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La Matière et sa phrase

D 15 décembre 2012     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Chronique des Mots et des Maux (III)
Précédé de Princesse Kate et François Fillon

Cette chronique est une occasion de revenir sur un texte de Philippe Sollers : « La Matière et sa phrase » déjà publié dans pileface (en fait, je l’avais oublié… mais il est des textes qui peuvent recevoir plusieurs éclairages).

Il s’agit d’ un texte hard dans son fond et dans sa forme, un texte de Philippe Sollers de 1971, du temps de la période théorico-expérimentale, de la fréquentation de Lacan, de l’apprentissage du Chinois, de L’Ecriture et l’expérience des limites

Long texte de 18 pages de la revue Critique [1] ayant pour sujet le livre Eden Eden, Eden de Pierre Guyotat qui venait d’être interdit de publication.
Le même Pierre Guyotat que l’on peut retrouver au programme des conférences et lectures à la BnF, pour les 40 ans d’ Artpress.

En guise d’introduction à ce texte dense et dur, deux brèves de comptoir,
deux entrées anglaises, ni denses, ni dures, justes légères :

PRINCESSE KATE ET FRANCOIS FILLON

Bonjour,
Entendu, hier soir, cette news, très britannique d’esprit.
La princesse Kate est enceinte, chacun le sait maintenant
grâce aux diables de médias
Et un des jeux favoris du diable [2] ; se pratique là-bas chez les bookmakers.
Pas sur le sexe des anges,
mais sur le sexe de l’enfant royal.
Il y a ceux qui parient pour un garçon, un bon petit diable.
Ceux qui parient pour une fille, une future diablesse enragée.
Et ceux qui parient pour une fève...
- Comment ça une fève ?
- C’est une tradition chez nous pour la fête des Rois :
celui qui tire la Reine a la fève !

Royale journée,
V. K.

PS : Une autre ?

François Fillon : l’Histoire retiendra qu’il avait baptisé son groupe à l’Assemblée le RUMP
nous l’avons évoqué dans la chronique des mots et des maux(I). Personne n’ignore plus maintenant
que dans la langue de Shakespeare
RUMP veut aussi dire « croupion », « arrière-train ».
et l’on se souvient que Pénélope, furieuse,
la très galloise épouse de l’ex-Premier Ministre,
avait immédiatement twitté :
\"Mais François, où avez-vous donc la tête ?\"
...Depuis, elle fait la tête,
surtout depuis la publication dans la presse, des photos licencieuses compromettantes.
Côte à Côte :
A gauche, une belle paire de fesses, à poil,
- à faire récidiver DSK -
A droite, le crâne de Fillon vue de dessus.
- Qu’est-ce que ça prouve ? Comment le reconnaître direz- vous ?
- …Fillon, c’est celui qui a la raie sur le côté.
*
Une dépêche AFP tombe à l’instant :
« De notre correspondant à Buckingham Palace qui vient de recueillir
le très sobre et souriant commentaire de la Princesse Kate : « Honi soit qui mal y pense », - avec un seul « n » comme en vieux françois - et dès que je serai Reine, moi Kate, je proposerai François Fillon comme membre d’honneur du « Most Noble Order of the Garter » (sic) ».
Happy day !
*

EDEN, EDEN, EDEN, le livre en question et l’ auteur

Trois ans avant Eden, Eden, Eden, en 1967, Pierre Guyotat avait publié Tombeau pour cinq cent mille soldats, relatant son expérience de la guerre en Algérie de 1960 à 1962 qui se terminera pour lui au cachot, puis dans une unité disciplinaire. Au printemps 1962, il est arrêté, interrogé pendant dix jours par la Sécurité militaire et inculpé d’atteinte au moral de l’armée, de complicité de désertion et de possession de livres et de journaux interdits. Après trois mois de cachot "au secret", il est transféré dans une unité disciplinaire [3]).
Refusé par les Editions du Seuil, le livre sera publié par Gallimard (Jean Paulhan : « Monsieur Guyotat n’est pas sans génie. C’est un génie quelque peu systématique et brutal mais qui mérite d’être encouragé. »). Le livre qui mêle deux bâtons de dynamite : le sexe et la guerre - ( le sexe, pour une grande partie entre hommes), connaîtra un grand retentissement. L’Armée gardait toutefois un œil sur lui et le général Massu fit interdire le livre dans les casernes françaises en Allemagne.
*

Pierre Guyotat qui s’est lié d’amitié avec Philippe Sollers, participera au groupe Tel Quel, avant de s’en détacher peu à peu et le quitter en 1973.

*

Il a été récompensé du Prix de la Bibliothèque nationale de France (BnF) en 2010.

En Octobre 1970 paraît « Eden Eden Eden » de Pierre Guyotat, chez Gallimard avec trois préfaces de Michel Leiris, Roland Barthes et Philippe Sollers.
Quelques mois après sa parution, une triple interdiction (Journal officiel du 22 octobre 1970) par arrêté du ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin vient frapper Éden, Éden, Éden : interdiction de vente aux mineurs de moins de dix-huit ans ; interdiction à l’affichage et à l’exposition ; interdiction de publicité.
Une pétition internationale est lancée par Jérôme Lindon, directeur des Éditions de Minuit et membre d’une « commission de contrôle et de surveillance des œuvres destinées à la jeunesse » qui n’a pas été consultée, pour défendre ce roman et son auteur. Elle est signée par quelques noms qui comptent [4]
Une question orale de François Mitterrand à l’Assemblée Nationale, une intervention écrite du président Pompidou auprès de son ministre de l’Intérieur, Raymond Marcellin, resteront sans effet.
La triple interdiction sera levée dix ans plus tard (Journal officiel du 10 janvier 1982) par un arrêté du ministre de l’Intérieur Gaston Defferre.
(Crédit : http://lamusegalante.com/2011/10/leden-interdit-guyotat/)

Extrait du livre

« /Les soldats, casqués, jambes ouvertes, foulent, muscles retenus, les nouveaux-nés emmaillotés dans les châles écarlates, violets : les bébés roulent hors des bras des femmes accroupies sur les tôles mitraillées des G.M.C. ; le chauffeur repousse avec son poing libre une chèvre projetée dans la cabine ; / au col Ferkous, une section du RIMA traverse la piste ; les soldats sautent hors des camions ; ceux du RIMA se couchent sur la caillasse, la tête appuyée contre les pneus criblés de silex, d’épines, dénudent le haut de leur corps ombragé par le garde-boue ; les femmes bercent les bébés contre leurs seins : le mouvement de bercée remue renforcés par la sueur de l’incendie les parfums dont leurs haillons, leurs poils, leurs chairs sont imprégnés : huile, girofle, henné, beurre, indigo, soufre d’antimoine – au bas du Ferkous, sous l’éperon chargé de cèdres calcinés, orge, blé, ruchers, tombes, buvette, école, gaddous, figuiers, mechtas, murets tapissés d’écoulements de cervelle, vergers rubescents, palmiers, dilatés par le feu, éclatent : fleurs, pollen, épis, brins, papiers, étoffes maculées de lait, de merde, de sang, écorces, plumes, soulevés, ondulent, rejetés de brasier à brasier par le vent qui arrache le feu, de terre ; les soldats assoupis se redressent, hument les pans de la bâche, appuient leurs joues marquées de pleurs séchés contre les ridelles surchauffées, frottent leur sexe aux pneus empoussiérés ; creusant leurs joues, salivent sur le bois peint ; ceux des camions, descendus dans un gué sec, coupent des lauriers-roses, le lait des tiges se mêle sur les lames de leurs couteaux au sang des adolescents éventrés par eux contre la paroi centrale de la carrière d’onyx ; les soldats taillent, arrachent les plants, les déracinent avec leurs souliers cloutés ; d’autres shootent, déhanchés… »

