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Alias Dziga Vertov, par Jean-Paul Fargier

Un certain Godard

D 9 octobre 2022     A par Albert Gauvin - Jean-Paul Fargier - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Un numéro spécial des Cahiers du cinéma paraît ce mois d’octobre pour rendre hommage à Jean-Luc Godard. Sur un fond jaune qui rappelle la couverture des premiers numéros de la revue dans lesquels Godard s’illustra comme critique sous le pseudonyme d’Hans Lucas, une photographie du cinéaste de profil prise par Jeffrey Blankfort, en 1968, à Oakland, en Californie. Godard fume une cigarette qui le rendra aussi célèbre que, plus tard, le gros cigare dont il ne séparera plus. « La mort de Jean-Luc Godard est un événement incomparable pour les Cahiers du cinéma, une revue qui lui doit tant et dont il a été membre, compagnon, ami, figure tutélaire, voir icône », lit-on dans la présentation du riche sommaire du numéro qui nous rappelle les grandes heures de la revue. « 100 pages consacrées à JL Godard — Des entretiens, des archives des Cahiers autour des films et des textes de JLG — De nombreux contributeurs : Martin Scorsese, Isabelle Huppert, Leos Carax, Jim Jarmush, F. J Ossang, Luc Moullet, Dominique Païni et bien d’autres... — Mais aussi des textes inédits : de Jean Narboni, Antoine de Baecque, Alain Bergala, Charles Tesson et de la rédaction »...
De tous ces témoignages, je retiendrai celui de Jean-Paul Fargier qui porte sur la période la moins connue et, peut-être, la plus décriée, de Godard, celle où, précisément, le réalisateur décida, d’un geste rare, de s’effacer en tant qu’« auteur » derrière « le groupe Dziga Vertov », niant par là ce qui avait fait jusque là la renommée des Cahiers (et sa célèbre « politique des auteurs ») et celle du non moins célèbre auteur du Mépris et de Pierrot-le-fou. On a parlé de « masochisme », c’est ne rien comprendre à la démarche [1].

Nous sommes peu après mai 68. Fargier, alors jeune critique à Tribune socialiste et futur rédacteur avec Gérard Leblanc de la revue Cinéthique a suivi de près cette période et il se trouve qu’ayant été moi-même un compagnon de route de Cinéthique dans les premières années de sa création, les faits qu’il rapporte ont ravivé aussi ma mémoire.
« Souvenirs, souvenirs... », écrit Fargier. Eh oui ! J’ai dû faire la connaissance de Fargier à Avignon à l’été 1969. Je me souviens que nous avions discuté à la terrasse d’un café du texte que Marcelin Pleynet lui avait fait parvenir pour un des tout premiers numéros de Cinéthique sur « la caméra comme appareil idéologique » [2] ou de quelque autre texte...
La programmation des films du groupe Dziga Vertov — Un film comme les autres, Luttes en Italie, mais aussi Pravda —, j’y ai participé alors qu’étudiant, dès avant 68, j’animais avec quelques amis un ciné-club lillois (le « Studio Aurore », l’avait-on appelé). Fargier et Leblanc étaient venus les présenter à notre demande. Si j’en crois mes archives, nous avions dû programmer Un film comme les autres le mercredi 3 décembre 1969, avec un film de Paul Seban La CGT en mai mai-juin 1968 (la dialectique ! [3]). Autre séance « Cinéthique » le 28 janvier 1970, et si j’en crois toujours mes notes, avec L’été de Marcel Hanoun, Méditerranée de Pollet/Sollers (cf. Méditerranée - Jean-Daniel Pollet, tel quel) et Le joueur de quille de Lajournade (Fargier évoque ces films dans son article). Nous avions eu avec Fargier un échange de lettres dans lequel je n’y défendais, trop exigeant sans doute, qu’un seul film de ces trois films : Méditerranée [4].
Quant à Luttes en Italie dont parle aussi Fargier, je me souviens, moi, l’avoir vu, encore inachevé, en avril 1970 (? Là, ma mémoire fait un peu défaut), avec Fargier et Leblanc, sur la table de montage de Godard dans le petit appartement qu’il avait alors avenue du Maine à Paris, et de la discussion qui s’ensuivit (il y avait là un militant « m-l » pour qui la pratique cinématographique était le cadet des soucis). Souvenirs, souvenirs... Évoquant « la chance » que fut sa rencontre avec Godard, Fargier parle « d’une époque intense vécue innocemment ». J’ajouterai, plaidant coupable : étrange gratuité de cet avant et de cet après-mai où, en pratiquant allègrement le détournement, tout semblait possible avant le triomphe sans réplique de la société spectaculaire...

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Un suicide peut être un autoengendrement. Jean-Luc Godard a mis fin à sa vie par suicide assisté. Il s’était déjà « réengendré » une première fois en créant le Groupe Dziga Vertov. Cet acte de dissolution de son nom (d’auteur) dans celui d’un collectif avait été taxé à l’époque (1969-1972), par beaucoup de ses admirateurs déroutés (de Michel Cournot à Jean Collet), de suicide artistique doublé de masochisme politique. Je faisais partie alors des admirateurs éblouis de ce geste et de ce qu’il accouchait : quelques films rageurs et drôles, révolutionnaires en un mot, aussi singuliers que ceux que le Maître avait signés en personne et qui lui avaient valu le titre de génial fer de lance de la Nouvelle Vague.
Je voudrais restituer ici un peu de la splendeur régénératrice de ce trou noir qui a permis à Godard de naître une nouvelle fois, dans le contrecoup de Mai 68. Car le hasard fit que je devins à ce moment-là une sorte de compagnon de route de ce Groupe obscur dont le soleil était un nom nié. Nom que j’avais révéré comme un dieu dans mes jeunes années de cinéphile. Et voilà que ce dieu, lointain par définition, je l’approchais, je lui parlais, je l’écoutais, il me tutoyait, je le tutoyais, toutes distances abolies, l’époque favorisant ce genre de rapprochement inimaginables auparavant.
Tout a commencé un jour d’octobre 1968 quand Godard a téléphoné à la rédaction de Tribune socialiste, l’hebdo du PSU (Parti Socialiste Unifié), dont j’étais l’un des deux critiques de cinéma. Il avait laissé pour nous un message : « Je viens de terminer un film sur Mai 68. Si vous voulez le montrer dans votre "Festival de cinéma politique", vous pouvez venir le chercher. » La camarade standardiste avait noté son adresse, son numéro de téléphone. Incroyable ! Jean-Luc Pouillaude (qui signerait plus tard des articles dans Positif ) et moi (qui entrerais un jour aux Cahiers), nous courûmes rue Saint-Jacques pour réceptionner Un film comme les autres des mains du cinéaste le moins comme les autres à nos yeux. Et, sans même le visionner, nous le programmâmes au Studio 43, rebaptisé alors Cinéma national populaire par Jean Collet qui le dirigeait et qui confiait à des tiers des « semaines spéciales ». Nous avions dédié évidemment la nôtre au « cinéma politique » et plus particulièrement aux films de Mai 68. Je ne me souviens plus de toute cette programmation, mais à coup sûr les vedettes en étaient le film de Godard et celui de Marcel Hanoun, L’Été.Titre qui aurait pu convenir aussi à l’exploit godardien, accompli sans lambiner dans le sillage de Mai.

Godard et Hanoun abordaient pareillement les événements du printemps par le biais de leurs contrecoups dans les moi qui suivirent. Si Hanoun brodait, avec son art des boucles, des contrepoints, des surjets, une histoire mélancolique, truffée de signes persistants des événements (les murs et leurs affiches les chants et les slogans), revécus par un corps souffrant (de jeune fille), Godard faisait revivre la révolution à la fois ratée (parce que De Gaulle avait repris le pouvoir) et réussie (parce que ses braises étaient loin d’être éteintes) par un collectif ressemblant assez à celui qui vit des vacances studieuses dans La Chinoise, sauf qu’on ne voyait pas leurs visages. Cadrés de loin, en plan large, cinq ou six militants, assis dans un terrain vague bordé de barres de HLM, leurs têtes dissimulées par le hautes herbes, tiraient pendant deux heures le bilan des fluctuations des lignes politiques, des actions et réactions qu’il : avaient vécues.
Ah ça, voilà une idée géniale, une vraie idée à la Godard lequel justifiait modestement cette invisibilité des corps non par une prouesse formelle mais par la nécessité de ne pas exposer à des poursuites policières les ouvriers et des étudiant qui ressassaient ici, au milieu de l’été, des positions ultra-révolutionnaires. Leurs voix seules comptaient. La mise en scène statique bougeait par la seule dynamique des paroles, des idée : L’insurrection de Mai, par-delà quelques barricades et voitures en feu, avait été d’abord un formidable déchainement de paroles libérées. Pas de meilleure façon de le souligner, de le faire littéralement entendre, que ce cadrage (janséniste ? audacieux ?) d’Un film comme les autres — qui ne l’était (comme les autres) que par antiphrase. Personne ne faisait ça. Un film acéphale. Ce n’est qu’un combat, continuons le début (et le débat).
Je n’ai pas revu ce film depuis ce temps lointain, mais à l’époque je l’ai vu et revu, présenté, commenté une bonne vingtaine de fois. Car il s’est trouvé que Godard avait donné Un film comme les autres à diffuser à la revue Cinéthique, fondée à l’automne 68 par Marcel Hanoun, qui m’avait appelé à y collaborer et où je publiais dans son n° 1 (janvier 69) une critique (enthousiaste évidemment) du film de Godard sur Mai 68. Le numéro comportait aussi un autre papier sur ce film (par Jean-Paul Cassagnac) et une interview de Godard.
« Eh bien,puisque vous l’aimez tant ce film, prenez-le, montrez-le », nous avait dit Jean-Luc (outre le tutoiement, l’interpellation prénominale était le nec plus ultra de la convivialité révolutionnaire). Et pendant deux ou trois ans, à l’appel de lecteurs de Cinéthique, avertis que nous disposions d’une copie d’Un film comme les autres, Gérard Leblanc et/ou moi-même avons montré à des publics improvisés mais motivés ce film qu’aucune salle n’avait proposé à son auteur de sortir, Godard n’étant plus en odeur de sainteté bancable.
Jean-Luc ayant demandé à être prévenu de ces projections, au cas où il pourrait se libérer pour y participer, nous l’avons vu deux ou trois fois nous accompagner. Je me souviens en particulier de la séance d’Orléans. À la Maison de la Culture. La déception grondait, enflait dans la salle, et les spectateurs, attirés par la double aura de Godard et de Mai 68, se relayaient pour faire savoir qu’ils ne retrouvaient dans cette soupe de mots bafouillés ou assénés ni Mai 68 ni Godard. Quand les titres de Pierrot le Fou, du Mépris et d’À bout de souffle furent brandis par les plus acharnés de ses contradicteurs déçus, en signe de regret, de perte irréparable, Jean-Luc, bouillant de rage, piétina ces « films bourgeois » dont il avait honte aujourd’hui et « dont vous devriez avoir honte vous aussi de continuer à les aimer ». C’est du cinéma mort. Le vivant est Un film comme les autres. Et nous faisions chorus, évidemment. Nous étions d’accord avec Godard pour pousser jusque­-là cet iconoclasme. Notre panthéon de films admissibles, radicalement pas comme les autres, n’accueillait que cinq ou six titres : outre ce dernier Godard, et L’Été d’Hanoun, Méditerranée de Jean-Daniel Pollet, Le Joueur de quilles de Jean­ Pierre Lajournade, et Enthousiasme de Dziga Vertov, dont nous nous étions fabriqué une copie vidéo en piratant l’écran de la Cinémathèque de Bruxelles pendant une projection (avec la complicité de son directeur).


