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Picasso-Rodin, le choc des titans

suivi des "proximités littéraires" de chacun (Partie 2)

D 14 juin 2021     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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PARTIE 1. Une double exposition
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Deux génies face à face dans une même exposition et deux musées... C’est le sacre du printemps déconfiné !

par Marc Lambron, DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE


« Le Baiser », peint à Mougins en 1969 par Pablo Picasso.
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Influence. « Le Baiser » (détail, vers 1885), d’Auguste Rodin.
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Rodin + Picasso : pour la première fois, l’hôtel Salé, occupé par le musée Picasso, et l’hôtel Biron, par le musée Rodin, unissent leurs efforts et leurs collections pour une même exposition.

En deux lieux. Comme le soulignent dans un texte commun Laurent Le Bon et Catherine Chevillot –à la tête, respectivement, de ces établissements–, deux musées « monographiques et nationaux établis dans un hôtel particulier, monument historique classé, aux succès de fréquentation similaires, ont décidé de s’associer pour une première mondiale, et de prendre en compte les circonstances de la crise sanitaire pour tenter un nouveau modèle du “monde d’après”. » Ce monde-là, soucieux de transmission, puiserait-il dans le passé les promesses de son renouveau ? À commencer par ce jeu de parallèles entre ces deux génies faunesques et stimulants, Rodin portant le thyrse dionysiaque et Picasso la flûte de Pan ? Ivresse, fantaisie, vie, bouleversement des formes ? De manière patente, et souvent sidérante, le contrepoint se révèle probant.

C’est qu’un feu de forge animait ces plasticiens en fusion. Rodin, démiurge barbu dans sa fauverie de marbre, bravant les limites du possible au long d’une quête hugolienne de l’infini. Picasso, ravageur de formes ressuscitées, aux prises avec la tradition comme, dira-t-il, « un bon nageur remonte une rivière ». Des points communs ? Sculpter une forme fut pour eux une pétition prométhéenne, un acte de concurrence au divin. Un principe panique enflammait leurs prédations, jusqu’à rendre leurs muses folles : pour une Camille Claudel internée, une Dora Maar recluse. Défi au temps ? La double exposition annule les décalages de la biologie pour fédérer les tumultes du jaillissement. Le XXIe siècle, ce revisiteur du soir, sait unifier dans des simultanéités muséales les concrétions de ces deux volcans.


Danser. « L’Acrobate bleu » (1929), de Pablo Picasso.
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Danser. « Mouvement de danse », d’Auguste Rodin.
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Penser. « La Grande Baigneuse au livre » (1937), de Picasso.
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Penser. « Le Penseur », de Rodin.
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Jaillissements quasi gémellaires. Certes, entre Rodin (1840-1917) et Picasso (1881-1973), le décalage chronologique était évident : une seule rencontre alléguée, dans l’atelier parisien du peintre Zuloaga, un soir de 1906 où Rilke aurait été également présent. Mais l’art de Rodin avait déjà alerté le jeune Picasso, visiteur en 1900de l’Exposition universelle de Paris. Au palais de l’Alma, le maître français dévoilait des sculptures de bacchantes enroulées autour de colonnes, ensemble aujourd’hui reconstitué dans une salle du musée Picasso. Après cette visite, le jeune Catalan va inclure dans un crayonnage graphité une statue de Rodin et la silhouette de son célèbre Balzac, autre créature tératologique, ironisé en phoque. Et une photographie de l’atelier de Picasso prise en 1902montre une image du Penseur de Rodin punaisée au mur. Itérative, la figure du Balzac traversera d’ailleurs à diverses reprises l’œuvre picassienne : en 1931, pour des illustrations du Chef-d’œuvre inconnu ; en 1952, pour une belle édition du Père Goriot ; en 1957, pour un texte rare de Michel Leiris, Balzacs en bas de casse et picassos sans majuscule. Entre monstres sacrés, les statures dialoguaient.

