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La barbarie sans foi ni loi

A propos du "vrai" Bernard-Henri Lévy et comment en parler

D 11 février 2010     A par Albert Gauvin - C 12 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


BHL, Libération du 24 avril 1979, pages sur Le Testament de Dieu.

Bernard-Henri Lévy vient de publier deux nouveaux livres : un gros volume, Pièces d’identité, un "manifeste", De la guerre en philosophie [1], et, déjà, la machine journalistique s’emballe, les polémiques reprennent — les mêmes depuis trente-trois ans et la publication, en 1977, de La Barbarie à visage humain. BHL multiplie les interviews (Paris-Match, Marianne, L’express, j’en passe, impossible de tout suivre...), passe à la télé, on connaît le manège. On s’en lasse, on a envie de passer à autre chose. Puis on s’interroge : tout ce "cirque médiatique", ces canulars (Botul ! [2]), ces pirouettes, ces volte-face, ces louanges obséquieuses comme ces attaques haineuses n’ont-elles pas pour finalité, une fois de plus, d’empêcher de lire les livres (l’auteur lui-même, à son corps consentant, n’y fût-il pas pour rien) ? Car il se trouve que Bernard-Henri Lévy écrit, et même beaucoup : des romans (peu, même s’il annonçait l’an dernier, poussé par Michel Houellebecq, qu’il y reviendrait peut-être), des essais (philosophiques, politiques, sur l’art, etc...), des articles, des reportages au quatre coins du monde (souvent sur des sujets brûlants : la Tchétchénie, le Darfour, ou qui n’intéressent personne : les guerres oubliées). BHL est partout où on l’attend (mais pas toujours comme on l’attend) ; il est là aussi où on ne l’attend pas. Des pages et des pages... Des films aussi : un très bon (pour moi), Bosna ! (1994) [3], un complètement raté (pour moi et pour beaucoup, et ne lui en déplaise), Le jour et la nuit (1996). Pourquoi ce rôle de premier plan depuis tant d’années ? Tout est-il à jeter ? Pause.

Un témoignage, lu l’an dernier, me revient en mémoire, celui de Claude Lanzmann, dans Le lièvre de Patagonie : « [...] on ne se sort pas en trois lignes d’un pareil bonhomme, doué de tant de talents, il mérite bien plus [...] On oublie toujours son courage, sa folie, sa sagesse, son intelligence extrême, c’est ce qui chez lui me plaît et m’importe le plus. » (Gallimard, p. 539)

Et une phrase de l’auteur de Femmes, à propos d’un nommé S., et qui pourrait s’appliquer à BHL : «  C’est la hardiesse qu’on vous reproche, jamais la justesse ou l’erreur. »

Flash-back. Je me remémore la fin des années 1970 et le début des années 1980, le bol d’air apporté par La Barbarie à visage humain (1977, BHL a vingt-huit ans) [4], et, quatre ans plus tard, le doigt mis sur la plaie de L’idéologie française (1981) [5].
Je me souviens surtout du Testament de Dieu. Pourquoi ce livre plutôt qu’un autre ? Parce que c’est là qu’à mon sens s’ancre de manière fondamentale ce qui fait le "roc" de la philosophie de Bernard-Henri Lévy, son éthique véritable, ce qui le guide et le motive dans son interventionnisme, son engagement, sa manière de se mêler, de manière si "décoiffante", à la politique nationale comme internationale. "Roc" sur lequel il revient, en 2010, dans les quelques trois cent pages consacrées au « Génie du judaïsme » qu’on peut lire dans Pièces d’identité.
Autour du Testament de Dieu (1979), les polémiques ne manquèrent pas. Je ne ferai pas la liste des articles critiques, on peut la trouver sur le site que Liliane Lazar dédie à BHL (Des raisons dans l’Histoire). Dans un article du Nouvel Observateur qui a mis le feu aux poudres en début de semaine en évoquant un BHL en flagrant délire à propos de la loufoque "affaire Botul" [6], Aude Lancelin rappelle « un texte mémorable » de l’historien Pierre Vidal-Naquet (vous le trouverez sur le site sus-nommé avec la réponse de Lévy). Dans un souci d’objectivité (mais était-ce son souci ?), la journaliste aurait pu également citer un autre article qu’avait publié l’hebdomadaire, celui de... Philippe Sollers [7].
L’article de Sollers — La Barbarie sans foi ni loi — est en effet, au printemps 1979, un des rares (de toute la presse d’ailleurs) à éclairer de manière positive le livre de Lévy, à le mettre en perspective, à en montrer les enjeux véritables (c’est-à-dire d’hier et d’aujourd’hui). Mieux : il éclaire la base "métaphysique" (pas du tout "médiatique", conjoncturelle ou opportuniste) sur laquelle s’appuie, depuis plus de trente ans, cette apparemment curieuse, mais logique, alliance entre un écrivain et un philosophe aux pratiques et aux interventions par ailleurs si différentes [8].

De quoi est-il question ? Du Dieu de la Bible [9]. Du mal radical. De la Loi. De la possibilité de fonder une éthique de l’« engagement » pour un sujet « qui peut dès lors s’inventer une singularité et une liberté de tous les instants ». Avec cet avertissement : « Il te faudra pour t’engager commencer par te dégager... » (B.-H. Lévy, Le Testament de Dieu, Grasset, 1979, p. 220).

Fermez vos magazines, vos gazettes, éteignez la télé, lisez.

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La barbarie sans foi ni loi

Le trajet de Bernard-Henri Lévy, qui va de « la Barbarie à visage humain » au « Testament de Dieu », est logique. Et il est logique aussi, comme on le verra, que cela passe aujourd’hui, comme un signe des temps. Quelle époque exorbitante : l’impasse humaine continuée, aggravée, et en même temps mise à jour ; les idéologies de plus en plus puissantes et parallèlement démasquées, risibles ; l’horreur partout présente et simultanément éclairée de vide ; les messianismes s’accélérant, pullulant, passant de la croix à la faucille, du marteau à la croix gammée et sans doute, désormais, une fois de plus au croissant, mais leur fausseté de plus en plus rapidement visible ; partout de nouveaux faux prophètes, mais également la marque de leur fragilité ; des révolutions au nom de la Race, du Peuple, de la Plèbe, des Masses, de la Collectivités, de la Communauté, du Sexe, et, pourquoi pas, de Dieu, comme si Dieu existait, c’est bien là le problème... Majuscules se pressant les unes sur les autres et se détruisant les unes les autres comme des idoles aux pieds d’argile... Et une seule chose certaine : les totalitarismes, les cultes du Tout, s’étendant mais allant aussi à leur effondrement lent, trop lent, à travers charniers, camps, exécutions et révoltes ; la liberté rétrécie, partout menacée, mais paradoxalement de plus en plus forte... La plus grande confusion jamais vue, la plus grande clarté. Y a-t-il une phrase plus évidente de justesse, ces jours-ci, que : « Le meurtre est l’ordinaire, la démocratie l’exception » ? Vous venez de regarder votre journal télévisé, passons.

Pas le mot « holocauste »

Ce qui se dévoile est ceci, contraire sans aucun doute à toute vision du monde philosophique : il n’y a pas « la Religion » d’un côté et, de l’autre, autre chose qui serait « la Raison » enfin débarrassée de la Religion. Mais plutôt le fait qu’il n’y a de toute façon, quoi qu’on en dise, que des religions, et que les pires sont celles qui se dénient comme telles, y compris au nom de la science. Car il faut toujours à un moment ou à un autre, poser une « nature », un fond, une origine, voire simplement un sens de l’espèce. Et c’est là que la pétition de principe religieuse, même non-dite, intervient. Il y a toujours un dieu quelque part, et parfois silencieux comme la mort elle-même. Le moindre dieu serait alors celui qui en dit le plus long sur lui, en personne, qui abat le plus nettement son jeu de façon complexe, qui est en somme le plus « écrit ». N’était-ce pas ce que voulait dire le plus grand philosophe de notre temps, pris lui-même à un moment très précis, dans un effet de « divin » parodique et mortel, Heidegger, quand, à la fin de sa vie, il confiait à un journaliste : « Seul un dieu pourrait aujourd’hui nous sauver » ? Quel Dieu ? Il suffit d’ouvrir, là, sous la main, le Vieux Livre. Le moindre dieu, et du même coup le plus haut, il est là, il parle, il suffit de l’écouter pour savoir comment échapper au tourbillon fabuleux et implacable des dieux. Et c’est lui, l’ancien des jours, le plus ancien de tout langage, qui est à nouveau le plus nouveau et qui, Lévy le montre pas à pas, éclaire notre histoire, son incohérence apparente, ses bruits, ses fureurs.

Donc : « L’antifascisme est une idée neuve en Occident et à l’Orient. » Et : « Les auteurs du Livre sont aussi les inventeurs de l’idée moderne de résistance. » Il faut penser jusqu’en ses racines sexuellement métaphysiques l’irruption de l’énorme abcès nazi. Une pensée, désormais, se mesure à cette mesure démesurée. Car la « forme exaspérée de la religion déniée », elle est là, dans ce magma d’abjection teinté de scientisme. Dans cette sacralisation du pouvoir de l’espèce réduite à l’espèce. Il convient maintenant, après ce débordement crapuleux, de « limiter la politique pour faire place à l’éthique ». Ce n’est pas tant un « holocauste » qu’ont subi les juifs (comme on a sans doute tort de le répéter) mais une tentative d’extermination « scientifique », religieusement scientifique, le mal quantitatif pour le mal. Dire « holocauste », c’est encore sacraliser le criminel : c’est, en un sens, ne fût-ce qu’un instant, entrer dans sa religion monstrueuse visant à créer, comme le voulait Himmler, un « ordre du sang ». Et, de même, ne voir dans le racisme ou le nazisme, rationalistement, qu’un renforcement maximal de l’Etat, c’est se tromper sur un arrière-plan beaucoup plus important. « Le point de départ de la doctrine national-socialiste, disait Hitler, ne se situe pas dans l’Etat mais dans le Peuple. » C’est une des thèses les plus originales de ceux qui font de l’abolition de l’Etat un « fantasme nazi ». Fantasme d’ailleurs partagé, à l’autre bout de la chaîne, par l’anarchisme antisémite comme par le marxisme. Fragile, timoré, le libéral sera par la suite toujours attaqué comme « juif », parce que, étant un Etat sans idéal, il s’oppose à l’idéal d’Etat et que l’idéal d’Etat cache dans ses replis le désir d’une théocratie avouée ou non.

