Vous frôle à peine,
Comme doigts de musicienne
La sainte lyre.

Sans destin, comme un nourrisson
Qui dort, respirent les Célestes ;
Gardé chaste
En un discret bourgeon,

Fleurit sans fin
En eux l’Esprit,
Et leurs yeux bienheureux
S’ouvrent en calme,
Éternelle clarté.

Mais à nous n’est donné
De nul port le repos,
Ils passent, ils plongent
Les hommes qui souffrent,
Sans rien voir, d’une heure
À l’heure suivante,
Comme une eau de roche
En roche lancée,
Au long de Fan au fond de l’inconnu
 [2].

Puis :
— Poe, "Stances à Hélène".
— Villon, "La ballade des pendus".
— Du Bellay, "Heureux qui comme Ulysse" [3].
— Baudelaire, "A une madone", "Le balcon", "Moesta et Errabunda".
— Rimbaud, "Roman", "Les chercheuses de poux".
— Apollinaire, "La jolie rousse".

Qu’on ne me dise pas que Stéphane Hessel manquait de goût et que sa pensée se résumait à quelques slogans ou à quelques prêches !
Je dois signaler, après mon coup de gueule d’hier [4], que Libération lui consacre un beau dossier, avec de belles photographies (mais 32 pages, n’est-ce pas un peu trop ?). Le journal La Croix consacre, lui aussi, à Hessel un bel article, mais son dossier principal est sur Benoît XVI. Quitte à choquer les mécréants, je l’ai trouvé bien intéressant.
Quel est le point commun entre Libé et La Croix ? Aucun. Sauf qu’il y a dans les deux quotidiens un article du philosophe Rémi Brague [5]. Comme quoi, on peut trouver des ponts partout.
Quoi ? Vous partez acheter un livre sur deux diables (la "succube" Iacub et le "cochon" DSK) et vous revenez avec La Croix ? Eh oui. J’ai même acheté "Rodin & Éros" (éditions de La Martinière, 2013). On ne se refait pas. Vivez !

A.G., Reims, le jeudi 28 février, 16h30.


[1Présentation : « Nous sommes des êtres ambivalents. Nous avons beaucoup de choses lourdes et dangereuses en nous, mais nous en avons aussi d’autres plus généreuses et progressistes. C’est en essayant d’harmoniser les unes et les autres qu’il est possible, me semble-t-il, de parcourir le chemin de notre vie, en étant fiers de ce que nous sommes et de ce que nous pouvons faire. »
Après une vie de résistant et de militant pour la paix, Stéphane Hessel a entamé une seconde existence d’écrivain, avec notamment Indignez-vous ! (Indigène Editions, 2010) qui connaît un succès international.
II nous offre dans Vivez ! une réflexion profonde sur l’amour, la vie, la mort, la spiritualité, l’âge, le respect de l’autre, suivie des poèmes qui ont rythmé et illuminé sa vie.

[2Traduit de l’allemand par François Garrigue, extrait de Oeuvre poétique complète, © SNELA La Différence, Paris, 2005.

[3Moi, à quinze ans, si je puis me permettre cette immodeste comparaison, c’est, du même Du Bellay, Je me ferai savant qui me tiendra lieu de « programme » (si j’en excepte la malheureuse deuxième partie du sonnet).

[4J’écrivais le 27 février : « "Indignez-vous !" déclarait un jeune homme vert de 93 ans il y a quelques années. Eh bien, je m’y met. A peine mort, pas encore enterré, voilà que certains pensent déjà au Panthéon pour le dynamique Stéphane Hessel (et pourquoi pas un mausolée ?) ! Et qui a eu cette brillante idée ? Des "verts" sans boussole, relayés par un quotidien jadis plus inspiré (Libération, fondateur : J.P. Sartre, il y a 40 ans) ! On a déjà essayé, il y a peu, de faire le coup à Camus plutôt que de le laisser reposer au soleil de Lourmarin. C’est donc ça le destin des "grands humanistes" ? "Il n’y a pas si loin qu’on le pense depuis la rue de la Paix jusqu’à la place du Panthéon. Bientôt, on en verra la preuve lamentable !" avait prédit Lautréamont (Les Chants de Maldoror, Chant sixième, chapitre VIII). La preuve est faite. »

[5Dans Libération, Papoter sur la papauté ?.