Sur et autour de Sollers
vous etes ici : Accueil » NOTES » Paléontologie : l’homme descend d’une souris chinoise (...) par : PileFace.com
  • > NOTES

Paléontologie : l’homme descend d’une souris chinoise !

D 13 septembre 2011     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Après les révélations sur l’Haplocheirus sollers...

Paléontologie : l’homme descend d’une souris chinoise !

Par Michel de Pracontal

Son nom ?- Juramaia sinensis - ? signifie : Mère jurassique de Chine. Elle avait l’allure d’une musaraigne, mesurait environ une dizaine de centimètres de la pointe du museau au bout de la queue, et vivait au nord-est de la Chine il y a 160 millions d’années, quand les dinosaures dominaient la planète. Elle est aujourd’hui le plus ancien fossile connu de mammifère « euthérien », le groupe dont sont issus presque tous les mammifères actuels, y compris notre espèce. Son pedigree scientifique est publié dans la revue Nature du 25 août 2011. Selon son principal découvreur, le paléontologue Zhe-Xi Luo, du Muséum d’histoire naturelle Carnegie, à Pittsburgh, « Juramaia est l’arrière-grand-tante ou l’arrière-grand-mère de tous les mammifères placentaires qui prospèrent aujourd’hui ».

JPEG - 46.3 ko
Reconstitution artistique de Juramaia© Mark Klinger / Carnegie Museum of Natural History

Les mammifères euthériens, ou placentaires, sont ceux dont les embryons se développent dans l’utérus de leur mère et sont nourris grâce à un placenta, comme c’est le cas de la souris, du lapin, de la vache ou de l’homme ; les euthériens se distinguent des métathériens, dont font partie les actuels marsupiaux comme le kangourou ou le koala, dont les petits naissent à l’état de f ?tus et poursuivent leur développement dans la poche abdominale de leur mère, appelée marsupium. Ces deux groupes rassemblent la quasi-totalité des mammifères actuels, à l’exception des monotrèmes, les plus primitifs, dont il ne subsiste que cinq espèces : le bizarre ornithorynque, au bec de canard et à la queue de castor, qui pond des ?ufs mais dont les petits sont allaités ; et quatre espèces d’échidnés, également des mammifères ovipares.

Les trois groupes de mammifères sont apparus pendant le long règne des dinosaures, qui ont dominé la Terre pendant plus de 160 millions d’années, du Jurassique, il y a 230 millions d’années, à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d’années. Plus de mille espèces de dinosaures terrestres, des reptiles géants à de petits bipèdes de la taille d’un poulet, régnaient sur un continent unique, la Pangée, qui allait ensuite se fragmenter pour donner les continents actuels. A l’apogée de l’ère des dinosaures, de petits mammifères ont commencé à occuper les rares niches écologiques encore disponibles. Mais c’est seulement après l’extinction des dinosaures que les mammifères ont investi l’espace terrestre. L’espace aérien, lui, est resté le domaine des dinosaures aviaires et de leurs descendants, les oiseaux.

Cependant, les recherches paléontologiques récentes ont montré que, sous le règne des dinosaures, les mammifères étaient déjà assez nombreux, même s’ils ne tenaient pas le haut du pavé. Ce sont surtout les euthériens et les métathériens qui mobilisent l’attention des scientifiques, car les monotrèmes ont laissé peu d’archives fossiles et ne sont quasiment plus représentés. L’une des questions cruciales, pour comprendre l’histoire des mammifères, est celle de savoir quand la lignée des mammifères placentaires, dominante aujourd’hui, s’est séparée de celle des marsupiaux.

JPEG - 35.6 ko
Emplacement géographique du site de la découverte© DR

Dans ce domaine, l’équipe sino-américaine de Zhe-Xi Luo, Qiang-Ji et Chong-Xi Yuan, celle-là même qui a découvert Juramaia, a fait une série de trouvailles décisives. En 2002 et 2003, ces chercheurs ont décrit un fossile d’euthérien qu’ils ont appelé Eomaia scansoria (« ancienne mère grimpeuse ») et un métathérien nommé Sinodelphys szalayi. Les deux bestioles, longues de dix à quinze centimètres, ont toutes deux été découvertes, comme Juramaia, sur un site qui se trouve dans la province du Liaoning, au nord-est de la Chine, à la frontière avec la Corée du Nord. De plus, Eomaia et Sinodelphys remontent tous deux à environ 125 millions d’années.

Sur la base de cette double découverte, on pouvait supposer que les deux groupes - ? euthériens et métathériens ?- avaient une origine commune en Eurasie. Mais un problème chronologique se posait : des études de biologie moléculaire indiquaient que les euthériens remontaient à nettement plus que 125 millions d’années. Il y avait donc un trou dans les archives fossiles, que Juramaia vient opportunément combler : désormais, on peut assurer que la lignée des euthériens, autrement dit des mammifères placentaires dont nous faisons partie, remonte au moins à 160 millions d’années.

Juramaia révèle aussi des caractères qui expliquent comment les euthériens ont pu faire souche dans l’environnement du Jurassique : ses membres antérieurs sont adaptés à l’escalade. Mère Souris pouvait grimper aux arbres, ce qui lui a donné accès à une nouvelle niche écologique, la canopée. Cela a dû être un atout décisif à une époque où la majorité des mammifères étaient cloués au sol.

Pour Zhe-Xi Luo, les mammifères placentaires se sont épanouis et sont devenus très largement majoritaires grâce à leur mode de reproduction, plus efficace et plus sûr que celui des marsupiaux. « Mais, ajoute notre chercheur, c’est leur adaptation précoce à l’exploitation de ressources arboricoles qui a ouvert la voie à leur succès. »

Crédit : mediapart.fr/journal