Chant de mort sexuel

Quel livre scandaleux qui se permet l’insolence de douter du miracle grec et de parler du génie du christianisme ! Voici la première critique systématique de « l’antiquité dans les têtes » (autrement dit de tout le savoir universitaire ou peu s’en faut). S’est-on demandé pourquoi les révolutionnaires français empruntaient toutes leurs références et leurs modèles à l’Antique, pourquoi ils ont vécu et sont morts dans cette rhétorique emphatique, appliquée. Et pourquoi, deux siècles plus tard, tant d’intellectuels, entre Berlin et Moscou, auront été à nouveau saisis par l’adoration de l’idole communautaire ? C’est que, sans cesse, revient la même étreinte naturaliste, matricielle, qui voudrait que je m’éprouve comme partie d’un ensemble physique, cosmologique, que je me laisse materner par une substance originelle, que je ne serais qu’une feuille, une goutte, une modulation. La mort de Dieu, ou de l’Homme, ce sont là des évangiles inversés qui me promettent une fusion et comme une mort immortalisée dans la répétition de l’espèce. Alors que le Dieu hébreu, au contraire, est individuel et établit avec moi, tiré du serpent des siècles, un contact direct, personnel, qu’il « m’appelle » moi et moi seul, pour ma plus grande stupeur comme on l’entend résonner inoubliablement chez les prophètes. Si Dieu n’existe pas « tout est indifférent », mais s’il existe au niveau de cette parole unique « tout est permis », à commencer par le Sujet, qui peut dès lors s’inventer une singularité et une liberté de tous les instants. La Bible a été cette résistance obstinée à la mise en ordre grecque des dieux de la cité ; le Nouveau Testament une nécessaire « fuite en avant », l’émergence de l’aventure individuelle où « chaque sujet vaut mieux que tout objet et tout être matériel ». Le paganisme, lui, ne peut, à la lettre, pas tolérer qu’on ose prétendre à un au-delà du monde et du corps : il y tient à ce corps du monde, il y adhère de toute la force de la séduction maternelle comme à une source perdue. La crise actuelle du christianisme peut être ramenée entièrement à cette soudaine mise en demeure qui lui est faite de reconnaître enfin son fondement judaïque (ce qui inquiète tellement nos néo-païens). Tandis que le retour du paganisme, partout sensible, retour à la fois sexuel et sacré, chant de mort sexuel et sacré, « romantique », n’est que la répétition d’une vieille, très vieille chanson de fascination. Décor égyptien : momies et mythes... Et puis, tout à coup, deux mille ans plus tard : étoiles jaunes, chambres à gaz.

Dans cette histoire immémoriale, il y a pourtant une fracture : celle qui fait succéder à l’antisémitisme chrétien un autre antisémitisme, de « gauche » si l’on peut dire, et d’où vient, en grande partie, on le voit de mieux en mieux, le cancer fasciste et nazi. « Anticlérical autant qu’antibourgeois, anticlérical même avant d’être antibourgeois, cet antisémitisme nouveau voit dans le judaïsme la matrice plus que le négatif du catholicisme. » Après avoir reproché aux juifs de n’être pas chrétiens, voici venu le temps de leur reprocher d’avoir inventé le christianisme. Lisez ce que dit l’Encyclopédie au mot « juif ». Lisez les incroyables déclarations de Voltaire. Voltaire annonçant en ce point, déjà, Hitler ? Voilà ce qu’il faudrait débattre, n’est-ce pas, dans les écoles françaises...

Les possédés modernes

Autant de fausses représentations du monde, autant d’incitations au meurtre. Autant de dénégation de la Loi à coup de fausses lois. Ce que la loi hébraïque propose, en revanche, c’est, comme l’écrit admirablement Lévy, « un coup d’Etat sur et contre le monde. » Elle dit au sujet qu’il est la Loi, « loi plus sainte que l’Histoire » et que tout événement. Loi qui « ordonne sans commander, témoigne sans s’incarner, nombre sans chiffrer ». Loi et nom. La dénégation de la Loi est celle du Nom. Nous sommes là aux antipodes d’une « âme (anonyme) du monde » où viennent périodiquement se prendre tant et tant de remous désirants. Ce Sujet-Loi libre que tous les serviteurs d’ensembles essaieront en conséquence de nier se définit par une étrange capacité d’interruption, comme pratiquant une « perpétuelle mise en suspens de toutes les adhésions ». C’est l’universel absolument singulier contre les regroupements de singularités au nom d’un universel « total ». C’est le cosmopolite par anticosmicité. Dans un « exil », un « retrait » délibéré par rapport à toutes les localités et les pseudo-familles mythologiques. Refusant d’être assigné à résidence, refusant les identités de sol et de sang, les « racines », les définitions régionales, nationales, sexuelles ; répondant à une éthique de solitude, ne se pliant à aucun projet d’avenir pour tous. Et surtout pas lié à un simple projet politique, puisque « la vérité est étrangère à la politique ». Ne voulant pas être un rouage du « différé ». Ni d’aucune langue soi-disant maternelle. Prophète, par conséquent, ne rêvant pas du mal radical et, par conséquent, ne rêvant pas d’un retour à une bonne origine, pure et pleine, puisqu’au début était non pas le sein tout-puissant comblant, mais le manque, la chute, la désagrégation, le poison. Ce dernier point est essentiel pour la définition d’une nouvelle éthique : le mal vient, en effet, non la dénégation du Bien, mais de celle du Mal. Le crime découle d’une sorte d’innocence, de niaiserie. Regardez nos « possédés » modernes : avant tout, et plus ils se veulent ignobles, ils sont innocents, trop purs, inaffranchis, incapables de comprendre que le mal était toujours déjà là, qu’ils ne font qu’en répéter la milliardième version en plus fade. Ce que la Bible, en revanche, n’arrête pas de dire, c’est que la vérité est coupure, recommencement, déplacement, greffe. C’est une dramaturgie à éclipse, d’où son inspiration. Dieu, ce « rocher » énigmatique sur lequel Lévy médite longuement, ce roc parlant avant toute conception, demandant de chaque sujet qu’il soit un « témoin », un « guetteur ». L’éternité ne se noie pas au fleuve de boue et de sang du temps. Cette éternité se parle, en effet, à travers la plus grande littérature de tous les temps, et il se fait temps, en effet, qu’elle nous devienne plus familière. Nous relirons les Grecs une autre fois et voici donc, dans une nouvelle lumière, la Genèse, l’Exode, les Nombres. Et voilà, comme s’ils parlaient aujourd’hui, pour la première fois, Isaïe, Ezéchiel, Jérémie, ces écrivains considérables, nos écrivains considérables, comme le prouve ce livre écrit dans le plus beau français qui soit.

Philippe Sollers, Le Nouvel Observateur du 30 avril 1979.

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William Blake, L’éternel (1827)
Le chrisitianisme est mis en demeure de reconnaître son fondement judaïque.
Photo (en noir et blanc) et légende illustrant l’article de Sollers dans le N.O. du 30 avril 1979.
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Sur Le Testament de Dieu, voir aussi l’entretien avec Guy Scarpetta (art press, 1979).

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Est-il possible de critiquer les thèses ou les idées de Bernard-Henri Lévy sans tomber dans leur caricature ou sans céder aux attaques ad hominem ? La réponse est bien entendu positive. En voici trois exemples : à travers un article d’Edwy Plenel de 1994 à propos de l’essai de Lévy sur La pureté dangereuse [10]) ; avec l’analyse par Jacques Henric de Ce Grand Cadavre à la renverse qu’est la « gauche » (2007) ; avec enfin l’analyse du Siècle de Sartre [11] par Claude Lanzmann, en 2000.

Eloge de l’inquiétude

par Edwy Plenel

Pertinent et discutable, le dernier livre de Bernard-Henri Lévy s’alarme du désenchantement démocratique.

Il est des victimes encombrantes, celles qui, loin d’être silencieuses, s’acharnent à vous donner mauvaise conscience. " L’Europe est-elle viable sans cultures multiples ? " Cette question, qui aurait pu être l’intitulé d’un sage et docte colloque universitaire à Paris, Londres ou Berlin, fut en fait, début novembre, le thème d’une conférence internationale organisée à Tuzla, en Bosnie. Malgré la guerre. Ou plutôt à cause d’elle : pour en situer l’enjeu. Loin de céder au repli identitaire, les dirigeants de cette ville martyre s’efforcent, parfois contre leur propre camp, de maintenir la cohabitation des cultures, refusant farouchement le partage ethnique de leur pays et persistant à défendre une Bosnie-Herzégovine multiculturelle dont les citoyens seraient aussi bien croates, serbes ou musulmans. Ces Bosniaques-là font désordre. Ils ne se contentent pas de déranger nos rêves post-communistes de béatitude démocratique, de compétition libérale et de fin de l’Histoire. Ils ont la prétention de se battre pour nous, en notre nom : renoncer à une Bosnie-Herzégovine multiculturelle, affirme la résolution adoptée à Tuzla il y a trois semaines, " signifierait la défaite des valeurs fondamentales de l’Europe moderne ".