Photogrammes. Zoom : cliquez sur l’image.

Aussi quand Godard annonça que « Godard » n’existait plus mais travaillait anonymement au sein d’un groupe baptisé Dziga Vertov, nous étions aux premières loges pour applaudir cette résurrection et nous enrôler dans la troupe de ses apôtres. Ravis que le Maître transfiguré choisisse Cinéthique contre nos « ennemis », les Cahiers du cinéma, restés à la traîne du mouvement révolutionnaire, nous fûmes, Leblanc et moi, conviés à découvrir les films du Groupe tout juste terminés ou encore en cours de montage. Je me souviens d’une après-midi de discussion autour de Luttes en Italie avec Jean-Pierre Gorin et Jean-Luc sur l’impact dialectique des images noires, que Vertov avait conceptualisé sous le nom d’intervalles sans trouver comment le concrétiser. Et un jour nous vîmes débarquer à Nîmes, où nous organisions un atelier de cinéma politique, Jean-Luc et Jean-Henri (Roger), la première copie de British Sounds sous le bras. Et l’on se perdit en conjectures sur les similarités entre chaîne d’usine et chaîne d’images.
Souvenirs, souvenirs ... d’une époque intense vécue innocemment, illuminée par la chance de côtoyer un de mes dieux, qui se comportait avec tant de simplicité, de générosité et d’exemplarité révolutionnaire par son renoncement à sa gloire passée. Naïveté ? Maintenant que j’y repense, à la lumière d’autres actions qui m’ont à nouveau mis en contact avec un Godard ayant récupéré son nom, son aura de génie de la Nouvelle Vague, doté de surcroît de la valeur ajoutée d’un passage par le désert, je comprends que mon cinéaste préféré n’avait jamais cessé d’être, en toute sincérité, Jean-Luc Cinéma Godard, comme il se désigne dans un de ses génériques. Un homme qui ne vit que de faire des plans. Et j’avais un moment fait partie de ses plans. Même quand, après qu’il m’eut proposé de le filmer discutant avec Pialat, je substituais Sollers à Pialat, et qu’il avait accepté. N’avait-il pas anticipé, comme un joueur d’échecs qui a en tête plusieurs coups d’avance, que je roquerai mon roi Sollers (objet a depuis La Chinoise d’un désir inassouvi) à la place de sa tour Pialat ? Mais bien sûr ! Merci Dziga !
Au fait, savez-vous ce que signifie Dziga Vertov, le pseudonyme de David Abelevitch Kaufman ? « Toupie qui tourne ». Alias mouvement perpétuel. Pas mal pour un recommencement sans fin. Elle est retrouvée, quoi ?

OCTOBRE 2022

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Photogramme d’Un film comme les autres.
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Un film comme les autres

Groupe Dziga Vertov, Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Gorin.
Image : Atelier de Recherche Cinématographique, William Lubtchansky, Jean-Luc Godard
Montage : Jean-Luc Godard
France, 1968.

« Conversation entre 3 étudiants de Nanterre et 2 ouvriers de Renault Flins, entrecoupée par d’images des événements de mai 68 pris par les États généraux du cinéma. » (JLG, 1968)

« Un film comme les autres se décompose mécaniquement en trois éléments : deux images visuelles étaient, d’une part, un groupe d’ouvriers de Flins et d’étudiants de Vincennes discutant des événements de mai-juin 1968, et, d’autre part, des plans tournés par ces mêmes étudiants et ouvriers pendant cette période. L’image sonore est faite d’une multitude de textes produits par les luttes révolutionnaires de 1789 à 1968. » Jean-Luc Godard, Le Monde, 27 avril 1972.

Premier film du groupe Dziga Vertov fondé par Godard et Gorin en 1968. Il s’agissait « de constituer une nouvelle cellule qui ne fasse pas du cinéma politique mais qui essaye de faire politiquement du cinéma politique, ce qui est assez différent de ce que faisaient les autres cinéastes militants nous disons que le cinéma est une tâche secondaire dans la révolution mais que cette tâche secondaire est actuellement importante et qu’il est donc juste d’en faire notre activité principale. » Groupe Dziga Vertov. Cité par Alain Bergala, Godard par Godard, Éd. Cahiers du cinéma, 1985.

Dès juillet 68, Godard, avec ses propres moyens, entreprend Un film comme les autres. Il va rencontrer quelques-uns uns des acteurs de mai 68, des ouvriers et des étudiants et les filme sur une pelouse à côté de l’usine Renault Flint. Certains sont recherchés par la police et Godard, par précaution, ne filme pas leur visage. Il va en faire une figure stylistique puisqu’on ne verra jamais le visage de celui qui parle, justement pour privilégier cette parole de ceux qui ne l’avaient jamais eu et la prennent en 68. Godard s’en explique dans un numéro de la revue Cinéthique, concurrente des Cahiers du cinéma.

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Voici l’entretien avec Jean-Luc Godard paru dans Cinéthique n°1 de janvier 1969.


Photo de couverture du numéro 1 de la revue Cinéthique (1969).
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Un cinéaste comme les autres

GODARD : Je crois que je n’ai personnellement rien à dire. Non, je ne vois pas ce que je peux faire. C’est une revue comment ? Est-ce que vous avez de l’argent à perdre ? Les revues qu’il y a en ce moment sont inutiles, ou devraient au moins fusionner.

CINETHIOUE : Il n’y a aucune revue qui étudie systématiquement l’infrastructure économique du cinéma.

GODARD : Oui , mais enfin c’est lié. Ça ne peut pas se faire uniquement dans le cinéma. C’est lié à une activité politique... Il y a deux ou trois groupes dans le cinéma qui se sont formés. Si une revue doit se faire, ça doit être avec ces gens-là. Il y a aussi Burch [5] et Fieschi [6] qui ont leur école, mais je ne sais pas s’ils ont les moyens d’avoir une revue. Et encore, eux, ils sont plus universitaires, moins politisés, disons plus théoriques que d’autres. Losfeld leur a proposé de leur faire une revue, mais sinon je ne vois pas ... Ou alors des feuilles ronéotypées.

CINETHIOUE : Il y a un certain nombre de différences malgré tout.

GODARD : Oui, il ’y en a énormément, mais dans ce cas-là pourquoi une revue, il n’y a qu’à faire des films.

CINETHIOUE : Justement. Peut-être que les deux ensemble...

GODARD : Une revue est intéressante si elle exprime bien les positions théoriques... Une revue n’est intéressante — enfin je ne sais pas — que si on en a besoin pour diffuser les films qu’on fait. Si on ne fait pas ces films et qu’on fait des revues sans faire des films, comme ça s’est fait jusqu’à maintenant...

CINETHIOUE : C’est de toute façon à partir de certains films dont on ne parle pas que nous faisons cette revue.

GODARD : Oui, mais toutes les revues prétendent parler des films dont on ne parle pas. Toutes les revues qui existent ont toujours fonctionné comme ça, en essayant de se faire subventionner d’une manière ou d’une autre. Il n’y a aucune revue du cinéma commercial qui existe au fond. A part une ou deux revues publicitaires, les seules revues qui existent, c’est du cinéma non commercial.

CINETHIOUE : Oui, mais toutes les revues portent sur le cinéma Art & Essai. C’est-à-dire sur un cinéma "culturel" non subversif.

GODARD : Non, que EUX prétendent subversif. Vous discutez avec les CAHIERS, ils vous diront : "On parle du film d’Hanoun, on parle du film de Straub, on parle... On fait ça, et puis on essaye de changer le système comme ça."

