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Ernest Pignon-Ernest : « je fais œuvre des situations »

Marcelin Pleynet / Ernest Pignon-Ernest

D 15 janvier 2023     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



SOMMAIRE
Rencontre avec JR et Ernest Pignon-Ernest – FHEL janvier 2023
Francis Bacon : Ernest Pignon Ernest : Échanges, 2022
Marcelin Pleynet / Ernest Pignon-Ernest, L’homme habite poétiquement, 1993
Ernest Pignon-Ernest, Portrait de Marcelin Pleynet - Totons
Ernest Pignon-Ernest : « Je marche beaucoup, la nuit, le jour, pour rencontrer un lieu »
E. P-E., plasticien autodidacte, amoureux des artistes d’artistes d’autrefois
La Nuit rêvée d’Ernest Pignon-Ernest
— Ernest Pignon-Ernest : Entretien
— Louis Sclavis : « J’ai pris comme fil rouge les collages d’E. P-E. à Naples pour composer Napoli’s Walls »
— E. P-E. : « A Naples on peut interroger 2000 ans d’Histoire et, en même temps, les problèmes contemporains y sont les plus aigus »
— De Luca : « Le tuf, la roche volcanique dont est faite Naples a gardé les soupirs, les vies qui nous ont précédées »
— Philippe Bordas : « Forcenés, c’est le testament amoureux d’un garçon qui n’a pas pu être le champion cycliste qu’il voulait être »
— Christian Bobin lit La Parole sale et La Part manquante
— La pintade, déesse des rivières et de l’amour par Jean-Marie Lamblard et Colette Magny
— E. P-E. : « J’essaie de faire de la rue une œuvre d’art, beaucoup d’artistes de street art ne font pas ça, ils considèrent la rue comme une galerie »
Ernest Pignon-Ernest. Naples, 1988-1995
Ernest Pignon-Ernest, Si Pasolini revenait..., 2016
Ernest Pignon-Ernest et Jean Genet à Marseille, 2016
Rétrospective. Visite de l’exposition "Papiers de murs" d’Ernest Pignon-Ernest, 2021
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Exposition « Ernest Pignon Ernest ».
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Une exposition « Ernest Pignon Ernest » vient de s’achever à Landernau (29) retraçant le parcours de l’artiste. Sur le site de la FHEL, on pouvait lire :

« L’exposition rassemblant plus de trois cents œuvres manifeste la puissance créative de ce grand artiste, alerté par l’état du monde, soulevé par sa passion pour l’art et la poésie, considéré parfois comme un pionnier de l’art urbain. Apparaît ainsi derrière l’ombre de l’artiste aimé du grand public un créateur complexe admiré par les plus grands penseurs et poètes d’aujourd’hui et longtemps maintenu en retrait des institutions. Ses dessins installés dans les rues des villes du monde semblent naître des murs mêmes où il les a soigneusement placés pour se glisser dans nos vies, sur nos livres, dans notre esprit. Difficile de penser à Rimbaud ou à Pasolini sans qu’immédiatement leurs silhouettes ne s’imposent à nous telles qu’Ernest Pignon-Ernest les interpréta. Ces images sont célèbres car elles sont devenues l’identité la plus familière d’un poète, d’un combat ou d’une situation. »

« Ce que je fais c’est un peu comme composer un tableau ou réaliser un montage. Ma palette ce sont les lieux, les lieux et leur histoire. Je tente d’en capter, d’en comprendre l’espace, la lumière, la couleur des murs, leurs textures, c’est-à-dire, en peintre et en sculpteur d’appréhender tout ce qui s’y voit. Et simultanément d’en saisir aussi et surtout tout ce qui ne s’y voit pas, ne s’y voit plus : l’histoire, la mémoire enfouie. Mes images naissent de cette investigation et leur insertion dans ces lieux vise à en faire des espaces plastiques et poétiques, et par ce qui est figuré à en révéler, perturber... exacerber le sens et la symbolique, la force suggestive. On a dit souvent que je faisais des œuvres en situation. En fait, je fais œuvre des situations. »

Ernest Pignon-Ernest

 


Rencontre avec JR et Ernest Pignon-Ernest – FHEL janvier 2023

Retransmission en direct de la rencontre avec JR et Ernest Pignon-Ernest au cœur de l’exposition autour d’une discussion événement sur l’art urbain menée par Pauline Ignacio.
Les deux artistes évoquent entre autres leur rencontre en 2015, les échanges qui les nourrissent depuis lors, ou encore ce qui lie leurs pratiques.

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LIRE : Exposition : la puissance plastique d’Ernest Pignon-Ernest à Landernau

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Retour sur ce parcours que nous commencerons par le récent film d’Alain Amiel « Francis Bacon : Ernest Pignon Ernest : Échanges », puis par le dialogue entre le poète Marcelin Pleynet et l’artiste publié en 1993 sous l’intitulé emprunté à Hölderlin « L’homme habite poétiquement ».

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Francis Bacon : Ernest Pignon Ernest : Échanges

Un film de Alain Amiel (2022)
Produit par la Francis Bacon MB Art Foundation

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A la question du journaliste de Libération Henri-François Debailleux, demandant à Francis Bacon le 27 septembre 1987 s’il s’intéressait à l’art contemporain, particulièrement en France, le peintre britannique a répondu : «  Il y a quelques années, j’avais vu des photos d’un artiste français, Ernest Pignon-Ernest, qui faisait des dessins sur les murs et j’avais trouvé ça très intéressant  ».

Les deux artistes ne se sont pas rencontrés mais ont échangé plusieurs courriers. Francis Bacon a notamment demandé à Ernest Pignon-Ernest de lui envoyer plusieurs agrandissements de ses dessins.

Dans ce documentaire, Pignon-Ernest évoque sa passion pour Bacon et aborde les thématiques communes à leurs œuvres.

Jean Frémon, directeur de la Galerie Lelong, qui a exposé les deux artistes, Yves Peyré et Frank Maubert, auteurs et amis de Bacon, et François-Henri Debailleux, critique d’Art de Libération, évoquent dans des entretiens les résonances qu’ils perçoivent entre les deux artistes et les œuvres qui les lient.

Ce documentaire a été réalisé par Alain Amiel et produit par la Francis Bacon MB Art Foundation. Il est disponible sur le site de la Fondation et sur You Tube.

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L’homme habite poétiquement



Ces entretiens témoignent d’abord de ce qui s’échange et se constitue dans la rencontre de l’artiste, Ernest Pignon-Ernest, et de l’écrivain, Marcelin Pleynet.
Comment deux pratiques, celle de la poésie et celle du dessin, sont-elles contemporaines l’une de l’autre ? Qu’est-ce qui les habite ?
Comment habitent-elles le monde qu’elles partagent ? Comment, aujourd’hui, pour paraphraser un vers bien connu de Hölderlin, "l’homme plein de mérite" habite-t-il encore sur cette terre ?

EXTRAITS



RIMBAUD

Marcelin Pleynet — [...] Si on entend le mot "politique" à partir de son étymologie (politikos, de polis, "cité"), il me semble que l’on peut considérer que la seconde partie de votre oeuvre s’inscrit dans la cité au même titre en effet politique que la première. Elle continue de fait sur ce même courant, à cela près, et justement à partir de ce que vous avez fait sur Rimbaud, que l’intervention dans la cité devient une intervention qui se charge d’une dimension plus explicitement liée au symbolique, c’est-à-dire à la poésie, à l’art, à des formes symboliques du langage. A partir du moment où vous affichez votre Rimbaud vos travaux s’inscrivent toujours dans la cité, jouent toujours leur rôle dans la cité mais un rôle qui se connote d’une dimension plus déclarativement poétique, dans le cas de Rimbaud notamment, ou plus déclarativement liée au langage plastique et à l’histoire de l’art, disons dans une connotation plus généralement poétique. Mais il faudrait entendre poétique au sens que déclare Hölderlin lorsqu’il écrit : " L’homme habite poétiquement. " Sur cette phrase de Hölderlin il y a un très bel essai [1] dans lequel Heidegger explique que, en effet, habiter poétiquement ça n’a pas une connotation romantique, mais au contraire une connotation extrêmement concrète, c’est-à-dire que l’homme n’habite que tant qu’il est dans la réalisation, dans le faire, dans la poésie, qu’il n’habite poétiquement que pour autant qu’il se réalise dans cette habitation, que pour autant qu’il se réalise poétiquement, où il est poétiquement dans la cité.


Ernest Pignon-Ernest, Rimbaud
Photo A.G., Expo Pignon-Ernest, Charleville, 23 août 2015. Zoom : cliquez sur l’image.
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Il me semble que cette dimension qui se marque de façon très constante à partir de votre Rimbaud, on ne peut pas l’évacuer de votre oeuvre, elle comprend et elle excède la littéralité de vos interventions. C’est-à-dire qu’il y a une littéralité de vos interventions, les pièces (les dessins) sont accrochées dans la rue, dans la cité, ça c’est la littéralité ; littéralité si je comprends bien d’ailleurs qui a eu des retentissements intéressants, vous m’avez dit que votre Rimbaud était entré dans un roman...

Ernest Pignon-Ernest — Oui, plusieurs...

M. P. — Dans plusieurs romans. Ça montre bien la multiplicité de l’effet factuel de la présence littérale d’une figure affichée, et son influence lorsqu’elle joue d’une charge sémantique implicite — cette figure tend immédiatement à inspirer d’autres systèmes symboliques et par ce fait à révéler objectivement sa complexité et la complexité de sa stratégie. Donc il y a une dimension littérale de l’oeuvre, les pièces sont dans la rue, elles évoquent une figure mais cette figure elle-même véhicule un certain nombre de sens, de références qui sont vastes et complexes, il y a la dimension littérale et puis il y a tous les sens qui viennent plus ou moins explicitement, plus ou moins déclarativement accompagner et charger cette littéralité. Comment cela se manifeste-t-il à vous pour la première fois ? Vous vous souvenez du moment où vous avez pris la décision de dessiner votre Rimbaud ?

E. P-E. — Je crois que depuis l’adolescence je me suis coltiné en permanence avec l’image de Rimbaud à chaque pas nouveau dans mon travail, j’ai dû entreprendre un nouveau portrait, bien sûr des portraits qui ne voulaient pas s’arrêter aux apparences. Mais je crois aussi que je les ai toujours commencés avec le sentiment que ce serait raté, que je serais déçu, que c’était en quelque sorte impossible. Impossible de le figer dans une image unique comme il va de soi qu’il est impossible de faire un Rimbaud en marbre, qu’il y aurait une espèce de contradiction insurmontable à moins d’être le Bernin ou Picasso, j’avais plusieurs fois renoncé.
Ce n’est qu’en 1977 lorsque j’ai mieux compris comment fonctionnaient mes interventions que j’ai osé à nouveau envisager un travail sur Rimbaud. Lorsque j’ai pu apprécier avec mes collages précédents combien chaque lieu choisi, chaque support, chaque couleur ou chaque matière à laquelle j’associais mon image, en changeaient le sens, le multipliaient, le diversifiaient.
En travaillant la mise en place, l’image n’avait pas la même signification, la même poésie sur un transformateur électrique, sur une autoroute ou rue Campagne-Première.
J’avais vu que je ne pouvais pas dire Rimbaud, tout ce que porte son oeuvre, sa vie, son mythe avec un dessin qu’on pourrait encadrer dans un salon, qu’il fallait une palette plus large, d’autres couleurs, des liens plus directs avec la vie. J’avais avec mes collages cette possibilité d’un Rimbaud pluriel, jamais figé dont la fragilité, la vulnérabilité serait un élément rimbaldien, suicidaire, de plus...

[...]