Le mélange contre la purification, la citoyenneté contre l’identité, le métissage contre l’apartheid... C’est ce combat, où se joue notre avenir, qui anime le dernier livre de Bernard-Henri Lévy et c’est pourquoi il importe de le lire (1). Cette recommandation est à peine écrite que l’on se sent déjà épié : en l’espèce, la réputation de l’auteur précède immanquablement le jugement sur l’oeuvre. Sans doute " BHL " y a-t-il mis du sien dans le passé en mêlant outre mesure pensée et publicité, polémique et promotion, réflexion et fréquentation, au détour de livres approximatifs et de combats opportuns. Il n’empêche : on ne juge pas un livre sans l’ouvrir, en s’arrêtant à la rumeur qui accompagne son auteur.
A la fois généreux, pertinent et discutable, la Pureté dangereuse est un ouvrage courageux en ce sens que Bernard-Henri Lévy y prend le risque de penser ce qui dérange ses certitudes passées et bouscule ses emballements d’hier : " penser le tumulte ", écrit-il, cette " débâcle multipliée ", " cette tristesse, cette honte, de n’avoir rien vu venir ", cet " autre cauchemar " qui commence et qui a " le visage de l’après-communisme ", ce " devenir-palestinien du monde, avec ses camps, ses bidonvilles, ses dispositifs d’urgence qui s’éternisent ". Peu importent les récurrences d’un style parfois déclamatoire ; modestement sincère ou exagérément lyrique, l’écriture de Lévy est toujours limpide, facilitant l’approche de l’essentiel : en l’occurrence d’une attitude qui force la sympathie, d’un constat qui emporte l’adhésion et d’une thèse qui mérite discussion.
L’attitude, c’est le refus de l’école cynique dont le réalisme proclamé cache une imprévoyance entêtée. Quand la Bosnie ou le Rwanda mettent à mal ses récits lénifiants tissés d’éternité démocratique, elle s’empresse de renvoyer ces drames au statut mineur de péripéties locales, d’aberrations historiques, d’imbroglio ancestral où victimes et bourreaux seraient interchangeables. Bref, elle ne fait pas dans le détail, ces détails qui dérangent le cours majestueux d’une Histoire dont la chute du mur de Berlin aurait marqué l’achèvement. En ces matières tragiques, " tout se joue, au contraire, dans les détails ", répond Lévy, et ces détails suffisent à l’indignation.

La colère et la révolte

A ceux qui se rassurent en se disant que " toute injustice n’est, au fond, qu’un désordre " et que tout, bientôt, rentrera dans l’ordre, il rétorque : " Puisqu’il n’y a plus de sens à la souffrance et qu’il n’existe plus, nulle part, de fable, ni de grand récit, capable de réduire ce qu’elle a d’insoutenable, que faire sinon se rendre attentif à cet insoutenable même, et à la colère des hommes, et à leurs incertaines révoltes ? C’est le désordre qui, ici, et comme tel, devient une injustice. "
Hier dans l’air du temps, symbole pour ses détracteurs d’une pensée convenue dont s’accommodait l’ordre établi, Lévy réhabilite désormais la colère et la révolte. Invoquant Voltaire — " Il n’y a rien à gagner, jamais, à être modéré " —, il refuse que les intellectuels obéissent à l’ordinaire sommation des pouvoirs d’être " positifs " et " réalistes " : " Les intellectuels ont été des chiens de garde. Voudrait-on qu’ils le redeviennent ? Ils se sont voulus les gardiens des valeurs. Peuvent-ils encore y prétendre quand tout indique que ces valeurs sont devenues des niches d’infamie ? " Place donc aux " mauvais sentiments ", au " désaccord radical ", à la " querelle " — " si les temps s’obstinent, il faudra bien se dissocier ". On penserait volontiers à Péguy et à son refus des " âmes habituées ", si Lévy ne professait pas une injuste détestation de ce patriote internationaliste.

Pourquoi donc cette soudaine inquiétude ? C’est qu’entre-temps le film a mal tourné — et Lévy a l’honnêteté non seulement d’en dresser le constat, mais de s’efforcer d’en tirer les conséquences. Durant les cinq brèves années qui nous séparent de la chute du Mur, notre siècle, qui n’était déjà pas en manque d’horreurs, a ajouté deux génocides à son passif — étant entendu qu’un génocide ne se mesure pas au nombre de cadavres mais à l’intention purificatrice qui l’anime (exterminer ceux qui ont eu le tort d’être nés musulmans en Bosnie ou tutsis au Rwanda). Ainsi " cette extraordinaire promesse qu’aura été la chute du communisme " accouche de nouvelles barbaries. L’espérance attendue se révèle un événement négatif, un " désastre obscur " selon le mot du philosophe Alain Badiou, où l’emporte le désenchantement face à de vraies-fausses révolutions qui s’empressent de " tromper l’immense et fol espoir que l’on avait placé en elles ". Le doute s’installe à demeure, la bonne conscience se dissipe — au point que, dans une autocritique voilée, Lévy ne voit désormais, dans la guerre du Golfe de 1991, que la défense d’" intérêts stratégiques ", comme à Suez en 1956, et non plus cette " guerre du droit " si prisée à l’époque.
Nationalisme, exclusion, rejet de l’Autre : le mal est contagieux. Il gagne nos démocraties qui, saisies d’une " dépression nerveuse collective ", s’inventent " des ennemis commodes ", écrit Lévy, n’exigeant pas " d’excessive détermination ". Le " Sud ", " l’Islam ", " le " terrorisme ", la " délinquance ", " l’immigré " : il dresse l’inventaire de ces catégories globalisantes où se fabriquent et se démonisent " des altérités de substitution ". Dans le même temps et dans la même inconscience des vrais dangers, le consensus est loué, le débat redouté et le social évacué. " Le monde est incurable " " La démocratie, c’est la guerre ", rétorque Bernard-Henri Lévy, réhabilitant non seulement le conflit créateur mais... la lutte des classes — " Rien n’est plus étranger [au démocrate] que le rêve d’une harmonie sociale où ce tumulte s’éteindrait. " Etre démocrate, ajoute-t-il en rejoignant les belles colères de Rony Brauman, c’est " faire de la politique " et non pas de l’humanitaire, c’est refuser la manipulation de ce dernier " par des Etats devenus incapables de penser politique et se servant donc de lui pour masquer leur indigence ".
Notre défaite est là, devant nous, et nous ne savons pas encore la reconnaître. Parce que nous nous refusons à identifier clairement l’ennemi, conclut Lévy dans ce qui est la thèse centrale de la Pureté dangereuse. Ce qui fait aujourd’hui retour, ces guerres et ces massacres, ces haines et ces peurs, est-ce du même et du vieux, ou bien du neuf et de l’inédit ? Une nouveauté radicale dont la Grande Serbie est sans doute le laboratoire, répond-il, réfutant la métaphore de la " décongélation " avancée par Jean Baudrillard selon laquelle, avec la fonte de la banquise communiste, resurgirait une Atlantide de fantômes engloutis. Séduisante, cette problématique de la résurgence ne désarme-t-elle pas la pensée et l’action, au point de ne faire du désordre balkanique qu’un contre-temps passager ? Il en va de même de la " fin de l’Histoire " décrétée par Fukuyama, dont la finitude rassurante n’est qu’un avatar des philosophies de l’histoire et de leur croyance en un progrès continu de l’humanité. " Le monde est incurable ", proclame à l’inverse Lévy, convaincu que seule l’inquiétude éveille les consciences.
Du neuf donc qui surgirait aussi bien à Belgrade qu’à Alger, à Moscou qu’à Kigali ; et Lévy de proposer un nom de baptême : " l’intégrisme ", un même intégrisme avec ses variantes infinies — serbe, islamique, russe, hutu, etc. — mais animé et relié par une semblable quête purificatrice. " Pourquoi Jean-Marie Le Pen, dont on verra qu’il incarne une variante — française — de l’intégrisme, a-t-il soutenu à la fois Milosevic, Saddam Hussein, Jirinovski et même, plus récemment, à la surprise générale, le FIS algérien et ses revendications identitaires ? [Parce qu’] il y a une internationale intégriste. Et tous sont, à des titres divers, solidaires de cette internationale. " C’est ici qu’il y a matière à discussion et objection. Imagée, cette désignation de l’ennemi indique en creux ce qu’il nous faut défendre plutôt qu’elle n’appréhende minutieusement les réalités. Assurément mobilisatrice, il n’est pas certain qu’elle soit vraiment explicative.

A ce stade, Bernard-Henri Lévy retrouve son goût pour les globalisations abusives et les généalogies rapides qui traversait déjà sa réflexion sur le totalitarisme. " Totalitarisme et XX siècle. Intégrisme et XXI siècle ", assène-t-il, érigeant " la volonté de pureté " en maître mot des temps à venir. Dès lors, il s’emballe, affirmant que, dans sa recherche d’un salut terrestre, le communisme fut un intégrisme, mettant dans le même sac Pol Pot, Savonarole et Saint-Just, assimilant ascétisme révolutionnaire et purification ethnique, utopies laïques et messianismes religieux, etc. Toutes ces pistes lancées à la va-vite ne sont pas forcément infructueuses, mais elles mériteraient débat plus rigoureux et, à tout le moins, un zeste de cette complexité morinienne qui s’efforce de penser les contradictions plutôt que de procéder par amalgame.
Ainsi aurait-on aimé que Lévy fasse preuve pour Hegel — réduit à " la forme spécifiquement philosophique de la paranoïa " — des mêmes précautions qu’il réserve à Heidegger, estimant que la polémique sur son passé nazi relève " d’un sophisme typique de la haine de la pensée ". On aurait également apprécié que son analyse nuancée du judaïsme — où le désir de pureté serait accompagné de sérieuses réserves talmudiques — inspire son approche des marxismes dont il fait semblant de ne connaître que la vulgate positiviste. De même est-on peiné de lire sous sa plume que la Révolution française " anticipe d’autres types de désastre (le nazisme justement, le communisme) " — étourderie sans doute que ce raccourci abrupt, mais propos que ne renierait pas le " purificateur " Philippe de Villiers...