CINETHIOUE : Oui, mais justement nous ne sommes pas d’accord. Par exemple , la manière dont ils ont parlé du film d’Hanoun est tout à fait contradictoire avec ce qu’il vise, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas insisté sur les conditions économiques dans lesquelles ce film a été produit, ce qui était essentiel. Il ne fallait pas parler du film comme film, mais parler de sa réalisation, de sa production, qui étaient vraiment révolutionnaires.

GODARD : Il faut bien faire les deux, mais tout film qui se fait en dehors du système est plus ou moins révolutionnaire, d"une manière ou d’une autre. C’est quelqu’un d’opprimé qui essaye de parler. Moi je crois qu’il n’y a pas grand chose à en dire pour l’instant, sinon entre groupes, ça ne vaut pas le coup d’être imprimé, de dépenser de l’argent. Enfin, c ’est mon opinion. Ce sera intéressant quand il y aura plus d’unité, quand il y aura un plus grand noyau qui se sera constitué.

CINETHIOUE : On peut contribuer à le constituer.

GODARD : Oui, c ’est ça, mais alors on peut faire des feuilles ronéotypées qui coûtent moins cher, qui sont distribuées de la même façon et qui informent exactement de la même manière. Mais la notion de revue... Il n’y a pas besoin de revue. Il y a besoin d’information ou de travail théorique. Des fiches qui se passent de l’un à l’autre... Toujours vouloir faire des pancartes dans des librairies ou ailleurs ...

CINETHIOUE : A partir du moment où on veut faire un certain travail, on commence à écrire des choses et on les publie. Pour correspondre on n’a pas d’autre moyen que de passer par un certain appareil d’édition.

GODARD : Ça, je n’y crois pas du tout. Si vous avez envie d’écrire quelque chose, vous l’écrivez, vous faites un article, et si vous pensez qu’il intéresse plus de 3 personnes, au lieu de le taper à la machine on le fait ronéotyper. Mais uniquement pour que la discussion soit plus large. Il n’en faut pas davantage parce que le cinéma, n’étant qu’une partie du reste, n’a pas besoin pour l’ instant d’avoir une revue à lui.

CINETHIOUE : A moins d’attirer le "reste" dans une revue de cinéma.

GODARD : A ce moment-là tout le monde est pareil. Les CAHIERS, quand on leur dit : "il vaut mieux arrêter", répondent : "Non pourquoi ? je ne vois pas pourquoi on arrêterait les CAHIERS. On a tout à fait le droit de continuer comme ça." Faire des livres serait plus intéressant, oupublier des tas de choses, des textes, en particulier des textes d’Eisenstein, de Vertov ou des choses comme ça. Mais si vous faites une revue, vous n’aurez pas d’argent pour ça.

CINETHIOUE : Dans ce même ordre d’idées, nous voulons faire systématiquement des entretiens avec des spectateurs...

GODARD : Si c’est de la documentation, il en faut beaucoup. Et s’il en faut beaucoup, vous n’avez pas de quoi faire gros. Il faut que ce soit comme des cours polycopiés. Pas une revue, des feuilles d’in­formation... Il y a eu peu de films et avec le peu d’argent qu’on a, il y a qu’à faire des films. Ça n’empêche pas de s’envoyer des lettres pour dire ce qu’on en pense aux gens qui ne sont pas avec soi.

CINETHIOUE : Oui, mais il faut les diffuser, ces films. Une revue peut aider à les diffuser.

GODARD : C’est possible. Si vous voulez. Une revue d’information, des feuilles indiquant ce qui ce qui se fait, telle chose, où on peut la trouver, c’est tout. Le pur truc d’information. Peut-être des notes théoriques de temps à autre, lorsqu’il y a de la place. Chacun qui peut le faire à ses frais le fait ; ensuite on adjoint 3 ou 4 feuillets au truc si le groupe pense que c’est intéressant. Sans plus ; quelque chose de très simple ; tandis qu’une revue, ça a toujours le côté... C’est la Vente, chaque mois, comme ça...

CINETHIOUE : Par exemple, UN FILM COMME LES AUTRES, c ’est quelque chose dont on aurait envie de parler.

GODARD : Je ne vois pas l’intérêt d’en parler ; éventuellement, quelquefois, le projeter...

CINETHIOUE : ...le projeter partout...

GODARD : Non, pas du tout ; qu’il soit projeté quelquefois, mais pas du tout dans le plus d’endroits possibles. C’est Zanuck qui veut projeter dans le plus d’endroits possibles, moi j’y tiens pas du tout. Zanuck ou Staline — puisque chez eux la distribution de films fonctionnait pareil.

CINETHIOUE : Ce ne serait pas forcément des salles d’ailleurs.

GODARD : Ah non, ça tout à fait d’accord, je crois qu’il doit y avoir beaucoup plus de films comme ça, et que quand il y en aura beaucoup plus...

CINETHlOUE : Oui mais si on projette ce genre de films dans les salles habituelles, ça changera un certain nombre de choses et dans le cinéma et à l’extérieur du cinéma...

GODARD : Entièrement d’accord, mais il vaut mieux dépenser un peu d’argent à faire des films et consacrer son énergie à voir comment ils peu­ vent être projetés. Mais là, ça ne se résoud pas théoriquement, ça se résoud dans la pratique. La théorie tout le monde est d’accord pour faire d’autre films d’une autre manière ; je crois que pour les gens du cinéma parallèle, qui veulent pas se couper de la cinéphilie, pendant un moment en tout cas, pour la retrouver, après, d’une autre manière.


CINETHIQUE : Peut-être qu’on peut essayer, à par­tir d’une revue, de créer un groupe, ou plusieurs groupes ...

GODARD : Je pense que le problème de la revue est fondamental, justement. On ne le fait pas, ça, à partir d’une revue. Après, il y aura peut-être besoin d’une revue, mais pas pour l’instant. C’est le contraire de ce qui s’est toujours fait. Je veux dire, Pékin, la révolution en Chine n’est pas venue autour des gens, autour de Mao ou je ne sais quoi, qui ont dit : eh bien on va créer Pékin-Information, et puis on va s’agrandir, et puis après on fera !a révolution en Chine. Ça a été le contraire, une fois qu’ils ont été installés, ils ont sorti Pékin-Information.

CINETHIQUE : Pour savoir comment faire les films, il y a un travail théorique à accomplir quand même. Pourquoi la revue ne serait-elle pas le support de ce travail ?

GODARD : Parce que pour l’instant, ceux qui sont prêts à faire des films nouveaux, il n’y en a pas des masses ; et s’il y en a un, il n’a pas de quoi faire des masses de films ; il y en a très peu ; donc ça peut s ’échanger d’une manière très simple qui est la feuille dactylographiée. C’est des problèmes très simples et très pratiques, et du point de vue pratique, il y a une revue qui s ’appelle CINEMA PRATIQUE et qui donne tous les gadgets, tous les trucs ... Lisez CINEMA PRATIQUE et réfléchissez avec la théorie de Marx, là-dessus . C ’est une revue réactionnaire, mais qui serait utilisée uniquement au point de vue technique, et qui est la meilleure, elle donne tous les détails, les adresses, !es choses comme ça. Si. un jeune type veut filmer. c ’est pas dans les CAHIERS ni dans POSITIF qu’il saura... il est forcé d’acheter CINEMA PRATlQUE pour savoir où il y a quoi et comment se fait quoi.

CINETHIOUE : Est-ce qu’une certaine forme de cinéma militant n’est pas en train de se créer clandestinement, en marge, avec très peu de moyens, juste les moyens nécessaires ?

GODARD : Oui mais je pense qu’il est condamné pour longtemps encore à vivre pratiquement sur les modalités de ce qu’il condamne, tout au moins de ce quoi il est contre. Théoriquement donc il ne faut plus parler de cinéma, pour en parler après plus tard, parler d’autre chose que le cinéma. Que le cinéma naisse dans la pratique sociale et non pas le contraire. Ne pas arriver dans la pratique sociale avec des idées sur le cinéma, mais faire une pratique sociale et trouver les idées cinématographiques qu’elle implique : Ça c’est lié... à tout, et ça diffère suivant les pays : le cinéma qui peut se faire en France aujourd’hui n’est pas le même que celui qui peut se faire en Guinée ou en Amérique du Sud.

CINETHIQUE : Je suppose qu’à l’heure actuelle la notion de film d’auteur n’a plus aucune consistance ...

GODARD : Il faut en reparler après. Non pas de film d’auteurs, mais de délégués responsables ou quelque chose comme ça. Celui qui a peint le tableau de Mao Tsé Toung, c ’était un responsable qui s’est occupé de la peinture, du choix des couleurs, des choses comme ça ; mais ce n’est pas pour ça qu’ils disent que c’en est l’auteur, c’est le camarade responsable de cette peinture ; il est évident qu’il n’y a pas intérêt à être quarante pour tenir un petit pinceau. Pour le cinéma, c ’est pareil : mais on en est loin ; on a tellement lutté pour se débarrasser des exploitants ... Quand on discute le coup de Wilson, justement les machinistes "Quand on monte une pièce, on n’a pas voix au chapitre" alors on disait à Wilson : "Voilà une discussion intéressante, pourquoi vous ne donne pas voix au chapitre aux machinistes quand ils choisissent une pièce", et à ce moment il dit : "lui est machiniste, moi je suis directeur de théâtre". Les machinistes, si on les pousse au fond, on leur dit : "Vous savez, avant de choisir une pièce, il faut en lire soixante » alors ils disent : bon on aime mieux rester machinistes. On n’est même pas au début du problème. En mai, on l’a vu avec les directeurs de la Culture ; beaucoup de secrétaires étaient très contentes parce qu’elles s’étaient dit : "On va s’occuper de théâtre" ... Mais les directeurs des Maisons de la Culture râlaient et disaient : qui va taper à la machine ?