*
Éden, Éden, Éden doit – devrait – être lu hors de toute notion de représentation [...], de toute menace d’écœurement – les tenants de la « littérature tranquille » fantasment sur la notion de représentation. Je n’ignore pas que ce texte peut troubler, mais la mesure la plus salutaire dans cet ordre des choses serait de replacer dans ses limites historiques, dès le primaire, le concept de représentation, donc de rendre au texte ce qui appartient au texte et d’en produire l’analyse la plus rigoureuse. La censure, fatalité liée à la fatalité de la représentation, se trouverait alors déplacée. [...] De toute manière, la « monstruosité » de Éden, Éden, Éden annule, devrait annuler, d’emblée, tout réflexe de représentation, ou toute pause permettant une résolution organique limitée du fantasme représentationnel, effet de la tentative d’appropriation du texte  »

Pierre Guyotat, Littérature interdite, Gallimard, 1972)

LA MATIERE ET SA PHRASE (Extraits]

(version intégrale, ici)

Avertissement : Si vous arrivez à lire ces extraits jusqu’au bout (et a fortiori, l’intégrale), nous soutiendrons votre inscription au Livre des Records

Effets indésirables : possibles nausée et vomissements. Si les effets persistent, arrêter la lecture et aller directement au « mot de la fin ».

[…]Dans la tentative qui va suivre, les concepts analytiques (freudiens, lacaniens) seront introduits comme éléments d’une mise en scène visant à creuser leur lieu d’émergence indissolublement sexuelle et signifiante dans l’éclairage redoublé d’une pratique qui les déplace « d’elle-même » (c’est-à-dire sans avoir nécessairement à le savoir). Si « le langage est la condition de l’inconscient », le texte répond à et de cette condition. « Les constellations formées par les aberra¬tions sexuelles prennent par rapport à l’infini homogène une valeur telle qu’au point de vue de la pensée humaine rien d’autre ne leur apparaît comparable » (Bataille). « Ce que nous pensons des choses sur les points principaux est comme le totem d’une indiscutable grammaire qui scande ses termes mot par mot » (Artaud).

2. — Pour autant qu’Eden, Eden, Eden se donne à lire sous la forme hyper-cohérente d’une musique de langue en tableau, nous pourrons y discerner comment le désert, l’âge d’or, la phase orale - suceuse et cannibalique - liée à une incessante activité sexuelle - l’inconscient en émulsion ¬ peuvent être lus comme des déplacements-transformations de la première floraison infantile auto-érotique soumise à la séduction précoce et imaginaire des géniteurs, eux-mêmes conçus comme pratiquant à jamais, de façon répétitive - sur l’axe traumatique de la scène primitive -, un coït oral-anal permanent. Du quantum d’affect investis sable par un sujet, le « tableau » - surdéterminant le fantasme - ne sait rien ou plutôt n’a rien à savoir. Le sujet, mobilisé en affect, forme ici un envers externe : forclos à l’intérieur du tableau et de sa grammaire, il reste en-deçà de toute représentation : la répétition de la verbalisation sexuelle a lieu pour forclore le sujet et la jouissance. Si la jouissance comme telle entrait dans le tableau, celui-ci ne fonctionnerait plus comme tableau, c’est-à-dire comme cogitation inconsciente et rempart organique de la représentation contre la menace de castration inscrite en chacun de ses nœuds, de ses poches, et c’est pourquoi il en est de la phrase reprise et continuée par la vague pulsionnelle comme de la nappe verbale qui contre—investit un quantum d’affect (décharge) qui ne peut se trouver, comme sujet, que hors du tableau. Le tableau est d’autant plus plein que son sujet (comme jouissance) est plus évacué de sa syntaxe apparente : la phrase. L’autre du tableau - la jouissance -fait retour sous forme de racine de la symbolisation, « vagin indécouvrable » à l’intérieur du système repr-sentatif, trou interne retourné, comblé. L’autre du tableau - la mère interdite - est la répétition vide que vient remplir sans arrêt la répétition des représentants de pulsions. Un seul corps, en état de transformation continue, est ainsi l’enjeu découpé du texte.