Voilà pour l’explicite. Plus frappantes sont les convergences non concertées, comme si un élan plastique fulminant avait conformé des usages, des thèmes et des jaillissements quasi gémellaires. Que ce soit à Meudon ou Boisgeloup, Rodin et Picasso partageaient une mise en scène de leurs ateliers, pensés comme des laboratoires (ressuscités dans l’exposition). Entouré de coquillages sur socle et de statuettes antiques chez le patriarche barbu, de fétiches africains et de toiles d’anciens maîtres chez l’Espagnol glabre, ce fouillis référentiel se révéla propice à la mise en forme de sujets communs : études de flore, tableaux mythologiques, baigneuses, danseuses et pleureuses. Quand Rodin sculpte en 1898 LeCri, Picasso façonne en 1903 une Tête de femme criant. Pour un Minos sur son trône chez l’aîné, un Minotaure aveugle chez le cadet. Sans concertation encore, un Homme nu tendant un bras de Picasso (1900) pourrait consoner avec L’homme qui marche de Rodin (1901).


Créer. Pablo Picasso photographié par Ervin Marton sur la plage de Golfe-Juan, en 1949
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Créer. Portrait (anonyme) de Rodin, les cheveux ébouriffés.
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Séries. […] Ils avaient le goût des séries, magnifiques bustes de Clemenceau chez l’un, arlequins bleutés chez l’autre. C’est aussi un combat avec la matière : si Rodin est un maître du marbre quand Picasso préfère le bronze, ces deux plasticiens prisent identiquement le travail organique sur le plâtre, « matière cohésive capable d’assurer l’homogénéité d’éléments disparates », relève Werner Spies. La rugosité du modelé, la distorsion des mouvements s’impriment en entailles tactiles, traces de doigts sur les bustes signés Rodin, empreintes digitales et sillons d’ongles sur la Tête de femme (Fernande) de Picasso. Sorciers de l’accident et de l’imprévu, ils hybrident en assemblages des objets trouvés, tessons, pâte de verre, papiers collés, débris organiques, tout un vertige de contaminations qui faisait de Picasso le « roi des chiffonniers », dira Cocteau.

Tumulte sacral. Si ces deux faunes malaxent terre et plâtre avec ferveur, s’ils ont recours à divers corps de métiers auxiliaires – fondeur, céramiste, ferronnier, imprimeur–, c’est dans leur face-à-face avec l’espace et les formes que s’exalte un tumulte sacral. Leurs études de fragments corporels, torses, bras, mains, pieds – ce que Rodin surnommait ses « abattis »–, sont comme animées par un souffle de dispersion antique, segments anatomiques, membra disjecta, vestiges réinventés. Ils prisent l’un et l’autre les coagulations qui fusionnent figure et socle, semblant rechercher, pour citer Paul Valéry, la « liaison indissoluble de la figure avec la matière que le moindre coquillage me fait voir ». Nature et culture, corps-coquillages, cela se révèle particulièrement éclatant dans leurs nus, dessinés ou sculptés, comme s’il fallait déjouer les postures fixes par le dynamisme des enchevêtrements : ivresses d’étreintes, jeux d’estompe et de lignes, sauvages préhensions graphiques, extraversions de l’obscène, érotisme stellaire.

Télépathie. À considérer ainsi aux deux bouts du temps Le Baiser de Rodin (vers 1885) et Le Baiser de Picasso (1969), autant de jeux d’ondulations et d’adulations, une étrange télépathie semble inscrire son pointillé entre ces deux toreros de formes vrillées, inachevées, trouées, traversées, retournées, dématérialisées. Que l’on considère Les Bourgeois de Calais de Rodin (1889) ou Les Baigneurs de Picasso (1956), on reste confondu par ces harmoniques en fusion, tourbillon fixe de masses et de creux tel un défi prométhéen à l’espace, ce que Rodin résuma ainsi : « Je ne suis pas pour le fini, mais pour l’infini. » Ici, ces deux ressuscités font jeu égal : si l’antériorité de Rodin le pose en précurseur de Picasso, la modernité de Picasso rétroagit aussi sur l’art de Rodin.

Une expo, deux lieux

« Picasso-Rodin », musée national Picasso-Paris et musée Rodin, du 19 mai 2021 au 2 janvier 2022. Catalogue en coédition avec Gallimard, 430p., 45€.

