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Discours Parfait de Philippe Sollers

sous le signe de Joyce et de l’Encyclopédie

D 23 juin 2019     A par Viktor Kirtov - Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



ÉDITORIAL Venise 1er juin 2019.
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Voici donc le triptyque que Sollers a choisi de mettre sur son site au début du mois de juin 2019 — sans lien ni commentaire. J’étais à Venise quand je l’ai découvert. C’est évidemment une réplique allusive à certains discours apocalyptiques ou anti-Lumières contemporains (et peut-être, par exemple, à la critique en règle qui est faite de Voltaire et des encyclopédistes dans Tout est accompli, notamment p. 117-122 [1]). Voici l’explication du frontispice dessiné par Charles-Nicolas Cochin (1765) et gravé par Bonaventure-Louis Prévost (1772) pour l’Encyclopédie publiée par Denis Diderot (1713-1784) et Jean Le Rond d’Alembert (1717-1783) [2] :

SOUS un Temple d’Architecture Ionique, Sanctuaire de la Vérité, on voit la Vérité enveloppée d’un voile, & rayonnante d’une lumière qui écarte les nuages & les disperfe.

A droite de la Vérité, la Raison & la Philosophie s’occupent l’une à lever, l’autre à arracher le voile de la VÉRITÉ.

A ses piés, la Théologie agenouillée reçoit sa lumière d’en-haut.

En suivant la chaîne des figures, on trouve du même côté la Mémoire, l’Histoire Ancienne & Moderne ; l’Histoire écrit les fastes, & le Tems lui sert d’appui.

Au-dessous sont grouppées la Géométrie, l’Astronomie & la Physique.

Les figures au-dessous de ce grouppe, montrent l’Optique, la Botanique, la Chymie & l’Agriculture.

En bas sont plusieurs Arts & Professions qui émanent des Sciences.

A gauche de la Vérité, on voit l’Imagination, qui fe dispose à embellir & couronner la VÉRITÉ.

Au-dessous de l’Imagination, le Dessinateur a placé les différens genres de Poësie, Epique, Dramatique, Satyrique, Pastorale.

Ensuite viennent les autres Arts d’Imitation, la Musique, la Peinture, la Sculpture & l’Architecture.

La liste des figures.


Liste des figures.
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Le commentaire de Diderot (Salon de 1765).


Cochin par Diderot.
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Diderot bouge encore, Sollers le ressuscite — et plutôt deux fois qu’une.

« Littérature/Philosophie/Art/Science/Politique » est, depuis le numéro 43 (automne 1970), le sous-titre de la revue Tel Quel. C’est toujours le cas aujourd’hui avec la revue L’Infini. En ces temps d’obscurantisme, invitation nous est donc faite de relire Discours parfait, le troisième volume de l’encyclopédie sollersienne publié en 2010, réédité en 2011 dans la collection folio (n° 5344) dont il faut rappeler le Quatrième de couverture :

Ce volume est la suite logique de La Guerre du Goût et d’Éloge de l’infini.
À l’opposé de toute vision apocalyptique, ou de « fin de l’Histoire », ou de fascination pour la Terreur, les écrits réunis ici ont pour unique visée la préparation d’une Renaissance, à laquelle, sauf de très rares exceptions, plus personne ne croit. Cet avenir certain, quoique hautement improbable, a d’ailleurs été affirmé en toute clarté dans un roman récent encore méconnu : Les Voyageurs du Temps.

Ph.S.

On peut lire en effet dans ce roman encore méconnu (Gallimard, 2009, p. 106) :

Pas d’apocalypse, pas de fin des temps ni de fin de l’Histoire. Pas non plus d’âge d’or en déclin, d’expulsion d’un ancien paradis. Ou plutôt : l’apocalypse a eu lieu, l’âge d’or et le paradis sont ici, à portée de la main, tout de suite. Pour le reste, parmi les humains suffrages et les très lourds communs élans, on va tenter de « tenir debout dans la rage et les ennuis ».
« Je suis un inventeur bien autrement méritant que tous ceux qui m’ont précédé ; un musicien même, qui ai trouvé quelque chose comme la clé de l’amour. »

Nous présentions Discours parfait en janvier 2010. — A.G.