M. P. — Je voudrais savoir quel est le poème de Rimbaud auquel vous pensez le plus souvent, celui avec lequel vous êtes le plus familier...

Ernest Pignon-Ernest — Je ne sais pas beaucoup de choses par coeur...

M. P. — Dans la tête comme ça...

E. P.-E. — Parce que c’est la conjonction de plusieurs choses...

Elle est retrouvée.
Quoi ? L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.

M. P. — C’est ce qui revient le plus régulièrement... "l’Eternité" !

E. P.-E. — Oui, et la mer, et le soleil. C’est la dernière phrase de Pierrot le Fou, quand il se fait sauter la tête avec de la dynamite de toutes les couleurs, Pierrot le Fou, Godard... et Rimbaud ont vraiment beaucoup compté.

M. P. — Je crois en effet qu’à partir de Rimbaud... l’impact des images, des dessins, tient énormément au fait que quelque chose de l’ordre poétique, de l’ordre d’un langage artistique, pénètre la cité, se trouve dans la cité, et qu’on le rencontre grâce à vous là où on devrait le rencontrer, là où en principe on ne le rencontre jamais. Autrement dit, lorsque les Rimbaud se sont retrouvés dans la ville (et il est manifeste que leur présence quasi contemporaine dans un certain nombre de romans vient soutenir ce que je veux dire là), lorsque les Rimbaud se sont retrouvés dans la ville, ils se sont trouvés exactement là où doit se trouver l’oeuvre d’art, les poèmes, je veux dire que la peinture n’est à sa place au Louvre, que la littérature et la poésie ne sont à leur place à la Bibliothèque nationale que dans la mesure, et seulement dans la mesure, où ils sont : la peinture dans tous les yeux et la littérature et la poésie dans toutes les têtes.

E. P.-E. — Où ils ont déjà joué leur rôle...

M. P. —en effet ils ont pénétré la cité. Or chacun sait qu’une telle situation n’existe pas une fois pour toutes, qu’elle est toujours et indéfiniment à rejouer. Pour expliquer ça à mes élèves, j’ai coutume de leur citer un recueil de René Char La bibliothèque est en feu... Qu’est-ce ça veut dire ? Est-ce que c’est une pure fantaisie surréaliste comme dans un tableau de Magritte ? Ou est-ce que ça tend à dire quelque chose de plus ? "La bibliothèque est en feu’’, ça veut dire tout simplement qu’on a lu la bibliothèque et qu’on s’en est nourri, exactement comme des aliments qu’on brûle, et ce qui vaut pour la littérature vaut pour la peinture, oui il faut faire la même chose avec le Louvre, il faut avoir assez d’appétit pour avaler le Louvre et assez d’estomac pour le digérer, il faut brûler le Louvre, si je puis dire, de cette façon-là. Et bien entendu, c’est un poète qui le dit, et bien entendu c’est la chose du monde la moins communément partagée et comprise.
Je crois que ce qui, à partir de votre Rimbaud, produit un événement considérable dans vos interventions, c’est que vous mettez l’œuvre d’art et la littérature précisément là où elles doivent être, et le fait de montrer que cette place-là est très fragile et que ce qui s’y risque, risque d’être détruit, manifeste très efficacement qu’aujourd’hui comme hier nous vivons dans un monde, une société, une ville, une organisation sociale où il n’y a rien de moins assuré que la présence d’un poète, de Rimbaud, que la présence du peintre, du Caravage, que ce soit en France, en Italie ou ailleurs. On pourrait penser qu’un geste comme celui-là reste opérant en dehors de la qualité plastique de l’œuvre qui le porte. Nous avons mille exemples qui prouvent qu’il n’en est rien... Il faut qu’une œuvre manifestement qualifiée (plastiquement qualifiée) coure le risque d’être réellement endommagée, d’être détruite, pour que l’événement (la prise de conscience) ait lieu. Supposer que demain, ou hier, un ministère de la Culture décide de consacrer une année à Rimbaud et de mettre des affiches Rimbaud sur tous les murs de Paris, ça n’aura littéralement aucun effet, parce que le mode de reproduction mécanique entre directement dans l’ordre des clichés de la machine de consommation publicitaire et spectaculaire qui n’a d’autre objet que de réduire et autant que possible d’évacuer le sens singulier de l’œuvre qu’elle cite. Pour que dans la rue un événement ait l’efficacité d’une rencontre fortuite, il faut que ce soit un artiste qui s’y engage et, intervenant, qu’il coure le même risque que son œuvre court et que l’œuvre qu’il cite court par la même occasion. Par ailleurs, vous n’avez pas choisi n’importe quel poète, vous avez choisi Rimbaud qui a eu une vie extrêmement aventureuse, puis vous choisissez Pasolini dont l’œuvre participe d’une expérience existentielle forte... est-ce que ces choix sont le fait d’une réflexion ou est-ce que vous avez été là spontanément, sans réflexion. Pasolini...

E. P.-E. — Dans ces choix ?

M. P. — Dans ce choix. Rimbaud, c’est quelque chose qui vous habite depuis bien longtemps si j’ai bien compris... votre geste fut donc un geste spontané ?

E. P.-E. — Pour un adolescent en France, Rimbaud est la première rencontre importante, ce rêve de quelque chose de radical, de remise en cause totale de l’écriture, de la culture, de l’existence. J’avais le projet de reprendre pour la énième fois Rimbaud et puis ce qui peut-être a provoqué, accéléré la mise en chantier, c’est que j’avais été agacé par le détournement disons plutôt l’utilisation de son "changer la vie" en mot d’ordre politique, je l’avais ressenti comme s’il y avait une trahison, une contradiction. Comment écrire "changer la vie" en caractère typographique sur une affiche politique ? Comme si tout le matériau disait le contraire des mots.
Dans mon image, il y avait un peu l’idée de demander des comptes : "On vous le rappellera."

PASOLINI

M. P. — Pasolini, c’est l’année suivante...

E. P.-E. — Non , non, c’est longtemps après... deux ou trois ans après, en 1981. Rimbaud, j’ai dû commencer à coller en 1978.

M. P — En quelle année Pasolini est-il assassiné ?

E. P -E. — Je ne m’en souviens plus... 1975, je crois.

M. P. — Comment abordez-vous Pasolini ? Par le cinéma ?

E. P.-E. — Par des poèmes d’abord, et puis par le cinéma.

M. P. — Pas les romans ?

E. P.-E. — Non, je ne les ai lus que plus tard, les poèmes d’abord, puis le cinéma. Que ce soit à travers ses poèmes ou ses films j’avais été impressionné par cette faculté, cette volonté qu’il avait de saisir toujours les deux bouts des contradictions au risque d’en être écartelé. Pour moi c’était exemplaire — il n’aurait sûrement pas aimé être exemplaire ! — sa façon très aiguë de parler d’aujourd’hui en s’appuyant sur les grands mythes qui ont fondé notre imaginaire, notre conscience. Dans les Ecrits corsaires, il tient pour les jeunes gens des jeunesses communistes une chronique en prise sur les problèmes les plus quotidiens, les plus concrets pendant qu’il tourne Médée ou l’Evangile.
Cette façon lyrique et fraternelle de dire que tout communique, terre, homme, mythe, de mêler la Grèce, l’Italie, l’Afrique, les deux rives de la Méditerranée... Exemplaire aussi cette façon de tout mettre en porte-à-faux. Il est communiste mais il affirme au long de ses livres, de ses films, que ce désir désespéré qui l’anime de voir naître d’autres valeurs plus fraternelles, plus généreuses est un héritage chrétien. Et puis quand ça deviendrait presque respectable d’être communiste, son homosexualité affirmée le fait exclure, rejeter. Et puis surtout cette espèce de clairvoyance prophétique qui lui a fait le premier pressentir comment la société de consommation allait détourner, transformer en marchandise les désirs de liberté, sexuelle entre autres, comment elle pouvait en faire des outils d’aliénation, de nivellement, de destruction des valeurs. Il a osé aller à contre­ courant sur les problèmes les plus aigus.

M. P. — C’est-à-dire déjouer la convention du moment et peut-être même surtout lors­ qu’elle a l’air d’être moderne...

E. P.-E. — Oui, lucidité, clairvoyance, je connaissais ce poème par cœur, ça m’a troublé quand il est mort. Ça s’appelle Una disperata vitalità. "Je suis comme un chat brûlé vif écrasé sous les roues d’un gros camion pendu par des gamins à un figuier..."

M. P. — Comment ça se passe ? Pour Rimbaud vous m’avez dit que vous avez commencé par faire un certain nombre de portraits. Est­ ce que lorsque quelque chose comme ça surgit, pour vous, le geste initial c’est le portrait ?

E. P.-E. — Je commence en effet souvent par des portraits, je sais qu’ils ne serviront pas directement aux images que je mettrai dans les rues. Beaucoup de dessins, de nombreux portraits, en effet j’aime le face à face, la concentration que ça provoque, mais d’autres choses aussi, ça me permet d’amorcer comme un dialogue avec le thème. Une espèce d’investigation, pour le comprendre, le saisir. Probablement ce qu’on peut faire aussi avec l’écriture. Peu à peu je m’installe dans le temps du thème.

M. P. — Vous commencez à accumuler...

E. P.-E. — Oui, j’accumule des dessins, des notes, des livres, là je me souviens d’avoir réuni toutes les photos de ses films où je trouvais une influence de la peinture, Masaccio, Mantegna, Piero della Francesca Duccio, le Caravage, Giotto... et je dessinais à partir de ça...

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Ernest Pignon-Ernest, Pasolini portant son cadavre.
Zoom : cliquez l’image.
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M. P. — Vous commencez donc par une série d’études. Il y a un moment où arrive l’idée ce sera : je vais travailler sur Pasolini.

E. P.-E. — En fait, lorsque j’ai décidé de commencer ce travail autour de la mort de Pasolini, j’en avais déjà l’idée et le désir dans la tête depuis plusieurs années. Là, j’étais en Toscane, invité à faire un travail sur la ville de Certaldo. C’est là que j’ai réalisé ces images qui sont comme un salut un hommage à Boccace qui y est né et mort. C’étaient ces images de femmes et d’hommes nus qui grimpaient aux fenêtres de toutes les chambres de la ville.
Je n’y étais allé que pour travailler sur Boccace. Mais en y restant quelques mois, le paysage de la région m’a semblé exemplaire. Il y a à la fois les doux vallonnements couverts d’oliviers, les cyprès, la lumière des peintures du Quattrocento et en même temps c’est une région en pleine transformation, catastrophique, constructions anarchiques d’entrepôts, d’usines, de maisons particulières à l’architecture, aux couleurs, aux matériaux minables, vulgaires, clinquants.
On y voit physiquement et très violemment à cause de la confrontation avec la beauté environnante l’arrogance, l’agressivité, l’acculturation que porte avec elle cette société qui n’a pas d’autres critères que ceux de la réussite matérielle.
Là ce sont les lieux qui ont tout déclenché. Ce qu’ils disaient concrètement : cette souillure dégradant de façon irréversible ce paysage du Quattrocento m’a fait penser à Pasolini, à son combat contre tout ce qu’il appelait la nouvelle barbarie. J’avais pensé déjà plusieurs fois traiter du caractère emblématique de son assassinat, de cette persécution permanente qui a fait de lui une espèce de martyre de la société. Sûrement j’interrogerai encore ce que signifie cette élimination d’un poète.
Dans la première image que j’ai collée à Naples inspirée du David et Goliath, je l’ai associé au Caravage. Les textes de Pasolini sur Naples sont parmi les plus beaux et les plus prophétiques. Il avait en commun avec le Caravage ce mode de vie nourri de passion et d’exigences radicales, l’amour de Naples et des Napolitains et finalement cette mort violente aussi près de la mer.
Elève de Longhi, le redécouvreur du Caravage, on dit que Pasolini aurait commencé une thèse sur le peintre.
Sur mon dessin, leurs têtes tranchées pendent dans les mains du David pour lequel un jeune Napolitain a servi de modèle. Dans la main gauche on sait que c’est un autoportrait prophétique du Caravage. Pour la main droite, qu’on ne voit pas dans le tableau, je me suis inspiré de celle du provocant Amour profane pour tenir la tête tranchée de Pasolini. Je l’ai dessiné avec le bandeau qu’il porte dans le Décaméron où il joue le rôle d’un peintre, le meilleur élève de Giotto, avait-il dit.