Un point aveugle

Désigner indistinctement la " pureté " comme l’adversaire, et au premier chef " la pureté en politique ", c’est enfin ajouter la confusion de la pensée au désordre des événements. Purifier l’ethnie et moraliser la politique serait-ce donc vraiment du même ordre ? Exterminer l’autre et combattre la corruption est-ce vraiment comparable ? Le même Lévy qui réfute " l’éthique de la responsabilité ", à l’observance de laquelle les politiques ne cessent de convier les intellectuels, en vient ainsi paradoxalement à disqualifier d’avance un dialogue de l’éthique et de la politique, où celle-ci rendrait des comptes à celle-là. Comme si soudain la bonne conscience rentrait par la fenêtre après que les " mauvais sentiments " l’ont chassée par la porte.
Sans doute est-ce là le point aveugle de ce livre stimulant : son silence relatif sur les responsabilités, les injustices et les aveuglements de nos sociétés, où la marchandise s’est emparée de l’homme. Sauf à développer un plaidoyer uniquement défensif, au risque d’installer l’adversaire désigné dans une extériorité confortable, tirer nos démocraties de leur torpeur suppose qu’elles soient capables d’un retour critique sur elles-mêmes. Car ce monde qui menace, et que décrit si justement " BHL ", est aussi celui qu’elles construisent, par habitude et lassitude. Et les cauchemars qui nous inquiètent se nourriront d’abord de nos rêves abandonnés.

Edwy Plenel, Le Monde du 25.11.94.

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Guido Reni, Saint Michel archange (1636).
Rome, église des Capucins

C’est un détail de ce tableau qui est sur la couverture de La pureté dangereuse.
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Un cadavre peut-il encore bouger ?

Jacques Henric

« Croit-on qu’elle puisse attirer les fils, la Gauche, ce grand cadavre à la renverse, où les vers se sont mis ? Elle pue, cette charogne ; les pouvoirs des militaires, la dictature et le fascisme naissent ou naîtront de sa décomposition ; pour ne pas se détourner d’elle, il faut avoir le cœur bien accroché ». Ce diagnostic terrible de Sartre dans sa préface à Aden Arabie de Paul Nizan, Bernard-Henri Lévy l’a placé en exergue à son nouvel essai, Ce grand cadavre à la renverse. Sartre écrit ces lignes implacables à la fin des années 50, qu’en est-il aujourd’hui, près d’un demi-siècle après, de ce corps en putréfaction ? Bouge-t-il encore ? Si oui, sont-ce quelques restes de ses anciennes forces vives qui agitent l’extrémité de ses membres ? Ou sont-ce les larves mises au jour par Sartre qui poursuivent leur sinistre besogne de mort ? Hasard de l’actualité : à entendre sur les ondes de France-Culture ce matin même, au moment où je m’apprêtais à rédiger ces lignes, une interview du maire de Lyon, socialiste très ségolénophile, je me suis dit que les malheureux « fils » de la Gauche (avec son grand G majuscule, s’il vous plaît), pouvaient se constituer une bonne réserve de mouchoirs et de déodorants pour combattre les odeurs méphitiques émanant de la « charogne ». Toutes les erreurs, toutes les fautes, tous les concepts et les raisonnements faux, tous les archaïsmes idéologiques, toutes les stratégies douteuses et leurs impasses politiques, tout ce que Bernard-Henri Lévy a analysé dans ce qu’il appelle judicieusement sa « cartographie de l’obscur  », était réuni là, dans le discours de ce maire, débité sur un ton péremptoire, qui prouve qu’un certain personnel politique n’a rien vu, rien entendu, rien appris, rien compris aux enjeux du monde passé, actuel et à venir. La gauche « lyrique », que Lévy oppose dans les dernières pages de son livre, à la gauche « mélancolique » (la bonne, à ses yeux – il s’explique sur cet adjectif), continue de chantonner avec son ancienne voix de fausset devenue aujourd’hui voix d’outre-tombe. Et je crains bien que le « coup de pistolet » qu’est l’essai de Lévy, coup de pistolet non pas dans le concert, mais dans le plein de ce gros corps mou à la renverse, ne suffise pas à lui assurer une quelconque résurrection.

« Fils » de la Gauche, Bernard-Henri Lévy rappelle d’entrée qu’il l’est bien, depuis toujours. Il revendique fièrement cette appartenance et il en donne les raisons, d’ordre idéologique, intellectuel, et pour une large part biographique (belle figure de son père, dont il rappelle les engagements : l’Espagne, la Résistance…). Fils fidèle (« on ne trahit pas sa famille »), mais fils lucide, fils combatif, fils rebelle, et, inévitablement, pour un grand nombre de membres de cette « famille », fils indigne, fils à répudier, fils à excommunier. Dois-je remettre en mémoire (je renvoie aux quelques pages de mon livre Politique où j’aborde ce sujet) à l’accueil qui lui fut réservé lorsqu’il publia la Barbarie à visage humain et l’Idéologie française ? Je cite ces deux livres parce que, prémonitoirement, ils annonçaient Ce grand cadavre à la renverse. Ils furent des signaux d’alarme qui ne furent guère entendus et qu’on chercha par tous les moyens, y compris les plus moralement contestables, à étouffer. Et les plus violentes attaques vinrent, faut-il s’en étonner, de la gauche intellectuelle.

Fils fidèle, disais-je, mais fidèle seulement à une des branches de cette famille, dont il dresse la généalogie, évoquant ses engagements, ses combats. Il s’agit de la lignée qui va des Lumières (si décriées aujourd’hui), de Jaurès (pas de Jules Guesde), à Camus, à Bataille, à Benjamin, à Cavaillès, à Jean Moulin, à Pierre Mendès-France (pas à Guy Mollet, pas à Mitterrand, pas à Chevènement, à Mélanchon, à Régis Debray, à José Bové, aux altermondialistes, aux sectes trotskystes, aux rédacteurs du Monde Diplomatique, aux « néo-verts », aux partisans du différentialisme des cultures… Fidèle, oui, mais à quoi ? À une gauche qui fut dreyfusarde (il y en eut une anti) ; à une gauche qui ne se compromit pas avec Vichy (il y en eut une que charmèrent les sirènes de la Révolution nationale du maréchal Pétain) ; à une gauche qui fut à la pointe des combats anticolonialistes (il y en eut une – ma génération, celle de la guerre d’Algérie, ne l’a pas oublié – qui fut à l’origine des conquêtes coloniales puis se discrédita gravement en réprimant les mouvements de libération des peuples colonisés) ; à une gauche qui garda une mémoire vive de ce que furent les divers fascismes et de la façon de les combattre (il y en eut une qui, si elle sut précocement s’opposer aux totalitarismes bruns ne se montra guère alertée par les dangers des totalitarismes rouges, voire les soutint sans réserve) ; à une gauche qui, ayant rompu avec les idéologies critiques pré-marxistes du capitalisme ne donna pas dans un anti-libéralisme haineux et un refus de l’Europe (il y en eut une – il y en a une, car elle est toujours active, on l’a vu lors des dernières élections présidentielles – qui a attisé toutes les crispations identitaires, a eu dans ses discours démagogiquement recours aux envolées nationalistes les plus ringardes – ah, ces drapeaux aux fenêtres ! ah, ces Marseillaises !…).

En somme, depuis ses premiers livres, c’est contre les mêmes démons que bataille Bernard-Henri Lévy. Les mêmes, mais le temps passant ils se sont affublés d’autres oripeaux. Un des chapitres du livre a pour titre Trente ans après. Que s’est-il en effet passé au cours de ces trente ans ? Une tentation totalitaire « à l’ancienne » a été conjurée, moment que Lévy situe en gros à la chute du Mur de Berlin et à la déconfiture du soviétisme. La révolte anti-autoritaire de Mai 68 n’y a pas été pour rien. L’axe « Berlin-Moscou » est apparu comme central dans l’histoire du siècle passé, et ce croisement qu’on croyait naïvement contre-nature entre les deux totalitarismes a fait des petits en France, en Europe, et en Russie, on les a appelés les « rouges bruns ». Depuis, et c’est l’essentiel des 400 pages de l’analyse de Lévy, l’effondrement de la première tentation totalitaire, dont la gauche avait péniblement mis du temps à se défaire, a laissé des ruines sur lesquelles une autre, moins immédiatement détectable, plus rusée, a poussé« comme un chiendent  ». Et le plus inquiétant, c’est qu’elle a puisé son inspiration non plus vraiment à gauche, mais à droite, voire à l’extrême droite, dans le « magasin des accessoires de la pire « idéologie française ». « Une gauche de droite, commente Lévy, oui. Littéralement de droite…  ». Et d’en décliner tous les thèmes : antilibéralisme, antiaméricanisme, anti-Europe (elle tombe ainsi de Foucault en Bourdieu, de Tocqueville, Rousseau, Voltaire, Montesquieu, en Hugo Chavez, oublie l’internationalisme de Marx, se réjouit de l’affaissement de la philosophie en sociologie, voire en actions de « basse police »). On voit, par exemple, une partie de son intelligentsia se prendre de passion pour le théoricien nazi antisémite Carl Schmitt. Cette gauche « néoprogressiste » donne dans le chauvinisme, le culte des identités, un nationalisme exacerbé. Elle est, selon Lévy, sans réaction devant les idéologies « altermondialistes, pacifistes, agroterroristes, zapatistes, islamo-gauchistes, souverainistes… » ou « verts tendance amis de la nature qui tournent au vert tendance Jihad révolutionnaire ».