Biographie – Pourquoi Picasso n’est jamais devenu français

Dans « Un étranger nommé Picasso », Annie Cohen-Solal raconte, documents à l’appui, comment le génie n’a pas pu ou pas voulu demander sa naturalisation.


Vos papiers ! Récépissé de demande de carte d’identité, tenant lieu de permis de séjour, établi le 26 juin 1935 au nom de l’Espagnol « Ruiz Pablo y Picasso » (sic), « artiste peintre ».
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Par François-Guillaume Lorrain
le 11/06/2021

Isabelle Monnin et Doan Bui avaient naguère publié un passionnant ouvrage, Ils sont devenus français. Elles y épluchaient les dossiers de police de Brassaï, Chagall, Kandinsky… Picasso en était absent, et pour cause. Français, il ne l’est jamais devenu, martèle Annie Cohen-Solal, qui a épluché le volumineux dossier administratif de l’artiste, né le 25 octobre 1881 à Malaga, en Espagne. Il s’ouvre en 1901 sur le rapport d’un commissaire, qui, à l’occasion d’une exposition, s’intéresse à cet « apatride » de 20 ans, aux opinions anarchistes, pour s’achever dans les années 1960, quand le génie fêté ne daigne pas répondre à une proposition de nationalité française, ayant décidé d’« habiter sa condition d’étranger ». Entre-temps, Picasso aura déposé, en vain, une demande de naturalisation le 3 avril 1940, à la veille de la débâcle.

On regrettera les anachronismes de l’auteure ou des images hasardeuses, quand il s’agit par exemple de comparer des archivistes de la préfecture de police à des fonctionnaires de police, mais on ne peut que saluer la somme de travail acharné. Le mérite de l’ouvrage est notamment d’exhumer les rapports de l’administration française, dont la note de délation du 7 mai 1940, qui rapporte que Picasso a tenu des propos antifrançais et fait l’apologie du communisme. Le peintre a de solides appuis, mais le rapport défavorable des renseignements généraux établit que, étant « très suspect au point de vue national », il n’a aucun titre pour devenir français. Ironie : l’auteur de ce rapport, le brigadier Chevalier, collabo jugé en 1945, est aussi un peintre du dimanche impressionniste. Cohen-Solal constate l’imbroglio de la guerre : Picasso étranger est en affaires avec le sulfureux galeriste Fabiani, reçoit des officiers allemands dans son atelier, récupère du bronze grâce à Arno Breker, l’artiste du IIIe Reich, et, en 1945, il est plus riche de 6 millions. Ligne de crête périlleuse où Picasso, fragilisé, songe d’abord à peindre tout en résistant avec sa peinture…

Un étranger nommé Picasso, d’Annie Cohen-Solal (Fayard, 748 p., 28 €).

Vidéo « Au cœur de l’exposition "Picasso-Rodin" »

Rencontre avec les commissaires de l’exposition « Picasso-Rodin » Véronique Mattiussi, cheffe du service de la recherche et responsable scientifique du fonds historique au Musée Rodin et Virginie Perdrisot-Cassan, conservateur du patrimoine, responsable des sculptures, des céramiques et du mobilier Giacometti au Musée national Picasso-Paris. Quel rapport les deux artistes entretiennent-ils avec la création ? Se sont-ils déjà rencontrés ? Et quelles sont leurs préoccupations communes ? Autant de questions auxquelles répondent les deux commissaires dans une relecture croisée des œuvres de Rodin (1840-1917) et Picasso (1881-1973).

Les coulisses du montage de l’exposition "Picasso-Rodin"

A l’occasion de la réouverture du musée, le Musée Picasso-Paris vous fait découvrir les coulisses du montage de l’expo-événement « Picasso-Rodin » en partenariat avec le Musée Rodin.

Découvrez l’installation de la « Tête de femme » de Picasso, le « Monument à Balzac » et « Le Penseur » de Rodin.