LE DESSIN

M. P. — Ma préoccupation c’est le passage du moment de l’inspiration, c’est-à-dire quelque chose arrive et se fixe sur une figure, c’est­ à-dire le moment où la chose surgit et le moment où votre décision est prise, où vous décidez de l’afficher, de passer à l’acte dans la rue.
Dans le catalogue d’une exposition intitulée l’Œil du connaisseur, Roseline Bacou dit : "Le dessin est une écriture", et il me semble qu’il y a de cela dans votre dessin, et dans votre dessein... c’est très curieux parce que si je regarde l’ensemble de votre travail, il y a à tout moment derrière chacune des étapes qui constituent ce travail comme une fiction qui se met en place, chaque fois un récit se trouve lié au dessin...

E. P.-E. — Je ne comprends pas bien comment...

M. P. — Disons, pour Rimbaud c’est la biographie de Rimbaud... Si vous prenez Pasolini, c’est une accumulation de récits, exactement d’ailleurs comme pour Rimbaud, qui se constitue dans une mythologie individuelle qui est elle-même un récit. C’est à partir de là que cette idée d’écriture, de dessin et dessein, m’a semblé intéressante parce que, en effet, ça laisse supposer, si on prend le dessin comme écriture, ça laisse supposer que le dessin a un caractère déclaratif, que la peinture n’a pas forcément, ou plutôt a un caractère immédiatement déclaratif que la peinture n’a pas forcément, si vous préférez, au premier degré. Le dessin a quasi immédiatement, est immédiatement perçu dans son caractère déclaratif alors que la peinture aurait un caractère déclaratif mais au deuxième ou au troisième degré. Il y a une communication avec le dessin qui participe certes d’un double mouvement, mais dont le premier mouvement est un mouvement d’intelligence immédiate, alors que la peinture demande un arrêt plus prolongé et en effet une communication qui est toujours différée. Il y a bien entendu aussi une communication différée dans le dessin, mais à travers un événement, un récit graphique, immédiatement perçu, quel que soit le dessin. Par exemple, pour essayer d’être plus clair, on voit aujourd’hui dans les dessins de Delacroix, de Matisse, etc., le geste du dessin, c’est le geste d’une esquisse, geste scriptural en effet. Les dessins de Delacroix, je pense à ceux qu’il a réalisés lors de son voyage au Maroc, pour la plupart n’ont pas été faits pour être exposés, ils ont été faits pour servir de référence, d’aide-mémoire et ils s’imposent d’abord dans leur spontanéité actuelle, parce qu’ils participaient spontanément, sur le vif, de l’expérience de Delacroix. Ils établissent une communication immédiate entre l’artiste et son sujet, qui exclut toute conceptualisation. Ils témoignent en direct d’une expérience factuelle et de ses qualités d’écriture, de ses qualités graphiques. Lorsqu’on regarde les dessins de Delacroix, mais aussi bien des dessins du XVIe ou du XVIIe siècle italien, on communique immédiatement avec le geste, avec le projet de l’artiste. Les dessins de Michel­ Ange, de Raphaël, de Titien, etc., nous paraissent toujours plus contemporains et plus "modernes" que les tableaux, sans doute d’abord parce qu’ils gardent la trace graphique et spontanée de leur réalisation. Il faut du temps pour assimiler, pour réactualiser un tableau alors qu’on réactualise un dessin très vite.

E. P.-E. — En effet, le dessin a quelque chose de direct, de simple, il reste en quelque sorte toujours comme une trace directe, le souvenir du premier type qui a posé sa main couverte d’argile sur le mur de sa caverne. Avec le dessin, ces questions sur la nécessité de montrer le "faire", le "comment c’est fait", qu’on s’est posées dans la peinture n’ont pas cours. Le dessin s’affirme, se montre comme dessin. On y est libéré de certaines spéculations spécifiquement picturales, qu’on se posait il n’y a pas longtemps. Je ne veux pas dire que c’était inintéressant. Mais avec le dessin on pouvait en faire l’économie. J’ai l’impression que le dessin est par nature à la fois plus simple et plus conceptuel et qu’il ne s’y pose pas ces problèmes de traitement de l’espace qu’on a posés dans la peinture.

M. P. — Ce qui explique qu’on ne rencontre pas, si on regarde un dessin, les sortes de résistances de savoir qu’implique la peinture ; comme il est moins établi dans des systèmes, perspective, espace, forme rhétorique des récits, on y a un accès plus immédiat.
Mais je me demande si aujourd’hui même le dessin ne déjoue pas plus efficacement ce que j’appellerai notre culture de l’image. Notre culture de l’image est d’abord celle d’images extrêmement convenues dans les formes de reproduction mécanique. Avec par exemple, la télévision, l’appareil-photo, l’image reste prise dans l’espace d’une vision monoculaire propre aux formes les plus idéalistes de perspective académique. Nous sommes dans une culture de l’image archi­ académique. Toute la consommation que nous faisons de magazines, féminins, politiques, etc., c’est une consommation d’images extrêmement convenues et je me demande si en effet le dessin comme écriture et comme manifestation d’un geste qui est forcément singulier, et qui n’est pas le geste d’un appareil, je me demande s’il n’a pas aussi une activité tout à fait spécifique de détournement, de subversion de l’image, du lieu et de l’espace.

E. P.-E. — J’en suis persuadé, le dessin pointe une exigence du regard, impose une décantation... Dans cette période d’abondance artificielle d’images, de clips, le dessin oblige à aller à l’essentiel, à voir ce qui se camoufle sous les artifices, l’anecdote, le bluff ou le clinquant.
Si je dessine quelqu’un je ne vais pas arrêter mon regard aux plis de sa veste.
J’essaie de comprendre comment il tient sa tête sur ses épaules, comment les bras s’y attachent et si je dessine les plis de la veste, leur tracé sera nourri de tout ça, parlera de tout ça.
Mes images sont élaborées comme ça, mais je sais en même temps que je ne règle pas tout le thème que je souhaite saisir, uniquement avec le dessin, qu’une grande partie du sens viendra du lieu où il sera inscrit. Des qualités propres, plastiques et symboliques, de ce lieu et des virtualités suggestives que cette insertion devrait y provoquer.
Cependant cette perspective pose un problème spécifique au dessin même. Pour que cette inscription fonctionne il ne faut pas que le dessin apparaisse comme un dessin exposé dans la rue mais qu’il noue des liens physiques avec le mur, le sol, l’espace de la rue, il faut que certains de ces éléments deviennent partie du dessin.

M. P. — Ça je l’entends bien. Votre activité, si on essaie de la résumer de façon abstraite, consiste en effet à associer votre dessin à vous et à la ville, c’est-à-dire à un certain lieu, une certaine rue, un certain bâtiment clans la rue, etc., mais grosso modo vous associez le dessin et la ville, et vous vous refusez de les dissocier, je dirai même que l’essentiel de votre activité c’est de refuser...

E. P.-E. — C’est le lien...

M. P. — Vous venez d’en faire la démonstration, je parlais du dessin et immédiatement vous l’avez remis là où pour vous il prend dimension et sens. Ce qui vous distingue de tout autre c’est peut-être moins d’associer le dessin et la ville que de refuser systématiquement de les dissocier.

E. P.-E. — Oui, parce que c’est vraiment à quatre-vingts pour cent mon matériau plastique et poétique.

M. P. — J’entends bien. Je crois que ça participe du fondement même de votre poétique. Mais je voudrais sur cette base revenir à une chose que vous soulignez mais sur laquelle vous ne vous attardez pas, lorsque vous dites : "Si ce que je mets dans ces espaces-là n’était pas une œuvre réelle, si ce n’était pas bon, ça ne tiendrait pas le coup, ça ne marcherait pas... Ça ne marcherait pas parce que ça s’effacerait, ça disparaîtrait", or précisément ce que vous réussissez magnifiquement, c’est à faire apparaître, à créer un événement qui est un événement poétique, au sens où l’homme habite poétiquement, c’est-à-dire dans sa cité... Il y a un commentaire de Heidegger là-dessus où il explique que "habiter poétiquement", ça veut dire habiter ce qui constitue la réalité de l’habitation, non pas habiter ses rêves, non pas même habiter tel ou tel immeuble, mais habiter la réalité, habiter la loi, habiter la ville en tant que loi, habiter l’homme en tant qu’il habite, en tant qu’il est dans la ville... On ne peut bien entendu réussir cela qu’en marquant ce qui constitue la mesure de la ville, de la cité ; la mesure de l’homme dans sa ville, de l’homme dans son habitation. Comme on disait tout à l’heure, si vous mettiez des affiches, elles disparaîtraient précisément dans ce qui rend la ville non pas inhabitable mais inhabitée, c’est-à-dire convenue, conventionnelle, sans pensée et sans vie, inhabitée. Pour renverser, pour retourner une semblable situation, pour que le geste qui la joue fasse événement, il faut qu’il habite, c’est-à-dire qu’il s’impose singulièrement. C’est sur cette singularité-là que je voudrais m’attarder parce que cette singularité participe de deux moments absolument liés et associés dans l’artiste que vous êtes, deux gestes si vous préférez, le geste qui vous porte dehors, et le geste par lequel vous portez dehors quelque chose qui est dedans, le geste par lequel vous manifestez littéralement que vous portez dehors, que vous affichez, et le fait que cette littéralité-là est chargée d’une dimension symbolique qui l’impose à travers des qualités factuelles, des qualités graphiques, des qualités formelles, des qualités plastiques, des qualités d’écriture qui, à être exposées dans une certaine situation, surdéterminent les éléments de cette situation en l’habitant poétiquement. Ces qualités passent par le bras, par la main, par quelque chose comme un crayon, un fusain, un charbon... ce sont les qualités du dessin.
Ce que je voudrais savoir — c’est difficile de s’approcher de ça — mais c’est une fois que vous avez choisi votre motif... Votre motif est toujours double, c’est à la fois le lieu dans lequel le dessin va être posé et ce que vous allez mettre dans ce lieu, votre motif au sens aussi bien d’ailleurs où Cézanne parlait de son motif, après tout Rimbaud vaut bien une montagne Sainte-Victoire...

E. P.-E. — Ou des pommes...

M. P. — Absolument. Donc à partir du moment où vous avez votre motif, qu’est-ce qui détermine le geste graphique ? Par exemple, pour aborder cette détermination du geste graphique, vous m’avez confié qu’un même dessin peut emprunter des références à plusieurs oeuvres, à plusieurs peintres et à plusieurs types de tableaux. Comment est-ce que ça surgit ?

