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Conférence de Yannick Haenel : L’amour, la littérature et la solitude

Lagrasse, août 2022

D 16 décembre 2022     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Un ami de Montréal me signale cette conférence de Yannick Haenel qui avait échappé à ma vigilance.

Lagrasse. Lundi 8 août 2022, dans le cadre du banquet du livre d’été « Demain la veille » qui s’est déroulé du 5 au 12 août 2022, Yannick Haenel tenait la conférence : L’amour, la littérature et la solitude [1].

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L’amour, la littérature et la solitude

« Il sera question de cette attention extrême au langage qui engage notre existence. C’est-à-dire des moyens de retrouver, à travers l’expérience poétique de la solitude, une acuité, une justesse, un nouvel amour du langage. Écrire, lire, penser relèvent de cette endurance et de cette précision. C’est ce qui nous reste à une époque où le langage et la vérité des nuances qui l’anime sont sacrifiés. Écrire et publier à l’époque de ce sacrifice planétaire organisé pour amoindrir les corps parlants redevient un acte politique. Je parlerai de Giorgio Agamben, de Georges bataille, de László Krasznahorkai, de Lascaux et de Rothko. Je parlerai de poésie et d’économie, de dépense, de prodigalité, et de la gratuité qui vient. » Yannick Haenel.

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Citations


Pasolini, Uccellacci e Uccellini, 1966.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Van Gogh par Bacon.
Catalogue MOMA 1959. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Rencontre avec Yannick Haenel


Yannick Haenel.
Photo Francesca Mantovani, 2017. ZOOM : cliquer sur l’image.
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« Je suis un inépuisable épuisé »

La veille : « Un véritable acte politique »  « Demain la veille », c’est…
Le sens même de la politique, c’est-à-dire réveiller l’événement en s’y préparant. En temps normal, la veille précède l’événement. Mais nous ne vivons plus des temps normaux, notre époque est celle du krach planétaire (pas seulement économique, mais existentiel, mental) : ainsi, l’événement à venir consistera-t-il à faire advenir la veille, c’est-à-dire à enfin de nouveau retrouver l’attention. Ce sera un véritable acte politique, une conversion, une reconversion même. Et cela passe par un nouvel amour du langage. C’est-à-dire par la littérature, par la capacité à dire l’impossible — à désirer l’impossible plutôt que de « gérer » le possible.

Entre septembre et décembre 2020, Yannick Haenel a publié sur le site de Charlie Hebdo des chroniques consacrées au procès des attentats de janvier 2015. Un an plus tard, dans Notre solitude, l’écrivain fait récit de cette expérience dont il dit qu’elle a « violenté » sa manière d’écrire.
Avant la conférence qu’il donne ce soir à 18 h à l’abbaye, Yannick Haenel revient pour Corbières Matin sur ce moment « où les vivants et les morts se rencontrent ». L’auteur de La solitude Caravage parle aussi de sa relation à la peinture dans laquelle il voit « une provision d’étincelles sensuelles ».
Yannick Haenel attend tout de la littérature. Il lui voue ses jours et ses nuits. Jusqu’à l’épuisement. Parce qu’à ses yeux, écrire est « le contraire de l’économie ».

Corbières Matin : Le 8 septembre 2020, sur le site de Charlie Hebdo, vous publiez votre quatrième chronique du procès des attentats de janvier 2015. Ce texte rend compte d’une journée à la limite de « l’inassimilable », au cours de laquelle sont diffusées les images de la tuerie perpétrée dans les locaux de l’hebdomadaire satirique et laïque. Vous consacrez les premières pages de Notre solitude à ce moment. On vous y voit à la sortie du tribunal, hagard, enchaînant les verres de Sancerre dans un café, face à l’écran noir de votre ordinateur : « En relisant les notes que j’avais prises durant la journée, j’ai compris qu’il n’était pas possible de raconter ce que j’avais vu… » Malgré tout, vous avez écrit sur cette journée. Il ’agissait, dites-vous, d’« endurer la tragédie ». Alors la question : comment dire, quand on se trouve face au gouffre de l’indicible ?