CINETHIOUE : Mais dans le cas du cinéma, pratiquement, une création collective, c’est encore de l’utopie ; on ne peut pas envisager même un montage collectif, alors que ça pourrait être très intéressant, mais enfin on ne peut pas travailler à dix personnes sur une table de montage.

GODARD : Non, mais c ’est le responsable ... Pour une voiture, il n’y a pas besoin de 40 personnes. il en faut une ; mais plusieurs personnes peuvent décider de l’endroit où elles vont aller avec cette voiture. Pour les films, c’est pareil. Pratiquement on arrive à les faire avec très peu de gens : à 3 ou 4, on a une discussion plus facile qu’à 50 ou 60 ; mais il peut y avoir un projet général voté à 40 ou 60 personnes, puis on décide que 3 ou 4 le feront. C’est le problème des commissions : on décide qu’untel ou untel fera telle chose ; c ’est la com­mission qui fera le film. Mais à ce moment-là, il faut faire des films très différents, beaucoup plus simples, renverser les problèmes pour retrouver la simplicité, et pas faire en pauvres ce que les autres font en riches.

CINETHIOUE : Mais dans ce mode de cinéma, il y aurait de la place pour les comédiens en tant que profession ?

GODARD : Si, tout à fait. Les comédiens, il faudrait les déléguer à l’action, les gens qui savent introduire dé la fiction, ils participent tout autant, ils créent. Pour l’instant, ils sont utilisés comme objet ou comme truc magique au mieux.

CINETHIQUE : Utiliser les acteurs comme sujet, ce n’est pas utiliser le public comme objet ?

GODARD : On ne peut pas poser des problèmes théoriques comme ça sans dire qu’ils né valent rien pratiquement. Lorsqu’il faut utiliser un acteur, alors prenons un acteur et voyons avec lui si on peut l’utiliser.

CINETHIQUE : Est-ce que vous utilisez les acteurs de la même façon qu’il y a 10 ans ? Si vous tourniez quelque chose avec Belmondo, est-ce que vous vous en serviriez de la même façon ?

GODARD : On ne tourne pas avec Belmondo ; il­ est interdit de tourner avec Belmondo aujourd’hui. Belmondo, on peut tourner que la SIRENE DU MIS­SISSIPI [7] au mieux. Donc le problème ne se posé pas. Belmondo, Newman ou je ne sais pas qui, de même que vous ne déjeunez pas avec Marcellin ou Debré ; vous ne posez pas la question : est-ce qu’on doit déjeuner avec lui ou pas, ça n’en vaut vraiment pas la peine.

CINETHIQUE : Est-ce que les acteurs qui sont passés par une espèce de formation professionnelle...

GODARD : Je ne vois pas. Ça ne sert à rien de nommer les choses. Quand quelqu’un était devant la caméra, je me disais : c’est un acteur, et puis celui qui est derrière, c’est comme ça, et puis celui qui sera devant l’écran, c ’est un spectateur. Ne nous posons plus ce problème maintenant ; je veux dire ne les posons plus comme problèmes ; il y a des problèmes qui sont des faits, c ’est tout.

CINETHIOUE : Une question qu’on peut poser, c’est si la profession d’acteur n’est pas liée à l’oppression d’une classe ?

GODARD : Oui, sûrement, mais... Faisons des choses qui ne posent plus ces problèmes ; tous ces gens qui discutent au syndicat des acteurs de choses comme ça... ce sont des faux problèmes.

CINETHIQUE : Et vous pensez que c’est la même chose en ce qui concerne, par exemple, le fait d’écrire un scénario, de raconter une histoire ?

GODARD : Non, pas du tout. On raconte toujours des histoires. Si on appelle scénario un bouquin qui est écrit comme ça, bien ; il y a des gens qui ont besoin de prendre beaucoup de notes et de mettre ça sous une forme plus traditionnelle, ça les regarde.

CINETHIOUE : Dans UN FILM COMME LES AUTRES vous êtes parti uniquement de la discussion des gens, et ensuite des photos ?

GODARD : Oui, c’est ça.

CINETHIOUE : C’est à la fois une prise de position esthétique. Est-ce que c’est variable en fonc­tion de la matière et du sujet que vous prenez, du sujet qui vous intéresse ?

GODARD : La seule idée qu’il y a, c’est de faire les choses plus simplement et plus rapidement, donc moins chères, et aussi plus en mouvement par rapport à elles-mêmes, c’est-à-dire que le plan d’après vienne de la critique du plan d’avant. Là, il y a des étudiants qui discutent, ça peut avoir un certain intérêt et c’est mieux d’essayer de raconter l’histoire de Mai à leur manière que de rajouter des choses, et puis de rajouter un autre discours par-dessus. Ça peut se tenir, plusieurs éléments de l’expérience sont ensemble, et on peut tirer certaines conclusions peut-être.

CINETHIQUE : Est-ce que, dans cette perspective, la projection du film, la participation du spectateur est aussi une expérience qui prolonge le film, où est-ce que c ’est quelque chose qui vient s’ajouter comme ça, sans aboutir ?

GODARD : C’est bien qu’il y ait des discussions ; parce qu’avant il n’y en avait pas.
·
CINETHIQUE : Si c’était en votre pouvoir, est-ce que vous interdiriez qu’on projette vos anciens films ?

GODARD : Non, ça m’est égal. Il faut les critiquer. On ne peut pas nier ce qui a été fait. Que ce soit eux ou d’autres ...

CINETHIQUE : Cependant, vous avez rompu avec eux ?

GODARD : Rompu, non... changé.

CINETHIQUE : Rompu avec leur esthétique, avec un certain romantisme.

GODARD : Peut-être pas tellement, non. Romantisme... Mal employé peut-être.

CINETHIQUE : Du point de vue distribution des films, est-ce que vous croyez que les tentatives de type Cinéma Populaire peuvent être récupérées de manière intéressante ? Du côté des Maisons de Jeunes par exemple ?

GODARD : Je ne sais pas. C’est comme la réforme universitaire.

CINETHIQUE : Oui. Mais pratiquement c’est ce qui existe. Le cinéma réformiste, disons.

CINETHIQUE : Là-dessus le CNC aussi a certains projets. Le 16 mm par exemple.

GODARD : Oui, il met la main sur le 16, quoi, comme il avait mis la main sur le 35. C’est le cinéma réformiste. Faut-il travailler dans le réformisme pour essayer de le radicaliser, ou rester en dehors pour créer ?

CINETHIQUE : Comment répondez-vous à cette question ?

GODARD : . Moi, j’avoue que je ne sais pas ; je n’arrive pas à théoriser ; j’essaye de faire un peu des deux. Un peu des deux ; pour l’instant, je ne fais rien. Mais je pense que l’un est aussi difficile que l’autre. · ·

CINETHIQUE : Faites-vous encore des ciné-tracts ?

GODARD : Pas pour l’instant, non ; je crois que je vais en refaire, mais... ·

CINETHIQUE : Quelle est votre position à l’égard. d’un travail purement formel, comme dans MEDlTERRANNEE de Pollet, par exemple ?

GODARD : C’est intéressant. Si les Etats-Géné­raux avaient les moyens de faire des films, ces films se feraient aussi parce qu’il y a d’autres principes que le militantisme pur et simple, mais ces films n’auront pas la même majorité que... Ce sont des films théoriques... Ceci dit, il vaudrait mieux que, avant de faire MEDITERRANEE, Pollet ait milité 3 mois, parce qu’après, au moment de faire le film, il le ferait autrement. MEDITERRANEE ne parlerait pas de la mort de la même façon, il parlerait peut-être de la lutte des classes, pas de la mort et du bassin méditerranéen comme Camus.

CINETHIQUE : Nous parlerons de Pollet parce qu’il appartient à la bourgeoisie et que ça lui pose des problèmes. A vous aussi d’ailleurs, non ? l

GODARD : Ça, c ’est le problème des hippies, de certains musiciens, des trucs comme ça, qui auraient pu se radicaliser et qui ne le font pas ; qui restent en dehors, redeviennent sauvages ; qui ne veulent pas appartenir à la bourgeoisie et préfèrent être sauvages ; qui ne veulent pas être autre chose.

CINETHIOUE : Oui, mais Pollet est honnête dans la mesure où il dit : "je suis bourgeois, je suis né enfermé dans une culture bourgeoise" ...

GODARD : Oui, mais c’est facile ça, Allez en province, demandez du travail chez Mazda et puis...

ClNETHIQUE : Par exemple, il aurait voulu intro­duire dans ROBINSON des implications politiques, il n a pas pu.

GODARD : Ça prouve donc qu’il y a insuffisance. On ne peut pas trouver tout seul une pratique sociale, c’est évident ; les idées justes ne tombent pas toujours du ciel, lui il voudrait que les idées justes tombent du ciel alors il dit : "s’il y en a une qui me tombe sur la tête, je la prends, mais tant qu’elle ne tombe pas, je ne peux pas ; je vou­drais bien mais je regarde le ciel et il n’y a rien qui vient..."

CINETHIQUE : Il a des idées politiques, mais il n’arrive pas à les réaliser dans le cinéma.