E. P.-E. — Je dois dire qu’il est de plus en plus rare que ça surgisse vraiment, en tout cas que ça surgisse rapidement. Je mène de front une multitude d’interrogations et de recherches hétérogènes. Et avec le temps l’éventail s’élargit toujours plus. Des choses relatives au sens du projet, à l’histoire, à l’histoire iconographique du sujet, à la façon dont, si c’est le cas, il a déjà été traité... et puis à des choses périphériques, qui n’ont quelquefois apparemment que de lointains rapports avec le sujet. Ça passe par des lectures, des dessins, de la marche, des repérages, de nuit et de jour, par l’écoute des gens, à Naples, des curés aux urbanistes... J’engrange dans mes carnets et dans ma tête des notes, des croquis, des impressions.
J’essaie de comprendre les lieux, de les assimiler, de l’espace à la matière des murs ou du sol. Je travaille à enrichir ma connaissance en amont de chaque élément d’histoire, de légende, d’iconographie. Une accumulation désordonnée pour nourrir l’imagination, en quelque sorte enrichir ma palette, la complexifier, l’inscrire dans le temps, même si beaucoup de ces choses engrangées ne sont pas du domaine visuel. Par exemple les souvenirs qui hantent les lieux.
Et puis un de ces éléments, peut-être un croquis, une découverte de lecture, un tableau, la marche de nuit dans la rue, va déclencher quelque chose. Je me rends compte assez vite maintenant si cet élément déclencheur va pouvoir s’enrichir de tous les autres, ou s’il va les traîner comme des handicaps et l’idée s’appauvrir. Mettons, pour prendre un exemple un peu simple, qu’en travaillant un thème, naisse l’idée de faire un type qui court. Immédiatement mon expérience des images me fera abandonner cette idée parce que dans un travail comme le mien un type qui court, sur une image fixe collée dans la rue, ça ne peut pas fonctionner... on en parlait tout à l’heure à propos de Rimbaud, il fallait que ce soit un marcheur, mais qu’il ne soit pas ridicule, figé un pied en l’air... que ce soit un marcheur, même arrêté. Il y a souvent ainsi entre les idées et leur solution plastique dans cette optique in situ de vraies contradictions.

M. P. — Des contraintes...

E. P.-E. — Il faut que j’accumule à la fois tout ce que je peux savoir du sujet, que je l’assimile et que je le mette à l’épreuve des contraintes plastiques, celles du dessin et de l’insertion dans le lieu. Je dis contrainte mais ça peut évidemment être envisagé au contraire comme un stimulant. Surmonter des contraintes ou des contradictions superposées et complexes peut amener à trouver des solutions plastiques ou graphiques originales, singulières.
Je peux simplement, pour raconter ce processus, prendre un exemple précis. ]’ai développé à Naples deux parcours essentiels, un sur les rites de mort et leur relation avec le sous-sol, l’autre sur l’image des femmes. Je souhaitais par une image stigmatiser le croisement entre ces deux interventions.

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Ernest Pignon-Ernest « Mort de la vierge d’après Caravage », Naples, 1990.
Pierre noire sur papier 77 x 140 cm
© Ernest Pignon-Ernest / Courtesy Galerie Lelong & Co.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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J’avais repéré plusieurs lieux qui auraient pu convenir, réfléchi à plusieurs images "piochées" dans la peinture napolitaine et travaillé dessus. Mattia Pretti, Solimena, Giordano. Je hantais la ville avec tout ça dans mon magasin mental. La Mort de la Vierge du Caravage résistait, si j’ose dire, me posait des problèmes. Il est par exemple absolument impossible d’utiliser dans les rues d’aujourd’hui les apôtres qui entourent son lit et en même temps il me semblait qu’extraire seulement de la toile le corps de la Vierge morte allait lui conférer un supplément de tragique que je ne voulais pas. Difficile à expliquer, l’idée de la mettre seule dans la rue ne me semblait pas possible. Citer la Madeleine qui est au premier plan du tableau entraînait la construction d’une perspective, d’un effet de profondeur qui ne peut pas fonctionner dans ces rues étroites. Je me faisais peu à peu à l’idée de renoncer à cette citation.
J’arpentais souvent Spaccanapoli, c’est une rue très longue, très étroite qui, comme son nom l’indique, fend Naples. Il y a quelques expressions napolitaines où cette fente est chargée d’allusions au sexe féminin. J’avais remarqué la présence en permanence de deux vieilles femmes dans le creux de la porte murée d’une chapelle. Je les voyais chaque jour, elles y vendent des cigarettes de contrebande et des serpillières. Et simplement parce que leur table de bois carrée était placée différemment, il m’est apparu un jour qu’elles pourraient être, elles et leur attirail, cette présence charnière entre l’image et la rue, cette présence que je cherchais, que joue Madeleine au premier plan du tableau. J’ai eu quelques difficultés encore, le raccourci du bras gauche et la main qui auraient été remarquables dans la chapelle de l’église de Santa Maria della Scala pour laquelle le Caravage l’avait peinte et où on le lui avait refusée, ne fonctionnaient pas dans cette rue étroite où l’image n’est jamais abordée de face. J’ai lutté pas mal avec ce raccourci, puis les deux vieilles femmes ont découvert un matin l’image qu’elles ont adoptée, veillée presque.

M. P. — Pour en revenir à Pasolini, vous avez utilisé la dépouille qui se trouve au centre du Jugement dernier de Michel-Ange à la chapelle Sixtine, en y mettant plus ou moins la tête de Pasolini...

E. P.-E. — Plus ou moins de Pasolini.

M. P. — Comment cela arrive-t-il ?

E. P.-E. — Quelquefois cette gymnastique de mise en images est très simple, j’essaie de prendre l’image au pied de l’image. De tout ce que je savais de sa vie et de sa mort, Pasolini m’apparaissait comme celui qui y a laissé sa peau, meurtri dans son corps par les drames de son époque, sa sensibilité d’écorché.
C’est ça, Pasolini c’était l’écorché. A partir de là, je mène ma quête. Si vous dessinez une peau à partir de documents anatomiques, scientifiques contemporains, c’est froid, technique et presque non identifiable. Je n’ai pas trouvé non plus dans l’histoire de la peinture un écorché qui ne fasse pas anatomie. Je suis même allé voir la peau véritable d’un écorché au musée Spitzner, là ça fait grand guignol.
C’est au cours de ces recherches que m’est revenu le souvenir de la Sixtine, cette peau de saint Barthélemy, elle n’a pas cet aspect planche technique ou monstrueux des représentations que j’avais vues jusque­ là. Et par ailleurs, on pense qu’il s’agit d’un autoportrait, que Michel-Ange s’est peint lui­ même en écorché. Etant donné la personnalité de Pasolini, son dialogue permanent avec la peinture, la personnalité de Michel­ Ange, bien des choses dans la vie, les exigences, les œuvres de ces deux poètes ont fait que cette superposition m’a semblé tout à fait recevable et même enrichissante. Il y a des cas bien sûr, on l’a vu, où j’ai trouvé des images qui répondaient à ce que je souhaitais mais qui, pour des raisons graphiques ou d’espaces, ne supportaient pas leur inscription dans la rue. Là en Toscane, il m’a fallu très peu de travail pour que l’image y fonctionne tout à fait. Ça faisait penser à un linge, un drap, et en même temps, au voile de Véronique, qui est pour moi, avec la photo d’Hiroshima et l’empreinte de main de la grotte Pech-Merle, une référence essentielle.

M. P. — Ce que vous dites là me semble important, ça me semble aller dans le sens de ce que je crois percevoir comme constituant la qualité propre de votre dessin... Tout ce que vous dites... lorsque vous évoquez le voile de Véronique, les écorchés, etc., on voit se produire dans votre discours même, comme me semble-il dans votre œuvre, mais beaucoup moins sommairement dans votre œuvre, ce qu’on pourrait appeler une sorte d’accumulation sémantique, d’accumulation de sens sur une même image ; brusquement les références s’accumulent et constituent une sorte de traversée actualisante d’un ensemble historique extrêmement vaste et complexe. Si on parle du voile de Véronique, on se retrouve dans le Nouveau Testament... avec le Jugement dernier, on est toujours dans cette culture qui est la nôtre... On a à la fois accumulation de récits, accumulation d’images et accumulation de formes plastiques et linguistiques.
Je suis également frappé de ce que, à partir de 1980, les références à la culture et à l’art italiens deviennent prédominantes. Je suppose qu’elles étaient présentes avant, mais brusquement elles deviennent, au cours des treize dernières années, très évidentes. Vous êtes bilingue ?

E. P.-E. — Non, pas vraiment, ça me désespère, c’est vraiment une mutilation, vous savez, je suis du quartier du port à Nice, je me sens plus chez moi à Naples qu’à Paris, je me sens franco-italien.

M. P. — Il y a assez tôt ce voyage en Italie au cours duquel vous dessiniez dans la rue pour la première fois. Objectivement, ce geste accompagne votre découverte, in situ, si je puis dire, de l’art italien. Quelles que soient les raisons qui motivent initialement ce geste, on doit le considérer comme associé à votre présence dans les rues de Florence et à votre découverte de l’histoire de l’art, de la culture en Italie. Ce qui m’occupe ici c’est votre traversée d’un ensemble de références, liées à l’histoire de l’art, et la façon dont ces références vous servent à révéler un certain nombre d’événements et de figures, modernes ou contemporaines, témoignant d’expériences existentielles extrêmement fortes : Rimbaud et Pasolini par exemple. Vous mettez en évidence, vous affichez ces figures contemporaines mais en les révélant liées à un ensemble culturel, historique (par exemple en liant le destin de Pasolini avec celui de Michel-Ange) et en leur donnant dans ce dessein une épaisseur sémantique susceptible de déjouer la spéculation médiatique dans laquelle elles se trouvent prises. Pour Pasolini, c’est frappant, même la mort de Pasolini est devenue une sorte de spéculation médiatique, Rimbaud on a eu ça il y a un an, il fallait que tous les Français s’adressent les uns aux autres un poème de Rimbaud mais pas question bien entendu de citer le Sonnet du trou du cul. Chaque fois la spéculation médiatique tend en effet à glacer la réalité existentielle de l’œuvre.

E. P.-E. — D’ailleurs je mets aussi des personnages complètement anonymes...

M. P. — Donc vous donnez à ces figures une épaisseur sémantique qui fonde leur actualité en les projetant dans leur histoire, qui est aussi histoire de la culture, histoire de l’art, l’histoire d’un art où votre dessin trouve place et inévitablement, en conséquence, se qualifie. La qualité de votre dessin, liée à l’ensemble des références qu’il assume et actualise, révèle à nouveau dans sa singularité la figure et le lieu qui l’accueille. Lors­ qu’on rencontre un de vos dessins dans la rue, on rencontre d’abord une référence plus ou moins claire, plus ou moins explicite à tel ou tel événement laïque ou religieux. Prenons Pasolini, on croise dans la rue l’image d’un écrivain italien, que tout le monde ne connaît pas forcément, si cette figure, comme c’est le cas, se trouve associée au Jugement dernier de Michel-Ange, c’est une double mémoire ou un double oubli, qui charge, plus ou moins clairement, l’image qui va dès lors fonctionner comme familière étrangeté et comme étrange familiarité, de telle façon que (sur un défaut ponctuel de mémoire, voire sur le rappel inattendu de la mémoire) cette figure engage un processus mnémonique susceptible de révéler la richesse du langage, du lieu où, comme dit Hölderlin, “l’homme habite poétiquement". Je pense que ça se joue comme ça, c’est­-à-dire que la rencontre avec un de vos dessins arrête, parce que le dessin qualifie le lieu où il se trouve, mais arrête aussi parce que les citations culturelles qu’il évoque ne sont jamais absolument inconnues : ces dessins arrêtent aussi parce qu’ils introduisent à un espace qui excède l’espace quotidien, qui entraîne l’espace quotidien dans un volume d’histoire, de culture qui devrait être normalement le sien mais qui est ou tout à fait évacué, ou en grande partie oublié. Je me demande si ce qui constitue la singularité de votre dessin et sa qualité ne tient pas au fait que vous soyez vous-même en situation, au moment où vous êtes en train de dessiner, de faire toutes ces rencontres, c’est-à-dire je me demande si au moment où vous dessinez, vous ne vous trouvez pas vous-même dans la situation où se trouve celui qui passe dans la rue et qui aperçoit votre dessin, mais ce que vous rencontrez, vous, ce n ’est pas votre dessin, c’est l’accumulation des œuvres que votre dessin va en quelque sorte porter en les actualisant.

