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La leçon du temps (Question de temps II)

Paradis dans l’Infini

D 24 mars 2008     A par Albert Gauvin - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


« comme si c’était toujours le même dimanche de pâques
clair et froid le 10 avril 1300 par exemple... »

Philippe Sollers, Paradis II

Le Temps L’Inspiration L’Ecrivain
*

 Le Christ 

Le numéro 13 de L’Infini sort en mars 1986. Juste après le sommaire, une reproduction du Christ, la main droite levée bénissant un globe terrestre posé sur son genou et tenu par sa main gauche.

*

Suit la publication des dernières pages de Paradis II qui sortira en avril de la même année.
A la fin du roman, on s’en souvient, le narrateur fait « un signe de croix en traversant les rosiers du jardin, un signe de croix oui comme ça dans l’air noir couronnant le tout qui s’en va ». Le bleu revient, et l’échelle : « elle est là une fois encore dressée mon échelle bien légère et triste et bien ferme très joyeuse et vive et bien ferme veni sancte spiritus tempus perfectum tactus ciel et terre pleine de l’énergie en joie d’autrefois »

*


 Le temps 

Dans le numéro 101-102 de L’Infini, avant le rappel du sommaire du n°13 de l’Hiver 1986 [1], Marcelin Pleynet a choisi de reproduire le début de l’extrait de Paradis II publié il y a vint-deux ans. Il y est question du Temps qu’il faut préférer à tout, y compris et surtout à soi-même, si l’on veut entendre sa leçon. Il y est à nouveau question de ce « personnage essentiel vous savez lequel » qui « préférait les pêcheurs leurs filets leurs barques », « un juif navigateur » qui, comme Socrate, n’écrit pas :

*


 L’inspiration 

« L’innocence en respiration » ...
« Littérature, peinture, musique. Fragonard est, par excellence, le peintre qui est conscient de ce noeud où les corps trouvent leur respiration essentielle. » [Ph. Sollers, Les surprises de Fragonard.]
Cette fois, dans L’Infini 101-102, la séquence n’est plus précédée d’une illustration du Christ, mais d’un portrait réalisé par Fragonard en 1769, l’année de son mariage, vingt ans avant cette Révolution qui, dira Baudelaire, « a été faite par des voluptueux. » [Voir : Marcelin Pleynet, Poésie et " Révolution ", Editions Pleins feux, 2000.]
Ce Portrait se trouve au musée du Louvre, on a pu également l’admirer lors de l’exposition Fragonard, Les plaisirs d’un siècle qui s’est tenue à l’automne 2007 au musée Jacquemart-André, près du Parc Monceau. Ce Portrait d’homme, plus connu sous le nom de L’inspiration, est dit aussi L’Ecrivain. L’Ecrivain, plume à la main, est en train d’écrire mais, à cet instant, il suspend son geste. Le visage tourné vers la gauche il regarde quelque chose ou quelqu’un, mais qui ?

*


L’Écrivain

A la fin de Paradis II, peu après le passage qui précède, le narrateur — nous sommes en 1986, supposons qu’il soit âgé d’une cinquantaine d’années — est en compagnie d’une jeune femme. Il écrit. Il évoque Pindare (Hölderlin le traduira), Epicure (« ô vieillesse ennemie ô salaire d’une jeunesse qui n’a jamais cédé sur sa vie »), bref, déjà, bien avant Guerres secrètes, les Grecs (« ah les grecs dites-moi les grecs où sont-ils passés »« vous allez me libérer les grecs »), mais aussi un peintre français, Manet (« vous savez vraiment ce que dit l’olympia l’asperge musique aux tuileries bal masqué à l’opéra nana »  ?), puis Pétrarque, poète italien, qui, on le sait, tomba amoureux — coup de foudre — d’une nommée Laure (« Laure, célèbre par sa vertu et longuement chantée par mes poèmes, apparut à mes regards pour la première fois au temps de ma jeunesse en fleurs, l’an du Seigneur 1327, le 6 avril, à l’église de Sainte-Claire d’Avignon, dans la matinée. »), plus précisément — ça ne s’invente pas — Laure de Sade [2].
Le narrateur qui, d’une certaine manière, pourrait dire, comme le fera Nietzsche, « tous les noms de l’histoire, c’est moi », pour l’instant, dit à la jeune femme : « je m’appelle pétrarque ». « va pour pétrarque dit laurie tu ne me fais pas peur tu peux être qui tu veux quand tu veux la poésie c’est moi si tu veux si je veux je suis ta muse si ça m’amuse ».