GODARD : C’est ce qu’il y a de difficile dans le cinéma surtout qui est un spectacle encore plus bourgeois que les autres. Les ouvriers qui sont dans ce spectacle sont des ultra-esclaves ; ce sont des gens récupérés comme les Noirs en Amérique. Le machiniste du T.N.P. ou de la Comédie Française est un oncle Tom par rapport au spectacle qu’il fait. li n’a aucun lien avec la classe ouvrière : il est ouvrier, il est payé la même chose qu’un ouvrier chez Renault, mais il n’a aucun lien, aucune expérience des luttes ouvrières. Ce qu’il appelle des luttes ouvrières à l’intérieur sont en fait des tolérances des privilèges plus ou moins grands à l’intérieur d’un jeu bourgeois. Mais il n’y a aucune lutte de classes entre les machinistes de la Comédie Française et Robert Hirsch.
Pour les gens de spectacle, la seule manière de se radicaliser, c’est de couper les ponts un jour ou l’autre, sans oublier les acquis théoriques qu’ils ont pu avoir — mais les mettre en réserve de tâcher de les vérifier au fur et à mesure, pour repartir d’une autre façon. C’est exactement l’abandon même de ce qu’ils font. Pour l’instant il ne. semble pas qu’il y ait beaucoup de possibilités de vaincre... Cette espèce de point mort de l’idéologie bourgeoise du spectacle, qui est tellement forte qu’elle existe partout, même dans les pays les plus opprimés du Tiers-Monde.
Il est plus difficile pour un Pollet de faire le film qu’il voudrait faire ici que pour... Il est plus facile, plus aisé pour Ousmane [8] de trouver, de savoir ce qu’il doit faire que pour Pollet. Ousmane n’a pas à dire : "je voudrais bien mais j’arrive pas", il dit : "je voudrais bien mais on m’en empêche".

CINETHIQUE : A propos de couper les ponts...

GODARD : Il y a deux manières. Il y a certaines troupes de théâtre qui jouent dans la rue, qui jouent autrement, qui vont à Sartrouville, des choses comme ça, plus en contact. Pour le cinéma c’est pareil ; c’est très simple ; on prétend qu’on est politisé, qu’on s’intéresse ? Bon, il y a plein de groupements, il y a un cercle Rouge qui demande des adhérents, on peut y entrer comme on veut, participer aux discussions, écouter, voir. le plus sérieusement possible, puis, après, le film qu’on fera, forcément naîtra d’une autre manière. Je ne dis pas que c’est facile ou que c’est très simple mais ça me semble la seule chose possible.
De même le problème des CAHIERS DU CINEMA ; il n’y a rien de changé ; ils sont complètement prisonniers — même s’ils savaient ce qu’il faut écrire — s ’ils ne veulent pas arrêter la revue, écrire ce qu’il faut écrire, jusqu’au moment où Filipacchi l’arrêtera parce que Filipacchi ne peut pas publier des CAHIERS MARXISTES-LENINISTES. Donc à ce moment-là, dans la mesure où l’on pense qu’on écrit en trichant, il arrive un moment où l’on ne peut plus le faire. Ceci dit, je suis assez de l’avis des situationnistes : tout est récupéré par le spectacle, tout est spectacle.

CINETHIQUE : A ce moment, pourquoi faire les clowns si on n’est pas sûr que le cinéma est utile dans la pratique sociale actuelle ?

GODARD : Mais c’est sûr qu’il est utile, mais ce que j’appelle cinéma, c’est tout, c’est des images et des sons, vus par quelque moyen que ce soit : la presse, les bouquins, les projections sur télévision ou sur écran, dans des salles ou dans des locaux... C’est forcément utile, c’est comme... c’est la littérature, la langue, la parole, la science ...

CINETHIOUE : Oui, mais si on ne contrôle pas ses significations politiques, si on ne connait pas leur effet, leur impact...

GODARD : Eh bien contrôlons-le ; si on fait des films, c’est qu’on prétend les faire en contrôlant... De toute façon ça évolue, ça change, ce n’est pas un mode d’emploi qui est valable ad aeternam...

CINETHIQUE : Toutefois, une des tâches les plus urgentes, c’est que le public voit les films, donc un circuit de distribution.

GODARD : Pas du tout. pourquoi un circuit de distribution ? Pour l’instant un circuit de distribution, c’est Prisunic, c’est Ford qui parlent de circuits de distribution. Disons qu’il faut que les gens voient les films. Mais surtout les faire. Il faut faire des produits plus simples, meilleur marché avec lesquels on puisse survivre en territoire ennemi. Il faut que le film soit amorti par des quêtes, par les dons des organisations qui les partagent. Pour l’instant le Super 8 est quand même cher et il faut un bon projecteur. Faut le faire à 2 ou 3, puis pendant que l’un tourne, l’autre parcourt la France et projette le film. Pratiquement, une série de maquis différents qui se rencontrent. On peut dire que le but est de produire, c’est-à-dire de faire des actes de résistant. Le sabotage, ça veut dire fabriquer un film, en Super 8 ou en magnétoscope selon les possibilités de chaque maquis. Combien coûte une bobine de 16 muette de deux minutes et demi : 5000 anciens francs ; une bobine de 8 : 2000 francs. Un film d’une demi-heure, ça fait dix fois 2000 trancs ; s’il y a dix personnes que donnent 2000 francs, on peut faire un film d’une demi-heure tous les mois. Il y a bien des gens qui peuvent donner 2000 anciens francs. Puis voir comment, pourquoi ce film. Il ’y a pas 36 problèmes. Et s’il y a plus de moyens, si on peut faire des grands films, on examine s’il faut le faire ou pas.

CINETHIOUE : C’est un peu ce qui s’est fait au mois de Mai.

GODARD : La critique qu’on peut faire au truc du mois de mai, justement c’est qu’il y a eu trop de métrage. C’était des gens pauvres et ils ont gaspillé beaucoup de choses, dont peu a été fait. Le peu qui a été fait, c’était bien, mais il n’y avait pas besoin de tant de métrage. Maintenant il n’y a pas de quoi faire quelque chose. Justement rien n’empêche les gens comme Pollet et autres de faire quelque chose, aux Etats-Généraux ou ailleurs, mais c’est eux gui ne veulent pas : ils disent : moi, je viens de la bourgeoisie, donc je n’en sortirai pas. Il faut le dire : celui qui a fait du cinéma de recherche, tout en étant opprimé parce qu’if n’arrive pas à faire son cinéma, est opprimé à l’intérieur de son système à lui, mais en fait il est moins opprimé qu’un ouvrier ou qu’une classe défavorisée qui, elle, est opprimée dans tout le système. Lui, il peut se réfugier dans la musique, ou dans l’art, ou dans la recherche, ce que ne peut pas faire l’autre parce qu’il n’a pas été à l’école. Vous voyez ce que je veux dire : il est opprimé à chaque seconde de sa vie, tandis que des types comme Hanoun ou Pollet ou comme moi qui disent : Bon d’accord je fais mes trucs tout seul, en fait on ne se lie pas assez avec les autres. Je pense qu’il faut se lier plus. Et ce n’est pas facile. Le jour où il y aura autant de travailleurs manuels qui se soucieront d’art que de travailleurs intellectuels, le lien sera fait. ·
Je trouve préférable que Pollet, Hanoun, ou n’importe qui fassent des films, mais en étant le plus possible en contact : plutôt qu’au dehors. Et pas uniquement en lisant une revue et en disant : je me tiens au courant, je sais ce qui se passe, ou : je suis poète donc je sens les choses, sans le dire comme ça, mais au fond en restant anarchiste au mauvais sens du terme, au sens bourgeois du terme "anarchie" c’est-à-dire en dehors. Le vrai sens du terme "anarchie" c’est le conseil ouvrier, les communes, le partage des terres, le partage du travail. Ça se fait petit à petit ; il n’y pas de coupure...

J.-P. C. - G. L. (Jean-Paul Cassagnac et Gérard Leblanc).

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Débat autour d’Un film comme les autres

Le communiste 1 : Si vous aviez passé Pierrot le fou, ça aurait été autre chose (rires). C’est un film politique Pierrot le fou. Autant j’aime l’œuvre de Godard jusqu’à ce film, autant celui-là…(rires)

Voix de femme : Dans ce film, on se perd dans un flot de paroles et en définitive, on retrouve exactement l’impression d’avoir été noyé dans le mois de mai, dans les paroles. J’ai découvert une chose que je n’avais pas vue au mois de mai, c’est qu’il y avait du soleil magnifique. J’ai passé mon temps dans un bureau syndical, et je ne m’en étais pas aperçu.

Le communiste 1 : Un point d’information : les caméras dans les usines, ça n’a pas commencé en Mai. Par exemple en 1952, un opérateur qui s’appelle Sacha Vierny est venu en Seine-Maritime, à la demande du Parti communiste français, pour tourner un film dans les usines. Le film, la forme mise à part, me fait penser au plus mauvais réalisme socialiste.