3. — Dès les premières lignes, l’équation bébé-sein-pénis-excrément, annoncée à travers « lambeaux », joue son rôle d’axe aimanté du glissement signifiant. Les haillons, les ordu¬res, les déchets, les caillots, les éclats seront produits comme autant de relais permettant de faire porter à égalité l’objet hallucinatoire sur la proximité de la bouche et du sexe. Regard, toucher, voix vont ainsi surgir dans l’entrelacement répété des strates physiographiques. Entre « l’œil violacé scrutant le montage des tentes » (rappel déformé de scène primitive) et le « gland violacé attouchant la mousse rosée par le raisin », s’inscrit le plus court chemin vers la saisie auto-érotique, celle qui s’enlace à elle-même dans le sillage traumatique du viol (réel ou fantasmé), dans l’intimité tactile et colorée, nouée et retournée sur sa propre nappe, des muqueuses « à fond violet », En même temps, il faut comprendre que le flot verbal, initialement consonantique, roulant les « clicks » de la langue est creusé par les voyelles comme si la contraction anale consonnait avec la béance orale dans la « bouche bleuie par l’enserrement du torse », Depuis l’anus, bouche primitive reportée par la suite à. l’extrémite de l’intestin et lieu de conversion des pulsions
[…]
toute défécation peut être comprise, selon Freud, comme une « figuration de la naissance ».
[…]
Tout au long de ce trajet exploratoire, le pénis va proliférer comme une seule phrase, le sexe devenant la matrice de phrase de la matière, appendue à cette dernière comme l’organe clivé et contradictoire du lan¬gage, l’autre appareil par rapport à la langue et non-vu comme organe symbolique à cause de la surimpression localisée de la fonction de jouissance et de celle de reproduction.
Un seul corps, morcelé, mobilisé par la castration, se transforme donc entre les deux scènes du langage qui se dialectisent intégralement du double sexe à la langue en passant par le rejet et la conversion de l’anus : sa cohérence provisoire est celle de son érection répétée en phallus.
Le corps-phallus, unité de ce morcellement atomique, est constitué par un mouvement incessant de transfert du bas vers le haut (<< ils marchent, cuisses écartées, talons allégés, salive séchant au menton »), et du haut vers le bas : le sexe de la femme est aussi bien une bouche qu’une main broyeuse. Un des mots les plus répétés dans le texte, indiquant cette double fermeture ramassée, est : poing. La phrase sans points est aussi un seul poing, et quant au sexe féminin qui s’y loge dans son négatif, il se construit comme une main orale, une bouche manuelle qui représente la forme retournée de la bouche au sein : « l’écume brille à travers leurs lèvres gonflées, elles découvrent leurs seins, les poings des bergers creusent le grillage, entre leurs cuisses les haillons s’écartent sous la poussée du sexe ». Les poings (posture du nourrisson), les doigts, les lèvres : autant de bordures de ce « sexe » initial, enveloppe de la verge toujours rechargée de sperme (mieux que le sein, de lait) [5]. L’une des premières séquences mar¬que ainsi l’agression, dans le dégagement du pénis pris et retourné en poignard, du bébé coincé dans la naissance et le gland coiffé du prépuce : « trace avec la pointe de la lame recourbée (comme le sexe était « arqué s : comme les soldats étaient « arc-boutés » sur la femme) à l’éventrée sur la paroi d’onyx, un demi-cercle autour du sexe de la femme, plonge la lame dans la chair muette (ici, marquage a contrario de la voix, de la gorge), déchire, écorche, taille tous les muscles, les nerfs qui règnent sur le sexe de la femme (cordes vocales), lacère L’entour flasque gainant (poignard) son sexe garotté : le membre, redurci, au contact des chairs remuées, jaillit, coiffé de chair sanguinolente ». On touche en ce point une sorte d’envers de la circoncision rituelle, série d’éventrements (de césariennes) qui tendent à extraire et à récupérer les nombreux pénis contre-vocaux paternels enfouis dans le corps de la mère. L’approche des abords de la question traumatique posée par le « sexe de la femme » - et, en même temps, par le puits de la langue - déclenche d’ailleurs l’animation interne des références par recours immédiat à l’animalité, au déchet : chacals, sphexs, sbots, mouches dites excrémentielles, vomis¬sures (rimant avec commissures), les « déjections raisinées », la merde sanglante revenant à l’anus et à ses lambeaux (hémor¬roïdes). Ici, 1’« aspirant » n’est pas seulement un soldat (c’est-¬a-dire un pénis protégé ou casqué), mais réellement ce qui aspire et ramène au même, comme ce « vol d’alouettes » qui sort de la scène pour refaire entendre le voile, le viol de la chair violette. Le « boucher » qui exécute sa femme et son fils « d’un premier lit » n’est pas seulement un coupeur de viande mais aussi ce qui comble, le père qui bouche la mère, qui coupe la voie de l’inceste. C’est encore l’opérateur de la voix buccale, celui qui remplit la bouche matricielle en creux et dérobe le plein du sein. Autrement dit, le couteau de l’interdit qui va programmer, pendant la majeure partie du texte, les échanges homosexuels mâles, avant de laisser passer la longue scène finale au plus près de l’inceste, souligne la figure pater¬nelle, d’abord criminelle (castrante), puis, de plus en plus primitive et joueuse, pré-humaine, singée.
Le texte est ce « feu de branches dressé sur la bouche d’une femme morte », quand le sexe des « soldats », armés et dressés pour la branlée, sa gâchette, sa décharge, « se tend vers leurs mères ». Mère avec laquelle l’identification orale permet de passer du sein femelle au téton mâle - piqué par des guêpes qui sont autant de miniaturisation du dard anal. De même que l’excrément est un représentant du pénis « ( le gourdin excrémentiel »), la gorge se retrouve, réduite, sur le membre mâle : « la petite gorge formée à la racine du membre pressé où prennent les membranes liées ». Le méat est aussi un œil qu’une bouche, et si le sein est oculairement globuleux, la verge non-circoncise appelle le « cou d’oie », le coup de la voix qui se fait entendre dans le nom tranché de Wazzag. L’usine sexuelle entraîne la fonction des « mécanos », des « foreurs », des « graisseurs » ; tandis que son côté cuisine implique les « sauciers », les « dattiers ». etc. Un bordel-garage¬-caserne dans le désert, tel est l’appareil en vase clos (à l’inverse du château sadien en pleine montagne) chargé de figurer la mécanique inconsciente dans son partage et sa répétition branchée en circuit fermé.
Derrière un grillage, ou plus souvent une claie (mot carre¬four), sont d’abord parquées les femmes : pendant les deux tiers du texte, les deux communautés, mâles et femelles, seront ainsi séparées, ne communiquant qu’à travers des putains des deux sexes (la ou le putain). Cette indétermination sur les corps et leur mot d’échange marque la situation initiale de l’indétermination quant au vagin : sa doublure par le point de fuite du phallus maternel. C’est pourquoi le figurant fonda¬mental de l’avant-scène, le bébé - sexualité « homogène » et non gouvernée, fond cannibalique -, est indiqué d’entrée pour revenir, à la fin, en posture insistante, centrale. « On bat un enfant » : cette matrice du scénario fantasmatique - qui n’est autre qu’une transcription de la masturbation du pénis en état d’immaturation ou, mieux, du clitoris - est à la base simultanée de la réitération et de l’insatisfaction définitive de l’alimentarité et de l’onanisme (de toute « sexualité »). Dès la première phrase ( « Les soldats, casqués, jambes ouvertes, foulent, muscles retenus, les nouveau-nés, emmaillotés dans les châles écarlates, violets »), il est déchiffrable que les pénis érigés et coiffés du prépuce (<< casqués »), refoulent, comme leur sol commun, ce clitoris-pénis-bébé logé entre les lèvres du vagin maternel, dans sa chatte voilée et écartelée. Telle est la raison pour laquelle le corps-nourrisson - l’immaturation béante en apprentissage de la fluidité des pulsions ¬ encerclera le texte de sa mesure insondable : dans la machine pulsionnelle, il représente l’en-deçà et l’autre côté, le générateur sourd, caché, qui fonctionne comme « carburant » hallucinatoire. Les femmes, elles, sont tatouées des rappels de la castration : « leurs poignets, leurs bras, sont marqués de cicatrices, d’entailles violettes : morsures de couleuvres, coups de faucilles, coupures aux djérids », Une micro-séquence de l’autoconfrontation du corps morcelé sera donc réglée par la série lemme-enfant-bouche-phallus, soit, de façon condensée : « élevant le bébé, elle lui fait toucher du bout des lèvres l’extrémité violacée du sexe du soldat », La seule ouverture qui puisse alors apparaître dégagée comme telle est bien, à revers, l’anus, et c’est pourquoi il doit être l’objet d’un si long travail dra¬matique (d’une aussi chaotique analyse).

4. - Le trauma est un lieu désert. Déserté par la jouissance et le sujet de l’énonciation, et, par définition, surexposé à l’altération économique. C’est une « afrique » couverte d’un océan négatif, autrement dit du sable qui est le fond de la mère [6] Sable : corps poudroyant, volume indéfiniment divisé, multiplicité effondrée, d’un fond de civilisation disparu, d’un âge d’or, d’un éden effacés, océan de plaisir à sec, clos en grains, en coquilles ; temps des âges de la préhistoire du sujet - du nourrisson -, matière du clivage. Talon : réduction du crâne, grossissement du pénis, pont entre tête et sexe « pied enflé », talon d’Achille. C’est aussi le « pays » où l’on peut le mieux voir surgir ce leitfossil (Freud) de la castration qu’est la cir¬concision, à travers les corps voilés, vite découverts : pierre au fond de la mer. La femme est voilée (visage, vagin, voix) comme le membre mâle est coupé de son voile (prépuce). Derrière son voile, la femme devient le phallus dégagé par la circoncision du bout de pénis : « le paysan adolescent sort de l’eau son sexe retréci, il remonte vers la haute ville, son visage moulé dans le voile », D’autre part, le sexe à nu dans le « désert » a pour fonction de réordonner les différents éléments matériels selon des traînées de forces et d’accrochages condensés qui exposent la loi inconsciente de l’équivalence de toutes les substances du corps : sur fond de sable (négatif inorganique, pulsion de mort : la plus pulsionnelle des pulsions), les vagues sexuelles sont ici l’enchevêtrement réitéré des postures tournantes en l’absence radicale de la mer, de la mère à la jouissance interdite : ce qui est une façon de la marquer comme toute-présente dans sa lacune. La liaison de sexe - liant l’énergie traumatique non-liée ¬ est simultanément organique et signifiante [7], « langage d’organe ». soumis au renversement, au retournement - pas-sage de l’activité à la passivité, inversion du contenu, changement d’objet. « On pourrait, écrit Freud, décomposer la vie de toute pulsion en vagues isolées, séparées dans le temps, homogènes à l’intérieur d’une unité donnée de temps et ayant entre elles à peu près le même rapport que des éruptions successives de lave. » Ainsi de la dévoration, de l’incorporation orales et de l’organisation prégénitale sadico-anale que Freud - en marquant ainsi sa zone d’arrivée musculaire - qualifie de « poussée à l’emprise ». Dans E.E.E., le refoulement tra¬vaille essentiellement sur l’affect tandis que la sublimation s’encadre et se creuse dans le tableau répétitif de la repré¬sentation scénique d’organe. Ainsi, par clivage, vient s’exposer, dans une surface venue de plus loin que son déploiement, le dessin phallique : « Sa main, doigts agités par le cauchemar, dessine au sang, sur le bois de la porte, un sexe d’homme. Le poing masturbatoire du texte conjoint la main fermée sur ses veines et le sexe tendu dans son érection.