E. P.-E. — Je suis, ou plutôt je me mets dans cette situation, mais au départ, c’est sur plusieurs plans... Si tant est qu’on puisse les séparer. Je suis face à cette accumulation d’œuvres que j’ai réunies dans ma mémoire et avec lesquelles je vais jouer. Et de la même manière, je suis face à une multitude de lieux potentiels où j’irai en quelque sorte piocher, comme pour les œuvres.
Je ne suis cependant jamais en situation de me dire : j’ai ce lieu qui n’est pas mal , qu’est-ce que je pourrais y mettre ? Ça n’a évidemment rien d’aussi systématique, tout avance en même temps, les images, les lieux, le sens, les solutions plastiques. C’est global, comme pour les œuvres j’ai dans la tête une multitude de lieux potentiels que j’ai enregistrés, soit parce qu’au départ à la lecture j’ai appris qu’ils étaient chargés d’histoire, de souvenirs, de légendes, ou bien parce qu’ils offrent une belle surface de vrai jaune de Naples ou de rouge bourbon dé­ lavé, ou parce que la lumière, l’espace y sont intéressants, c’est multiple et pas scientifique, pas sociologique, pas archéologique — mais ça peut l’être —, ça peut être aussi beaucoup pour le plaisir, j’ai même collé des images dans des lieux uniquement par­ ce que quelqu’un était sympa, expansif et que j’avais un grand plaisir à imaginer sa rencontre avec l’image le matin... [...]

Marcelin Pleynet / Ernest Pignon-Ernest,
L’homme habite poétiquement,
Actes Sud, 1993, p. 54-58, 62-89.

Ernest Pignon-Ernest, Les affiches Rimbaud (1978-1979)

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Ernest Pignon-Ernest Portrait de Marcelin Pleynet , encre et fusain, 2011.
Totons , Pour Marcelin Pleynet, encre et fusain, 2011 [2].


Photos A.G., Privas, janvier 2013.
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Ernest Pignon-Ernest : « Je marche beaucoup, la nuit, le jour, pour rencontrer un lieu »

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Charleville Mezières, Musée Arthur Rimbaud
©AFP - Daniel Thierry / Photononstop

Surpris par la nuit. Dimanche 15 janvier 2023.

En 2005, l’artiste peintre Ernest Pignon-Ernest donne un long entretien dans l’émission "Surpris par la nuit". Il évoque les thèmes de ses peintures murales sur les murs des villes du monde entier : Genet, Rimbaud, Desnos, Pasolini, Artaud, les fusillés de la Commune ou les visages de l’Apartheid.

Avec Ernest Pignon-Ernest artiste
Pascal Convert Plasticien (sculpture, installation et vidéo) et auteur de films documentaires
Marie-José Mondzain philosophe, écrivaine et directrice de recherche au CNRS

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En 2005, le peintre affichiste Ernest Pignon-Ernest est invité dans l’émission "Surpris par la nuit", avec le plasticien Pascal Convert et la philosophe de l’art, Marie-José Mondzain. Les sérigraphies Ernest Pignon-Ernest collées sur les murs de Paris, Jérusalem, Naples, Soweto, sur les parois de la prison Saint-Paul de Lyon et à Ramallah dessinent un combat artistique et politique depuis le début des années 70.

"Dans un lieu réel je viens inscrire un élément de fiction"

Il explique :

Au début il y a un lieu, un lieu de vie sur lequel je souhaite travailler. J’essaie d’en comprendre, d’en saisir à la fois tout ce qui s’y voit : l’espace, la lumière, les couleurs. Et, dans le même mouvement ce qui ne se voit pas, ne se voit plus : l’histoire, les souvenirs enfouis, la charge symbolique. Dans ce lieu réel saisi ainsi dans sa complexité, je viens inscrire un élément de fiction, une image, le plus souvent d’un corps à l’échelle. Cette insertion vise à la fois à faire du lieu un espace plastique et à en travailler la mémoire, en révéler, perturber, exacerber la symbolique.

"Je pense au face-à-face que je vais provoquer entre les gens et mon image"

Je travaille dans la rue, je marche beaucoup la nuit, le jour, pour rencontrer un lieu. J’essaie d’anticiper la manière dont on rencontrera l’image que je vais mettre dans le lieu. Et je pense au face-à-face que je vais provoquer entre les gens et mon image.

 Sur son choix de la ville comme cadre de ses interventions :

Comme disait l’autre, parce que c’est l’espace de l’espèce la ville, parce que c’est là que vivent les hommes et les femmes. C’est là que l’histoire des hommes s’inscrit. Je m’intéresse à l’architecture, à l’espace de la ville même, plastiquement c’est ce qui m’intéresse.

Concernant son rapport au milieu de l’art et son rôle d’artiste il détaille :

Le rôle de l’artiste c’est de ne pas accepter d’avoir de devoirs. Un art qui ne provoquerait aucune émotion, aucune réflexion, aucun changement de regard me semble être une déviation. Il y a aujourd’hui une pression du milieu, une espèce d’alignement. Je me suis toujours donné la liberté de faire vraiment ce que j’avais envie. D’une part en n’ayant jamais pensé que je gagnerai ma vie avec cela. Parce que si on se prépare à vendre des tableaux quand on a 18 ans, on est amené plus ou moins consciemment à faire des tableaux qui se vendent.

Production : Elisabeth Couturier
Réalisation : Ghislaine David
Surpris par la nuit - Ernest Pignon-Ernest, à hauteur d’homme (1ère diffusion : 19/10/2005)
Edition web : Sandrine England, Documentation sonore de Radio France
Archive Ina-Radio France

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Ernest Pignon-Ernest, plasticien autodidacte, amoureux des artistes d’artistes d’autrefois

L’art est la matière. Dimanche 21 février 2021.

Conversation avec le plasticien Ernest Pignon-Ernest à l’occasion de la rétrospective de ses estampes dans l’atelier Grognard organisée par la ville de Rueil-Malmaison.

Avec

Ernest Pignon-Ernest artiste

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Depuis cinquante ans, il installe des dessins dans les rues des villes du monde. Vous en avez vu peut-être, des feuilles fragiles, collages nocturnes et éphémères sur des murs défraîchis et offerts au temps qui les défaits : Rimbaud à Charleville Mézières ou une famille derrière des barbelés à Nice, ou une femme morte dans le labyrinthe des ruelles de Naples, ou les personnages d’une querelle dans la zone portuaire de Brest, et d’autres à Port au Prince en Haïti, un poète au milieu des ruines en Palestine ou à Santiago au Chili, un résistant et martyre dans la casbah à Alger et, chaque fois, les personnages qu’il fait apparaitre, exactement là, dans un endroit, un contexte éclairant, même si vous ne les reconnaissez pas, ils vous rappellent quelque chose de familier. 

Est-ce leur style, qui évoque peut-être une attitude ou une photo célèbre ou la position d’une vierge dans un tableau ou un visage souvent croisé dans les livres peut être, je préfèrerai dire qu’ils portent en eux un poids de mémoire qui resurgit dans cette apparition calculée. Calculée, voulue, installée par Ernest Pignon-Ernest. Oui EPE c’est un artiste connu, populaire même, on voit son fameux Rimbaud sur des centaines de biographies, ses images, ses dessins sont reproduits souvent. Un artiste populaire donc.


Ernest Pignon-Ernest « Mahmoud Darwich », Ramallah.
Photo A.G., 23 août 2015. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Ernest Pignon-Ernest « Artaud-Portraits » 1997/2007.
Estampe numérique, 40 exemplaires 80 x 60 cm
© Ernest Pignon-Ernest / Courtesy Galerie Lelong & Co.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Pourtant j’ai l’impression qu’on ne saisit pas toute la qualité, intellectuelle spirituelle, mémorielle, combative de ses interventions ? Comme si ça nous arrangeait d’en faire un dessinateur. Ernest Pignon-Ernest dessine bien sûr, c’est un virtuose, mais son travail a une qualité plus large qu’on a me semble-t-il négligé. Il est vrai qu’aujourd’hui, les artistes qui interviennent dans l’espace urbain lui reconnaissent cette antériorité. Mais je pense aussi à tous ceux qui installent, exaltent les significations d’un lieu, soulignent en les cadrant les signes superposés de la ville, inscrivent les cadeaux du hasard dans leurs œuvres, bref les artistes contemporains que nous aimons il en fait partie.


Ernest Pignon-Ernest « Parcours Desnos Louise Lame », 2014.
Estampe numérique pigmentaire 50 exemplaires 60 x 80 cm _ © Ernest Pignon-Ernest / Courtesy Galerie Lelong & Co.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Aujourd’hui à l’occasion d’une exposition à l’atelier Grognard organisée par la ville de Rueil-Malmaison qui continue jusqu’au 16 mai, j’ai le plaisir d’accueillir l’artiste, l’autodidacte, le lecteur insatiable, le fou de poésie, l’amoureux des artistes d’autrefois, Ernest Pignon-Ernest.


Portrait d’Ernest Pignon-Ernest.
Estampe numérique pigmentaire 50 exemplaires 60 x 80 cm
© Fabrice Gibert Galerie Lelong & Co.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Lecture des textes : Emmanuel Lemire

Lecture 1 : Le jour de ma mort, Pier Paolo Pasolini.

Musique The Dining Table par Svarte Greiner -

Lecture 2 : Extrait de La vie en dansant André Velter, Gallimard, 2000.

Musique : Ollo par Konntinent & Ian Hawgood

Lecture 3 : Extrait d’un texte publié le 21 mars 2018 par l’Association Josette et Maurice Audin.

Musique : Reel-To-Reel par Machinefabriek

Lecture 4 : Télégramme de Prison ​dans Poèmes palestiniens, Mahmoud Darwich.

Musique : A Canvas For Your Yearning par Orla Wren

Lecture 5 : La Légende dorée/Sainte Agnès

Musique : Silver Ladders par Mary Lattimore

Lecture 6 : Extrait d’une lettre adressée à Jean Paulhan le 17 avril 1926 à Paris de la part d’Antonin Artaud.

Musique : Orange saturday morning par The Green Kingdom

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Chargée de recherche : Maurine Roy

En partenariat avec BeauxArts Magazine

Crédit France Culture

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La Nuit rêvée d’Ernest Pignon-Ernest

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À propos de la série

La radio n’a pas le pouvoir de faire surgir des images à voir avec les yeux, mais nul doute que durant sa Nuit rêvée parviendront jusqu’à nos oreilles celles que nous enverra Ernest Pignon-Ernest.

Albane Penaranda reçoit Ernest Pignon-Ernest pour sa Nuit rêvée.

"L’œuvre d’art, ce n’est pas mon dessin — dit-il — c’est ce qu’il provoque dans le lieu !". Rimbaud, Pasolini, les fusillés de La Commune et des cohortes d’autres… Corps, visages et regards, célèbres ou anonymes… images en noir et blanc… œuvre éphémère dessinée sur un papier fragile, dont lui seul sait dans quelle lumière, sur quelle place, à quel coin de rue elle devra surgir. Puisque ses images le font depuis maintenant longtemps, on ne présente plus Ernest Pignon-Ernest, niçois courant le monde pour extraire des murs des villes qu’il arpente les spectres qui hantent leur histoire même quand on ne veut plus le savoir. Car, comme l’a écrit Paul Veyne, c’est peut-être bien en cela que consiste le travail d’Ernest Pignon-Ernest : "susciter des hantises".