Exposition "Picasso- Rodin" : Installation "Tête de femme" (Picasso) || Musée Picasso-Paris

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Exposition "Picasso-Rodin" : Installation du "Monument à Balzac" (Rodin) || Musée Picasso-Paris

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Exposition "Picasso-Rodin" : Installation du "Penseur" (Rodin) || Musée Picasso-Paris

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Crédit : https://www.museepicassoparis.fr/fr/


PARTIE 2. Leurs proximités littéraires
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Ces deux raffinés furent identiquement accompagnés d’un aréopage littéraire – Mallarmé, Zola et Mirbeau pour Rodin, tandis qu’Apollinaire, Max Jacob et Éluard entouraient Picasso
Marc Lambron

RODIN
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Rodin - Mallarmé

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« Mon cher Rodin… ». Ainsi commence une série de lettres écrites par Stéphane Mallarmé à son ami sculpteur. C’est aussi le titre de l’exposition qui s’est tenue au musée départemental Stéphane Mallarméen en 2017, à l’occasion du centenaire de la mort de Rodin.

Après le refus du « Monument à Balzac » par les Gens de Lettres, dans sa correspondance 1897-1898, Malarmé assure Rodin que « rien ne touche à la sérénité grandiose de l’œuvre ».

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Rodin - Zola

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Egalement à propos de la statue de Balzac :


ZOOM : cliquer l’image
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Rodin et le scandale du Balzac

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Fonte réalisée par la Fonderie Alexis Rudier en 1935 pour les collections du musée Rodin.
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Ce monument trop novateur fit scandale lorsqu’il fut exposé en 1898 et la commande fut annulée. Rodin (1848-1917) ne vit jamais son monument coulé en bronze.

SUR LE "BALZAC" DE RODIN
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Ayant mené parallèlement des recherches sur le corps de Balzac et sur sa tête, Rodin aboutit à un assemblage dans lequel ces deux éléments véhiculent des valeurs propres. Tandis que la tête avait évolué d’un portrait ressemblant vers un concentré de traits expressifs, le corps avait effectué un trajet inverse, tendant vers une dilution de la forme dans une symphonie de nuances matérialisées par la surface souple de la robe de chambre.

C’est finalement un monument révolutionnaire que Rodin conçut en 1897, après six années laborieuses. Dépourvu des attributs habituels de l’écrivain (fauteuil, plume, livre…), son Balzac est moins un portrait qu’une puissante évocation du génie visionnaire dont le regard domine le monde, du créateur inspiré drapé dans la robe de moine qu’il revêtait pour écrire.

Crédit : musee-rodin.fr/

Sur proposition de Zola, Rodin reçoit la commande de Balzac par la Société des gens de lettres, qui la refuse au Salon de 1898. Pourtant, la conception audacieuse de l’œuvre fait entrer la sculpture dans la modernité. Le monument déchaîne une violente polémique où se joue une « Comédie humaine » dans l’ombre de l’Affaire Dreyfus.

Lorsqu’il demande Une statue pour Balzac dans Le Figaro du 6 décembre 1880 (article réimprimé dans Une Campagne, vol. 14), Emile Zola estime que l’écrivain mort en 1850 mérite autant qu’Alexandre Dumas père d’être honoré et milite pour la formation d’un comité. La relation de l’implication de Zola dans ce projet est rapportée en détail dans Zola et la statue de Balzac paru dans le Bulletin littéraire des amis de Zola de 1923.

Si l’on ignore comment Zola a connu Rodin, l’évocation réaliste d’un sculpteur désargenté dans L’oeuvre ranime le souvenir de Rodin à ses débuts. Deux articles des Cahiers naturalistes décrivent la rencontre de Zola avec Rodin et leur amitié à travers les lettres échangées autour de la commande du Balzac dans Zola et Rodin ainsi que dans La Correspondance de Zola et Rodin (14 février 1889 – 25 avril 1898) par Joy Newton et Monique Fol :

Dans L’Imaginaire, paru dans Le Figaro du 29 août 1893, Gustave Geffroy se réjouit que la commande ait été attribuée à Rodin à qui il réitère sa confiance illimitée : « … il est arrivé ceci qui est digne de la gloire de Balzac, c’est que cet hommage, si longtemps attendu, sera rendu à l’écrivain par le sculpteur qui pouvait le mieux exprimer cette personnalité dominatrice, ce génie moderne… Balzac mort trop tôt, Balzac, déjà sculpté ça et là de façon insuffisante, courrait encore le risque, à Paris, d’être représenté d’une manière quelconque et de figurer, dans sa propre apothéose, sous une apparence médiocre. »

