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Sollers, agent secret aux identités multiples

Graal

D 12 mars 2022     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Les thèmes d’espionnage, et d’IRM (Identités Rapprochées Multiples) font partie de thèmes présents dans l’œuvre de Sollers, à commencer par Graal

Identités Rapprochées Multiples (IRM)

Dans Graal, ce rêve éveillé, Sollers s’imagine en Atlante descendant de l’Atlantide, ce continent mystérieux disparu. Et l’Atlante Sollers se voit en Migrant atlante, vivant aujourd’hui, dans notre monde.

Le vrai clandestin, en revanche, est le Migrant atlante. Il ne faut pas que les Terriens se doutent qu’il ne partage pas leurs croyances, qu’il les trouve en général grotesques, leurs valeurs, leurs religions les rendant en majorité de plus en plus folles ou fous. Mais s’ils n’ont plus de religions, ils deviennent pires, c’est la folie pour rien. Les assassinats se multiplient sons raisons apparentes, la police est débordée, c’est l’ensauvagement des jeunes face au gâtisme des vieux.

Le Migrant [atlante] ne croit pas aux complots locaux, nationaux, ou mondiaux. Il est pour l’espionnage, mais aucun service n’a réussi à le recruter. Il semble surtout vouloir préserver sa vie et pouvoir se déplacer sous des identités multiples. Personne ne comprend comment il peut avoir autant de passeports dans ses poches.

Philippe Sollers, Graal

*


Dans un entretien avec Suzanne Bernard, regards.fr, 1er janvier 2000,


Philippe Sollers : Je n’est pas moi. C’est en partant de cela qu’il faut penser le nouvel espace où l’on peut se déplacer comme sujet. Je est un autre qui peut être plusieurs autres. C’est ce que j’appelle avec ironie un système d&#8217 ;IRM (les Identités Rapprochées Multiples). Je m’efforce de mettre en question "l’identité". Ces narrateurs qui disent je, qui sont moi et pas moi, ou moi dans différentes situations où je suis autre, on peut les classer et leur reconnaître des fonctions différentes. […] Dans Portrait du joueur, il est important que le narrateur devienne moi, biographiquement, tout en étant quelqu’un qui vit une aventure érotique inhabituelle.

PLUS, iCI

Sollers, l’homme aux identités multiples :

Sollers et Joyaux, Jim pour Dominique Rolin
Ecrivain, éditeur, critique et chroniqueur
« Il est à la fois ancien et moderne,
catholique et libertaire,
plus résistant que militant,
légèrement dandy.
Il n’est ni académique, ni académicien [1]

Dans la lumière et clandestin, comme son Migrant atlante dans Graal, comme un agent secret.

Agent secret.

« Je suis un hors-la-loi. Un réfractaire radical.
Un anarchiste absolument organisé, un agent secret. »

Philippe Sollers
PLUS ICI

Philippe Sollers n’a-t-il pas publié en 2021 un ouvrage intitulé Agent Secret, dans la collection Traits et Portraits du Mercure de France à connotation personnelle comme le suggère le titre de la collection. Agent secret, est un autoportrait accompagné de photographies mises en valeur par les propos tenus. On peut aussi noter que ce livre est paru simultanément avec un autre ouvrage intitulé Légende. Même si ce livre est moins personnel qu’Agent secret, les deux titres se répondent en écho, comme un clin d’œil de l’auteur. Les services secrets ont, en effet, l’habitude de créer pour leurs agents une légende associée à leur identité de couverture. Et si vous avez visionné des épisodes de cette série captivante qu’était « Le Bureau des Légendes », ceci vous est familier. On y voyait des agents des services secrets français, de la DGSE, « réviser » leur légende avant de partir en mission.

Dans trois romans de Philippe Sollers –La Fête à Venise, Le Secret,etStudio– le narrateur-protagoniste est un agent secret ; et dans tous les autres depuis Femmes(1983), le personnage central, calqué sur l’auteur, se comporte en observateur clandestin de notre société en souffrance. [2]

L’agent secret tel que l’imagine l’écrivain est un être des marges condamné à un perpétuel face-à-face avec la société, une guerre soulignons-le comme Sollers aime le répéter.

Agent secret, c’est s’exposer à une extrême solitude. Isolé absolu, indéfendable. On risque beaucoup. Être contre le mensonge social, le mensonge humain en général. Contre la résignation, contre la soumission….


Ph. Sollers

Pour assurer cette posture d’agent secret, il faut développer un art de la ruse et de la dissimulation, un art de la guerre :

”Faire du bruit à l’est, pour attaquer à l’ouest” :« Car en tant qu’agent secret, je me dissimule, je me mets à l’écart. À l’écart toujours, toujours. Pleinement engagé, pleinement à l’écart

Ph. Sollers [3]

*

Peut-on dire que l’agent secret sollersien est précisément la figure de l’écrivain ? questionne Arnaud Jamin, Diacritik, dans un entretien lors de la publication d’ "Agent secret" et "Légende".