Du travail d’Ernest Pignon-Ernest il sera bien sûr question à propos des archives qu’il a voulu entendre dans sa Nuit rêvée. Celle notamment qui nous conduira à Naples en compagnie de Erri de Luca. Naples, des murs de laquelle le méditerranéen Ernest Pignon-Ernest, sur les pas du Caravage, a su faire suinter l’âme dans son expression la plus sacrée et la plus archaïque. Un travail dont le musicien Louis Sclavis dira lui dans cette nuit comment il l’a inspiré. Dans ce programme nous serons aussi sur les toits de Notre-Dame, la nuit, avec Sylvain Tesson… À bicyclette, avec Philippe Bordas, pour ce mordu de la petite reine qui grimpait hier encore allègrement le Ventoux… Nous entendrons également ses compagnons de route Christian Bobin, Yves Simon et Jean Ferrat qui, pas plus que son ami Ernest Pignon-Ernest quand il dessine, ne chantait pour passer le temps.

La radio n’a pas le pouvoir de faire surgir des images à voir avec les yeux, mais nul doute que durant cette Nuit parviendront jusqu’à nos oreilles celles que nous enverra Ernest Pignon-Ernest.

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Entretien. Au programme des archives : Naples par Erri de Luca, le musicien Louis Sclavis, une balade sur les toits de Notre-Dame la nuit, ou encore à bicyclette avec Philippe Bordas, et ses compagnons de route Christian Bobin, Yves Simon et Jean Ferrat.

Avec Ernest Pignon-Ernest artiste

Rimbaud, Pasolini, les fusillés de La Commune et des cohortes d’autres… Corps, visages et regards, célèbres ou anonymes… images en noir et blanc… œuvre éphémère dessinée sur un papier fragile... On ne présente plus Ernest Pignon-Ernest, l’artiste qui colle ses affiches de par le monde depuis le début des années 1970. Ses installations d’images vouées à disparaître, ses collages, se font l’écho d’événements liés aux lieux investis. Il considère que son œuvre se visite dans la rue, et non pas au musée. 

Ernest Pignon-Ernest a choisi de mettre au programme des archives la ville de Naples par Erri de Luca, le musicien Louis Sclavis, une balade sur les toits de Notre-Dame la nuit avec Sylvain Tesson, ou encore à bicyclette avec Philippe Bordas. Nous entendrons également ses compagnons de route Christian Bobin, Yves Simon et Jean Ferrat

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Dans ce premier entretien Ernest Pignon-Ernest, revient sur un moment charnière de sa vie d’artiste alors qu’il s’était installé dans un petit village du Vaucluse, pour peindre : 

En 1966 au plateau d’Albion, s’est concrétisée mon impossibilité à peindre. (...) J’apprends qu’à quelques kilomètres de là s’implante la force de frappe atomique, c’est-à-dire mille fois Hiroshima enkysté sous les champs de lavande. Je fais ce constat qu’il m’était impossible de figurer sur une toile cette violence faite à la terre. La peinture ne pouvait pas résoudre ce problème. J’ai compris que c’était les lieux mêmes qui avaient été kidnappés, détournés, violés. C’était sur les lieux mêmes qu’il fallait que je travaille, ne plus les représenter mais les saisir dans leur complexité, dans leur signification, dans leur richesse plastique.

Sur la particularité de son travail dans la rue, son besoin de liberté absolue : 

Je n’ai jamais demandé d’autorisation. Pour les églises de Naples si on le demande on vous le refuse, par contre aucune de mes images n’ont été enlevées. 

Ernest Pignon-Ernest évoque sa rencontre avec Yves Simon, lors de ses premiers collages à Paris, pour le centième anniversaire de la Commune, et la naissance de leur amitié :

Yves Simon est un chanteur qui exprimait notre temps, ma génération. Il a su faire rentrer dans ses textes des signes et des images de notre modernité.

Il avoue avoir été consterné par la demande de faire entrer Rimbaud et Verlaine au Panthéon, "j’ai cru que c’était un truc de potaches" : 

J’ai fait une image de Rimbaud sur du papier journal en sérigraphie, c’est-à-dire quelque chose de modeste, de pauvre, que j’ai collé de façon anonyme sur la route de Charleville à Paris. Ma proposition allait disparaître, Rimbaud je ne le figeais pas. (...) Rimbaud je l’ai collé de Charleville au Boulevard Saint-Michel, mais il ne marchait pas vers le Panthéon. 

A propos de son ami Jean Ferrat : 

Jean Ferrat était un homme de conviction, mais il a toujours privilégié l’imaginaire, la poésie, la sensualité. Vous savez il a été censuré pour ses chansons politiques mais moi je suis persuadé qu’il a été censuré pour ses chansons érotiques... 

Sur la question du politique de son travail : 

Je n’ai jamais illustré le politique, mes images parlent de l’apartheid, de l’avortement, de l’immigration, mais ce ne sont pas des mots d’ordre. Au fond mon travail parle tout le temps de ce que l’on inflige aux hommes. Ce n’est pas l’illustration d’un discours politique, le mot "engagé" traîne trop de casseroles avec les soviétiques... mais évidemment je ne cache pas que j’ai des convictions. 

Par Albane Penaranda 
Réalisation : Virginie Mourthé
Avec la collaboration de Hassane M’Béchour
Indexation web : Sandrine England pour la Documentation Sonore de Radio France
La Nuit rêvée d’Ernest Pignon-Ernest - Entretien 1/3 (1ère diffusion : 29/11/2020)

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Louis Sclavis : « J’ai pris comme fil rouge les collages d’Ernest Pignon-Ernest à Naples pour composer Napoli’s Walls »

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Le saxophoniste Louis Sclavis

Au printemps 2002, dans l’émission "Carnet de notes", Yvan Amar recevait Louis Sclavis qui lui présentait Napoli’s Walls, en évoquant Naples et l’inspiration qu’avait été pour lui l’œuvre picturale de Ernest Pignon-Ernest sur les murs de cette ville.

Avec Louis Sclavis

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Le clarinettiste, saxophoniste et compositeur prolifique Louis Sclavis jouait sur scène, en 2002, ses nouvelles compositions rassemblées sous le titre Napoli’s Walls, "Les Murs de Naples". Des morceaux que l’on devait retrouver, l’année suivante, réunis dans un album sous ce même titre. 

Ernest Pignon-Ernest travaille sur les murs, il fait de très beaux dessins assez réalistes sur papier, en noir et blanc. Son travail consiste à coller ses dessins en extérieur. La finalité de son travail n’est pas le dessin lui-même, mais ce dessin mis en relation avec l’endroit où il l’a collé. Par exemple, il a collé des ’Rimbaud’ sur la route entre Charleville-Mezières et Paris. (...) Il a fait un travail pendant des années à Naples. Je n’illustre pas son travail mais je l’ai pris comme fil rouge, comme appui émotionnel et dynamique. Je suis parti de cette idée, sans vouloir faire du folklore, j’ai appelé cela les murs de Naples, Napoli’s Walls

Louis Sclavis parlait également de ses compositions pour le cinéma, en particulier de la musique qu’il avait signée pour un film que l’on venait de restaurer : Dans la nuit, un long métrage muet de 1929, le seul que réalisa le comédien Charles Vanel. 

Par Yvan Amar
Réalisation Hélène Daude
Carnet de notes - Jazz à l’affût avec Louis Sclavis (1ère diffusion : 08/05/2002)
Indexation web : Sandrine England pour la Documentation Sonore de Radio France
Archive-Ina Radio France

Crédit France Culture

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Ernest Pignon-Ernest : « A Naples on peut interroger 2000 ans d’Histoire et, en même temps, les problèmes contemporains y sont les plus aigus »

Lundi 23 août 2021 (première diffusion le dimanche 29 novembre 2020)

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Dans ce deuxième entretien Ernest Pignon-Ernest, revient sur un lieu qui compte beaucoup pour lui, la ville de Naples. Il explique que, désireux d’approfondir sa connaissance des grands mythes, l’écoute d’une émission de Philippe Hersant sur la musique napolitaine l’a convaincu de partir à la découverte de cette ville :

La musique m’a mené à Naples grâce à Chimarosa, Pergolese, Gesualdo, mais aussi ‘O sole mio, j’ai été subjugué par cette richesse. Je suis parti vers cela au fond, vers une ville qui a secrété des choses aussi complexes, riches et populaires. Je suis parti dans les jours qui suivaient à Naples. 

Il a découvert là-bas un terrain inépuisable pour son travail : 

A un moment je me suis dit je ne vais plus travailler qu’à Naples. A Naples on peut interroger 2000 ans d’Histoire. Il y a tous les thèmes qui font notre histoire : grecs, romains, chrétiens, et en même temps, les problèmes contemporains y sont les plus aigus. Quand Francesco Rosi veut parler de problème foncier, de logement, il fait ‘Main basse sur la ville’ à Naples. A Naples actuellement dans les églises il y a des ex-votos qui sont des seringues, ce sont des mères qui les mettent pour que leurs enfants décrochent...

Ernest Pignon-Ernest évoque son travail sur Pier Paolo Pasolini, à Scampia, banlieue populaire de Naples tenue par la Gomorra. Il y rencontre le photographe Davide Cerullo, enfant du quartier passé par la criminalité, qui va lui ouvrir les murs du lieu :

Davide Cerullo m’a dit : ’tu sais si j’ai commis des crimes ce n’est pas parce que je suis de Scampia, c’est parce que je suis inculte. Je n’avais pas la parole, je n’avais pas la poésie’. David est revenu dans le quartier persuadé qu’il peut sortir les enfants de la délinquance par la poésie. 

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Erri De Luca : « Le tuf, la roche volcanique dont est faite Naples a gardé les soupirs, les vies qui nous ont précédées »

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Collage de Ernest Pignon-Ernest
sur un mur de Naples (1988-1995).

"Surpris par la nuit" proposait en 2004 une série sur Naples, "Fragments napolitains" en cinq épisodes. Le premier intitulé "Education sentimentale" était un long entretien avec l’écrivain Erri De Lucca qui racontait son rapport à Naples, sa ville natale. (1ère diffusion : 12/01/2004).

Avec Erri De Luca Romancier, poète, dramaturge et traducteur italien.

En 2004, "Surpris par la nuit" proposait une série de cinq émissions consacrées à Naples, "Fragments napolitains". Une et multiple, Naples est une ville dont le mythe se raconte et se réinvente sans cesse. Son portrait ne peut donc se tenter qu’en fragments de sons, de temps et de voix.  

Le premier volet donnait la parole à l’écrivain Erri De Luca, auteur d’un recueil de nouvelles ayant pour cadre la ville. L’introduction à la série napolitaine est donc assumée par la plus étrange et étrangère des voix de Naples, celle de l’écrivain Erri De Luca qui évoque son enfance, son rapport impossible à la ville où il est né, en 1950, et à laquelle il doit son "éducation sentimentale". 

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A une question sur ses premières sensations d’enfance à Naples, il répond : 

Nous avons vécu dans des maisons de pierre vraie. Une pierre ancienne. La matière dont est faite la ville, le tuf est une roche volcanique. Le tuf a gardé les soupirs, les vies qui nous ont précédées. C’est une matière poreuse qui contient la première couche de la ville et aussi les vies qui se sont enfermées là-dedans.