5. - Le travail continu du, et sur, le lieu de « conversion » des pulsions (l’anus) doit mettre en scène une énergétique où le sperme est censé passer incessamment à travers les queues mâles, les pénis (ressorts du fantasme) étant conçus comme sans fin réarmés. L’orgie mâle - pénienne, orale, anale ¬torsadée - le « dos » mâle remplaçant à l’envers le « devant » femelle - est un repas totémique régressant vers une sauce, ou bouillon, primitifs : à la limite, il s’agit d’une tête enfoncée dans un seau où marinent des quartiers de viande : « Sa langue sort de sa bouche dans le même temps qu’un étron sort de son cul. » […] Tout se passe comme si la machinerie orale était analysée depuis son « report » anal à travers sa « poche » sexuelle, et l’on peut remarquer ici la fréquence des possessifs culminant dans le s apostrophe (s’), au plus près du battement introjection/expulsion. La multiplication des verbes - scarifications du discours - entraîne celle des organes des substances : LA MATIERE SOUS VERBES, PASSE PAR LA RÉPÉTITION QUE COMPORTE SA CONTRADICTION. Série : soulever, écarter, resserrer, contracter, couvrir, écraser, bourrelIer, étouffer, cracher, passer, frapper, élever, pisser, plaquer, détecter, jeter, ébranler, empoigner, serrer, soupirer, refouler, ôter, envelopper, ahaner, baigner, chauffer, goudronner, regrossir, arquer, ouvrir, enfouir, détendre, accoter, refroidir, faufiler, expulser, éclabousser, retirer, s’écrouler. caler, crêper, ensuer, brûler, éclater, s’égoutter, glisser. Série « à l’emprise » qui prend en écharpe et « broie » l’anatomie comme placée sur une orbite périodisée : fesse, visage, yeux, veines, lèvres, mains, talons, aine, cuisse, ventre, vessie, verge, crâne, bouche, Jambes, peau, membre, cul, gorge, croupe, têtes, joues, reins, épaules, chevilles, front, nuque, aisselles, nerfs, oreilles, hanche, plèvre, bronches, poumons, vertèbres, coccyx, pharynx, etc., avec ses sécrétions spécifiques : salive, bave, urine, sueur, sperme, vomissure, merde, morve, etc. L’extrême précision du morcellement et de son vocabulaire (qui empêche toute unification corporelle et maintient durement le texte sous le régime du verbe moteur) est la garantie de la prise en charge de chaque tracé de pulsion qui, dans le « paysage », va se fixer provisoirement sur tel ou tel animal (crapauds, chiennes, tarentules, serpents). Les embrayeurs - représentants exotiques et pluriels du sujet dans le tableau - seront placés comme à l’intersection du verbe et de l’organe huilé par son émission substantielle, les noms ou les surnoms du sujet condensant la disjonction dynamique du verbe et du substantif : le maître de foutrée, le putain, le dattier, le tôlier, le boucher, le berger, l’apprenti, l’adolescent, le nomade, Je pied-bot, le foreur, le rasé, le bouclé, le blond, le brun, le crépu, le garçon, Wazzag, Hamza, Khamssieh. D’où l’obtention de séquences de montage (« le passage d’un fessier monté sur épaules voile la lumière ») saturant la syntaxe du fantasme depuis une force d’écriture qui surdétermine son déploiement. Chaque possibilité de trou est immédiatement bouchée par un représentant phallique, venant circonscrire le vide. Vide : la mort et le soleil peuvent parfaitement se regarder en face, la scène primitive - porteuse de la non-tête de Méduse de la castration -, jamais. Vide qu’implique, pour le tiers exclu et clivé, le coït qui le boucle dans sa provenance : « aux bruits de halètements cloisonnés, son sexe tressaille ».

6. - A côté du bordel mâle où se joue, dans un « dos de face », la machinerie sadico-anale, les femmes, à l’écart, de loin, jouent le rôle de relance et de rappel de l’excitation traumatique - pouvant amener la reconnaissance de la cas¬tration - quand le « ramollissement » risque de la découvrir. Elles sont, en général, accroupies, affaissées, assoupies, se redressant à moitié par rapport à cet effondrement de base : « les femmes, vautrées sous l’épineux, redressent le buste », Elles ne peuvent que représenter une moitié de phallus ou, au repos, le dérobement, sous la croupe ou les fesses, du pénis de la fille : littéralement, par rapport au sein, le pis qui doit se trouver sous elle. C’est aussi pourquoi le mot claie, qui les divise au regard de la circulation des autres signifiants du texte, est une des clés de leur fonctionnement spécifique. Claie, c’est en même temps clitoris + plaie et cul-plaie avec, en connotation, le click ou le coup glotte qui répond au lait (le violet, le voilé, n’étant rien d’autre que le viol du lait pour la voix qui l’appelle et en forme l’envers modulé). « Ses lèvres vibrent sur la plaie » :

Ce (K)lé se fait entendre dans bouclé, giclée ou caillé. Le clitoris, cicatrice sur le chemin de la castration, renvoie aussi à la luette qui pend au milieu du bord libre du voile du palais, de même qu’au tubercule qui se trouve à la surface interne et inférieure du col de la vessie urinaire. Pénis rabougri, point focal de l’interrogation et de la masturbation infantile, « enfant » battu et rabattu dans l’impuissance originaire qui surmonte la plaie de la coupure faisant surgir l’instrument phallique, le clitoris désigne le vestige fondamental [8] la ponctuation d’où s’est dégagé, insaisissable, le phallus. C’est aussi pourquoi ce qui est originaire n’est pas le « traumatisme de la naissance » mais ce qu’on pourrait appeler à travers la castration (en trouvant là une des clés de la mythologie chrétienne) un trauma permanent de nativité [9]. Pour revenir au transfert du bas vers le haut, du con vers la bouche, on peut dire que le son est dans la voix comme le pénis dans sa gaine en se souvenant que le pénis et la langue sont les seuls muscles attachés à un seul os. Si l’on tient compte ici du sphincter glottique (deuxième sphincter du tube gastrique, haut-parleur de la conversion muette des pulsions dans le transformateur du sphincter anal), on comprendra mieux comment « le babillage, centré sur la reproduction motrice de la succion, est accompagné par une reprise hallucinatoire de l’acte même » ; comment « la palatalisation des consonnes est un phénomène caractéristique de la première période du lan¬gage enfantin et s’explique, au moins en partie, par la pré¬valence de la pulsion orale » [10]. La langue « dirigeant les flux d’air à travers les espaces humides vers l’ouverture buccale » est comme un pénis à l’intérieur de la bouche, tandis que les contractions spasmodiques des muscles laryngés organisent, par exemple, la pulsion agressive contre la chaîne parlée, déchirant ou mettant en morceaux la phrase. Les occlusives sordes (T, K) « empêchent l’air de sortir par la cavité orale, elles interrompent le flux sonore par saccades ». Le G (K doux) renvoie à la contraction pharyngée accompagnant le refus de nourriture. De l’occlusion à l’explosion, c’est tout le jeu du tassement et de la déchirure de l’objet sonore qui se constitue dans l’accumulation de la tension atmosphérique accrue (l’atmosphère, dans E.E.E., est aussi bien un fait de « nature » que la matière même de la langue). De même que les occlusives vélaires sont analement investies, le R apical sera un son érectile (phallique) : creusement et détours du chenal vocal.