Yannick Haenel : C’est la question même de la littérature, son exigence, sa folie, sa noblesse : se confronter à l’impossible. Aller dans la nuit et voir ce qu’on ne peut pas voir, raconter l’irracontable. Je pense qu’écrire consiste à faire l’expérience, à travers le langage, de cela même qui se dérobe à la compréhension. Se contenter d’exprimer le possible relèverait de la communication, nous sommes des milliards sur terre à le faire à chaque seconde ; mais tendre vers l’impossible, c’est le commencement de cette expérience obstinée qu’on appelle la littérature. J’essaie de ne pas me satisfaire des phrases qui viennent trop facilement, je crois que j’aime quand la pensée se trouble : c’est là qu’on largue les amarres et qu’on approfondit la nuit de l’esprit. « Voilà ce que je vois et ce qui me trouble », écrit Blaise Pascal. On avance alors à l’intérieur d’un espace libre où tout du monde se donne ardemment entre vie et mort. C’est un feu qui ne se consume pas, il éclaire le gouffre. Lorsqu’on atteint cette intensité, ça se dit en termes poétiques, même si on peut en faire des romans ou des chroniques. Je ne sais si je parviens à dire cela — ce feu de l’aventure inconnue —, mais j’essaie d’en témoigner.

Il y a un autre moment, dans Notre solitude : celui où l’avocat d’un des accusés vous cite lorsque vous désignez son client comme « l’erreur judiciaire incarnée ». Voici que, de chronique à caractère littéraire, votre texte prend soudain, dans le prétoire, une dimension juridique. Quel effet a produit sur vous ce changement de statut ?

J’ai d’abord été décontenancé, car mes chroniques me semblaient s’écrire dans un espace annexe, qui n’avait rien à voir avec le droit et le tribunal, et qui était déjà la littérature ; je n’imaginais pas qu’elles puissent avoir de l’effet sur l’espace, à mes yeux sacré, du procès auquel j’assistais. Dans mon esprit, j’étais un spectateur, j’étais en dehors, même si j’écrivais quasiment en direct. Alors, lorsque les avocats de la défense ont commencé à me citer, je les ai soupçonnés un peu d’instrumentaliser mes phrases, car faisant partie de Charlie Hebdo, je devenais pour eux une garantie, un témoin de légitimité : je leur servais à innocenter leurs clients. Mais finalement j’ai savouré cette reconnaissance que le réel m’adressait : j’étais devenu en quelque sorte — vertigineusement — le narrateur du procès. Que la littérature puisse influer sur l’établissement de la vérité, c’était inespéré : quoi de mieux ? En un sens, et même si je n’en reviens pas, j’ai eu la preuve que la littérature influe sur le réel.

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« Écrire est une dépense »


 L’idée que vous aviez alors de la littérature s’est-elle trouvée bousculée par l’expérience du procès ?

Oui, ma manière d’écrire a été bousculée, et même violentée par cette expérience, mais c’est la moindre des choses : pour faire face au crime et à la détresse, j’ai été obligé d’ouvrir mon esprit à une empathie que je ne me connaissais pas — du moins pas à ce point. Je devais être capable de recevoir et de donner dans des proportions émotionnelles que je n’avais pas connues face à la page, sauf peut-être quand j’écrivais Jan Karski. Et puis cette zone d’opacité que le procès a ouverte dans mon esprit a nécessité une rigueur nouvelle, parce que j’avais une responsabilité (envers mes amis de Charlie, envers la vérité des faits, envers la justice), que je n’ai pas à ce point quand j’écris un roman. Enfin, j’ai découvert en moi, sur le plan de l’écriture, une possibilité nouvelle de déferlement : écrire dans l’urgence, chaque nuit de 4 heures du matin à 7 heures (heure où la chronique devait être publiée sur le site de Charlie), a déclenché une liberté torrentielle : passé les premiers obstacles, il m’arrivait d’écrire à 360 degrés.

Si l’on considère qu’il consiste à se saisir d’une situation pour en faire un objet écrit et en même temps, de se dessaisir de cet objet, n’y a-t-il pas un paradoxe dans l’acte d’écrire ? Anna Akhmatova disait que «  nous sommes condamnés à dissiper, non à amasser ». Qu’en pensez-vous ?