C’est avec un grand enthousiasme que le statuaire se met à l’œuvre face à ce nouveau défi pour la reconnaissance de son talent.
Comme pour son Victor Hugo, Rodin recueille une foule d’informations sur l’écrivain, fidèle en cela à la méthode appliquée par Honoré de Balzac lui-mêmepour camper ses personnages. Gustave Coquiot consacre dans Le vrai Rodin tout un chapitre à ce long et méticuleux travail de préparation si peu conforme aux attentes coutumières du comité. Rodin relit les grandes œuvres de Balzac et réunit une documentation sur les portraits antérieurs qui le représentent avant de modeler une série de têtes. Il dispose d’un médaillon exécuté par David d’Angers, d’une sépia de Deveria, d’une peinture de Louis Boulanger ainsi que d’un daguerréotype possédé par Nadar ) représentant l’écrivain. […

GISÈLE LE RAY,
gallica.bnf.fr

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Rodin - Mirbeau

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Octave Mirbeau est une sculpture en plâtre de 1895 réalisée par Auguste Rodin pour l’écrivain Octave Mirbeau, aujourd’hui au musée Soumaya (Mexico). Ce dernier avait appris à connaître Rodin grâce aux sculptures "L’Âge de bronze" et "La Porte de l’Enfer".
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Octave Mirbeau (1848-1917), écrivain, journaliste, critique et amateur d’art est aujourd’hui présenté au musée Rodin à l’occasion du centenaire de sa disparition. Le Journal d’une femme de chambre, incarnée à l’écran par l’actrice Jeanne Moreau dans un film de Luis Bunuel en 1964 reste son œuvre la plus connue. Mais Mirbeau fut aussi un dénicheur de talent, un défricheur des avant-gardes et un justicier des arts. Les mots d’un journaliste en 1900 qui déclarait « Rodin est grand, Mirbeau est son prophète » résume parfaitement la relation privilégiée et la belle amitié qui unirent l’artiste à l’homme de lettres jusqu’à leur mort en 1917.

musee-rodin.fr/

Correspondance Mirbeau-Rodin

Publiée aux Éditions du Lérot en 1988, cette correspondance n’est pas croisée : elle comporte 160 lettres de Mirbeau à Rodin, conservées au Musée Rodin, et qui couvrent les années 1885-1910, mais non les réponses de Rodin, vendues en 1919 par Alice Mirbeau et restées inconnues à ce jour, à l’exception d’une lettre de 1895 relative à Camille Claudel et de deux extraits de catalogue […] Le volume comporte un cahier iconographique, un index ainsi que le texte des articles que Mirbeau a consacrés à Rodin. Si on les compare aux lettres de Mirbeau à Claude Monet et à Camille Pissarro, il apparaît que ses lettres à Rodin sont moins développées [...] Il connaît les faiblesses humaines de Rodin et son conformisme politique, il sait aussi qu’il est peu habile dans le maniement de l’outil des mots et peu au fait des recherches littéraires, aussi lui épargne-t-il le plus souvent des analyses ou des prises de position qui eussent pu altérer leur amitié. L’écrivain ne s’en met pas moins totalement et humblement au service de son grand ami, qu’il considère comme un dieu et devant lequel il se sent tout petit et ne peut être que dithyrambique et acritique. C’est avec une remarquable efficacité qu’il soutient toutes les batailles menées par Rodin, à coups d’articles tonitruants, pour lesquels il sollicite généralement l’imprimatur du sculpteur, qui pourrait parfois être effrayé par les audaces provocatrices de son thuriféraire.

Crédit : D’après P. M. (Pierre MICHEL, Président de la Société Octave Mirbeau)

Mirbeau.asso.fr

PICASSO
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Picasso - Apollinaire

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Quand ils se rencontrent pour la première fois à Paris, en 1905, dans un bar anglais du quartier Saint-Lazare, Picasso a vingt-trois ans et Guillaume Apollinaire vingt-quatre. Max Jacob est le troisième homme de cette amitié, dont tout indique qu’elle a été immédiate et intense. Toute sa vie, Picasso pensera et travaillera autour de la figure légendaire d’Apollinaire qui disparaît, en 1918, à trente-huit ans, des suites de sa blessure de guerre.
Philippe Sollers

Apollinaire a publié dans la Revue immoraliste du mois d’avril 1905 un premier article sur Picasso. Il témoigne d’une vigilance critique et d’une intelligence qui éclairent très efficacement la perspective dans laquelle s’inscrit aussi bien l’œuvre du poète que celle du peintre. Mais Picasso et Apollinaire partagent bien plus, ils ont le même état d’esprit et la même liberté de penser.