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Discours Parfait, parfaitement à l’heure.
A l’heure annoncée (ré-annoncée) le 5 janvier 2010.
A l’heure du temps Sollers,
déployé sur 928 pages d’entretiens, chroniques, critiques sur ses sujets de prédilection, la bibliothèque universelle, Joyce, Sade, Céline et les autres, sans oublier la peinture, Picasso, Bacon, Courbet, Van Gogh, un peu de musique Mozart... et la voix de Bartoli... Troisième volet de son triptyque commencé avec La Guerre du Goût puis Eloge de l’Infini. En primeur, dans L’Infini le n°108, automne 2009, Philippe Sollers en avait livré la préface, la table des matières et quelques extraits : Des femmesMontherlant, tel quel Noir CioranL’Oreille de Van Gogh — Exception, donnant ainsi une première idée de l’éventail des thèmes couverts. Quelques illustrations monochromes (rares) accompagnent ça et la le texte : une épreuve de l’article de Sollers Morand quand même avec ses corrections manuscrites, un autoportrait de Van Gogh accompagnant l’article L’Oreille de Van Gogh, Picasso, Feuille de musique et guitare (1812-1913), en illustration de l’article Picasso by night, un manuscrit de Joyce pour le chapitre La Trinité de Joyce avec aussi deux illustrations de scènes religieuses dans le corps du texte et en clôture du texte et du livre, un portrait de Joyce devant sa bibliothèque.

Préface

Ce volume est la suite logique de La Guerre du Goût (1994) [3] et d’Éloge de l’infini (2001) [4]. Son titre a une histoire. Le Discours Parfait (Logos Teleios) est un écrit hermétique grec du début du IVe siècle de notre ère, connu en latin comme l’Asclépius. On sait que saint Augustin, venu du manichéisme, l’a lu.
Une version copte faisait partie de la Bibliothèque gnostique de Nag Hammadi, découverte par hasard par des paysans en Égypte, en 1945.
D’étranges individus ont ainsi enterré pour plus tard ou jamais leur pensée essentielle. On la redécouvre aujourd’hui, en pleine nouvelle période de déliquescence.
Dans ce discours, anxieusement appelé « parfait », Hermès Trismégiste déplore l’effondrement d’une civilisation divine. Mais :

« Le rétablissement de la nature
des choses saintes et bonnes
se produira par l’effet
du mouvement circulaire du temps
qui n’a jamais eu de commencement. »

À l’opposé de toute vision apocalyptique, ou de « fin de l’Histoire », ou de fascination pour la Terreur, les écrits réunis ici ont pour unique visée la préparation d’une Renaissance, à laquelle, sauf de très rares exceptions, plus personne ne croit. Cet avenir certain, quoique hautement improbable, a d’ailleurs été affirmé en toute clarté dans un roman récent encore méconnu : Les Voyageurs du Temps [5].

Philippe Sollers Mai 2009


Giovanni di Stefano, Hermès Trismégiste, 1481-1485.
Pavement de la cathédrale de Sienne.

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Pavement de la cathédrale de Sienne. Détail.
Photo A.G., Sienne, mai 2010. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Note sur Hermès Trismégiste.

En exergue :

« Plus nous sommes attaqués par le néant qui, tel un abîme, de toutes parts menace de nous engloutir, ou bien aussi par ce multiple quelque chose qui est la société des hommes et son activité, qui, sans forme, sans âme et sans amour, nous persécute et nous distrait, et plus la résistance doit être passionnée, véhémente et farouche de notre part. N’est-ce pas ? »

Hölderlin

Premier chapitre : Fleurs

L’orage rajeunit les fleurs
Baudelaire

Ce chapitre reprend sous le label Gallimard le texte intégral de l’édition du livre Fleurs publié aux Éditions Hermann. Les amoureux des illustrations couleurs de Gérard Spaendonck dont la découverte avait subjugué Philippe Sollers, et à l’origine de son livre, préféreront la version originale. La version Gallimard de Discours parfait, s’en tient au seul discours, conforme en cela au format de la collection blanche. Pas d’illustrations couleurs, juste deux ou trois illustrations monochromes extraites de l’ouvrage original pour marquer la référence à Spaendonck.

Notons que le livre Fleurs, s’ouvre sur un chapitre dédié à Joyce. Ce qui n’est pas sans signification, eu égard au choix du dernier chapitre...

Entretien avec Guillaume Chérel et Franck-Olivier Laferrère

Paris, le 14 avril 2010

Fleurs

Une trace des fleurs dans Finnegans wake de Joyce...
Des fleurs aux mots, des mots aux fleurs, de l’art floral à la poésie...
Les fleurs : vivantes, en mots, en peinture mais pas en images ?
L’écriture : un acte de résistance ?