7. — La femme est donc, dans un premier temps, la représentation du buste dressé et de 1’« amas » sexuel qui conjoint le vagin et l’anus (Vénus). Le membre au cul est ici lisible : « Les membranes mortes qui bourrent mon cul, pendent à mon membre. » […] Membre, membrane, membre-anus : cette série consonne avec celle qui fait de la langue un gland (et aussi un pénis caché dans le con sanglant). « Sa langue débordant, ensalivée, de ses lèvres minces ourlées mauves » / « sa langue balafrée sort d’entre ses dents, d’entre ses lèvres, nez piquant vers les boules, chauffe le bord du cul salé par la suée. » En écho : « La pellicule (cul) de foutre recouvrant en transparence la chair rougie, \"violacée, du gland, marquée d’empreintes annelées » / « le gland rosit, tourne au violet, les chairs circoncises, dilatées, collent à ses doigts » / « l’arc tendu contre l’arête de son nez, appuie ses lèvres contre les chairs circoncises, les lèche. » Inutile de souligner le rôle de soutien fétiche et phallique tenu par le nez (qu’il faut entendre aussi dans « nouveau-né »). Ou encore : « dans la bouche ouverte (con vers le haut) de la fille rasée (phallus, crâne) la langue mouchetée (bouche cachetée) de mauve, de nacre (dents, mais aussi : foutre) scintille (sein t’il) éclairée par un rayon filtrée dans le branchage épineux : » La claie, souvent « enjambée » (entre les jambes), le branchage : c’est aussi la toison pubienne de la femme, toison en quelque sorte « barbelée », Au niveau de l’effet de bouche généralisé (vagin denté), « les deux respirations l’une l’autre s’aspirent dans le même temps que les sexes l’un l’autre se mordent », Cette représentation archaïque trouve d’ailleurs son représentant de langue dans l’emploi des pronoms vieillis « icelui » et « icelle » qui, par la médiation du pis (variante urétrale et lactée du sein devenu pénis), donnent à la fois pisselui et pisselle où s’annonce, à nouveau, le pénis fantasmé commun aux deux sexes et le recouvrement du traumatisme de la découverte de la castration de la fillette urinant accroupie, c’est-à-dire pouvant cacher son pénis sous elle, voire dans sa croupe, et aussi, bien entendu, pucelle, où se fait entendre le usse de prépuce, d’anus, de pénis-anus, de cu-pénis-elle. Le isse urétral est d’ailleurs verbalisé en : pétrissent, hissent, raidissent, cuisses, pubis, etc. Soulignons aussi « le gland mal circoncis du pied-bot », Le pied-bot (beau), le pied enflé, Œdipe au talon d’Achille, est bien celui qui - comme nourrisson - aura marché sur le corps de la mère et touché, nu, la terre promise, interdite, aux ruisseaux de lait, son « gazon » et sa toison noire - celui, donc, dont le pied-pénis reste à tout jamais vulnérable sous l’épée de la loi ; dont le gland, comme le pied, à force d’enfler (œdème), de s’ériger, n’en est pas moins fait pour être coupé comme les yeux sont sexuellement faits pour être crevés.
Ici, chaque mot est une formation transitoire de l’écriture de phrase (Satzenschrift) [11], ce qui explique, par ailleurs, la possibilité parlée du lapsus - acte « réussi », comme le rappelle Lacan - et que le texte fonctionne aussi comme lapsus généralisé : massé sur le bout de la langue. Chaque mot est un agrégat de lettres et de pulsions contre-investies, c’est une claie, une planche travaillée de nœuds (clefs dans la claie) à travers la portée musicale. Orchestration où peuvent se détacher, atomes discrets et concaténés de la phrase, les « points d’ombilication du sujet dans les coupures du signifiant » (Lacan), sujet massivement hors-de-phrase, point-clé et divisé du fantasme. Dans cette stéréographie, la suite des unités de phrase et des séquences en relief sont comme les fresques du saillant phallique produisant l’espace creusé des séries que les lettres-en-mots viendront remplir par le mot qui n’est que le représentant décalé de l’unité de phrase (d’où la néces-sité de ne pas se laisser prendre au mot, encore moins au mot sexuel ou obscène qui est là pour rappeler la fonction de verbe initial qui est la sienne, mot valant en fait pour tous les mots, mot de mimique, mot de geste) [12].

8. — Le corps morcelé, devenu son morcellement transitoire, chirurgicalement, « disjoint de sa jouissance » (Lacan), fournit l’accentuation des lambeaux de phrase où il se distribue dans sa grammaire rigide et mélodiquement réglée. Il est en propres termes l’extension découpée du mot du « lait » qu’il a reçu au départ
[…]
l’anus enculé, (en-cu-lait) : « En son cul, la verge du blond, mordue, regrossie, potelée (pot de lait), expulse le restant de foutre éveillé sous les doigts, sous les lèvres du pied-bot. » La « suée », la « foutrée » convergent vers cet élixir ou ce philtre qu’est le lait de la mère absente. Dans «  l’aine où la poudre de foutre coule dans le pli », entendre : « le lait en poudre coule dans la pluie de foutre » (envers négatif : le sable). « Le maître de foutrée, claie enjambée, escalade la dune basse (sein, ventre) au versant de laquelle, ombragé à mi-corps par le branchage acéré (toison du pubis), le bouclé (bout/claie, bout/clé, bout/ cu/lait), sa verge happée (à pets, bouche) dans le sexe de la fille rasée (crâne) à demi enfoncée dans le sable », etc. ; glissement de l’aliment et du premier élément de langue : « Un mélange de foutre, de sueur, de sang, s’écoule, ardant la membrane, hors de son cul ouvert dans la lissée des fesses à l’accroupissement. »