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Comment Apollinaire et Picasso furent accusés du vol de La Joconde

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Six jours à l’ombre. Six nuits à contempler le plafond de la Maison d’arrêt de Paris la Santé. Guillaume Apollinaire ne pensait pas finir au trou lorsqu’il accepte en 1907 l’offre de son ami Géry Pieret, un joueur de billard belge qu’il héberge chez lui. Les deux hommes s’étaient rencontrés quelques années auparavant alors qu’ils travaillaient dans le même établissement. À l’époque, Pieret avait été renvoyé pour une sombre affaire de chantage. Même si Apollinaire n’est pas sans ignorer les penchants de son ami pour le jeu et l’escroquerie, ce personnage fantasque le fascine inconditionnellement — il s’en inspire pour écrire le personnage du Baron d’Ormesan dans L’Hérésiarque et Compagnie — et l’engage même comme secrétaire pendant un temps. En 1907, Géry lui propose des statuettes phéniciennes sorties de nulle part pour une bouchée de pain, Apollinaire accepte et décide de les revendre à un ami à lui, un artiste qui est en train d’inventer le cubisme : Pablo Picasso.

Quatre ans plus tard, 9 h du matin. Le peintre Louis Béroud se rend au Salon Carré du Musée du Louvre en plein mois d’août pour y croquer son modèle favori, la divine florentine Lisa Gherardini, alias Mona Lisa. En 1911, La Joconde n’est pas encore la star incontestée du monde de l’art telle qu’on la connaît aujourd’hui, mais elle commence à jouir d’une certaine notoriété. Quoi qu’il en soit, lorsque Béroud arrive devant l’emplacement habituel de la toile, La Joconde a disparu ! Entre la Sainte Catherine du Corrège et l’allégorie du Titien, il n’y a désormais qu’un trou béant et quatre clous au mur. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, c’est l’affolement. Le musée est évacué et fouillé de fond en comble. Après des heures de recherche, les responsables du musée doivent admettre l’abominable vérité : La Joconde a été volée. Le même jour, près de soixante-dix inspecteurs sont dépêchés pour passer le musée au peigne fin. Dans le petit escalier menant à la cour Visconti, ils ne retrouvent que le cadre et la vitre du tableau. Le scandale éclate et le directeur du Louvre, Théophile Homolle, est contraint de démissionner.

Les semaines passent et l’enquête piétine. Le Louvre voit défiler des milliers de visiteurs qui viennent déposer des fleurs devant le mur dépossédé. Suite au vol, le musée décide de procéder à un inventaire complet de ses collections. Le bilan est effrayant : plus de 300 pièces manquent à l’appel ! Parmi elles, les statuettes ibériques que Pieret avait revendues à Picasso par l’intermédiaire d’Apollinaire quelques années plus tôt. Dans un excès de zèle, Pieret envoie une troisième statuette (volée en 1911 celle-là) au quotidien Paris Journal. Il prétend détenir aussi La Joconde et réclame une rançon de 150 000 francs… La police est alertée mais Piéret quitte Paris précipitamment avant de pouvoir d’être inquiété.