J.-L. Godard : À propos de réalisme socialiste, il y a deux ans à la biennale de Venise, quand il y a eu Rauschenberg, le Pop art, etc., c’était très frappant, dans une salle, il y avait un peintre bulgare qui avait envoyé une toile, qui était du réalisme socialiste puissance dix mille, il y avait la batteuse, etc. Or, au milieu de toutes ces toiles soi-disant modernes, la seule qui faisait un effet complètement surréaliste, c’était la toile du réalisme socialiste. Donc tu vois, on peut pas dire les choses aussi simplement que ça. Par rapport au film, il faut replacer les choses dans leur contexte. Moi, je donne raison à tout le monde, du point de vue cinématographique. Vous parlez de ce film comme si c’était un modèle, parce que vous avez été habitués à voir des films comme modèle. On est coupables, puisque nous avons prétendu que nous étions des créateurs et des auteurs, et qu’il fallait admirer les films comme une œuvre d’art. Si le cinéma devait être comme il devrait être, et encore je dis cinéma sans parler de la télévision où le problème est encore plus dramatique, si la télévision-cinéma était ce qu’elle devrait être en France, ce film-là passerait à 3 heures du matin comme une télévision scolaire ou informative sur la 14e chaîne. Et ce qui passerait sur la 2e chaîne à 10 heures du matin, ce serait une heure qui serait confiée aux responsables culturels de Cléon, ensuite de Rhodiacéta, ensuite de Citroën, ensuite du Théâtre National Populaire, ensuite de l’équipe du Red Star ou de Marseille. Et nous en sommes à des millions d’années-lumière. Pour ce film, ce que je trouve intéressant, ce qui me fait plaisir, c’est que des gens à qui je le passais à Paris disaient que c’était impossible d’avoir une discussion politique après ce film (rires). Au contraire ici, vous avez essayé de démarrer là-dessus, donc il n’est pas aussi inintéressant que ça. Ce film pourrait s’appeler : « Un des moments de la parole étudiante à Paris tel jour », et il faut en faire plus comme ça. C’est deux personnes de Flins et trois personnes de Nanterre que je connaissais qu’on a filmé n’importe comment. Il y en avait deux qui étaient recherchés par la police, c’était le moment de la répression et on avait décidé de ne pas montrer les têtes, pour qu’éventuellement ils ne puissent pas être reconnus. Et j’ai trouvé ça plus intéressant, puisque c’est un film sur la parole. Car une des choses importante en Mai, peut-être à tort ou à raison, mais simplement comme une chose pratique, ça a été des choses de paroles et de langage, dans un certain milieu… (le photographe de Paris-Normandie s’approche) Non, mais ne prends pas de photo ! Il y a pleins de photos à prendre. Tu as des photos à faire à Cléon demain, alors tu n’as pas besoin d’en faire ici. Sur la parole étudiante, il est évident que les autres ne répondent pas. Pourquoi ils ne répondent pas ? On ne leur a pas appris à parler. Tout d’un coup en face d’une caméra, il y en a qui occupent tout le temps l’écran et d’autres pas. Si je suis tout à fait de ton avis, en gros, sur la CGT, je suis contre en ce qui concerne la CGT dans le cinéma. La CGT dans le cinéma est carrément réactionnaire. Je parle uniquement de l’organisation cégétiste dans le cinéma. Quel est l’endroit où les gens n’ont pas fait grève en France, alors que des millions la faisaient, c’est dans le cinéma. Tous ont été protectionnistes, CGT, CFDT, FO, ils ont été augmentés tout de suite, et aucun n’a fait grève. La seule chose qu’on n’arrête pas, c’est le spectacle. Même les théâtres ont fait grève !

Le communiste : Mais…

J.-L. Godard : Je termine, après je m’arrêterai complètement. Ce qui m’importe et qui me frappe, c’est que tous les films que j’ai fait jusqu’à maintenant, même en me politisant un peu plus et venant du milieu d’où je venais, les gens vers lesquels j’ai été attiré, où je sentais qu’il y avait les plus grandes sources de richesse, c’est ceux-là chez qui la chose du langage était brimée. Il y a une chose frappante : en Italie et en France, où les Partis communistes sont les plus puissants d’Europe occidentale, il y eu des grèves par centaines, il n’y a jamais eu UN film communiste sur les grèves, jamais un film communiste italien sur les grèves ! Pourquoi ? Voilà des choses qui me frappent et qui me font dire de ces gens-là, ils ont une parole au sens le plus large, une invention humaine, qui sont plus fortes que la nôtre ou que celle qu’on nous a apprise et dont on veut se débarrasser. Et pourtant ces gens-là ne parlent pas. Il ne s’agit même pas de leur donner une caméra, il ne s’agit pas de faire un film dans les usines, il s’agit de savoir exprimer le point de vue des gens. Moi je ne sais pas pour l’instant, et j’aimerais bien savoir. Alors, j’essaie simplement de me rapprocher. Bon, on est ultra-gauchistes, si tu veux, mais dans le cinéma simplement, il y a des gens qui, par rapport à nous, sont carrément à droite, qui nous empêchent le plus de faire ça, et ce sont justement les organisations syndicales qui font qu’il n’y a pas de films communistes. C’est quand même extraordinaire que ce soit nous, les bourgeois, les enfants de bourgeois qui au pire ou au mieux sont gauchistes, c’est pas le rêve non plus, c’est nous qui devons essayer de faire des films, avec la répression patronale, policière ou de censure, parce que vous ne les faites pas et que vous ne voulez pas les faire !!! Je me souviens encore d’un tract de la CGT en 1946 qui demandait aux travailleurs du cinéma de lutter à la fois contre Coca-cola et contre la pellicule magnétique.

LIRE : Débat autour d’Un film comme les autres de Jean-Luc Godard
Sur la conservation des documents de 68


Photogramme d’Un film comme les autres.
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Jean-Pierre Gorin : Tout est à sa juste mesure dans ce film. L’interminable "dialogue de classes" dans les champs autour de Flins tout comme les extraits d’images d’actualité qui ponctuent cette conversation en disent plus sur Mai 68 qu’aucun autre film de (et depuis) la période. Oui, tout semble juste : la distance à laquelle ces ouvriers et ces étudiants sont filmés, distance qui les placent tout près du flou, et cette caméra qui, lorsqu’elle se rapproche, semble refuser de se fixer sur un visage en particulier, préférant plutôt filmer comme si tous étaient les figurants d’une épopée médiévale à la Bresson, Lancelots de la lutte de classe.
Le dialogue est là, suspendu, sans visée et pourtant concentré : polyphonie ratiocinante hantée par les fantômes de l’Histoire, qui ressuscite maladroitement un espoir qui, une fois encore, ne s’accomplira pas. Acquises au mètre, à l’indignation pieuse des dévots du contenu qui les avaient tournées, les archives d’actualité établissent le lien, poignant, intime, entre les corps et les visages de 68 et ceux de 36.
Ce que j’avais compris alors, et qui restait caché à tous ceux pris au piège des paramètres de cette tradition abrutissante qui définissait le “cinéma politique”, est devenu aujourd’hui bien plus évident à tout le monde. Un film comme les autres, un film si différent de ceux produits en Mai 68, est le documentaire parfait. C’est un carbone rigoureux attestant des événements, préoccupé obstinément de la musicalité de Mai, de ses mots, de son pathos, de ses textures, des corps et des visages qui l’ont fait, et de leur manière de s’inscrire comme les ultimes rejetons d’une tradition sur le point de disparaître au moment précis où elle revendique sa volonté de survivre.
Une vulnérabilité poétique habite ce film vraiment “comme les autres”, car il reprend les gestes du début du cinéma, comme si les Frères Lumière, au lieu d’enregistrer les ouvriers sortir de leur usine, les avaient filmé dans ce moment bref et fragile où ils l’occupaient.
Histoire, quand tu nous tiens…

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Le groupe Dziga Vertov

Godard créera en 68 avec un groupe de militants maoïstes le groupe Dziga-Vertov.

Ce groupe sera composé d’un jeune militant marseillais, Jean-Henri Roger, avec qui il tournera " British Sounds " et " Pravda ". Il tournera également " Vent d’Est ", " Luttes en Italie ", " Jusqu’à la Victoire ", " Vladimir et Rosa ", " Tout va Bien " et " Letter to Jane " avec Jean-Pierre Gorin, ancien journaliste et militant.

Ce groupe a existé de 1968 à 1972, et a tourné tout ses films en 16mm (à part " Tout va Bien ") ; il voulait sortir du cinéma commercial et de la distribution commerciale.

Godard ira, par exemple, montrer ses films dans les universités américaines.

Mais le problème qui retient le plus l’attention de ce groupe est le montage.

Puisque le cinéma est fait d’images et de sons, comment les utiliser selon une pratique révolutionnaire ?

Comment les ordonner, les confronter afin qu’ils s’opposent aux méthodes du cinéma bourgeois dominant ? Comment promouvoir un cinéma politique et militant au service du prolétariat ?

Godard répond :

" Je crois à la diffusion de masse quand il existe un parti de masse.(…) Le cinéma est un instrument de parti. (…) Nous, pour l’instant, nous disons que le cinéma est une tâche secondaire dans la révolution mais que cette tâche secondaire est actuellement importante et qu’il est donc juste d’en faire une activité principale. "

D’où vient le nom de ce groupe ? Godard a répondu à cette question lors d’un interview fait en 1970 par Kent E. Carroll :

Question : Pourquoi avez-vous pris le nom de Groupe Dziga-Vertov ?

Godard : Il y a deux raisons. La première est le choix de Dziga Vertov, la seconde le choix du nom Groupe Dziga Vertov.
Le nom du groupe n’est pas pris pour élever une personne, mais pour brandir un drapeau, pour indiquer un programme.

Pourquoi Dziga Vertov ? Car au début du siècle il était un véritable cinéaste marxiste. En faisant des films, il contribuait à la Révolution Russe. Il n’était pas uniquement un révolutionnaire.
C’est un artiste progressiste ayant participé à la révolution et il est devenu un artiste révolutionnaire à l’intérieur de la lutte. Il a dit : Le devoir d’un cinéaste — kinoki — n’est pas de faire des films — en fait kinoki ne veut pas dire cinéaste mais ouvrier du cinéma —, mais de faire des films au nom de la Révolution Prolétarienne Mondiale.

ou, dans Cinéma 70 n° 151 (décembre 1970) :

Nous avons pris le nom de Dziga Vertov non pas pour appliquer son programme mais pour le prendre comme porte-drapeau par rapport à Eisenstein qui, à l’analyse, est déjà un cinéaste révisionniste, alors que Vertov, au début du cinéma bolchevique, avait de tout autres théories consistant simplement à ouvrir les yeux et à montrer le monde au nom de la dictature du prolétariat. À cette époque, le terme de Kino-Pravda, n’avait rien à voir avec le reportage ou la caméra “candide”, ce avec quoi Dziga Vertov est abusivement assimilé aujourd’hui sous le concept de “cinéma-vérité” : cela voulait dire cinéma politique.