Il est aussi question de Dante, comme ici, maintenant, puisque « nous sommes à pâques comme si c’était toujours le même dimanche de pâques clair et froid le 10 avril 1300 par exemple... », et voilà comment vient L’inspiration à L’Ecrivain qui, à Pâques, en 1986 (mais ça pourrait être en 88 ou 90 ou 2086 [3]), décide de s’appeler Pétrarque avec une Laurie (de Sade ?) qui n’a pas peur :

« à la nuit

*

Il faut changer la phrase de Baudelaire et dire : La Révolution — du Temps — sera faite par des voluptueux.

oOo

[1et non 1985 comme il est indiqué par erreur p.18.

[2Aïlleule du marquis de Sade.

[3La version publiée dans L’Infini n°13 dit : « en 88 ou 90 ou 2010 ». Nous y sommes presque...

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2 Messages

  • A.G. | 25 mars 2008 - 22:43 1

    " Entre pente et replat un sentier oblique
    _ nous conduisit au flanc de la ravine,
    _ là où le bord s’affaisse jusqu’à moitié. "

    Voici comment Boticcelli voit le 10 avril 1300, jour de Pâques, dans le chant VII du Purgatoire :

    Mais comme nous sommes maintenant dans la nuit du Mardi de Pâques, on peut lire le Chant XVIII :

    " ... on voyait très peu du dehors ;
    _ mais dans ce peu je voyais les étoiles
    _ plus grandes et plus claires qu’à l’habitude.
    _ Ainsi en ruminant et en les regardant,
    _ le sommeil me prit ; le sommeil qui souvent
    _ avant qu’un fait advienne en sait la nouvelle. "

    A suivre...

    Se reporter aussi à La Divine Comédie


  • D.B. | 25 mars 2008 - 20:59 2

    « nous sommes à pâques comme si c’était toujours le même dimanche de pâques clair et froid le 10 avril 1300..."

    Poursuivons avec l’horloge... "pourquoi le 10 avril 1300 dit laurie penchée sur mon épaule en fin d’après midi vers sept heures »... Nous sommes ainsi précisément renvoyés au Chant VII du Purgatoire de la Divine Comédie où Dante et Virgile apprennent qu’on ne peut gravir la montagne après le coucher du soleil.

    Aussi, Sordello, leur guide, qui les informe de cette loi, leur propose-t-il de trouver un endroit pour la nuit.
    "Il est bon de penser à un beau séjour.
    A droite, sont des âmes, à l’écart ;
    je te mènerai à elles, si tu y consens ;
    et tu auras plaisir à les connaître."

    Invitation à laquelle, plus loin, Virgile répondra :
    "Mène nous donc, dit-il, là où tu dis
    qu’on peut avoir plaisir à prendre du repos."

    Ils verront ainsi quelques "princes négligents" au coeur de "la vallée fleurie" gardée par des Anges qui se manifesteront dès le début du chant suivant, c’est à dire un peu plus tard dans cette fin de journée de dimanche de pâques... Entre temps, une des âmes s’est mise à chanter le "Te lucis ante" (que Dieu nous protège des tentations de la nuit) d’une manière si particulière, "en notes si douces, qu’elle me fit sortir de moi-même * ", nous dit Dante.

    Volupté, inspiration...

    (trad J Risset)

    *La traduction A Masseron donne ici "me fit perdre conscience de moi-même"