Plus gravement, Bernard-Henri Lévy détecte dans cette gauche, dans ce « grand cadavre à la renverse  », un vers dont il avait déjà, en 1981, constaté les dégâts provoqués dans une partie du monde intellectuel et littéraire français : l’antisémitisme. La revoici, l’ignoble petite bestiole, au travail dans la charogne, elle aussi ayant subi quelques mutations, donc moins visible, moins immédiatement détectable, car elle mène sa basse besogne sous le masque du progressisme. Lors de l’Affaire Dreyfus, elle était déjà au boulot, les antisémitismes de type religieux, national, voire carrément raciste, ayant muté en un antisémitisme de caractère social. Cette gangrène qui avait gagné une partie de la gauche explique le long temps mis par elle à prendre partie pour Dreyfus. Dans le chapitre titré « Le néo-antisémitisme sera progressiste ou ne sera pas », Bernard-Henri Lévy retrace la généalogie de cet antisémitisme qui a hier soudé les intervenants « anti-racistes » de Durban, qui s’exprime aujourd’hui sans complexe dans les discours d’un Dieudonné, nourrit un fascisme islamiste dont non seulement destruction de l’État d’Israël mais de tous les Juifs de la planète est le programme affiché. Lévy clôt son chapitre par ces mots : « Ici encore, ici plus que jamais, recherche gauche antifasciste désespérément… ».

On le voit la charge est dure, sans concessions, et imparable. Parions qu’elle va valoir à leur auteur de violentes répliques et les habituelles attaques ad hominem. Il en a l’habitude et s’est, depuis ses premiers livres, durci le cuir. Elles seront d’autant plus brutales que le réquisitoire provient non d’un ennemi de droite mais bien d’un homme de gauche, d’un membre de la « famille ». Pour prévenir toute ambiguïté, Bernard-Henri Lévy, dans les premières pages de son livre, rend compte d’une conversation téléphonique avec Nicolas Sarkozy (ils se connaissent depuis longtemps, se tutoient) au cours de laquelle le candidat à la Présidence sollicite son soutien, comme font tous les hommes politiques draguant les intellectuels de renom (à noter que ceux de gauche sont meilleurs dans ce sport). Sarkozy se heurte à une fin de non-recevoir exprimée en termes courtois mais fermes (au cours de la campagne électorale, Lévy ne cachera pas ses divergences fondamentales avec la droite, mais ne participera jamais à l’affligeante campagne haineuse, d’ailleurs contre-productive, visant Sarkozy). On a suivi dans la presse qu’après hésitations, il s’est engagé auprès de Ségolène Royal, l’a rencontrée, la conseillée, a tenté notamment de lui éviter les bourdes que l’âme damnée de la candidate socialiste, Jean-Pierre Chevènement, lui a fait faire (la connerie des drapeaux français aux fenêtres, de la Marseillaise, des délinquants à encaserner…, c’est le lui). Les lecteurs d’Art press et de mon livre Politique savent que la personne de Ségolène Royal a toujours été pour moi, et pour beaucoup de mes amis (de gauche), un repoussoir. Aux griefs que lui adresse Lévy, dans le portrait nuancé, qu’il trace d’elle, dont son caractère influençable (inquiétant quand on ambitionne de diriger un pays) nous pourrions en ajouter quelques autres, rédhibitoires à nos yeux : sa volonté ancienne de régler par la loi des questions relevant de la vie privée, son puritanisme, sa condamnation ancienne des pratiques sexuelles qu’elle réprouvait, sa lutte contre les images dites « pornographiques » (ce haro d’un féminisme de mauvais aloi contre les corps féminins dans la pub, contre les strings des adolescentes…), son idéologie familialiste, la mise en avant de son image de bonne maman, sa demande de pénalisation des clients de prostituées, et plus gravement, quand elle fut au gouvernement, ses appels à la délation d’enseignants soupçonnés de pédophilie (combien de suicidés innocentés par la justice ?). Ce qui ne m’empêche pas de juger que la façon dont ses « amis » politiques, les journaux qui étaient à sa botte avant la défaite, se conduisent avec elle aujourd’hui, ne les honore guère. Au moins, Bernard-Henri Lévy, lui, ne participe pas à la curée. Il ne renie en rien le soutien critique qu’il lui a apporté. C’est une des qualités morales de l’homme.

Un bon livre est un livre qui affirme, démontre, mais a aussi le mérite de susciter des questions. Deux, pour moi, sont nées de sa lecture. La première : ne pourrait-on, comme Bernard-Henri Lévy l’a fait pour la gauche, dresser en parallèle les généalogies d’une « bonne » droite et d’une « mauvaise » droite ? Une « bonne » droite qui serait la droite libérale (au sens originel et noble du mot), humaniste, européenne, qui irait de Chateaubriand, Tocqueville à Robert Schumann, Raymond Aron, Ionesco, Simone Veil, De Gaulle… ? Seconde question : la gauche est-elle née totalement pure ? Fut-elle d’entrée un corps sain, non contaminé, qui aurait dégénéré au cours du temps pour aboutir à ce « grand cadavre à la renverse » ? Est-il besoin de rappeler que sa venue au jour coïncide avec ce grand moment fondateur de notre vie politique moderne, la Révolution Française, et que celle-ci (détail pas insignifiant pour ce qui est travail de l’inconscient) est née d’un crime symbolique et réel, la mort d’un roi, simulacre, selon Pierre Klossowski, de la mort de Dieu. Bel idéal, certes, que celui des Droits de l’Homme mais qui fut immédiatement trahi par ceux, les plus « à gauche », qui en avaient été les porteurs. Constatons, avec les historiens de la Révolution Française, que les vers étaient déjà bien au chaud dans le bel édifice politique tout neuf. On peut relire avec profit notre Art press spécial, 1789 Révolution Culturelle Française. Les vers ? Une définition de la Nation excluant les étrangers, et bientôt leur traque paranoïaque (cf. l’article de Julia Kristeva, L’homme, le citoyen, l’étranger) ; l’iconoclasme, les destructions d’œuvres d’art, l’utopie de la table rase (nouveau calendrier, nouveau lexique) ; la « biologisation de l’histoire » (cf. Mona Ozouf) ; la Terreur les appels à la délation, le culte de la mère et de la mort, l’encasernement des enfants (cf. Sollers) ; le remplacement d’une religion constituée par le religieux révolutionnaire, ses occultismes, son démoniaque (cf. Philippe Murray)… On voit que la gauche d’alors n’avait déjà pas besoin de la droite pour générer et nourrir les industrieux parasites qui s’étaient installés dans ses chairs.

Question subsidiaire : les petites ouvrières actives que sont ces larves évoquées par Sartre ne sont-elles sont aussi des forces de vie ? Elles nettoient la partie pourrie et provoquent des métamorphoses, préparent des renaissances. Lévy appelle celles-ci de ses vœux. Il en énumère les conditions d’existence. Sera-t-il entendu ? Et ce qui naîtra du grand cadavre décomposé portera-t-il encore le nom (archaïque, obsolète ?) de « Gauche » ?

Jacques Henric

LIRE AUSSI : BHL : "Le PS doit disparaître"

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En janvier 2000 Bernard-Henri Lévy publie Le siècle de Sartre, une grosse " enquête philosophique " comme l’indique le sous-titre. Vous pouvez en (re)lire les Premiers chapitres sur le site des éditions Grasset. Claude Lanzmann livre ses impressions à Josyane Savigneau [12].

Claude Lanzmann : « Lévy n’est jamais un faux témoin »

Directeur des Temps modernes, Claude Lanzmann, sartrien « historique », qui n’a rien de la raideur du « gardien du temple », estime qu’il faut avant toute chose « féliciter Bernard-Henri Lévy d’avoir eu le courage d’entreprendre ce travail. Cela fait vraiment revenir Sartre dans l’actualité. Et qui l’aurait fait ? Ce n’est pas nous, ceux qu’on désigne comme les sartriens, qui pouvions le faire, nous étions trop proches. Et puis, Lévy, c’est un écrivain et c’est en tant qu’écrivain qu’il s’est saisi de Sartre. Enfin, la vraie posture de témoin, c’est d’être à la fois dedans et dehors. Ce qu’il est. Et même quand il se trompe, même quand il ne comprend pas ou ne comprend pas tout, il n’est jamais un faux témoin. Et, en un sens, il revient de loin. Je n’avais pas mesuré à quel point Sartre avait été complètement annulé par les hommes de la génération de Bernard-Henri Lévy. Il y a eu là un vrai maléfice, que j’appelle le maléfice Althusser, qui a fait un mal énorme à Sartre. Foucault, ensuite, n’a rien arrangé. Et pour vraiment mesurer l’effort du retour à Sartre fait par Bernard-Henri Lévy, il faut comprendre à quel point il l’avait ignoré ».