Paniqué, Apollinaire réalise qu’il a recelé des pièces volées et informe Picasso de la situation. Après avoir hésité toute une nuit quant au sort des deux statuettes détenues par le peintre, ils décident de les rapporter à Paris Journal. Les deux artistes sont arrêtés. Apollinaire est emprisonné pour recel à la Santé début septembre, tandis que Picasso est longuement interrogé. Après enquête, il apparaît enfin que les deux complices n’ont rien à voir avec le vol de La Joconde et ils sont finalement relâchés. Au mois de décembre 1911, l’administration du Louvre se résout à remplacer le portrait de Mona Lisa par celui de Baldassare Castiglione, de Raphaël. Les mois passent. Petit à petit, le scandale s’essouffle. Les Parisiens se font lentement l’idée qu’ils ne reverront plus jamais le sourire énigmatique de leur chère florentine. Pourtant, La Joconde est à Paris…

Sous un lit. C’est là que Mona Lisa va passer deux ans et demi avant de rejoindre l’Italie sous le bras de Vincenzo Peruggia, un immigré italien qui vécut un temps à Paris et qui travailla momentanément au Louvre comme vitrier. C’est lui qui avait placé le verre de protection devant La Joconde lorsqu’elle fut installée dans le Salon Carré, et c’est lui, qui subtilisa le tableau ce matin d’août 1911 à la barbe des gardiens. Craignant de se faire attraper, il l’avait simplement gardé sous son lit pendant que tout Paris cherchait désespérément son larcin. De retour en Italie en 1913, il tenta finalement de revendre La Joconde à un antiquaire florentin, Alfredo Geri qui finira par le dénoncer.

Peruggia est jugé en juin 1914 en Italie. Devant la Cour, il affirma qu’il avait voulu rendre à son pays le chef-d’œuvre de Léonard de Vinci. Il raconta aussi qu’il avait volé le tableau parce que Mona Lisa ressemblait à un amour de jeunesse disparu… Il fut condamné à sept mois de prison, non sans avoir attendri le cœur des Italiens. La Joconde fit une tournée triomphale à Florence, Rome et Milan avant de rentrer à Paris le 31 décembre où elle reprit tranquillement sa place au Louvre.

D’après Lucie Etchebers-Sola

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Picasso - Max Jacob

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« Mon cher et vieux Max... Toi et bien amouré de ta pas belle de femme mariée... Il faut que toi tu la vexes beaucoup pas que comé ça, ça passera plus vite... » C’était, dans son français approximatif, une lettre de Picasso à son ami Max Jacob. L’un était andalou, l’autre breton, mais ils seront très proches, très complices entre 1901 et 1918. Le poète sera le témoin privilégié du travail du peintre - il verra naître plusieurs tableaux, comme « Les Saltimbanques » et surtout les célèbres « Demoiselles d’Avignon ». Le peintre, de son côté, illustrera les ouvrages du poète, en particulier la trilogie de frère Matorel, dans laquelle Picasso donnera, en 1911, ses plus belles gravures cubistes, et « Défense de Tartufe », en 1919.

Crédit : Duparc Christiane
L’Express.fr 08/12/1994

Aussi cette autre lettre du 1er mai 1903 :


En 1903, Pablo Picasso écrit au poète Max Jacob • © Succession PIcasso 2014
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Mon cher Max...Ye te ambrase
ye tai envoyer à Paris les libres de Pierre Gompel ye crois il doit les aboir reçues cuant toi recibrais cet lettre
. (extrait de la lettre)

Ce sont les mots empruntés par le peintre pour parler à son ami, des mots français teintés d’espagnol car Picasso ne maîtrisait pas encore la langue de Molière.


Jack-Philippe RUELLAN, commissaire priseur à Vannes et Paris, présente cette lettre de Pablo Picasso à Max Jacob dans l’appartement de Max Jacob, à Quimper (Finistère).

Crédit : Ouest-France.fr, 10/09/2014

MAX JACOB
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Max Jacob, né le 12 juillet 1876 à Quimper et mort le 5 mars 1944 à Drancy, est un poète moderniste et romancier mais aussi un peintre français.

Précurseur de Dada puis du surréalisme sans y adhérer, il bouleverse de son vers libre et burlesque la poésie française dès 1917, après avoir renoncé à sa carrière de journaliste auprès d’Alphonse Allais et s’être intimement lié à Pablo Picasso, Guillaume Apollinaire, Marie Laurencin, André Salmon, Amedeo Modigliani. Artiste vivant principalement de sa peinture, laquelle a été assimilée à l’École de Paris, il devient à partir de 1934 un épistolier influent, en particulier sur Jean Cocteau, et prolixe, dont la théorie esthétique, au-delà du mysticisme qui anime son écriture, sert en 1941 de fondement à l’École de Rochefort.