Le groupe Dziga-Vertov s’efforcera alors de reprendre le style et les thèmes chers à Dziga Vertov.

Tout d’abord, il va reprendre une idée essentielle du cinéma de Vertov : Vertov filme la matière brute, accumule images et sons sans aucun souci de fiction.
Pour les mettre en place, il refuse de les interpréter selon la méthode traditionnelle, ce montage qui organise, impose un ordre rassurant à la matière.

Pour Dziga Vertov, il s’agit de dénoncer l’ordre dominant sans recourir aux trucs du "langage cinématographique".

Le film "En Avant les Soviets" illustre cette démarche propre à Vertov. A travers la construction d’un barrage en Union Soviétique, il produit un hymne au monde du travail et à la machine, contre l’arbitraire de la nature.

Il commence par présenter des images d’éléments naturels, eaux et montagnes...

Puis il restitue la progression du travail : machines qui trépident, hommes qui se concentrent ou se démènent.

Le rythme s’accélère et le film s’achève sur l’image de grandes transformations.

C’est un cinéma qui se veut totalement au service de la révolution.

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Le Groupe Dziga-Vertov s’essaye à cette approche documentaire et propagandiste dans "British Sounds", qui retrace un moment de la réalité anglaise en 1968. Le film s’ouvre sur une chaîne de montage dans une usine d’automobiles.

Le film présente ensuite plusieurs discussions : ouvriers marxistes anglais, militants étudiants parlant de la sexualité et de la répression.

L’image devient slogan : si on parle de ventre, on vous montre un ventre. Ce film est un détournement de production, il avait été commandé par la BBC, on l’utilise pour donner la parole à ceux qu’elle n’invite jamais, l’ouvrier politisé ou l’étudiant révolté.

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Lotte in Italia

Avec : Cristiana Tullio-Altan (Paola Taviani), Paolo Pozzesi (le père, le policier, le narrateur), Jerome Hinstin (le jeune homme), Anne Wiazemsky.

La chaîne italienne RAI, productrice de Luttes en Italie, escomptait un reportage en forme d’essai sur la situation politique italienne de 1969. Ce qu’elle a obtenu a été tout autre : un film qui se donnait comme l’adaptation d’un texte de Louis Althusser au sujet de la version marxiste de l’idéologie. Un film, donc, qui interrogeait rien moins que la capacité et les limites d’un cinéma purement théorique.
Tourné en douze jours dans l’appartement parisien de Godard, plus quatre jours supplémentaires en Italie passés à glaner quelques plans de la vie quotidienne prévus en amont, le film fait jouer quelques amis italiens en guise d’acteurs, ainsi qu’un jeune homme qui travaillait à la pizzeria du coin. Luttes en Italie peut s’apparenter à un jeu de société conceptuel ou encore à un morceau abstrait de musique de chambre, dans lequel les images stylisées du quotidien de l’héroïne participeraient d’un refrain constamment reconduit.
Le cadre précis et mesuré, l’utilisation répétée de l’écran noir et la primauté de la bande-son sont là pour attester d’une utilisation provocatrice du média télévisuel (producteur du film) par les cinéastes et de leur pleine conscience de ce qui précèdera et suivra leur film lors de sa diffusion sur le petit écran.
Cette stratégie de rupture n’a été appréciée que modérément par la RAI qui a envoyé le film aux oubliettes.

« Dans l’idéologie est donc représenté non pas le système des rapports réels qui gouvernent l’existence des individus, mais le rapport imaginaire de ces individus aux rapports réels sous lesquels ils vivent. » Louis Althusser.

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Voici quelques unes de mes notes sur le film.


Notes sur Luttes en Italie.
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Découpé en trois parties, qu’annoncent le carton « luttes en Italie  » et une voix off aussi omniprésente que didactique, il enchaine des images simples, moment de vie d’une jeune étudiante qui s’est définie à la première seconde comme marxiste. La continuité de la chaine d’images, c’est-à-dire leur raccord, est assurée par un écran noir.
Pour le groupe Dziga-Vertov ce noir occupe la place d’une image juste, c’est-à-dite « d’une image nécessaire et suffisante ». Tout l’enjeu du film sera de découvrir qu’elle est cette image juste.

Gorin : Luttes en Italie est un film sur la transformation d’une fille qui dit au début qu’elle est impliquée dans le mouvement révolutionnaire et qu’elle est marxiste.
Le film présente trois parties. Pendant la première partie, tandis qu’elle parle, on découvre petit à petit qu’elle n’est pas si marxiste qu’elle le dit. L’idéologie bourgeoise marque certains aspects de sa vie. Ce que nous essayons d’expliquer dans les deux autres parties, c’est comment c’est arrivé. Donc, tout le film est fait de reflets des quelques images de la première partie.

Godard : Dans la deuxième partie, elle prend conscience que quelque chose n’allait pas dans la première partie. Elle en prend conscience, et nous avec elle (puisque nous lui- ressemblons plus ou moins), mais elle ne sait pas vraiment comment découvrir ce qui est arrive. Dans la troisième partie, à cause de ce qu’elle vient de réaliser, elle doit revenir sur la première partie et essayer de découvrir ce qui s’est passé.
La première partie est faite d’une série de chapitres de sa vie : université, famille, foyer, militantisme — juste de rapides coups d’œil sur sa vie — tous séparés par des images noires. Au début de la troisième partie, elle reprend son discours de la première partie et dit : « ce que nous avons vu jusqu’à maintenant, ce n’est pas ma vraie vie. Ce ne sont que quelques chapitres de ma vie, et ce ne sont même pas des chapitres issus de la réalité, ce ne sent que des reflets, et de faux reflets. »

Gorin : Les chapitres sont annoncés par une voix qui dit seulement « Militantisme », « Sexe », « Famille », et cette voix est la voix de l’idéologie bourgeoise qui cloisonne tout.

Godard : Elle réalise, petit à petit, que même quand elle disait : « je suis marxiste, je lutte centre l’idéologie bourgeoise », elle parlait avec la même voix que son ennemi. Elle essaye de trouver comment elle peut combattre efficacement cette voix, et comment cette voix s’infiltre dans sa vie.

Gorin : Dans la première partie, ce qui frappe le plus le spectateur, c’est l’intrusion des images noires dans le discours de la fille. La deuxième partie pose les questions : «  Pourquoi ces images noires ? A la place de quoi il est, ce noir ?, Qui a organisé ces images noires ? Qui a mis ces images noires dans son discours ? ». Petit à petit, ces images noires sont remplacées par d’autres choses, qui sont les vrais rapports de production. C’est-à-dire le vrai modèle social et économique qui régit l’idéologie, et la manière dont il règle les choses.

Godard : La phrase principale qu’elle répète, tout au long du film, c’est l’énoncé de base marxiste, que l’existence sociale des hommes détermine leurs pensées. Dans la seconde parte, elle jette un regard neuf sur cet énoncé, mais plus tard, elle prend conscience de ce signifie réellement.

N° 10 de la revue canadienne Take One, mars 1971.

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Godard, Pravda (1969)

Le terme Pravda signifie en russe « vérité » et c’est aussi bien sûr le titre du journal officiel de l’URSS. Jean-Luc Godard et Jean-Henri Roger [9] partent de ce double sens et, à partir d’images tournées en Tchécoslovaquie (speakerine de la télévision tchèque, paysannes et ouvrières tchèques, scènes de la vie quotidienne), s’interrogent sur le mensonge des images et du son et montre que le capitalisme est toujours très présent dans les pays de l’Est.

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Godard sur Pravda (1970)

Trois parties, ou plutôt, trois étapes ont caractérisé la réalisation du film.
1) Un tournage soi-disant « politique » en fait, du « tourisme politique », ni plus moins ; des images et des sons enregistrés un peu au hasard : les cadres, les ouvriers, étudiants, les rapports de production, l’américanisme, le révisionnisme, etc., bref des images et des sons enregistrés selon la bonne vieille classification de l’idéologie bourgeoise à laquelle on prétend pour s’opposer.
2) Mais ce n’est pas si simple. Au montage, en face de cet amas « documentaire », on découvre que l’on a tourné un film politique au lieu de tourner politiquement un film.
Le montage va donc consister à faire, après, ce qui aurait dû être fait avant, à faire pendant le montage, le montage qui aurait dû être fait avant et pendant le tournage (cf. Vertov), bref, à rattraper le retard, à limiter des dégâts. Négative, en ce qui concerne l’étude, la brochure, sur la Tchécoslovaquie, cette opération de sauvetage est positive par rapport aux réflexions qu’elle permettra après le montage, sur un plus juste emploi du cinéma comme arme politique, c’est-à-dire sur un plus juste, politiquement, emploi politique du cinéma.
3) Monter le film consistait donc d’abord, à avoir les idées justes sur ce qu’on était en train de faire (faire un film sur la Tchécoslovaquie, et comment le faire) c’est-à-dire, à partir d’où l’on était : des documents « réels », « vécus », à organiser politiquement sur une ligne anti-révisionniste. Là, de nouveau, le « politiquement » a été escamoté, et l’anti-révisionniste s’est caractérisé par une débauche de citations mal employées. Ces trois étapes dans la réalisation du film se sont donc retrouvées normalement dans le montage final qui se compose lui aussi de trois parties :
A) Enquête banale en Tchécoslovaquie. Les petits faits vrais. Un pays socialiste qui fait de la publicité pour Panam et Olivetti, etc. Bref, un pays malade.
B) Le nom de cette maladie : le révisionnisme. Taylor = Stakhanov ; Chytilova = Zanuck et Paramount ; Ota Sik = J.J. Servan-Schreiber ; socialisme tchèque = socialisme yougoslave ; etc.
C) Le moyen de guérir cette maladie : le marxisme-léninisme. Notre tâche de cinéastes marxistes-léninistes : commencer à mettre des sons déjà justes sur des images encore fausses.
Des sons déjà justes parce qu’ils viennent des luttes révolutionnaires.
Des images encore fausses parce que produites dans le camp de l’idéologie impérialiste.