Bien sûr, Claude Lanzmann, qui a partagé, au moment même où ils se menaient, bien des combats de Sartre, voit, comme peu de lecteurs peuvent le voir, certaines imprécisions « dont quelques erreurs de chronologie. Mais ce n’est pas à mes yeux l’essentiel. Ce qui m’étonne parfois, dans ce livre passionnant, c’est l’alternance d’une compréhension aiguë de Sartre et d’une incapacité à saisir ce que Sartre appelait « le goût de l’époque » — ce qui a été très subtilement relevé par Jacques Derrida dans sa contribution au numéro des Temps modernes « Témoins de Sartre » où il cite des propos de Sartre dans Qu’est-ce que la littérature, notamment : " L’époque a toujours tort quand elle est morte, toujours raison quand elle vit (...) elle a eu son goût qu’elle a goûté seule. " Quand on revient sur le parcours de quelqu’un, il faut essayer de restituer l’époque. Prenons un exemple précis. A propos de l’exécution d’Ethel et Julius Rosenberg, Bernard-Henri Lévy écrit que Sartre, apprenant leur mort, à Venise, s’est " précipité sur un téléphone " et a dicté un article très violent pour Libération, le journal d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie, article marqué à ses yeux par le radical anti-américanisme de Sartre. Mais non, les choses alors ne se passaient pas du tout ainsi, elles étaient beaucoup plus incarnées, profondes, ce n’était pas seulement de l’idéologie. Et Sartre ne se " précipitait " pas sur le téléphone. Il se trouve que j’étais moi aussi à Venise, en vacances avec lui. Nous avions rendez-vous, lui, Simone de Beauvoir et moi, à 14 h 30, pour aller visiter le petit théâtre de Vicenze. J’ai lu dans L’Unita, sur le vaporetto, en grande manchette noire, l’annonce de l’exécution des Rosenberg : " I Rosenberg sono stati assassinati ". Quand nous sommes arrivés au lieu du rendez-vous, j’ai découvert un Sartre inconnu de moi, avec un visage fermé de douleur et de colère. Il a dit simplement : " On n’a pas très envie d’aller au théâtre. " Il décide d’écrire un article. C’était un devoir, une sorte de mandat intérieur ; il se foutait de la médiatisation. Il est rentré à l’hôtel. Là seulement, il a appelé le journal. Nous nous sommes retrouvés vers dix heures du soir au Café Florian, pour lire son texte. Nous avons eu, Beauvoir et moi, la même réaction. Article très mauvais, non publiable. Il polémiquait avec Aron, comme si c’était le moment ! Il a retravaillé toute la nuit et il a dû dicter vers 5 heures du matin cet article qui commençait par "Les Rosenberg sont morts et la vie continue". »

Parfois très fougueux

Bernard-Henri Lévy aurait-il une vision parfois a-historique ? « A certains moments, en effet, il manque du sens de la temporalité. Pas toujours. Il comprend très bien les années 30. Ce qu’il dit sur la période de Vichy est exemplaire. Je crois qu’il a nettement plus de difficultés avec les années 50. Peut-être parce que c’est une période où il ne parvient pas à être en empathie avec Sartre, à comprendre "de l’intérieur". D’une manière générale, quand il est empathique, il est aigu, très pertinent, d’une intelligence quelquefois visionnaire. Mais quand il n’est pas empathique, alors on dirait un cheval fou, il va à toute allure. Il a une pensée binaire, il est la pythie trépignant sur son trépied de fer. Finalement, il est trop subtil pour ne pas s’en rendre compte, alors il revient en arrière et dit le contraire de ce qu’il vient d’écrire. Quand il oppose par exemple un Sartre libertaire et un Sartre totalitaire et écrit : " viendra le moment où il endossera à son tour l’habit du philosophe guérisseur c’est-à-dire exterminateur ", je lui dis, en toute amitié, " c’est inacceptable ! ". Il n’a jamais connu Sartre. De même, quand, poussant à la caricature sa démonstration sur anti-humanisme et humanisme, il en vient à écrire que tous les totalitarismes, dont l’hitlérisme, sont des humanismes, je refuse de le suivre sur ce terrain. Bien sûr, vous allez me dire que c’est mon amitié pour Sartre, mon admiration, qui me font m’indigner devant des phrases comme " Sartre, avant sa plongée dans l’imbécillité et le déshonneur ". Certes. Mais j’ai quand même envie de demander à Bernard-Henri Lévy à qui s’adressent de telles phrases. Non pas pourquoi, mais pour qui écrit-il cela ? De quoi, et auprès de qui, s’excuse-t-il ? De même quand il insiste lourdement sur la laideur de Sartre. Moi je le trouvais beau, et je n’étais pas le seul. Et cette manie de dire " le vieux Sartre " quand il a tout juste cinquante ans ! Bernard-Henri Lévy a-t-il la jeunesse éternelle ? [13] »

En dehors de ces remarques, « c’est sur la théorie des deux Sartre que la démonstration de Bernard-Henri Lévy est, à mes yeux, le plus fragile, insiste Claude Lanzmann. Il écrit pourtant de très belles choses pour la justifier. Mais je suis sûr qu’il n’y a pas chez Sartre, une fracture aussi nette que celle décrite par Lévy. Et puis il ne faut pas mettre sur le même plan les livres de Sartre et des interviews dans lesquelles, sollicité de toutes parts comme il l’était, il a parfois tenu des propos qui ne sont pas impérissables, pour lesquels il a été éreinté. Qu’on ait envie de discuter le point de vue de Bernard-Henri Lévy est aussi le signe de l’intérêt de son travail. En fin de compte, on est emporté par ce livre. Il y souffle un vent de jeunesse. C’est peut-être cette juvénilité qui empêche Lévy de comprendre les rapports de Sartre avec les femmes. Il simplifie outrancièrement. Quant à la comparaison entre Beauvoir et Sartre d’un côté, Valmont et Merteuil de l’autre, elle est proprement à se tordre de rire. En revanche, tous ses propos sur Sartre et l’argent, l’argent liquide " pour liquider le réel " sont excellents. Comme est excellente toute la réflexion sur la littérature en général, sur Céline, sur Gide et sur la littérature de Sartre en particulier, sur la manière dont la philosophie a travaillé son art de romancier. Lévy montre superbement comment il était romancier non pas en dépit de la philosophie, mais à cause de la philosophie. De même ses propos sur la philosophie sont très intéressants, sur Heidegger, sur Bergson, et sur Sartre lui-même bien sûr. »

Et le dernier Sartre, le Sartre de la fin, celui de l’entretien avec Benny Lévy, qui paraît peu avant sa mort dans Le Nouvel Observateur et où Bernard-Henri Lévy voit un Sartre « mettant le feu à la plaine de tous le savoir sartrien accumulé depuis des décennies » ? « Là, il faut garder la mesure. Je dois préciser que c’est une époque dont je n’ai pas été le témoin, je travaillais à mon film Shoah. Que Benny Lévy ait réussi à intéresser Sartre à la mystique juive, c’est certain. Toutefois, que Sartre soit une sorte de victime d’un athéisme radical qu’il ne pouvait assumer jusqu’au bout et que Dieu arrive au dernier moment sous le masque de Benny Lévy... Sartre n’est pas devenu rabbin que je sache ! Mais l’envie qu’on a de discuter ce point-là aussi est à porter au crédit du livre de Bernard-Henri Lévy. A mes yeux, et pour conclure, ce qui emporte l’adhésion dans ce Siècle de Sartre, c’est sa générosité, qui fait écho à la générosité sublime — et dans tous les domaines — qui était celle de Sartre et dont personne, aujourd’hui, n’a l’idée. »

Propos recueillis par Josyane Savigneau, Le Monde du 21.01.00.

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« BHL » s’appelle Bernard-Henri Lévy

par Josyane Savigneau

En 2004, l’édition française a été saisie d’une étrange frénésie à propos de Bernard-Henri Lévy. On annonçait cinq livres sur cet intellectuel "à abattre", comme le titrait un journal. Après Le B.A. ba du BHL, de Jade Lindgaard et Xavier de La Porte (La Découverte) et BHL, une biographie, de Philippe Cohen (Fayard), voici Bernard-Henri Lévy, une vie, de Philippe Boggio.
Malheureusement pour lui, Boggio avait d’emblée annoncé son intention de faire "une vraie biographie, à charge et à décharge" et non "un essai approximatif". Ce n’est guère dans l’air du temps. Aussi son travail, sérieux (on ne lui reprochera que de mal orthographier certains noms propres et l’absence d’index), a-t-il moins excité les médias que les deux essais précédents.
Son livre est pourtant beaucoup mieux écrit, très agréable à lire. C’est une biographie empathique, certes, mais en rien hagiographique. C’est le roman d’un enfant du siècle, de la seconde moitié du siècle passé (né en 1948), un enfant gâté, un enfant doué, parfois double, manipulateur, calculateur, mais aussi enthousiaste, généreux, courageux.
Plutôt que lui reprocher platement sa richesse — la fortune héritée de son père, André Lévy —, sa manière de s’habiller, son mariage avec la comédienne et chanteuse Arielle Dombasle, sa pose — "une glace dans une main et Arielle Dombasle dans l’autre", selon Lindgaard et La Porte —, Boggio a préféré enquêter longuement sur cette famille de juifs d’Algérie, les Lévy et les Siboni, plutôt pauvres, et sur la manière dont l’un des fils Lévy, André, "au charme, à la passion, à l’ambition jamais en repos", va échapper au destin familial. S’installant d’abord au Maroc, puis à Paris.
Philippe Boggio montre brillamment et subtilement cette "accession au bonheur d’une famille riche", la volonté que les enfants, désormais des privilégiés, fassent des études. Le jeune et beau Bernard (qui n’ajoutera que plus tard son second prénom, Henri, pour échapper à de fâcheuses homonymies), répond en tout point aux attentes paternelles et maternelles, et intègre l’Ecole normale supérieure.
Comment ensuite, à partir de la fin des années 1970, Bernard Lévy, devenu Bernard-Henri, se transforme-t-il en BHL, intellectuel dit "médiatique", essayiste, romancier, reporter, dramaturge (une pièce de théâtre, assez mal accueillie), cinéaste (son premier film de fiction est un désastre, tant critique que public, un "bide-bang", dit Lévy lui-même) ?