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Avant que le livre soit enterré dans le jardin de Gallimard, comme le propose Sollers, lire notamment :

La Guerre des Fleurs
Le manuscrit de Fleurs
Joyce dans Fleurs.

Dernier chapitre : La Trinité de Joyce

La Trinité et Joyce, deux références majeures de Sollers qui justifient ce choix en clôture du livre avec, en bouquet final, la référence au langage et à la bibliothèque universelle dans la photo de Joyce devant sa bibliothèque...
Sollers le symbolique, tout un programme, lui qui s’est rêvé en Joyce, qui a adopté son Ulysse et son Finnegans Wake, l’hommage sollersien à Joyce en ouverture et en fermeture de son livre.

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Joyce, photo Gisèle Freund

La Trinité de Joyce sur pileface :
Extraits

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Interview audio

En deuxième partie, invité d’honneur, Philippe Sollers vient nous parler de Discours parfait son nouveau volume qui en contient quinze, « bon rapport qualité/prix ! » nous dit-il. Le seul vrai sujet aujourd’hui selon Philippe Sollers : peut-on encore compter sur l’expérience qu’est la lecture ? L’auteur fait un constat sans concession sur notre société qui veut écarter, enterrer la poésie. Elle risque la bêtise, s’engouffre dans l’ignorance. Il y a une censure qui engendre une misère effarante ! Avec la fougue et la provocation qui lui sont chères, Philippe Sollers dénonce la menace que représente l’oubli des grands auteurs et l’adhésion aux clichés. Ce livre est un anti-clichés ! L’écrivain clôt le débat par quelques vers de Mallarmé.

Sollers sur France Culture le 11/01/10 à propos de Discours Parfait

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Sur Radio Classique le 28/01/10

" La solitude s’accroît... "

avec Guillaume Durand, et, au début, Yann Ollivier et Eve Ruggieri

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Interview video

Le Cercle littéraire de la BnF, le 23 mars 2010

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VOIR AUSSI : Entretien avec Guillaume Chérel et Franck-Olivier Laferrère.

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Discours Parfait (Table)

La pagination est celle de l’édition blanche de Gallimard.


GIFPréface 9
GIFFleurs 13
GIFParoles secrètes 97
GIFParadis caché 101
GIFGloire de la Bible 106
GIFL’amour de Shakespeare 111
GIFLa Connaissance comme salut [6] 116
GIFMontaigne président 137
GIFSacré jésuite (Graciàn) 142
GIFUne religieuse en amour 147

GIFFurieux Saint-Simon 151
GIFÉloge d’un maudit (Joseph de Maistre) 155
GIFChateaubriand à jamais 160
GIFMouvement des Lumières 165
GIFLumières de Mirabeau 170
GIFLe sexe des Lumières 175
GIFRallumons les Lumières ! 179
GIFVérité de Rousseau 183
GIFL’Arche de Buffon 187
GIFRenaissance de Goethe 191

GIFL’érotisme français 195
GIFLes métamorphoses d’Éros 199
GIFException 202
GIFNietzsche, encore 210
GIFNietzsche, miracle français 223
GIFLe Principe d’aristocratie (Sade) 236
GIFLa main de Sade 244
GIFStendhal à Bordeaux 250
GIFLa Folie des Nuits (Les Mille et Une Nuits) 255
GIFJeunesse de Hugo 259
GIFHugo, de nouveau 264
GIFSecrets sexuels 267
GIFL’érotisme de Baudelaire 272
GIFLa rage de Flaubert 282
GIFPauvre Verlaine 285
GIFLa Parole de Rimbaud 290
GIFLe fusil de Rimbaud 294
GIFSalut de Rimbaud 299
GIFCoup de Poe 303
GIFCarnet magique (Proust) 307
GIFScandaleux Oscar (Wilde) 310
GIFRésistance de Simone Weil 315
GIFÉmouvant Beckett 320
GIFPurgatoire de Céline 324
GIFLes vies de Céline 330
GIFCéline en enfer 334
GIFPassion de Lacan 338
GIFMorand, quand même 342
GIFLe corps de Morand 354
GIFFreud s’échappe 374
GIFClaudel censuré 378
GIFClaudel porc et père 381
GIFIvresse de Claudel 389
GIFMauriac, le frondeur 393
GIFLe match Paulhan-Mauriac 397