Conclusion

Aspects négatifs : tournage hâtif, opportuniste, petit-bourgeois. Tournage qui n’est pas du « montage avant le montage » (Vertov). Montage qui n’est que du montage avant le montage, au lieu d’être du « montage dans le montage » (Vertov).
Aspects positifs : ne pas avoir abandonné purement et simplement le film comme d’autres camarades. Dans cette lutte encore trop individuelle d’organisation finale du montage, avoir appris deux ou trois choses :
1) A dégager quelques images simples qui devront être la base des prochains films ; les rapports de production ; la lutte idéologique installée par la collaboration révisionnisme idéalisme quant à perpétuer ces rapports de production dans la tête des gens, c’est-à dire, en dégageant ces rapports de production, en sachant les re-produire en images en sons, par des nouveaux rapports d’images et de sons, le cinéma marxiste-léniniste pourra s’en servir comme arme, d’abord dans la lutte idéologique (théorie) puis dans les luttes concrètes de la classe ouvrière et de ses alliés (pratique).
2) Dégager des images simples (et ce n’est pas si simple, c’est là qu’il s’agit de faire politiquement) comme ici les plans de la rose = classe ouvrière tchèque et slovaque, et les plans de production toujours les mêmes ; dégager des images simples c’est refuser de faire des images du monde trop complètes, c’est faire que la même image (ou son) soit une image de et en lutte, qu’elle ne soit jamais la même image (ou son) mais qu’elle soit image (ou son) de et en lutte critique, transformation.

— (Texte diffusé l’ARC - musée d’Art Moderne de Paris - en février 1970, à l’occasion d’une projection du film).

Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard, réalisé par Alain Bergala,
Cahiers du cinéma-Éditions de l’étoile, 1985, p. 338-340.

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Le vent d’est

Extrait du film du groupe Dziga Vertov (Godard/Gorin), Le vent d’est (1969-1970), « western spaghetti gauchiste » où « les structures, les clichés et les stéréotypes du western traditionnel servent de support à une réflexion sur la lutte des classes, la théorie et la pratique révolutionnaire, la démystification du cinéma bourgeois », et dans lequel intervient Daniel Cohn-Bendit, également co-scénariste [10].

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Dialogue entre Jean Douchet et Jean-Luc Godard

Au Fresnoy, 2004. Autour de Vent d’est.

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Tous les films du groupe Dziga Vertov sont disponibles dans un coffret « Jean-Luc Godard politique » édité par Gaumont. Coffret qui comprend tous les films « politiques » de Godard (8 DVD), de La Chinoise (1967) à... Film socialisme (2010), mais dont on se demande bien comment le consommateur contemporain peut s’en approprier la signification en l’absence de toute analyse historique et théorique, excepté dans certains interviews publiés en « bonus ».

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Et juste avant...

Le Gai Savoir

Jean-Luc Godard
France, République fédérale d’Allemagne / 1967 / 95 min
Avec : Juliet Berto (Patricia Lumumba), Jean-Pierre Leaud (Émile Rousseau)

Godard discute avec un vieillard et un enfant dans un studio de télévision puis il filme deux révolutionnaires, Émile Rousseau et Patricia, "fille de la Révolution culturelle". Les deux personnages, filmés sur fond noir, sans décor, s’interrogent sur les images et les sons et se demandent comment parvenir à "une pratique révolutionnaire du cinéma".

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Godard tourne Le Gai Savoir lorsque éclate mai 68, ce qui interrompt le film, commande de l’ORTF consacrée à l’éducation et l’enseignement. Si le film fait référence, via le nom de son personnage principal, à l’adaptation de L’Émile de Rousseau, il est bien davantage marqué par les thèses maoïstes en matière d’enseignement et d’éducation. Le Gai Savoir est monté tout de suite après mai et Godard radicalise alors son propos si bien que l’ORTF le censure et rejette le produit fini. Dès juillet 68, Godard, avec ses propres moyens, entreprendra Un film comme les autres.

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"Godard, inventions d’un cinéma politique"

#24 Entretien avec David Faroult, enseignant-chercheur

Exploration du cinéma politique et maoïste de Jean-Luc Godard entre 1967 et 1975 avec David Faroult, enseignant-chercheur et auteur du livre « Godard, inventions d’un cinéma politique » ➡️ https://negatif.co/david-faroult

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🎬 Un livre consacré avant tout aux films, autant de tentatives au sein de « laboratoires d’un cinéma politique révolutionnaire ». De nombreux films parmi lesquels "Week-end", "La Chinoise," "Tout va bien", "One+One", "Vent d’Est", "Luttes en Italie", "Pravda". ou encore les films-tracts. Réalisés le plus souvent pour la télévision et avec Jean-Pierre Gorin au sein du groupe Dziga Vertov, ils ont été peu vus et pourtant ils permettent de mieux comprendre tout ce que fera Godard jusqu’à aujourd’hui — autrement dit la majorité de sa filmographie.

Les chapitres
00:02:14 — Comment travailler sur les films en tant qu’enseignant-chercheur en cinéma ?
00:05:56 — Travailler sur la période maoïste de Jean-Luc Godard : d’une approche intérieure à une approche historicisée
00:15:33 — L’année 1967 : vers un cinéma politique ? La Chinoise, Week-end et Loin du Vietnam
00:26:43 — L’implication de Godard dans les événements de mai 68
00:33:15 — One+One, film sur la création et la destruction, la musique et la politique…
00:44:36 — Godard+Gorin : la genèse du groupe Dziga Vertov
00:52:27 — Vent d’Est, manifeste et programme de travail pour le groupe Dziga Vertov ?
01:02:00 — Tout va bien ou le cinéma pour analyser les contradictions de la petite bourgeoisie
01:11:01 — Ici et ailleurs, un film autocritique & la fin du groupe Dziga Vertov
01:22:59 — Étudier la période maoïste pour mieux comprendre les films de JLG aujourd’hui

Cet ouvrage étudie une période importante, mais longtemps négligée ou calomniée, de l’œuvre de Jean-Luc Godard : les années autour de 1968, durant lesquelles le cinéaste se politise, se réclamant du communisme puis du maoïsme. Comment mettre son cinéma au service de la révolution ? Porter la révolution dans le cinéma lui-même ? Se situer, s’inscrire dans l’histoire du cinéma pour élargir ses possibilités et usages militants ? La Chinoise, Week-end, Tout va bien… Près de vingt films qui sont autant de laboratoires d’un cinéma politique révolutionnaire. L’association avec Jean-Pierre Gorin dans le « groupe » Dziga Vertov modifiera durablement sa conception du cinéma en déplaçant le cœur des recherches, de l’image vers le montage qui l’intègre. David Faroult aborde chacun des films de cette période, les historicisant pour mieux cerner leurs inventions. Plutôt qu’à la biographie, c’est aux œuvres et aux propos qu’il s’intéresse. Ainsi, il apporte un nouvel éclairage sur le cheminement de Godard et sur l’histoire des années 68, en vue de nourrir des regards et des pratiques à venir. L’étude est complétée d’un consistant recueil de documents inédits et de traductions.

VOIR AUSSI :
Godard politique : inventions et interventions. Entretien avec David Faroult
Sur Godard : David Faroult à la suite de "Tout va bien"

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[2« L’appareil cinématographique est un appareil proprement idéologique, c’est un appareil qui diffuse de l’idéologie bourgeoise, avant même de diffuser quoi que ce soit. […] À savoir une caméra productrice d’un code perspectif directement hérité, construit sur le modèle de la perspective scientifique du Quattrocento. »

[3Les deux films étaient diffusés par Cinéthique. Ma fiche de présentation de la séance devant un public majoritairement étudiant, de gauche, avec beaucoup d’adhérents de l’UNEF (dirigée à Lille par des étudiants de l’UEC en prise, souvent, avec des trotskystes armés de barres de FER) et des « gauchistes » d’horizons divers (décembre 1969).


Fiche sur Un film comme les autres.
A.G., décembre 1969. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Vous pouvez voir La CGT en mai 68 sur ce site.

[4En fait, c’est moi qui avait écrit une longue lettre à Fargier qui me l’a retournée annotée de ses remarques. J’ai conservé la lettre.

[5Noël Burch est un professeur des universités, réalisateur, critique et historien du cinéma franco-américain, né le 22 janvier 1932 à San Francisco.

[7Le film de François Truffaut. A.G.

[8Ousmane Sembène, réalisateur sénégalais. A.G.

[9Le film sera plus tard attribué au groupe Dziga Vertov.

[10LIRE AUSSI : Le vent d’est.

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