C’est exactement ça : écrire est une dépense. Je suis un inépuisable épuisé. L’écriture, c’est la prodigalité, l’exubérance, la consumation des forces. C’est-à-dire le contraire de l’économie.

« Sortir de l’enfer, ne serait-ce pas soustraire sa vie, et avec elle la vérité de son âme et de son corps, à l’économie des ténèbres ? » Cette question, vous la posez dans La solitude Caravage. Comment y répondriez-vous aujourd’hui ?

C’est un combat de chaque instant pour rester indemne, c’est-à-dire non-damné. Il y a une part en nous qui échappe à l’emprise démoniaque, au poison des vicissitudes : quelque chose d’irréductible, qui a à voir avec le cœur. C’est là que je situe l’écriture : dans ce domaine de la résistance. Tout est devenu infernal sur notre planète, mais on peut encore trouver des nervures et y propager de la lumière. D’ailleurs, celle-ci ne doit être qu’indirecte, et diffuse : les grandes lumières sont aveuglantes et fausses.


« A mon seul désir » : tapisserie de la Dame à la Licorne. Yannick Haenel a repris ce titre pour
son essai consacré à la série des tapisseries conservées au Musée de Cluny..

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« La jouissance et la connaissance à la fois.
Quoi de mieux ? » 
 

« Le monde est un nid de détails », écrivez-vous dans La solitude Caravage et vous ajoutez : « Ce qui n’est pas précis existe à peine, seule importe la minutie ». Quelque chose se noue, dans votre travail, entre écriture et peinture. Ce qui vaut pour celle-ci – faire exister par le détail – vaut aussi pour celle-là. En quoi la peinture vous est-elle inspirante ?

La peinture est une provision d’étincelles sensuelles. Elle donne à voir un monde de nuances. Déchiffrer ces nuances, les ouvrir, les déployer, c’est se mettre à vivre plus, à penser mieux, à étendre le domaine du vivable. Je ne cesse de regarder de la peinture depuis des années parce qu’elle nous tend une possibilité d’élargir notre regard. On ne cesse d’apprendre à voir, on ne cesse de s’initier au fait même de vivre. Ainsi, se rendre disponible aux tableaux est-il devenu chez moi, en même temps qu’une passion, un exercice. Après un livre sur le Caravage, après un deuxième, Déchaîner la peinture, sur Adrian Ghenie, un peintre contemporain, je suis en train d’achever la trilogie avec un livre sur la nuit que j’ai passée à Beaubourg, seul, avec des tableaux de Francis Bacon.

Mais vous attendez plus encore de l’art qu’un simple « donner à voir ». La sensualité affleure à tout moment dans vos textes. Vous écrivez à fleur de peau, avec vos «  mille sens » ainsi que vous les dénombrez dans A mon seul désir où vous écrivez aussi : « Les phrases qui vous entrent soudain dans la tête (…) il faut les vivre… » Dans Notre solitude encore, vous racontez dans quelle circonstance hallucinante vous ingérez une page arrachée à une édition de poche du Procès de Kafka ! En réalité, vous semblez défier la littérature, la pousser hors ses murs, jusque dans une confrontation « à la vie à la mort »… Que peut, et jusqu’où, la littérature ?

J’attends tout de la littérature. Elle remplace pour moi la religion et la philosophie. Elle est le dieu, ou plutôt la déesse à laquelle je voue mes jours et mes nuits. Je ne pense qu’à elle. Elle m’accorde de vivre des expériences d’extase et de déchiffrement. Vous voyez : la jouissance et la connaissance à la fois. Quoi de mieux ? Je crois que la littérature peut nous mener très loin, là où plus personne ne se donne la peine d’aller. Mais il faut l’aimer sans relâche, ce qui est épuisant.

Solitude pendant le procès des attentats, solitude face aux tapisseries de La Dame à la licorne, solitude encore face aux tableaux du Caravage… Il n’y a pas plus écrivain que vous et pourtant, vous ne cessez de questionner la solitude. Qu’est-ce que ce paradoxe – mais en est-ce réellement un ? – dit de l’écrivain que vous êtes ?