Philippe Sollers Un agent secret passe à travers des IRM, des Identités Rapprochées Multiples. Il travaille pour lui-même. S’il comprend la façon dont fonctionne l’écriture prise très au sérieux et en même temps de la façon la plus légère possible, oui, c’est indubitablement un écrivain. Qui est plus agent secret que Kafka , que Joyce ou que Proust ? Qui a été plus français que Proust ? C’est ce qui devrait nous parler tout de suite dans la mesure où c’est quand même un juif homosexuel qui comprend mieux la France que les Français de son époque.

Le grand entretien : Philippe Sollers, la littérature absolue (Légende et Agent secret) (diacritik.com)


L’Agent secret et l’Art de la guerre selon Sun Tzu

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Giuseppe Castiglione (1688-1766),Machang taillant l’armée en pièces, 1759
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Contrairement à la croyance américaine dans la toute-puissance du choc militaire frontal (erreur au Vietnam, erreur et enlisement en Irak, prolifération du terrorisme), la stratégie chinoise est comme l’eau : pas de forme fixe, fluidité, ténacité, enveloppements, sinuosités, silence. Ouvrez ce livre magique, magnifiquement illustré, votre bibliothèque l’attendait, il resurgit du fond des âges (Ve siècle avant notre ère), et, sans une ride, il vous montre clairement l’essentiel.

Au moins, c’est net : « La guerre repose sur le mensonge. » « Grande affaire des nations, elle est le lieu où se décident la vie ou la mort, elle est la voie de la survie ou de la disparition, on ne saurait donc la traiter à la légère. » Ce « Sun Tzu » (ou Sun Zi) est le plus ancien traité de stratégie connu.

« L’Art de la guerre » a été dix mille fois lu et relu, il le reste, sauf par les intellectuels enfermés dans leurs préjugés. C’est un livre immoral (comme Machiavel, après tout), mais d’une éthique très stricte.

Ici, le général est supérieur au souverain, il agit selon les situations, c’est un « accoucheur du chaos » (Levi), un vrai situationniste. Il est secret, impénétrable, léger, profond, insaisissable. Il connaît parfaitement le terrain, les points forts et les points faibles de l’adversaire. Il se connaît lui-même, surtout, mais cette connaissance échappe à ses ennemis : « Je sais tout de l’autre, parce qu’il ignore tout de moi. » Et voici quelques conseils : « Capable, passez pour incapable ; prêt au combat, ne le laissez pas voir ; proche, semblez donc loin ; loin, semblez donc proche ; attirez l’adversaire par la promesse d’un avantage ; prenez-le au piège en feignant le désordre ; s’il se concentre, défendez-vous ; s’il est fort, évitez-le ; coléreux, provoquez-le ; méprisant, excitez sa morgue ; dispos, fatiguez-le ; uni, semez la discorde. » Vous avez le vertige ? Moi aussi.

Le chapitre 13 du « Sun Tzu » est le plus important. Il traite du renseignement et de l’espionnage, autrement dit des agents secrets.« Il existe cinq sortes d’agents : les agents indigènes, les agents intérieurs, les agents retournés, les agents sacrifiés, les agents préservés. Lorsque ces cinq sortes d’espions sont simultanément à l’œuvre sans éveiller les soupçons, le souverain a tissé un filet magique, lequel constitue le plus précieux de ses trésors. » Un agent « sacrifié » est chargé de transmettre de faux renseignements aux services ennemis : il sera donc démasqué tôt ou tard, la pratique de la désinformation ayant ses limites. Quant aux agents doubles, ils doivent être d’une « intelligence supérieure », ce sont les « intimes » du commandement. En voici un, extraordinaire : le jésuite italien Giuseppe Castiglione, dont vous pouvez admirer le rouleau parfaitement chinois de 1759. Les jésuites avaient tout compris très tôt, ils n’ont pas été suivis par Rome, grosse erreur géopolitique. La tombe du plus célèbre d’entre eux, Matteo Ricci, est aujourd’hui très bien entretenue à Pékin. Qui a le meilleur service de renseignement du monde ? La grande multinationale qu’est le Vatican. La récente parution du dictionnaire chinois-français, le « Ricci », avant toute publication en anglais, en est la preuve : sept gros volumes venant de Taipei, plus d’un siècle de travail, patience et longueur de temps, guerre prolongée dans l’ombre. Un improbable écrivain français de l’avenir le consultera.

Philippe Sollers

L’Art de la guerre, par Sun Tzu, traduit du chinois et commenté par Jean Levi, illustrations choisies et commentées par Alain Thote, Nouveau Monde Éditions, 256 p. 49 euros.
Le Nouvel Observateur du 2 décembre 2010

L’INTEGRALE ICI

Portfolio


[2Cf. Armine KOTIN MORTIMER, « Philippe Sollers, Secret Agent ». Journal of Modern Literature, n° 23, 1999-2000, p. 309-327.

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