SINGULIÈRE ASCENSION

Minutieusement, Philippe Boggio décrit cette singulière ascension, ce chemin chaotique, cette manière qu’a Bernard-Henri Lévy de faire face aux attaques, à l’adversité, avec parfois, il l’avoue, "un aristocratique plaisir du désaveu". Il le suit dans ses amours et ses passions. Il signale ses curieux symptômes psychosomatiques. En particulier un incident qui semble irréel. Après avoir été qualifié de "Christ sans plaies" par Dominique de Villepin, Bernard-Henri Lévy s’est réveillé en sang, des plaies au creux des mains...
Aux ennemis de cet homme auquel il restitue son nom, Bernard-Henri Lévy — au lieu de ces initiales devenues une sorte de sigle, BHL, à la fois "people" et dépréciatif —, Boggio donne toute leur place. Il rappelle les critiques, les stupides comme les prestigieuses, celles de Deleuze, de Vidal-Naquet et d’autres. Mais aussi les soutiens, dont celui de Barthes. Et au lieu, comme Philippe Cohen, d’inventer une réunion au sommet à la Closerie des Lilas, entre Bernard-Henri Lévy d’un côté, Jean-Edern Hallier et Philippe Sollers d’un autre (à une époque où ces deux derniers ne se parlaient plus depuis longtemps), il analyse ce qui lie Lévy à Sollers, son aîné de douze ans. Une volonté de combattre un certain clergé intellectuel. Et un accord profond sur les méfaits de L’Idéologie française — livre qui a valu à Lévy les haines les plus tenaces, mais qu’il serait peut-être bon de relire aujourd’hui, en refermant la très stimulante biographie de Boggio.

Josyane Savigneau, Le Monde du 30.06.2005.

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BHL contre Bernard-Henri Lévy

Par Josyane Savigneau

Normalien, agrégé de philosophie, auteur prolifique — 36 titres —, Bernard-Henri Lévy, 61 ans, est-il, et pas toujours contre son gré, l’otage de "BHL", riche héritier et star médiatique ? Il a publié, le 11 février, deux livres devant réfuter cette opinion : De la guerre en philosophie (Grasset, 130 p., 12,50 €), né d’une conférence prononcée en avril 2009 à l’Ecole normale supérieure, et un gros recueil de textes, Pièces d’identité (Grasset, 1 340 p., 29€).

La parution de ces deux ouvrages est, selon lui, une manière de prouver qu’il "travaille énormément", certaines parties, dont "Le Génie du judaïsme" (plus de 250 pages) étant "des livres en soi". Il s’agit de mettre en oeuvre cette "extension du domaine du matériau philosophique" qu’il préconise dans De la guerre en philosophie  : "La seule manière concevable de faire de la philosophie, précise-t-il, est à mes yeux de la faire au contact des choses mêmes. Je l’ai dit dès La Barbarie à visage humain (publié en 1977) et j’y suis resté fidèle. Pour moi, faire de la philosophie serait de peu d’intérêt si ce n’était pas pour s’intéresser, par exemple, à la mort de Daniel Pearl ou aux guerres oubliées."

Pièces d’identité, "c’est De la guerre en philosophie à l’oeuvre, c’est quatre ans et demi de travail. Ce gros livre est la mise à l’épreuve de l’autre. J’ai publié les deux ensemble pour cette raison. Dans l’un, j’essaie d’exposer quelques principes de méthode et dans l’autre, j’essaie de montrer à qui veut bien l’entendre ce que ces quelques principes de méthode peuvent concrètement produire".

Mais, dès le 4 février, soit une semaine avant la sortie des livres en librairie, on a eu le sentiment que BHL, avec ses relations, ses réseaux, sa volonté de puissance, avait agi, au lieu de laisser la pensée de Bernard-Henri Lévy s’imposer.

Un entretien de quatre pages dans L’Express, recueilli par le directeur de la rédaction, Christophe Barbier, un portrait de deux pages dans Paris Match, et un de quatre pages, signé Christine Angot, dans Le Point, où, chaque semaine, Bernard-Henri Lévy tient un bloc-notes.

Et le samedi 6, un entretien dans Le Journal du dimanche — très intéressant — où Bernard-Henri Lévy s’exprimait notamment sur la béatification prévue de Pie XII. Le mensuel Transfuge a fait sa couverture avec Bernard-Henri Lévy et huit pages d’entretien sous le titre "Le dernier engagé". Ont suivi, samedi 13 février, un portrait de quatre pages dans Le Figaro magazine et un entretien de deux pages dans "Le Mag" de Libération.

Parallèlement, un fâcheux incident s’est produit. Le site littéraire du Nouvel Observateur, Bibliobs, a révélé lundi 8 février que Bernard-Henri Lévy, attaquant Kant dans De la guerre en philosophie, s’appuyait sur un auteur fictif, "Botul". Révélation qui a suscité des débats dans la rédaction du Nouvel Observateur, et un article de Jean Daniel, en défense, soulignant son "faible pour ce glorieux cadet".

Aussitôt, le balancier médiatique est parti en sens inverse. Radios, journaux, sites divers se sont déchaînés pour discréditer l’ensemble du travail de Bernard-Henri Lévy.

Sur Internet, certains propos dégagent une odeur franchement nauséabonde. Le site de Libération a décidé de fermer des forums "largement plombés par des dizaines de commentaires souvent insultants et antisémites".

Déjà, en 1981, quand Bernard-Henri Lévy a publié L’Idéologie française, livre très polémique, "une manière de comprendre autrement l’histoire de France", à partir de l’idée d’un pétainisme rampant, transhistorique, et opérant autant à gauche qu’à droite, plusieurs historiens avaient relevé des erreurs factuelles et souligné le caractère hâtif de certaines conclusions. Un vif débat — mais sans injures — s’était engagé, Bernard-Henri Lévy et ses partisans estimant que ces remarques de détail étaient seulement destinées à discréditer sa thèse.

Faut-il, parce qu’il s’est malencontreusement piégé, éviter de lire Bernard-Henri Lévy, tenir pour nuls ses reportages, ses prises de position, ses réflexions sur la littérature, sur la religion ? Et sa réponse à ceux qui lui reprochent de ne pas avoir produit de concept, ses développements sur les concepts de "volonté de pureté" et d’"idéologie française" ?

En s’expliquant pour Le Monde, avant "l’affaire Botul", sur ses réflexions, dans De la Guerre en philosophie, à propos de la pensée d’Heidegger et de celle de son maître Louis Althusser, Bernard-Henri Lévy, sans le savoir, faisait allusion à ce qui lui arrive : la manière dont on se saisit de telle ou telle erreur pour invalider tout le travail et toute la pensée de quelqu’un.

Ainsi de ceux qui expliquent qu’on ne doit pas lire Heidegger et qu’il faut ignorer sa philosophie. "Dès qu’on peut se donner une bonne raison de ne pas lire un penseur, on se jette dessus, dit Bernard-Henri Lévy. Le monde, en principe, préfère ne pas lire des livres. Et il aimerait bien, à la limite, pouvoir les brûler. Depuis toujours. Cela s’appelle la haine de la pensée. Elle prend avec Heidegger la forme de l’exécution en place publique. Certes, Heidegger a été nazi, mais ce n’est pas parce que les philosophes ou les écrivains sont moins grands qu’eux-mêmes, ce qui est la règle, qu’il faut faire l’économie de la lecture de leurs livres."

De même pour Louis Althusser, dont il dit tout ce qu’il lui doit. "On se souvient de lui comme d’un assassin. C’est plus facile que de se demander ce qu’il a vraiment écrit, dans cette bizarre aventure de pensée, très mystérieuse dans l’influence qu’elle a exercée, par la fécondité secrète qu’elle a eue. Anti-naturalisme, anti-historicisme, anti-organicisme : tout cela c’est Althusser qui me l’a appris." Trébuchant sur Botul, Bernard-Henri Lévy s’est exposé, une fois de plus, au risque d’être réduit à l’image de BHL, à la fois surpuissant et fragile.

Josyane Savigneau, Le Monde du 15.02.2010.


Complément d’enquête les hors séries BHL

Portrait du Philosophe Bernard-Henry Lévy

*

[1Sur ces deux livres, lire la critique de Jacques Henric.

[2Voir ce qu’en dit BHL sur le site de La règle du jeu.

[3Voir Bosna !.

[5Voir Les deux France.

[6BHL s’explique sur cette "affaire", mais surtout sur sa conception « de la guerre en philosophie », l’université, Althusser, Lévinas : « on philosophe avec son corps » :


Bernard-Henri Lévy - les Matins
envoyé par franceculture

.

On notera aussi les précisions de Jean Daniel A propos de Bernard-Henri Lévy qui témoignent, pour le moins, d’un embarras par rapport à l’offensive de l’hebdomadaire dont il est l’éditorialiste historique.

[7Aude Lancelin, pourtant bien informée, méconnaît, semble-t-il, une partie des archives du N.O. Liliane Lazar, de son côté, ne donne pas le titre exact de cet article. Il est bon d’avoir ses propres archives et d’être un peu conservateur : la lacune est comblée.

[8Voir : Alliés.