GIFMauriac grand cru 401
GIFSaint Artaud 405
GIFL’histoire Breton 409
GIFMagique Breton 415
GIFLa folie d’Aragon 419
GIFRire majeur 423
GIFScènes de Bataille 427
GIFTremblement de Bataille 431
GIFL’infini de Michaux 435
GIFMalraux le revenant 440
GIFBlanchot l’extrême 445
GIFNoir Cioran 449
GIFÉtrange Jünger 453
GIFBeauvoir avant Beauvoir 457
GIFLa voix de Beauvoir 462
GIFBeauvoir de Sade 464
GIFLe Grand Fitzgerald 471
GIFPortrait de l’artiste en voyageur humain (Joyce) 476
GIFJoyce non-stop 481
GIFJoyce, toujours 484
GIFJuste Orwell 488
GIFCoup de vent 492
GIFEn quelle année sommes-nous ? 513
GIFMartha Argerich 516
GIFCecilia (Bartoli) 519
GIFMarilyn, la suicidée du spectacle 525
GIFLeçons d’un crime (Simon Leys) 529
GIFMon dossier de police 533
GIFSur l’antisémitisme 537
GIFLe nihilisme ordinaire 548
GIFPensée, année zéro 553
GIFL’intime radical 558
GIFLe refoulement de l’Histoire 561
GIFTechnique 569
GIFIl suffit d’être douze 595
GIFLa littérature ou le nerf de la guerre 618
GIFLa Déprise 634
GIFLes dessous de l’obscénité 651
GIFMademoiselle Guimard (Fragonard) 663
GIFLa Tempête (Giorgione) 665
GIFL’origine du délire (Courbet) 667
GIFLes dieux de Renoir 672
GIFBacon avec Van Gogh 677
GIFLa peinture surréaliste 680
GIFL’Oreille de Van Gogh 687

GIFPicasso by night 692
GIFLe siècle de Picasso 705
GIFDes femmes 710
GIFL’amour du Royaume 718
GIFQui suis-je ? 729
GIFLa Fête à Venise 740
GIFLa mutation du divin 761
GIFAntipodes 780
GIFIl faut parler dans toutes les langues 803
GIFLa Trinité de Joyce 825
GIFRemerciements 913

Nota 1 : Un certain nombre de ces articles ont été publiés dans la revue L’Infini et figurent dans l’Index ici.

Nota 2 : La présente table est écourtée par rapport à celle prépubliée dans L’Infini N° 108, automne 2009. Rien moins que 45 titres passés à la trappe, sans doute afin de rester dans la limite d’un ouvrage de moins de 1000 pages, ce qui est déjà un énorme pavé. Peut-être réapparaîtront-ils dans un tome IV...?
Pour les curieux, voici la liste des "recalés" du tome III, ici :

 [7]

Carnet


Carnet, Discours parfait, folio, p.542.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Premières critiques


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Aliocha Wald Lasowski (2e à g.) avec Philippe Bonnefis, Dolores Lyotard et Gérard Farasse (de g.à d.)

Lille, 18 nov. 2009. Hommage à Ph. Bonnefils (Photo : A. Gauvin)
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Chronique

L’année de tous les mots
par Franck Nouchi

L’année 2010 sera celle de tous les discours. Une véritable guerre de positions, avec 2012 en ligne de mire. Chaque camp fourbit ses armes. Expert dans l’art du contre-pied, Nicolas Sarkozy a, pour ses voeux de Nouvel An, osé l’onctuosité : "Respectons-nous les uns les autres, faisons l’effort de nous comprendre, évitons les mots et les attitudes qui blessent." Enfin à l’aise dans ses habits de patronne du PS, Martine Aubry a pour sa part lancé sur Internet un vibrant : "Vous pouvez compter sur moi pour retrouver la France que nous aimons, un pays de générosité, de fraternité, de laïcité."

En 2010, chaque mot comptera. Hasard du calendrier, cette nouvelle année sera aussi celle de Sigmund Freud, mort le 23 septembre 1939. Depuis le 1er janvier, ses oeuvres sont tombées dans le domaine public. Des mots et des maux, le père de la psychanalyse au secours de l’actualité. Névrose, surmoi, libido, refoulement, ces concepts seront à n’en pas douter invoqués pour décrypter les grandes et petites manoeuvres à venir.