A propos de la lumière napolitaine :

Naples est une ville qui passe pour être ensoleillée, mais elle est ensoleillée seulement pour ceux qui ont le premier rang de maisons sur la mer, déjà sur la deuxième ligne la ville devient sombre. Les maisons sont très proches, il y des ruelles. Si on vit en bas, on n’arrive pas vraiment à savoir si il y a du soleil ou des nuages. Je n’ai pas un souvenir de lumière à Naples. Mais j’ai eu la chance de passer des mois entiers, pendant l’été, dans l’île en face, Ischia. C’était un privilège de mon enfance. Là, il n’y avait pas d’obstacle pour recevoir la lumière.

L’enfance et Naples : 


Naples n’est pas une ville pour les enfants. C’était une ville étroite avec la plus haute densité d’habitants d’Europe quand je suis né, et la plus haute mortalité infantile L’enfance était un âge dangereux qu’il fallait surmonter le plus vite possible. Les enfants essayaient de devenir adultes à cinq ans, six ans sans passer par l’école, en allant travailler, cela pour ne pas être une charge. Il fallait devenir des êtres vivants qui gagnaient leur droit à l’existence. C’était un droit assez limité à cette époque. C’était une chance qu’il fallait attraper avec le plus de force possible. 

La honte ressentie à cause de ses "privilèges" : 

J’avais honte de moi car j’avais la possibilité d’aller à l’école, par contre tous mes petits copains allaient travailler à l’âge où j’ai commencé à aller à l’école. J’avais honte de mes habits, d’avoir des privilèges, d’avoir de la nourriture régulièrement et honte de ne pas pouvoir secourir tous ces copains qui étaient parfois battus par leurs parents. Ils avaient une capacité à encaisser les coups qui était formidable. 

L’entretien avec Erri De Luca est illustré par des lectures d’extraits de ses livres. 

Par Anne-Sophie Vergne 
Réalisation : Gaël Gillon
Surpris par la nuit - Fragments napolitains 1/5 : Education sentimentale (1ère diffusion : 12/01/2004)
Indexation web : Sandrine England pour la Documentation Sonore de Radio France
Archive-Ina Radio France

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Philippe Bordas : « Forcenés, c’est le testament amoureux d’un garçon qui n’est plus jeune et qui n’a pas pu être le champion cycliste qu’il voulait être »

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Le cycliste italien Fausto Coppi (1919-1960)
pendant une étape du Tour de France, 1er juillet 1949

En 2008, Philippe Bordas, écrivain et photographe, publiait ’Forcenés’, qualifié de "chef-d’œuvre de littérature sportive" par le journaliste Dominique Le Guilledoux. L’écrivain rendait hommage à Michel Butel et sa revue "L’Autre journal" avant d’aborder les liens entre cyclisme et littérature.

Avec Philippe Bordas Photographe et écrivain français

En 2008, Philippe Bordas, écrivain et photographe, publiait Forcenés, sorte de testament amoureux du cyclisme. Dominique Le Guilledoux écrivait alors, à son propos , dans le journal Le Monde : "Les chefs-d’œuvre de littérature sportive sont rares, difficiles à écrire." Et dans Libération, sous la plume de Jean-Louis Le Touzet, on pouvait lire : "’Forcenés’ de Philippe Bordas est le plus beau livre funèbre écrit sur le cyclisme". Un entretien sur lequel planait l’ombre du journaliste et écrivain du cyclisme Pierre Chany auprès duquel Philippe Bordas avait fait ses classes à L’Équipe

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Philippe Bordas dit de son livre Forcenés c’est "un testament amoureux d’un garçon qui n’est plus jeune et qui n’a pas pu être champion cycliste."

Mais avant de développer son analyse sur l’histoire du cyclisme et ses figures célèbres, l’écrivain et journaliste rendait hommage à Michel Butel pour avoir su créer une revue qui lui manque cruellement aujourd’hui : L’Autre journal.

L’Autre journal quand j’avais 24 ans est apparu comme une concrétion d’images et de poésie parfaite, n’advenant pas dans le livre, mais chaque semaine dans la presse. Donc un miracle presque quotidien, qui aujourd’hui est totalement interdit.

J’ai cru à l’époque que c’était la norme, puisque je débutais, en faisant des textes et des images pour Michel Butel, en ce temps-là. Mais ce temps-là est révolu.

La parole et des philosophes, et des poètes et des artistes n’a plus place dans les médias sauf dans une forme sociologique ou nihiliste. La puissance poétique n’a plus court. Donc Butel a fait quelque chose d’un geste héroïque.

Philippe Bordas évoque l’importance du lien entre le geste, le corps et le verbe et les qualités d’une chronique :

Le chroniqueur n’est pas l’historien, ni le journaliste, il est censé dans l’instantané, comme Saint Simon dire le vrai du temps, mais lui donner aussi légitimité dans la durée et pour l’avenir.(...) Federer fait quelque de génial mais n’existe pas parce que personne n’a écrit ce qu’il faisait.

Sa dévotion aux plus grands champions du cyclisme, Philippe Bordas la doit à la lecture de deux volumes de La fabuleuse histoire du cyclisme de Pierre Chany. Il dit avoir essayé de mettre toute sa vitesse, sa rapidité pour rendre hommage aux cyclistes, particulièrement Coppi, Bernard Hinault et Jacques Anquetil.

Le cyclisme était beaucoup trop difficile pour n’être qu’un sport, ça a été une allégorie d’autre chose.

Admirateur de Coppi, grand maquisard, qui "invente la solitude dans la course" et qui pour lui évoque Ulysse, il dit : 

Coppi achève l’histoire du cyclisme, il invente un langage quasiment métaphysique avec les cimes.

Le cyclisme né sur les cendres de la Commune, s’achève au moment où on ne peut plus dire l’exploit physique. 

A propos de Jacques Anquetil que Philippe Bordas appelle "Le Glenn Gould du cyclisme" :

Anquetil a établi un palmarès surnaturel qu’il a décidé à l’avance pour l’établir ensuite. Avec Anquetil c’est de l’ordre de la partition c’est-à-dire qu’il a une grâce invraisemblable, mais dont il a pleinement conscience.

 

Par Alain Veinstein 
Avec Philippe Bordas (photographe, écrivain) 
Réalisation Anne Franchini
Indexation web : Véronique Vecten pour la Documentation Sonore de Radio France
Archive-Ina Radio France
Du jour au lendemain - Philippe Bordas pour son livre "Forcenés" (1ère diffusion : 17/04/2008)

Crédit France Culture

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Christian Bobin lit "La Parole sale" et "La Part manquante"

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L’écrivain Christian Bobin en septembre 1992.
©Getty - Sophie Bassouls/Sygma

Dans le dernier volet d’une série qui lui était consacrée par "Poésie sur parole" en 1988, Christian Bobin lisait lui-même deux de ses textes alors inédits, "La Parole sale" et "La Part manquante" tandis que Bruno Devoldère et Brigitte Lecordier lisaient des extraits de "Lettres d’or".

Avec Christian Bobin Ecrivain

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A ceux qui qualifient son oeuvre de "mièvre" le poète Christian Bobin répond tranquillement : « On veut m’enfermer dans la cage de la mièvrerie. Mais cette cage est vide. Je ne l’ai jamais habitée. J’écris sur des choses très pures, des sentiments profonds, tragiques, heureux de la vie. La vie désertée, percée d’écrans. Si je parle de la joie, c’est parce qu’elle se détache du noir ». 

En 1988 sur France Culture, dans une série de "Poésie sur Parole", André Velter donnait à entendre les mots de Christian Bobin. Dans le dernier volet, Christian Bobin lisait lui-même deux de ses textes alors inédits, La Parole sale et La Part manquante. Bruno Devoldère et Brigitte Lecordier lisaient eux des extraits de Lettres d’or.

Lectures par Christian Bobin, Bruno Devoldère et Brigitte Lecordier.

Par André Velter 
Réalisation : Jean-Claude Duval
Poésie sur parole - Christian Bobin, 6 (1ère diffusion : 30/01/1988)
Indexation web : Sandrine England pour la Documentation Sonore de Radio France
Archive-Ina Radio France

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La pintade, déesse des rivières et de l’amour racontée par Jean-Marie Lamblard et Colette Magny

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Meleagris / Poule d’Afrique, Nom vulgaire : Pintade.
Par Claude Aubriet, 18ème siècle.
Collection du Muséum National d’Histoire Naturelle

Dans les mythologies, les légendes et l’histoire, Jean-Marie Lamblard a mis en lumière la présence depuis des siècles de la pintade, oiseau dionysiaque venu d’Afrique de l’Ouest. En 1987, "Les chemins de la connaissance" lui consacrait une série intitulée "Le testament de la pintade".

Avec

Ernest Pignon-Ernest artiste
Jean-Marie Lamblard Ecrivain, historien et conteur, docteur en ethnozoologie, spécialiste du monde méditerranéen, éleveur de pintades (1935-2018)
Jean-Claude Fignolé
Colette Magny Chanteuse

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Disparu en 2018, Jean-Marie Lamblard était tout à la fois un écrivain - essayiste, romancier et conteur - un passionné de théâtre, mais aussi un éleveur de pintades. 

Devenu docteur en ethnozoologie, il a consacré des dizaines d’années de recherches et de voyages à l’oiseau mythique caché derrière la banale volaille de nos basses-cours. Dans les mythologies, les légendes et l’histoire, dans tout genre de récits et de représentations, Jean-Marie Lamblard a mis en lumière la présence à travers le monde et les millénaires de cet oiseau venu du fond de l’âge de l’Afrique de l’Ouest. 

De ce travail est né L’Oiseau Nègre, l’Aventure des pintades dionysiaques, un ouvrage paru en 2003. Et en 1987 déjà, sur France Culture, c’était autour de Jean-Marie Lamblard que "Les chemins de la Connaissance" proposaient une série de cinq émissions consacrée à la pintade. Dans les premières minutes du troisième volet, on y découvrait comment le caractère rebelle de cet animal rétif à la domestication avait séduit notre grande chanteuse de blues, Colette Magny qui, fascinée par l’oiseau de paradis que lui avait fait découvrir Jean-Marie Lamblard, devait lui consacrer un album tout entier.

L’artiste Ernest Pignon-Ernest, l’ethnologue Raymond Pujol, l’écrivain haïtien Jean-Claude Fignolé et Colette Magny participaient également à l’émission. 

Par Cécile Hamsy 
Réalisation : Aude Guerre
Les chemins de la connaissance - Le testament de la pintade, 3ème partie : La pintade, déesse des rivières et de l’amour (1ère diffusion : 24/06/1987)
Indexation web : Sandrine England pour la Documentation Sonore de Radio France
Archive-Ina Radio France

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Ernest Pignon-Ernest : « J’essaie de faire de la rue une œuvre d’art, beaucoup d’artistes de street art ne font pas ça, ils considèrent la rue comme une galerie »

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Collage d’Ernest Pignon-Ernest "Nice-Le Cap" en 1972.
Critique du jumelage de la ville de Nice avec la ville d’Afrique du Sud.

La Nuit rêvée d’Ernest Pignon-Ernest - Entretien 3/3.

Avec Ernest Pignon-Ernest artiste

Dernier entretien avec Ernest Pignon-Ernest pour sa Nuit rêvée durant laquelle nous avons écouté des archives avec Erri de Luca, Louis Sclavis, Philippe Bordas, Christian Bobin, Yves Simon, Jean Ferrat, Jean-Marie Lamblard et Colette Magny.