Je m’implique toujours à fond, même pour la chronique hebdomadaire de Charlie, que je tiens depuis sept ans. Ce que je cherche, quel que soit le genre d’écriture (que je sois face à un tableau, assis dans un tribunal ou en train d’écrire un roman), c’est à approcher ce point de solitude qui est le nom secret, en chacun de nous, de la liberté. Cette solitude dont je parle sans cesse ne relève pas de l’abandon, elle n’est pas malheureuse ; au contraire, elle est ce qui cherche, pour le dire à l’ancienne, à faire se rencontrer l’âme et le corps. Giorgio Agamben parle très bien de leur « coïncidence aussi merveilleuse que désarmée ». Il l’appelle l’esprit, comme toute l’histoire de la philosophie. Je préfère parler de solitude. Je la vis comme une disposition à l’intensité. C’est grâce à elle qu’on se rend disponible à la dimension intérieure du langage. Lorsqu’on atteint à la solitude essentielle, lorsqu’on y touche (musicalement), la littérature commence : elle est la voix de la solitude.

Dans peu de temps, sera créé à l’abbaye publique de Lagrasse un Centre culturel de rencontre dédié aux « arts de lire ». Qu’attendez-vous, à titre personnel, de l’acte de lire ?

J’attends, en lisant, de reprendre vie. Proust parle quelque part de «  comprimés de vie » : lire, c’est étancher sa soif et sa faim. Je vois la lecture comme quelque chose de plus grand qu’une pratique culturelle : c’est une activité spirituelle. En lisant, on renaît à chaque instant.

 Propos recueillis par Serge Bonnery, Corbières matin.

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Yannick Haenel : "les livres transforment secrètement le monde"


Yannick Haenel.
©AFP. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Dans son dernier livre, l’écrivain Yannick Haenel nous raconte l’histoire étonnante d’un banquier anarchiste qui méprise l’argent et qui oppose au capitalisme débridé la charité et l’érotisme.

Pourquoi cet intérêt pour l’économie ? Qu’est-ce que la fiction peut nous dire sur ce sujet ?

Ce qui m’intéresse, ce sont les répercussions de l’économie sur les gens. Suite à la crise des subprimes en 2008, qui était en fait une spéculation sur la dette des pauvres, je me suis dit qu’il fallait que j’arrête de ne pas m’intéresser à l’économie.
"Je voulais écrire l’histoire d’un casse sans casse, à la fois burlesque et sérieuse."
Et puis, j’ai trouvé le lieu pour ancrer cet intérêt : une ancienne antenne de la banque de France dans le nord de la France, devenue un centre d’art, où une exposition autour de Georges Bataille devait avoir lieu. Je voulais écrire un livre dont le personnage serait une espèce de banquier anarchiste, infiltré dans le milieu de la banque, et qui vient témoigner des ravages de la finance devenue folle. Je voulais écrire l’histoire d’un casse sans casse, à la fois burlesque et sérieuse.

Vous faites donc une relecture contemporaine d’un texte de Georges Bataille : "La part maudite". Qu’est-ce que ce texte peut nous apprendre sur notre rapport à l’économie à l’heure actuelle ?

Bataille a voulu rallumer l’effervescence sacrificielle de l’économie. Dans l’histoire des civilisations, les richesses n’ont pas toujours constitué une masse de profit, mais bien quelque chose que l’on pouvait détruire. C’est pourquoi Bataille fonde l’économie sur la dépense, et non sur le profit. Dépenser tout, c’était son vœu quand il a écrit ce livre, à une époque où ce discours était évidemment inaudible puisque le plan Marshall était mis en place et que la guerre avait détruit l’Europe.

"Rien de plus logique que d’assigner des fins splendides à l’activité économique", écrit Bataille. Quelles sont ces "fins splendides" ?