En attendant les premières salves, que faire ? Aller au cinéma ? Dans le nouveau numéro de La Règle du jeu, Philippe Sollers explique son peu de goût pour ce qu’il refuse d’appeler le septième art. Seul Hitchcock, "le maître absolu", trouve grâce à ses yeux. "Le cinéma m’intéresse, dit Sollers, lorsqu’on a une technique éblouissante avec pénétration temporelle et métaphysique sous-jacente, ce qu’on appelle, à juste titre, le suspense." Et l’auteur de Femmes d’insister sur l’importance de la technique de la direction d’acteur : "Pour ça, il faut trouver quelque chose qui entre profondément, pas seulement psychologiquement, freudiennement, érotiquement, dans ce qu’on appelle les femmes. Hitchcock est celui qui a réussi, à mon avis, il est unique sur ce plan-là."


Klimt, L’arbre de vie

"Sollers écrit en spirale" (Aliocha Wald Lasowski)
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Il était tentant dès lors de se plonger dans Discours parfait , du même Sollers, à paraître le 5 janvier chez Gallimard. 920 pages en forme de suite à La Guerre du goût et à Éloge de l’infini ; un immense voyage dans les arcanes de la création. Rimbaud, Céline, Picasso, Joyce et tant d’autres sont bien évidemment convoqués. Du cinéma, il en est question à propos de Marilyn, "la suicidée du Spectacle". Hospitalisée dans une clinique psychiatrique en février 1961, elle se plonge, une nuit d’insomnie, dans la correspondance de Freud. "J’aime son humour doux et un peu triste, son esprit combatif", écrit-elle à son psychanalyste Ralph Greenson. Qu’aurait fait Lacan avec Marilyn ?, se demande Sollers, avant d’imaginer une scène où, "devinée à fond, elle en aurait eu marre et l’aurait peut-être tué puisqu’il ne lui aurait même pas demandé une photo d’elle". "Voilà le drame de l’Amérique et peut-être du monde, ajoute-t-il : la psychanalyse n’y existe plus, puisque le cinéma a pris la place du réel."

En France, en 2010, la politique fera toujours son cinéma. Et tout indique que la psychanalyse y aura son mot à dire.

Franck Nouchi
Article paru dans l’édition du 05.01.10

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Nouvel Observateur N°2357,7 janvier 2010
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Neuf cent vingt-deux pages. En cette seconde rentrée littéraire, qui dit mieux ? 922 pages de Sollers. Du pur, de l’essentiel, du Sollers en quintessence. Comme à l’habitude, certains broncheront sur des usages familiers à l’auteur. Ainsi, la surabondance des citations. « L’art de la citation est, on ne le sait pas assez, le plus difficile qui soit. » Et la littérature, une longue histoire, sans vraie solution de continuité, tout s’y tient, s’y enchaîne (« intertextualité » ?), nul jamais n’invente vraiment, « on peut disposer librement de toute archive », et ça n’est pas Montaigne, cher au lycéen Sollers déchiffrant les maximes sur les poutres de sa tour, qui nous contredirait. On apprend que, dans « Paradis », il y avait des passages entiers recopiés de Dante, que dans chaque ouvrage on trouve un peu de Lautréamont. Qui l’a vu ? L’autocitation, la référence insistante (jusqu’en quatrième de couverture) à ses propres oeuvres ? Complaisance ? Ou désir légitime d’un écrivain, peut-être moins sûr de lui qu’il n’y paraît, de faire apercevoir, d’éprouver soi-même, la cohérence intime de ce qu’il a publié ? Cette cohérence, cette obstination dans des explorations apparemment contrastées mais soutenues par la même exigence, cette unité, seul un point de vue rétrospectif peut en établir l’évidence. Dans l’oeuvre de Philippe Sollers, on les distingue mieux aujourd’hui qu’hier. Et l’ensemble des textes rassemblés dans « Discours parfait » (oui, on peut imaginer titres plus modestes qu’« Une vie divine », ou que ce dernier-là, mais la clef des titres est dans les livres), des articles, des essais, des préfaces, des entretiens, appartenant à des périodes diverses, et pour beaucoup récents, illustre brillamment la parfaite harmonie d’une ambitieuse aventure littéraire.