La femme, dans la grande séquence finale, n’est pas évidemment pour rien domiciliée, avec son « bébé », « sous un abri de peau ». « L’épiderme ocre-mauve serré dans un tissu violet », « bébé assoupi dans le creux de son aisselle » (selles), elle représente, dans son corps à dépendance d’enfantement, le phallus comportant son supplément de pénis animé, joueur, détachable : « une bave nacrée vibre à la commissure des lèvres du bébé ». Son fétiche sera une « bouteille de graisse blanche bouchonnée (bouche/nez) d’herbe verte ». Face à elle le « nomade », le «  garçon » occupe une position passive, fonctionnelle, agrandissement du bébé sous le rappel incessante de la menace de castration (« toux à caillots ensanglantés », (fracture du coude). Symétriquement, se constitue le singe, le sujet du sein, hors-culpabilité, hors-inceste, hors-homosexualité, hors-castration, hors-symbolique qui est, dirait-on, à la fois la figure édénique de la mère phallique ou d’un père désormais adoptif, nourricier, et celle, sous-jacente, du sujet de l’énonciation dans l’écriture. La femme — la mère — est porteuse, elle, d’un sexe-coquille (« coquille bouclée » : bout-clé-claie-cu-lait) tandis que, par rapport à ce bouclage de base, son « haleine lactée, bouche ouverte, baigne l’avant de son visage voilé ». Désormais, le fétiche va être composé-décomposé dans son montage « doublement noué à des contraires » (Freud) (« c’est dans la construction même du fétiche qu’aussi bien le déni que l’affirmation de la castration ont trouvé accès » [13], imbrication du creux et du plein (phallus vide, cavité phallique) obstiné à boucher de façon aussi bien convexe que concave la coupure irreprésentable de la castration, montage, donc, de la différence sexuelle en identité de contraires renvoyant à celle de l’enfant et de la mère. « Le foutre afflue dans la verge encoquillée » / « La coquille enserre à la racine son membre violacé. » La non-disjonction sexuelle, mise en péril, augmente la confusion des espèces — serpents, oiseaux —, et le coït des figures femelles (en train de devenir trou) et mâles, se fait sous le signe d’une cassure, rire mêlé de douleur : « Le sang noircit au pli du coude » / « le poignet paralysé chauffe. » La coquille — cu en couilles, couilles en queue — qui est aussi blasonnée par les bidons shell, est « curée » par la femme « d’un revers de pouce », tandis que la verge (vierge) « encoquillée » (en queue couillée, les couilles étant désignées — comme des seins — par « boules sécrétives ») est aussi, à l’envers, le je accolé au sein : « Le singe, en orgasme, le bébé accolés, roulent dans le sable » / « Le bébé, s’apaisant, ouvre ses lèvres, tette le membre... la semence emplit la joue, déborde sur la langue. » Comme si le texte, dans son fond d’oralité découvert, disait : je suis un sein dont je suce en bébé la queue. Comme si, entre l’âne et le boeuf — ici : le chameau et le singe —, la vierge, munie de sa verge et de son bébé, trouvait son explication détaillée. La « verge encoquillée » est la verge prise dans le sexe féminin dénié en queue négative : la coquille est la localisation sexuelle du poing du nourrisson masturbatoire, de telle sorte que cette verge interne, retirée dans sa coquille, représentée en surface (comme un iceberg) par le clitoris, laisse s’égoutter son « huile », sa « semence aquhuilée » (à cu huilé, à-cu-il-lait), le corps étant d’autant plus multiplement « ouvert » (oreilles, yeux, narines, nombril, cul, pores) et oralisé que le vagin se dérobe davantage à la sanction de coupure dont il est invisiblement la réalité. La coquille, à lèvres, « mord », « happe », « crachouille », « écume », « se clôt », elle est « contractée » comme un con que l’on pourrait traire. Il devient équivalent d’enfoncer « son pied sous le vagin de la femme assoupie » et de retirer « son pied de sous le pénis ». Le garçon, sortant de la femelle, se précipite vers un « affleurement du roc », réassurant son sexe contre le silex (sexe d’il), combattant ainsi le vertige qui se donne comme brusque montée de sève végétale : « Le vert monte dans les tiges » (vertige). La coquille est ou bien le pénis en creux, ou bien fermée comme un crâne. Carapace contenant le mollusque actif, dissimulé, plein de sécrétions « à la rencontre » du pénis — tantôt serrée, tantôt ouverte dans le battement (fort-da) symbolique du fantasme, bouche ou main primordiales (salive, sang, sueur) à langue, formes inverses du sein rebondi, du poing qui pétrit ; « la coquille triture les tissus du conduit du gland ». Le sujet forclos est donc ici, sur l’autre scène du texte, hors de la sa phrase, amené à être à chaque instant le phallus de la mère, soit sorti, soit rentré, soit pénétrant, soit faisant face à ce qui pénètre, arrimage qui n’a rien à voir avec celui d’un foetus, mais qui dépend entièrement de la forclusion de la castration. (L’homme descend du singe en passant par sa provenance de son je au sein, de sa queue à mère, dans le saut qualitatif de l’opération symbolique de la castration comme « cause » du langage distinguant la société du travail divisant la jouissance de l’homme de celle de l’animal.)

9. — L’ultra-vitalisme — l’organicisme —, conséquences de cette posture, impliquent une somatisation incessante ; « poil, corne, épiderme, oeil, lait, sang, suint, urine, circulation de souffle en souffle », dominée par la verge vocale « au cri trillé par le sang » ; « lueur engorgée du feu rose baignant les bouches, filtrées aux membranes transparentes des poumons déchirés ». L’oeil voilé, la voix voilée, les caillots de sein, les étrons d’anus, les pieds en sabots, les cornes en pis, l’arbre et le sable : « Les sabots foulent, amollis, le sable spongieux » / « Le sang, caillots débloqués, recircule dans l’articulation du coude »... Ici interviennent — autour de la non-tête de Méduse absente — un « noeud de tiges », les cérastes, c’est-à-dire les serpents qui développent la présentation du phallus « hors-coquille » et du pénis fécal (« étron rouge, tenant au cul, se lovant dans la cavité tiède ») ; les vipères cornues des sables du désert. On sait que c’était là le surnom des Erinnyes à cause des serpents dont étaient entrelacées leurs chevelures, Kéras voulant dire corne. (Définition : genre de reptiles ophidiens solénoglyphes, famille des vipéridées, renfermant des vipères désertiques à front concave avec des cornes lamelleuses au-dessus des yeux.) Les cérastes circulent entre écailles et caillots, entre veines et venin, entre sable et talon, entre sol et peau cornée. Leur iris est « vertical », la cornée de l’oeil y est une autre corne, de même qu’ils sont la coquille cornée — vagin denté — à l’intérieur déplié. Ils surgissent et se réenfouissent dans le sable, surface indéfiniment et microscopiquement morcelée du bord de la mère d’où sortent des queues hallucinatoires. Les cérastes et les pimélies (insectes) (pis-lait-lit) sont à l’intersection du point de greffe où femme est à garçon ce que serpent est à insecte (agression de la mère phallique). Le caillot (substitut du lait caillé) est renvoyé à la calotte à la fois excrémentielle et pénienne (prépuce) : « La couche de merde fraîche décalottée » / « Les cérastes jaillissent, leurs têtes encaillotées... » Le pénis fécal — noeud d’étrons — est aussi un « piquet » fiché dans l’anus (fonction levier — érective — du fétiche), comme le bébé est serré contre la gorge de la femme, la « croupe torsadée » appelant la chevelure féminine serpentée (accentuation des deux grands blasons du fétiche : la lingerie, les poils, qui « auraient dû être suivis du membre féminin ardemment désiré », « dernier moment du déshabillage, pendant lequel on a pu encore penser que la femme est phallique », Freud). C’est ici qu’après la première référence explicite à l’écrit (le fétiche est toujours aussi grammatical) représenté par la « fiche de paie » (monnaie du fétiche) plaquée sur les corps mâles, va se construire le totem du texte planté à l’horizon de sa clôture, projection de sa grammaire solidifiée et répétitive : « piquet sculpté d’animaux, ailés, palmés, fessus, déglutissant sur leurs seins pansus, hors du bec, oeufs, ovaires, fruits ». Ce totem maternel (auquel il faut ajouter « l’entrelacs des tresses », les «  mèches torsadées », les « lourds cheveux beurrés », la « couronne peinturlurée » ; auquel il faut se reporter pour entendre dans « le vert monte dans les tiges » non seulement « vertige » mais aussi le fait que les ovaires sont conçus comme montant dans les pénis érigés) est marqué dans le texte par l’italique sculpté affectant soudain l’énoncé des parties du visage (gorge, oreilles, bouche, narines, yeux, front) prenant en charge leurs correspondants immédiats (dans l’ordre : croupe, bras, seins, chevelure, verge, nuque) (nuque devant être entendu comme anus + queue, la femme « écrivant » dans la nuque du garçon) dans une table de projection de la mère phallique qui ouvre sur le code le plus abstrait, génétique, déposé « au fond » du texte (comme il va l’être en frontispice à travers la phrase en écriture tiffinagh) : « cercles, croix, crochets, carrés striés, triangles ». Ce fond pictographique rythme l’écriture primitive, l’écriture de coït où le régime scandé, virgulé, de la phrase est à la fois moteur de verbe, lapsus et mot obscène, sol de la représentation ensablée.

