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Glenn Gould par Glenn Gould sur Glenn Gould

D 31 octobre 2012     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Un texte inédit en français. En librairie depuis le 4 octobre 2012.
Paru pour la première fois dans High Fidelity, en février 1974.


La fin d’une époque – les conditions du vrai
L’effort de communication


g.g. –- Bien. On vous a entendu dire que votre intérêt pour l’enregistrement — pour les médias en général, en fait — représente un intérêt pour l’avenir.
G.G. –- C’est exact. Je l’ai même déclaré dans les pages de cet illustre magazine, pour tout vous dire.
g.g. –- Tout à fait. Et vous avez également déclaré, inversement, que la salle de concert, la scène, l’opéra, etc., représentaient le passé ; peut-être un aspect de votre propre passé en particulier et, de manière plus générale, le passé de la musique.
G.G. –- C’est vrai, même si je dois admettre que le seul contact professionnel que j’ai eu avec l’opéra s’est soldé par une petite trachéite que j’ai ramassée en jouant dans l’ancien palais des festivals de Salzbourg. Comme vous le savez, c’était à l’époque un bâtiment extrêmement soumis aux courants d’air et je…
g.g. –- Peut-être pourrions-nous parler de votre état de santé à un moment plus opportun, M. Gould ; mais il me semble — et j’espère que vous me pardonnerez de vous le dire ainsi — que les déclarations de ce genre sont toujours par nature un peu intéressées. Après tout, vous avez choisi d’abandonner toute forme de scène publique il y a environ, combien, dix ans ?
G.G. –- Très exactement neuf ans et onze mois à la date de cette publication.

En 1964, à 32 ans, Glenn Gould décide de ne plus se produire en public et privilégie les enregis­tre­ments en studio. Ce revirement dans sa carrière restait à ce jour une énigme. Entre autres sujets abordés, il s’en explique ici, dans un texte étonnant, où on perçoit aussi en lui l’essayiste et le théoricien de l’art. Pourtant, il nous affranchit d’emblée : le seul sujet qu’il ne souhaite pas aborder, c’est la musique. Ce qui, à ses yeux, ne peut que favoriser les révélations. Et en effet. Dans cette interview en miroir, Glenn Gould avoue "la duplicité qui se cache sous un smoking", la fragilité du musicien exposé en chair et en os devant un "public" ; terme qu’il remet d’ailleurs en cause. Au détour, il évoque l’émotion musicale que lui a procurée le spectacle de Herbert von Karajan, immense chef d’orchestre, dirigeant à Berlin le Philharmonique. Mais la forme même du texte est plus évocatrice encore : dans ce dialogue avec lui-même, l’auteur met en scène un subtil jeu de thèses-antithèses. L’attraction magnétique que le musicien loufoque et excentrique exerce sur son public ravit ici, au sens propre comme au figuré, le lecteur.

Traduit de l’anglais par Élise Patton.

Extraits en pdf

Éditions Allia, 2012

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Glenn Gould - Art de la Fugue (Bach)


Glenn Gould - Art of Fugue (Bach)

1750 art de la fugue lente vague sur vague dernier message cantor infini on a l’impression qu’il retient sa force qu’il voudrait coincer l’agonie thème répétition variation et antiversion de l’invariation contrethème inversion rethème réinversion de l’altération silence reprise plus bas plus rapide ralentissement accélération division clavecin ponction hautbois coq poule points d’or tympans joyeux dans la gorge on est content d’en sortir mein gott de ce coupe-gorge on aime s’égorger soi-même hors passion quelle cage organisée à présent quel matin bourré de poissons quel précis de navigation fugue art de nouer tout en dénouant sans pour autant lâcher le coulant art de décaler dans l’écorce jamais assez répétée jamais assez sous pression tan ti ta ta ta tan ti ta ta ti ta ti ta tan un deux trois quatre-cinq six sept-huit neuf dix-un deux trois quatre accent sur le sept suspension et redépart sur le sept aucune raison que ça finisse calme à l’intérieur dépression quelque chose est fait pour être sans fin écouté ou plutôt ponctionner le flux-nombre au-delà du son écouté quelque chose est là pour insister en cadence et dire tout ce qui se dit se dira aura été dit partita samba ou raga et moi je sais d’où je viens et où je vais mais vous vous ne savez ni d’où je viens ni où je vais

Ph. Sollers, Paradis, 1981, folio, p. 170.

Sur pileface : Glenn Gould, un aventurier du Temps

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