Sa famille

La diversité et le grand nombre des sujets abordés, des oeuvres soumises à un examen au laser rendent téméraire toute recension détaillée ou même synthétique. Il s’agit bien sûr, avant tout, des écrivains qui ont compté pour l’auteur, tous ceux qui sont de sa famille, ce qui n’interdit pas l’intrusion gracieuse de Cecilia Bartoli ou de Marilyn. S’avancent donc, en une troupe mêlée mais fraternelle, Dante, Shakespeare, Sade, Joyce, Beckett, Nietzsche et « Nietzsche encore », Artaud ou Michaud, Stendhal ou Hölderlin à Bordeaux, Stendhal surtout « milanese », « l’épouvantable Céline » qui était un tendre et avait du coeur, Blanchot l’obscur, et quelques peintres : Picasso, Renoir, Van Gogh ou Bacon. On ne s’étonnera pas qu’un Bordelais consacre des pages enthousiastes à Mauriac, à son courage, sa lucidité, son anticonformisme social (Mauriac est, avec Aragon, un des deux qui portèrent Sollers sur les fonts baptismaux, mais Sade, avec lui, ça ne passait pas !). Faut-il trouver plus surprenants, chez cet ex-maoïste point repenti, les éloges ou les plaidoyers - argumentés et dépouillés de tout méchant parti pris - en faveur de Morand ou de Joseph de Maistre ? Non. À propos de Saint-Simon : « Concision, raccourci, torsade des adjectifs, improvisation presque folle, chaque séquence est nerveuse et, à vol d’oiseau, comme une intervention de Charlie Parker. »

Qu’est-ce qui unit les écrivains élus par Sollers ? Toujours la vivacité, la rapidité, l’allégresse, l’électricité de la langue, « l’histoire d’amour entre les écrivains et les mots » avec ses « sensations savantes », la conviction qu’une renaissance par le verbe peut advenir. Toujours le lien étroit de la langue avec le corps de l’écrivain, sujet trop négligé. Toujours le rejet du psychologisme, du défaitisme, du moutonnement, du confort ambiants. Toujours la quête (elle peut avoir bien des visages) d’une vérité métaphysique, d’une « responsabilité à accepter l’invisible ». Si bien que, phénomène fréquent en matière de critique littéraire, chaque portrait est un autoportrait. Dans un des textes les plus aigus de « Discours Parfait », Sollers s’intéresse aux gnostiques. La gnose distinguait les « hyliques », enlisés dans la matière, les « psychiques », prétentieux et vains, les « pneumatiques », répondant à l’appel d’un souffle. Ni l’appel ni le souffle ne sont absents de ces pages.

À lire

« Discours parfait », de Philippe Sollers, éd. Gallimard, coll. Blanche, 922 p., 29,90.

Auteur : Jean-Marie Planes

*


Sollers tel qu’en lui-même

LA LIBRE BELGIQUE, 12/01/2010 : [...] Dans "Discours Parfait", il parle - avec une agilité confondante et en forgeant quelques fulgurantes formules - de la Bible et de Shakespeare ou de Chateaubriand, de Sade et d’Artaud, de Joyce et de Bataille, de Claudel et d’Aragon. Et de Nietzsche et Picasso, bien entendu. Qu’y dit-il de Marilyn ? Que Lacan "lui aurait demandé des prix fous pour venir le voir dix minutes". De la pianiste Martha Argerich ? "Mon rêve a toujours été de la séquestrer pendant un mois". Et de l’ardente Cecilia (Bartoli) ? "Elle incarne les passions pour lesquelles je donnerais ma vie." Mais donnez-la, donnez-la, bon sang !

Francis Matthys

*

La critique de Philippe Chauché
La critique de Jean-Louis Küffer sur Lire est un plaisir., archive (pdf)
La critique de Benoît Delmas
La critique de Bruno Frappat, La Croix
La critique de Yann Moix, L’évangile selon Philippe
La critique de Eléonore Sulser, Les machines de guerre de Philippe Sollers
La critique de Fabian Fajnwaks, Vertigineux Sollers


[1Note du 15/07/19 : je lis dans un entretien récent :
« L’une des choses qui nous caractérisent tous les trois [Haenel, Meyronnis, Retz], c’est que nous avons toujours été extraordinairement sceptiques quant aux Lumières françaises. Elles nous ont toujours semblé très peu lumineuses, pour ne pas dire étroites et métaphysiquement nulles. » (Entretien avec Fabien Ribery)
CQFD.

[2Profitons-en pour signaler la remarquable édition des Questions sur l’Encyclopédie de Voltaire paru en avril 2019 dans la collection Bouquins, Robert Laffont.
LIRE : ‘Une encyclopédie de ma façon’ : le chef-d’œuvre méconnu de Voltaire et Les ciseaux de Voltaire.

[3Folio n° 2880

[4Folio n° 3806.

[5Editions Gallimard, 2009

[6Des Extraits en marge des Voyageurs du Temps.

[7Plusieurs de ces textes sont désormais parus dans Fugues et dans Complots.

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