S’introduit ici «  l’étoffe » autour des reins, à la fois déshabillage de la mère et emmaillotage enfantin, la mousseline, la « djellaba toute gonflée d’air violet » (muqueuses encore gonflées par l’attente de la découverte du phallus maternel) qui fait mousser le phallus au dos du mâle (mère retournée), agrandissement des chairs, circoncises du pénis logé dans la coquille ou sous la « chamelle » : « chevelure éparse sur le fessier ombré aux plis ». Le garçon tette le pis comme la femme mord la verge. Quant au coffret du fétiche, « sachet de peau (prépuce) scarifiée bloqué dans un bilon shell (coquille) coupé au niveau du verseur (circoncision) », il contient « des boucles, des colliers, des bagues, des anneaux, des bracelets, des pendentifs ». Le texte marque ici à l’intérieur de lui-même, dans la représentation ponctuelle de sa genèse, comment la découverte historique de l’écriture a été contemporaine de celle des colorants, des maquillages, des parements, eux•mêmes envers de la sépulture. « Sa verge, au travers de la djellaba, attouche triangles, pendentifs, losanges, cercles, rectangles d’argent, d’ivoire. » Le corps-phallus est ainsi fétichisé par inscription directe : « traces, cercles, croix, rectangles sur son front » / « les lèvres remuées par l’accompagnement musculaire de la tressée ». La coquille — d’où surgit Vénus-phallus montant du fond de la mère — est foulée — comme les « nouveau-nés » — par le talon (pénis) « fissuré » : elle « écume ». Plus nettement : « Le pied du garçon tressaille sur le con » / « sa verge se rétracte dans les boucles. » Jouissance versant dans l’ombre du sujet-phallus-de-la-mère : « l’horizon bascule, soleil surplombé — galbe tropical irradié —, verse, masse érectile, dans l’ombre occidentale ». La femme (phallus) est habillée en fétiche (anneaux / seins, collier / cou, diadème / front, pendentifs / lobes), tandis que l’écriture de phrase du coït représente à nouveau son ressort de production tatouée de la fétichisation : « dessine sur le front étale, avec la pointe d’une tresse fardée... une croix pointillée, un cercle... » Simultanément le phallus de la mère s’écrit comme un bijou de déroblement mobile, greffé en consonne, c’est-à-dire en clé, sur les lèvres, clé + lippe = clip : « clip de corne sur le retroussis de la lèvre inférieure du con ; laquelle, révulsée, enfouit le clip dans le friselis d’écume aquhuilé », lèvres de la bouche et de l’anus fermant «  l’autre bouche » en corne (licorne). « le clip affleure dans la mousse ; les chairs roses le déglutissent. »

La coquille à bijou, le « cliquetis des bijoux » se renversent dans le spasme respiratoire qui conjoint la quinte de toux et le caillot ensanglanté dans un supplément reporté et substitué. La castration s’exorcise dans l’inversion du plein au creusé : « Le gland attouche, saccadé, chauffé, le con grand ouvert aux lécheries de mèches, baigne, proliférant, dans le dépôt palpitant de semence » / « le con tressaille, presse la verge rétractée, gland baignant, trituré, dans le frais mélange des semences, attouchant le siège de l’enfantement. » La langue dans la bouche, et bouchant la bouche de ses mots fétiches est chargée de la fonction de matrice — et c’est pourquoi elle a ses propres règles : saignement, infection, lambeaux, crachats, etc. —, langue et parole étant ici logiquement décalées comme le sont écriture et écrit : le siège de l’enfantement du langage est touché par le gland, envers de la langue, baignant, trituré, dans le frais mélange (bave, lait, sperme) des semences (phonèmes, lettres), « foutre réattouchant le canduit, gorge resserrée ».

Le tronc cache le trou qu’est le con, enracine le montage du bébé en phallus maternel : « la femme, bouche tapissée de bave nacrée (coquille), s’accroupit, croupe moulée dans l’étoffe humectée d’ozone, mord le tronc, enserre la tête de son bébé — suspendu par ses pieds recourbés au cou de la femme — entre ses cuisses. » « L’amas sexuel engainé dans l’humide lambeau » (langue, pénis) s’édifie à l’envers du « con ensablé », ou encore transféré à l’anus : « du con entrouvert, la semence aquhuilée s’écoule sur le sable ». Toujours à nouveau dans la fixation orale, la bouche recueille la résine sucrée, « l’averse embaumée » : « le pollen (peau, lait, aine, laine), dans l’arbre ébranlé (branler, lait) par les coups de pouce (pénis) de la femme, s’effondre sur le visage renversé du garçon (bébé) ». Le fétiche est un piège à lait, une série de noeuds imbriqués dont la voix, par la parole, en son fond, mesure l’enveloppe : son langage sonore, s’il en a un, consiste à susurrer (sucer, murmurer). Etant un bout qui consonne avec le vagin dénié, il peut se présenter sous la forme d’un « bouc » qui « geint », ou encore d’un excrément déplacé, comme le « bébé logé dans l’aisselle » (dans les selles). Le con creusé, conçu comme phallus vide, est aussi un cou (« le cou convexe de la femme »), et nous obtenons alors l’équation tronc-trou-con-cou qui culmine dans croupe et se refond dans trombe à la fin du texte. « Les lèvres de la femme... annelées en leur milieu d’un bourgeon de chair lisse, sur les vertèbres du cou levé. » Peu à peu, la multiplication des corps ou plutôt des objets de « l’achose » (Lacan) — eux-mêmes représentants du corps morcelé —, se rassemble dans la conjonction-disjonction du rouage fondamental du fétiche dont le nom exact serait : l’afemme. L’afemme phallicisé est là pour concrétiser la mère interdite ainsi que son phallus absent maintenu. Il (elle) cerne le mouvement par lequel « la verge tressaute dans le con qui la gaine au ras des boules » alors que « les boucles adhèrent au retroussis inférieur du con », « verge engainée dans le lambeau ». La gaine du vagin, verge en creux (que tout tablier pubien a sans doute pour fonction de symboliser dans le réel), laisse apparaître les « boules noires sorties du lambeau ». De ce côté-ci du texte, il faut voir que le sujet de l’énonciation dans l’écriture, se dédoublant dans ses énoncés, en fait se regroupe au point du fétiche qui l’identifie à la mère phallique. « Vénus incandescente », où « sous l’étoffe collée le con palpite, s’entrouvre ». L’afemme protège les « dessous de la femme » où pourraient se présenter l’horreur du trou de la castration. « La femme recule, s’élance, court vers l’abri »... « bébé enfoui sous les écheveaux de laine rouge » (c’est-à-dire aussi les « châles écarlates, violets », muqueuses du vagin). Elle enfouit dans des « sacs » les flacons, les sachets, les boîtes — petite monnaie du fétiche —, tandis qu’un « coup de vent refoule, dresse le sable, face à l’obscurité accrue », c’est-à-dire tandis que se renforce le refoulement sur la mère se dérobant au loin derrière « la palpitation accélérée de Vénus ». Cette « palpitation » de la phrase est l’indice vibrant, mis à distance, déroulé, cursif, de la jouissance sexuelle que tout le texte est dressé, comme une grande muraille obscène, un obélisque de la représentation de sexe, pour contenir et canaliser. Urétralement inversée, elle apparaît pourtant comme averse : « La pluie, portée en colonne de sous la palpitation accélérée de Vénus, gicle, glacée » / « La laine, trempée au ruissellement de l’eau ardente hors des plis de leur vêtement mêlé au niveau des seins, déteint sur le corps du bébé assoupi. » De la bouche au cul, en colonne, par le tronc, en trombe — à savoir en trompe [14] —, la rafale du texte, courant, enfermant sa voix, se retire dans l’inconscient, dans le « vagin loué à l’anus » que marque graphiquement la majuscule V (cinq de la main abrégé dans les aiguilles scellées des jambes) de Vénus lestant symboliquement « voilée ». L’ultime séquence ramasse ce blocage de la tumescence et de la détumescence du sujet au sein de la mère phallique, de la castration décalée (têtes coupées des serpents) et du bouchon de lait dur qui vient aussitôt s’y coller, du contre-coup qui s’ensuit en invagination anale où le fétiche, scandé, sculpté, contradictoire, repart vers sa provenance insaisissable, indiquant aussi bien le pas d’origine animale et matérielle, comme venu d’une autre planète, de la phrase en fresque entièrement suspendue :

« le singe piaule, bras alanguis, guerba ramollie nouée à l’encolure, mufle sanglant, sexe dressé, ?il scrutant Vénus voilée de vapeurs violettes, piétine les cérastes décapités ; la graisse exsudée au bouchon d’herbe, durcit ; la trombe recule vers Vénus, »

Ainsi parlait Sollers ,
Critique 270, juillet 1971, p.607-625

Le mot de la fin

Il y a de la beauté dans l’extrait du texte que nous avons ajouté en tête de l’analyse critique de Philippe Sollers. Elle disparaît complètement dans l’analyse lacano-freudienne hyper-fouillée, alliée au démontage du texte/langage dans tous ses rouages « mécaniques », que nous présente Sollers. Esthétique écrasée par le poids de l’analyse !