[9Dans une note de la préface à Vision à New York (publié en janvier 1981), Sollers, après avoir évoqué l’obstination des nazis à en finir avec «  le peuple du Livre », écrit : «  Il ne faut pas chercher dans l’histoire et dans le monde la cause de leur volonté d’anéantissement et d’assassinat. Il est est dans la Bible. Et en toutes lettres, c’est-à-dire illisible à jamais à force d’aveuglantes clarté » et il ajoute en note : «  Autant redire à quel point le livre de Bernard-Henri Lévy fait ici événement (brisant un immense refoulement orchestré) comme l’a prouvé l’inénarrable tollé qui l’a salué. »

[10La "volonté de pureté" : concept-clé de BHL sur lequel il revient dans De la guerre en philosophie.

[11Sartre : figure de référence de "l’intellectuel engagé" qui ne cesse de hanter l’écrivain-philosophe.

[12Lire aussi : Bernard-Henri Lévy, Deux Sartre...ou trois ?.

[13Précisons que Lévy a également cinquante ans quand il publie Le siècle de Sartre.

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12 Messages

  • Albert Gauvin | 28 juin 2019 - 12:32 1

    Rencontre avec Bernard-Henri Lévy. Figure de proue des "nouveaux philosophes", sa voix est indissociable de grands débats publics où se croisent des enjeux de philosophie morale, religieuse, politique. Retour sur la carrière plurielle d’un intellectuel engagé, entre structuralisme et phénoménologie. France Culture, Les chemins de la philosophie, 28 juin 2019.


  • Albert Gauvin | 17 août 2015 - 20:35 2

    Un très bon portrait de Bernard-Henri Lévy dans Complément d’enquête. Voir ici


  • Albert Gauvin | 23 mai 2015 - 11:33 3

    Franz Rosenzweig ou le génie du judaïsme.
    Un entretien avec Bernard-Henri Lévy paru dans le numéro de mai de l’Arche magazine.

    Avant de parler avec vous de Rosenzweig et de la réfraction de sa pensée dans la vôtre, nous aimerions savoir la place que tient la philosophie d’une manière générale dans les engagements qui sont les vôtres et dans votre action d’homme public.

    Centrale, programmative, informatrice. Aucun de mes engagements n’est dissociable, je crois, de mes choix philosophiques profonds, anciens, articulés et qui sont à l’œuvre, en procès, dans mon travail. Mes combats politiques, autrement dit, sont des moments d’une stratégie philosophique. Ce ne sont pas des « applications » de ma philosophie. Ce ne sont pas je ne sais quels « travaux pratiques ». Ils font partie de l’aventure. Ils s’intègrent, si vous préférez, à ce que Jean-Toussaint Desanti appellerait un « destin philosophique ». Vous connaissez, n’est-ce pas, la théorie blanchottienne de l’intellectuel qui surgit lorsque l’écrivain pose son stylo ou lorsque le philosophe s’arrête, un moment, de philosopher ? Eh bien je n’y crois pas. Je ne pense pas que l’engagement soit le deuil éclatant de la philosophie ou de la littérature. Je ne cesse pas de faire de la philosophie, j’en fais juste autrement, quand je m’engage. Être un homme engagé, ce n’est pas interrompre le travail théorique — c’est lui donner un prolongement.

    La pratique théorique se prolonge dans la philosophie et la philosophie inspire la pratique théorique. Il y a eu une bifurcation dans votre vie, c’est la rencontre des textes juifs. « L’Etoile de la Rédemption » a-t-elle joué un rôle actif, dès le début, dans cette conversion du regard ?

    Ce qui est sûr c’est que texte juif a été et reste, pour moi, une manière de continuer, d’avancer. Je ne sais pas ce qui se serait passé si, après La Barbarie à visage humain, je n’avais pas rencontré le texte juif. Il y a une hypothèse qui n’est pas totalement exclue, c’est que je me serais peut-être arrêté là. Cela paraît bizarre étant donné le nombre de livres que j’ai produits depuis, mais je ne suis pas loin de penser que la lettre juive a été, vraiment, le carburant qui m’a permis de poursuivre mon questionnement. Alors, quelle place a tenu Rosenzweig dans ce processus ? On va en parler. Mais une chose est certaine. C’est que j’y suis venu très tôt, puisque je suis l’un des premiers, voire le premier, à avoir rendu compte, dès sa parution, de la traduction de « L’Etoile » par Alex Derczansky et Jean-Louis Schlegel. Lire l’entretien.


  • A.G. | 31 juillet 2013 - 17:16 4

    Une nouvelle facette de BHL : commissaire de l’exposition « Les Aventures de la vérité » à la Fondation Maeght. Cf. Bernard-Henri Lévy philosophe sur l’art.


  • A.G. | 22 février 2011 - 01:11 5

    Bernard-Henri Lévy revient sur les principaux thèmes de sa philosophie et de son engagement (avec Guillaume Erner France Inter, 14 février 2011)


    Bernard-Henri L&eacute ;vy face &agrave ; Guillaume Erner (France Inter)
    envoy&eacute ; par BernardHL


  • A.G. | 26 mars 2010 - 15:20 6

    Vers le vrai.

    Bernard-Henri Lévy enfin lu. Par Jacques Henric et Philippe Forest, dans le n° 366 d’art press.

    BHL dont le dernier Bloc-Notes s’intitule : Maintenant, Marine Le Pen.


  • A.G. | 5 mars 2010 - 02:18 7

    BHL invité de Karl Zéro le 3 mars 2010.


    Bernard-Henri Lévy
    envoyé par BFM. - L’actualité du moment en vidéo.


  • Alceste | 4 mars 2010 - 08:32 8

    Lanzman (et d’autres) connaît mal ses classiques. Il convient de rappeler ce que Sartre aurait dit de Bernard-Henri Lévy, d’après Stéphane Auclair dans "Huit jours chez M. Sartre", quatre pages (64 à 69), qui se concluent par "Tous les tondus des camps se rallient au panache de sa brune tignasse, toutes les bouches brisées s’expriment par sa voix, tous les disparus lui permettent de paraître et tous les oubliés de ne le faire jamais oublier. Admirez comme rien ne se perd : il se torture sous nos yeux de leurs tortures au fond des caves et il n’est pas jusqu’aux morts du passé, dont on fait du savon avec les graisses, qui ne lui doivent reconnaissance pour s’être fait, avec leurs souffrances, une brosse à reluire". Tout est dit, et de façon définitive, bien loin des petitis épouillages d’un Vidal-Naquet et des éructations du club des haines réciproques.


  • Orlando | 25 février 2010 - 00:50 9

    - On aime bien BHL par ici. Pourquoi pas. Le bonhomme est mediasympa. Mais pardon, un philosophe qui entreprend d’analyser la pensée de Kant à partir des écrits de Botul... Vous ne trouvez pas ça rigolo ?
    - Rigolo, certes. Mais les meilleures blagues sont les plus courtes.
    - Mais est-ce bien sérieux de citer Botul, de la part du philosophe que le monde entier nous envie ?
    - Jalousie, tout ça n’est que jalousie.
    - C’est vrai qu’il est beau gosse notre BHL. Et en plus plein aux as, et aimé des médias.
    - Voilà, toujours la même rengaine. On en veut aux riches, c’est pas juste.
    -Bon, le mieux c’est de le renvoyer à ses chères études. Mais s’il étudie vraiment, il faudra qu’on le voie moins sur le petit écran.


  • A.G. | 19 février 2010 - 16:41 10

    Nouvelle mise au point de Bernard-Henri Lévy

    Le philosophe s’en prend à la pseudo "critique littéraire", au Nouvel Observateur (suite au papier douteux de Delfeil De Ton - "Lévy, Botul, Balkany") :

    « Le journal, qui a été le journal de Foucault et le journal de Sartre, se serait-il permis des papiers comme celui-là ? Que M. Delfeil de Ton, qui ne s’est jamais donné le mal que de faire le tour de la machine à café de son journal, se permette une attaque comme celle-là. Ça, dans Le Nouvel Observateur, je trouve que c’est une date. Je trouve ça proprement ahurissant. Et que la société des rédacteurs (SDR) fasse un communiqué pour se féliciter de tout ça et pour se réjouir de voir le journal de Jean Daniel lancer et alimenter cette chasse à l’homme ».

    Il s’explique sur son rapport au médias et regrette qu’on ne le critique pas sur ses idées : tout ça, " c’est surtout ridicule pour ceux qui s’en servent pour éviter de lire. " (Rappelons que Pièces d’identité est un volume de 1300 p. et De la guerre en philosophie, un essai de 130 pages).


    BHL invité ce matin de Nicolas Demorand sur France Inter
    envoyé par BernardHL

    A noter que le N.O. a mis sur son site le verbatim de l’interview.


  • bulot | 16 février 2010 - 12:19 11

    Après (et surtout avant) BHL, d’autres victimes de Jean-Baptiste Botul.

    Oscar Gnouros (qui semble bien exister) s’est amusé à relever les écrits qui mentionnent Botul sans en remarquer le caractère fictif. C’est éloquent, morbleu !.


  • A.G. | 13 février 2010 - 14:04 12

    Entretien avec Bernard-Henri Lévy.
    _ Pour ceux qui aiment les mises au point claires et précises, écoutez BHL s’entretenant avec Jean-Claude Casanova et Jean-Marie Colombani ce samedi à l’émission La rumeur du monde.
    _ A l’occasion de la publication de ses deux derniers livres, le philosophe revient sur ses divers engagements, certains points de l’actualité politique (la burka) ou philosophique (Badiou et quelques autres), et ce qu’il appelle, trente ans après Le Testament de Dieu, "le génie du judaïsme".


    Pour démarrer l’écoute, cliquez sur la flèche verte