Dans notre monde, où les richesses naturelles sont limitées et où nous sommes contraints à la sobriété, il peut évidemment paraître fantaisiste de parler des fins glorieuses de l’économie. Mais, sur un plan existentiel, j’ai essayé de raconter la vie d’un personnage qui ne veut pas croire que le capitalisme s’est imposé entièrement. Cette prodigalité qu’il y a en nous, mon personnage la trouve dans la charité et dans la sexualité. Il pense qu’il subsiste des gestes, comme le don et l’amour, qui échappent au monde du calcul.

Le capitalisme est devenu une religion, selon vous ?

Oui, le crédit a remplacé la foi et l’argent a remplacé Dieu. Le Dieu argent, c’est le veau d’or. Le capitalisme est arrivé à un point tellement délirant et nos vies sont à ce point sous son emprise, qu’il est devenu quasiment impossible d’imaginer une autre réalité. L’opium du peuple ce n’est plus la religion, mais l’argent. L’horizon inavoué du capitalisme ce n’est pas seulement de profiter d’un autre, mais de prendre sa place et de l’éliminer. Je n’ai pas voulu écrire un livre anti-capitaliste, en adoptant une simple position de rejet autosatisfaisante. En même temps, ce n’est pas un livre qui propose une solution. En fait, j’ai voulu écrire un livre éthique.

Si le capitalisme est une religion, le seul moyen d’y échapper est de découvrir des valeurs éthiques et religieuses ?

"La question est moins d’échapper au capitalisme que d’échapper au monde du calcul dans nos vies."

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Oui, c’est pourquoi mon personnage est proche de la sainteté. Il développe une forme exacerbée d’amour, qui s’exprime par le don totalement désintéressé. À mon sens, la question est moins d’échapper au capitalisme que d’échapper au monde du calcul dans nos vies. Ma question, avec ce personnage, était : qu’est-ce qui est irréductible au capitalisme dans nos vies ? J’ai voulu montrer que certaines choses en nous ne sont pas affectées par le capitalisme : la poésie, l’amour ou la sainteté.

Les solutions pour échapper au monde du calcul sont donc plus individuelles que collectives, selon vous ?

"Comment échapper à ce réflexe mortifère du calcul ? C’était ma question."

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J’ai rêvé à un moment d’articuler la quête de mon personnage à des mouvements politiques. Mais il m’a semblé que dans cette initiation permanente qu’est sa vie, ce sont surtout des personnages, les femmes en particulier, qui influencent sa trajectoire. Comment échapper à ce réflexe mortifère du calcul ? C’était ma question. Ce qui est paradoxal, c’est que j’assigne cette tâche à un banquier.

C’est une religiosité originelle, opposée à l’institution religieuse, que vous avez voulu retrouver avec ce personnage ?

Absolument. C’est pourquoi, je me situe plus dans le champ de la mystique que dans le domaine de la religion. Mon personnage est un mystique qui veut s’arracher au profit. Il éprouve une méfiance envers toutes les institutions, y compris l’Église. Il incarne un mélange de saint François d’Assise et de Buster Keaton. À travers lui, j’ai voulu mettre en scène une charité dépoussiérée et laïque, un amour inconditionnel pour les autres, un sentiment un peu fou.

En tant qu’écrivain, avez-vous l’impression d’échapper, grâce au langage, à ce monde du calcul ?

"La littérature est aujourd’hui l’un des rares lieux où le langage ne s’appauvrit pas."

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Pour moi, la littérature est une éthique spirituelle, un lieu où l’on a accès à la dimension intérieure du langage. La littérature est un lieu où le langage sort de la communication, de ce monde où Elon Musk ose déclarer que l’on n’aura plus besoin de langage dans le futur. La littérature est aujourd’hui l’un des rares lieux où le langage ne s’appauvrit pas, un lieu où il se pense lui-même.

Un lieu de résistance donc ?

Oui, les livres transforment secrètement le monde, de manière de plus en plus imperceptible.

Simon Brunfaut, L’écho, 29 octobre 2022.

RELIRE Le trésorier-payeur, son dernier roman.


Pasolini, Uccellacci e Uccellini, 1966.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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[1Sur ce festival, vous pouvez écouter Au Banquet du Livre avec Yannick Haenel et Laura Vazquez et voir sur youtube les autres interventions.

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