Il a aussi évoqué Robert Desnos, Paul Veyne, Pasolini, Anna Magnani, Sophie Nauleau... Dans ce dernier entretien il parle de son livre avec Lyonel Trouillot en hommage à Jean Ferrat, puis il revient sur sa place de pionnier de l’art urbain et du street art : 

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Mes premières interventions dans la rue datent de 1965, 1966. Je n’aime pas beaucoup le vocable anglo-saxon ’street art’, cela m’agace, implicitement cela sous-entend que c’est toujours né aux Etats-Unis... Ce n’est pas la question d’avoir ’fait avant’, mes pochoirs sont apparus 20 ou 30 ans avant les pochoirs dans le métro de New York. J’essaie de faire de la rue une œuvre d’art, beaucoup d’artistes de street art ne font pas ça, ils considèrent la rue comme une galerie.

A propos des artistes étiquetés street art :

Des gens comme JR inventent autre chose, une autre appréhension de la rue, un autre espace. (...) Il a la gentillesse, lui, de dire que son travail vient du mien. Banksy fait des images comme des signes, il a un rapport à la société, au marché de l’art, à la vie qui sont différents mais intéressants. 

*

Retour à Naples

Ernest Pignon-Ernest. Naples, 1988-1995

« L’histoire de Naples ne s’efface pas ; s’y superposent mythologies grecque, romaine, chrétienne. Niçois, j’y ai retrouvé une familiarité ancienne, essentielle, comme ce sentiment, en marchant à Cumes dans l’antre de la Sibylle, d’un retour au ventre de la terre : des retrouvailles avec des origines immémoriales.
Dans l’entrelacs des rues, mes images interrogent ces mythes, elles tracent des parcours qui se croisent, se superposent ; elles traitent de nos origines, de la femme, des rites de mort que sécrète cette ville coincée entre le Vésuve et les terres en ébullition de la Solfatare sous laquelle Virgile, déjà, situait les Enfers ; elles convoquent Caravage, parlent des cultes païens et chrétiens que porte aux ténèbres cette cité ensoleillée. C’est une quête au long cours, qui a duré des années, de ce qui fonde ma culture, ma sensibilité méditerranéenne. »

in Ernest Pignon-Ernest Gallimard 2014.


Ernest Pignon-Ernest : Caravage, David et Goliath, 1988.
Photo . ZOOM : cliquer sur l’image.
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David et Goliath d’après Caravage, 1988, dessin original à la pierre noire réunissant les têtes tranchées de Pasolini et Caravage, collé Via Seminario dei Nobili, Naples.

Le dessin, qui occupe la partie centrale de la composition, représente le jeune David, grandeur nature, tenant dans la main droite une poignée de cheveux et de l’autre la tête de Goliath qu’il brandit d’une fenêtre. Les photographies occupent la partie inférieure de la composition. La photographie offre une vue rapprochée de l’installation in situ [...]. On remarque une différence de traitement du dessin entre les parties anatomiques très travaillées et le drapé qui est resté, comme le cadre, à l’état d’esquisse. L’artiste est fidèle à l’œuvre de Caravage même s’il la revisite en changeant légèrement la composition. Il fait disparaître l’épée de David et actualise l’œuvre en associant à la tête de Goliath celle de Pasolini, comme en témoignent les photographies accompagnant le dessin préparatoire. Une observation attentive de l’œuvre de Caravage permet de constater que la main droite de David n’est pas apparente, son bras droit étant complètement plongé dans l’obscurité. Ernest Pignon-Ernest est donc allé puiser dans une autre œuvre du maître italien, L’Amour vainqueur l’élément manquant à sa composition [3].


Ernest Pignon-Ernest : Caravage, La Mort de la Vierge, 1990.
Photo . ZOOM : cliquer sur l’image.
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Dessin à la pierre noire inspiré de Caravage, collé à Spacca Napoli, 1990.
C’est là qu’Ernest Pignon-Ernest a collé durant la nuit une citation de la mort de la vierge du Caravage. Il n’a gardé que le visage, le buste, la main droite et le bras gauche de la vierge. Le lendemain matin, deux vielles femmes, deux vendeuses de cigarettes et autres babioles, toujours assises derrière une petite table dans la rue, se sont mises à veiller cette image [4].

Le site d’Ernest Pignon-Ernest

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Ernest Pignon-Ernest, Si Pasolini revenait...


Pasolini portant son cadavre sur la plage d’Ostie
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Quarante ans après l’assassinat du réalisateur italien, Pier Paolo Pasolini, le pionnier de l’art urbain en France, Ernest Pignon-Ernest lui rend hommage. L’exposition « Si je reviens », présente les photos, croquis et dessins de son « Parcours Pasolini », « Qu’avez vous fait de ma mort ? »

Entretien avec Ernest Pignon-Ernest

Pasolini, visionnaire, s’érige-t-il comme un sémaphore pour l’humanité ?

Il était une espèce de Sibille. Il a vu avant tout le monde les dérives de la déshumanisation qu’allait apporter cette forme de néocapitalisme bâti sur la consommation, l’acculturation que ça allait amener, la dégradation des relations entre les hommes. Regardez, comment dans ma région (Nice) 40 % de gens ont voté ! Ce recul de la pensée, cette rupture avec l’histoire.... Je pense que cette amnésie est un signe de barbarie. Pasolini, dans un texte parlait de « l’extraordinaire force révolutionnaire du passé » ; il est essentiel de s’appuyer sur son histoire. Les drames qui se sont passés à 100 m d’ici (au Bataclan) sont des séquelles de cette société qui n’a pas d’autres valeurs que l’argent et la consommation. Il voit venir cette société déshumanisée, individualiste et violente.


Pasolini portant son cadavre.
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Le spectre de Pasolini portant son cadavre, pourquoi cette figure de style empruntée à la Piéta de Michel-Ange ?

Je ne me suis pas posé cette question… Quand on vit, pour les deux mille ans qui nous concernent, et de ce côté de la méditerranée, même si on n’est pas croyant, ce qui est mon cas, on est marqué par l’iconographie chrétienne. La représentation de la mort est incarnée par le Christ, ce sont des repères culturels très forts comme les grands mythes.


Dans l’atelier d’Ernest Pignon-Ernest.
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Pasolini un compagnon de route, qu’est-ce qui vous rassemble ?

Je suis marxiste, il s’affirmait comme tel, mais il réalisait des films comme Médée, L’évangile selon Matthieu... Il savait que son humanisme venait des Evangiles. C’est ce que je pense moi aussi. Nous sommes nourris par cette culture. Chez lui, il y avait toujours cette tension, cette contradiction positive. Il faisait une analyse très pointue de la société la conjuguant à la passion. Nous avons cette faculté de traiter les grands mythes héroïques, bibliques, non plus comme des choses exceptionnelles qui mettent en jeu des héros, mais au contraire des choses vécues par les plus humbles, tout en y repérant ce qu’ils ont de sacré.

Quarante ans après son assassinat, comment avez-vous retracé son parcours ?

Je suis un peintre sculpteur, je choisis les lieux autant en fonction de leur charge symbolique que de leur qualité plastique. Mes dessins sont des questionnements, toujours sans réponse, colportés par les rues et sur les murs de Rome, d’Ostie, de Matera et de Naples, en des lieux qui ont un lien avec sa vie, son oeuvre écrite ou filmée, parfois seulement une résonance complice : le dos d’une église, une croix, le marbre blanc rageusement maculé de graffs rouge et noir, le béton rouillé sur du sable… C’est une conjugaison de signes plastiques pasoliniennes.

« Qu’avez-vous fait de ma mort ? » Auprès de qui, Pasolini réclame des comptes ?

Il interroge la société, le système économique, la démocratie chrétienne, la mafia, toutes ces compromissions. Quarante ans après sa mort, assassiné dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975 sur la plage d’Ostie, on cherche encore. Le procès a été bâclé, les traces effacées… Un procès a redémarré, mais finalement, la main qui a tué n’est plus importante. Pasolini a eu au cours de sa vie 800 procès, un nombre de censures incroyables sur ses films, il a été agressé plusieurs fois, victime de faux témoignages, menacé d’emprisonnement… Toutes ces accumulations d’agressions ont rendu le crime possible. Je m’interroge : qu’est-ce qu’on a voulu faire taire en le tuant ? Probablement, tout ce qu’il annonçait.

Vous exercez depuis 50 ans, reconnu de vos pairs, pourquoi continuer de maroufler les murs, le soir en catimini ?

J’ai collé mes dessins sur le pont Saint-Ange à Rome en dessous des sculptures du Bernin, on ne me donnerait aucune autorisation, j’ai collé sur des églises, cela a été déchiré le jour même. Mon travail ne peut fonctionner que de cette façon, sans demander d’autorisation, de subvention… Il faut que les choses apparaissent là où on ne les attend pas. Elles doivent travailler les lieux, leur mémoire.


Pasolini.
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Vos oeuvres, in situ, sont éphémères mais fixées par la photo, n’est-ce pas paradoxal ?

C’est toujours un grand regret que les gens découvrent mon travail à travers la photo. Mon travail est bâti sur une chose sensuelle et physique, tous mes dessins sont en grandeur nature et quand on les rencontre dans la rue, c’est une chose d’homme à homme. Ils doivent être perçus comme une empreinte, qui sous-entend une présence et à la fois une absence comme une référence au Suaire de Turin. Les singularités pour un travail plastique, c’est de n’être jamais pensé, cadré. Mes images sont pensées dans l’espace et le mouvement de la ville, et quand j’en fais une photo, évidemment plastiquement, elle devient banale. L’exposition se veut comme un exposé du processus du travail et non pas le résultat.

Vous êtes un pionnier de l’art urbain, en France. Pensez-vous que le graffiti a encore besoin de cette quête de reconnaissance ?

Ça s’imposera. On peut constater que ceux qui gèrent la nomenclature en France sont un peu normés. Les institutions manquent de curiosités et sont un peu alignées sur des modes que leur imposent le marché de l’art.

Samira Houari-Laplatte, mediapart.fr.

Crédit photos : Ernest Pignon-Ernest

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Ernest Pignon-Ernest et Jean Genet à Marseille

MUCEM, 2016. Entretien.

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Ernest Pignon-Ernest, Jean Genet.
Photo A.G., août 2015. Exposition au musée Rimbaud, Charleville. Zoom : cliquez l’image.
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Rétrospective. Visite de l’exposition "Papiers de murs" d’Ernest Pignon-Ernest

Rueil-Malmaison, Atelier Grognard, 2021.

Rimbaud, Pasolini, Naples (Caravage), Derrière la vitre, L’Afrique du sud, Genet, Louise Lame (Desnos), Extases, Conclusion.

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VOIR : Ernest Pignon-Ernest : « Papiers de murs », rétrospective de 50 ans de création/

LIRE : Éléments de biographie par Ernest Pignon-Ernest

L’art et la ville : Ernest Pignon-Ernest

Conversation avec Ernest Pignon-Ernest

Ernest Pignon-Ernest, l’artiste qui trouve l’humain dans le sacré



Ernest Pignon Ernest, Rimbaud.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Portfolio

  • Rimbaud par Ernest Pignon-Ernest

[1M. Heidegger, L’homme habite poétiquement., in Essais et conférences.

[2
Référence à L’enfant au toton de Chardin, commenté par Pleynet (cf. DVD "Vita Nova" (suite)).
C’est un toton hébreu (ou sevivon) qui relance le jeu dans Vita Nova. Il a la forme d’un cube dont l’une des faces est une pointe, plus ou moins arrondie, et dont la face opposée comporte le manche. Les quatre autres facettes sont marquées chacune d’une lettre hébraïque : נ (Noun), ג (Guimmel), ה (Hei), ש (Shin). Selon une étymologie populaire, ces quatre lettres seraient un notarikon de la phrase נס גדול היה שם (Nes Gadol Haya Sham) : « un grand miracle a eu lieu là-bas » — en terre d’Israël (source wikipedia). On en trouve au musée du ghetto juif de Venise.
Le motif reprend ici la danse dionysiaque de Matisse, et le coup de dé.

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