La mise en garde de la notice d’emploi, sur les possibles effets indésirables, n’était pas veine pour moi. Difficile de ne pas être submergé par la représentation des mots, jusqu’au tournis, et à l’écoeurement. En même temps qu’attiré par ce vertige, cette virtuosité du jeu du langage mis en miroir par Sollers, dont on ne sait dans quel dosage ces associations ont été conscientes ou procèdent de l’inconscient de l’auteur ou de l’imagination surréaliste et délirante du critique.

Elle était annoncée, mais l’influence de Lacan, que fréquente alors Sollers, est débordante de présence, le théoricien du « Parlêtre », néologisme qu’il n’avait pas encore inventé lorsque Sollers écrivait, un néologisme pour désigner « l’être charnel ravagé par le verbe » (définition labellisée par la causefreudienne.net cette analyse en est la plus virtuose des préfigurations.

Exerce de virtuosité de haut vol de Sollers. Jusqu’à être plus lacanien que le maître du genre, celui qui en a formulé le principe de base : « l’inconscient est structuré comme un langage ».

On peut aussi se souvenir que Dali et Lacan se connaissaient. Leurs pensées se sont croisées, interinfluencées. Ils se sont rencontrés en 1930 alors que Dali affutait alors sa méthode critique basée sur « le délire paranoïaque »... tandis qu’en parrallèle Lacan présentait une thèse de doctorat intitulée « la psychose paranoïaque »… Quel parrallémisme !

On sait que Dali théorisera ses constats et réflexions dans ce qu’il appellera « la méthode paranoïade critique », moyen d’accès à une forme de « savoir irrationnel », fonctionnant essentiellement par associations et créant des « images » improbables, au-delà de celles produites par l’intuition logique ou les mécanismes rationnels de déduction, d’induction.
Lacan de son côté, qui n’est pas peintre, partant d’une même base, ne va aller vers leur « représentation picturale » dans un tableau, mais leur « représentation verbale » dans le langage. Sollers s’inscrit ici dans cette lignée.
Lignée de deux grands maîtres du délire verbal – sous contrôle.
Dali : « Il y a plus de méthode dans ma folie que de folie dans ma méthode.

V.K.

*

[1juillet 1971, N° 90

[2Le diable qui est à l’honneur dans le dernier numéro de L’Infini, (Hiver 2012, N° 121) avec deux articles de Ph. Sollers : Rencontre avec le diable er L’Enfer, c’est la morale

[4Roland Barthes, Simone de Beauvoir, Pierre Boulez, Michel Leiris, Dionys Mascolo, Claude Mauriac, Nathalie Sarraute, Jean-Paul Sartre, Claude Simon, Michel Butor, Jean Cayrol, Jacques Derrida, Marguerite Duras, Michel Foucault, Claude Ollier, Roger Pinget, Marcelin Pleynet, Alain Robbe-Grillet, Maurice Roche, Philippe Sollers, Paule Thévenin, Jean Thibaudeau, François Wahl, Kateb Yacine.

[5« Le pénis, à la différence du sein. offre une source intarissable d’immenses satisfactions orales » (M. KLEIN). D’où : « le prototype nor¬mal du fétiche, c’est le pénis de l’homme » (FREUD).

[6Pour l’inconscient, rien n’est plus distant ni plus insondable que l’intérieur du corps de la mère et, plus encore, l’intérieur de son propre corps » (M. KLEIN).

[7FREUD : « Les pulsions érotiques tendent à agglomérer toujours plus de substance vivante afin d’en faire de plus grandes unités, les pulsions de mort s’opposent à cette tendance et ramènent la matière vivante à l’état inorganique. »

[8Pour MÉLANIE KLEIN, le clitoris est le pénis sur la voie du refoulement du vagin (et de l’intérieur du corps) : « La fille croit que le clitoris est la cicatrice ou la plaie laissée par la castration. »

[9« il faut recommander instamment l’étude du fétichisme à ceux qui doutent encore de l’existence du complexe de castration ou qui peuvent penser que l’effroi devant l’organe génital de la femme a une autre base : qu’il dérive, par exemple, du souvenir hypothétique du traumatisme de la naissance » (FREUD, Le fétichisme, 1927). Cf. « Nouvelle Revue de psychanalyse », no 2, automne 1970 : Objets du fétichisme, articles de ROSOLATO, ROBERT C. BAK, MMASUD R. KHAN. Dans ce même numéro, traduction du texte de FREUD : Le clivage du sujet dans les processus de défense (1938).

[10Cf. IVAN FONAGY, Les bases pulsionnelles de la phonation, « Revue française de psychanalyse », janvier 1970, et ROMAN JAKOBSON, Langage enfantin et aphasie, éd. de Minuit, 1969.

[11« Les pictographies employées pour faciliter la récitation de textes religieux ou magiques consistent en une succession d’images se rapportant chacune à l’élément saillant d’une phrase ou d’une strophe, d’où le nom « d’écriture de phrase » (Satzenschrift) qui leur est donnée s (A. MÉTRAUX).

[12(9) Cf. FERENCZI, Mots obscènes (Contribution d la psychologie de la période de latence), 1911. La matrice d’EEE est d’ailleurs un texte inédit d’apostrophe argotique, L’autre main branle, écrit ouvertement pendant des séances de masturbation, mêlant sperme et encre dans ce qu’on pourrait appeler un agrandissement décalé de la captation des voix parentales (conçues comme homosexuelles) au cours de la transaction primitive d’échauffement. « On peut considérer la copulation par derrière comme la forme la plus ancienne au point de vue phylog nlque. » (FREUD, L’homme aux Ioups.)

[13FREUD, Le fétichisme, 1927.

[14Trombe : météore consistant en une colonne d’eau conique enlevée par des tourbillons de vent tournant sur elle-même avec une très grande vitesse et produisant les plus grands ravages ; il y a des trombes de terre et de mer — trombes ascendantes et descendantes —, on a dit aussi : trompe.
Trompe : « L’éléphant se sert de sa trompe comme d’une main. De tous les instruments dont la nature a si libé-ralement muni ses productions chéries, la trompe est peut-être le plus complet et le plus admirable ; c’est non seulement un instrument organique mais un double sens » (BUFFON).
— Suçoir charnu, rétractile et protractile de certains insectes diptères (moustique).
— Espèce de coquille de mer en spirale.
— Canal en partie osseux, en partie fibro-cartilagineux, dont une des extrémités se prolonge jusque dans la cavité du tympan, et dont l’autre, plus évasée, s’ouvre à la partie supérieure du pharynx.
— Deux conduits qui naissent chacun de l’un des angles sup-rieurs de la matrice et se portent à l’ovaire correspondant.