Né en Basse Bretagne dans une famille juive voltairienne et non pratiquante, Max Jacob, qui restera toute sa vie tourmenté par son homosexualité, se convertit en 1915 au catholicisme après avoir eu plusieurs visions, tout en continuant à animer l’avant-garde montmartroise et montparnassienne. À partir de 1936, il mène à Saint-Benoît-sur-Loire la vie monacale d’un oblat séculier rattaché à l’abbaye de Fleury. Sa poésie témoigne dès lors du quasi quiétisme dans lequel il assume douloureusement sa vie de pécheur comme une condition de sa rédemption. Ses origines ashkénazes lui valent, six mois avant la Libération de Paris, d’être arrêté par la Gestapo, destin qu’il accepte comme un martyre libérateur. Interné par la gendarmerie française dans le camp de Drancy, il y meurt en cinq jours, trente heures avant sa déportation programmée pour Auschwitz.

(wikipedia.org)

Ces échos témoignent du lien qui unissait les deux hommes. Max Jacob est en effet considéré comme le premier découvreur français de Picasso. Les deux hommes ont même vécu ensemble entre 1902 et 1903, une époque où le succès ne leur avait pas encore souri. Plus tard, Picasso sera le parrain de Max Jacob lors de sa conversion au catholicisme, avant de le prendre comme témoin pour son mariage avec la danseuse ukrainienne OlgaKhokhlova.

Max avait été ébloui par la première exposition chez Vollard au printemps 1901, rencontre devenue légendaire et qui figure dans toutes les biographies consacrées à Picasso. On peut affirmer que non seulement Max est le premier ami français de Picasso et qu’il va offrir libéralement à Pablo toute cette culture dont il est porteur, mais que, durant vingt ans ils vivront l’un à côté de l’autre, une amitié plus solide qu’on ne veut bien le dire, et toutes les « batailles », les grandes heures d’un art nouveau dont ils se veulent les chefs de file à commencer par le cubisme. Picasso pour Max c’est le génie : celui qui a le courage de tout remettre en question quand il a exploré suffisamment une voie.

Tandis que Picasso partageait sa chambre du boulevard Voltaire et se consacrait à sa peinture, Max Jacob avait tenté une nouvelle expérience alimentaire en devenant employé de commerce au magasin Paris-France, une centrale d’achats dont le propriétaire était un cousin, Gustave Gompel. Son incompétence manifeste (et probablement accentuée à dessein) provoqua son renvoi huit mois plus trad. La légende veut que Picasso ait décidé de la vocation de Max en lui disant : « tu es poète ! Vis en poète ! »

En 1904 : Picasso s’installe à Montmartre dans un immeuble vétuste que Max s’empresse d’appeler « le bateau lavoir » et qui va abriter bon nombre de pionniers de la peinture et de la poésie du nouveau siècle. Rencontre avec André Salmon sur la Butte ; et Picasso présente Apollinaire à Max Jacob à l’Austin’s Fox bar, rue d’Amsterdam

Crédit : http://www.max-jacob.com/biobibliographie.html


Pablo Picasso — Portrait de Max Jacob, 1907
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Picasso - Eluard

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En 2020, le Musée Picasso, de Barcelone leur avait consacré une exposition intitulée : « Pablo Picasso, Paul Eluard, une amitié sublime » exposant plus de 220 œuvres [1], retraçant les liens qui unissaient le poète et le peintre.


Portrait de Paul Eluard (1936) par Picasso. IRENE ANDREANI/SUCCESSION PABLO PICASSO/ VEGAP
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Pablo Picasso en pleurs : l’image est rare. Elle a été photographiée le 22 novembre 1952 par Emile Muller et figure, reproduction très agrandie d’une ancienne édition du journal communiste Les Lettres Françaises, dans l’exposition que le musée Picasso de Barcelone consacrait à l’amitié qui le liait à Paul Eluard. Le peintre est incliné devant la tombe du poète, lors de son inhumation au cimetière du Père-Lachaise. Et il est en larmes.

Picasso aimait les poètes. Max Jacob, Guillaume Apollinaire, puis André Breton ou René Char, entre autres, furent ses commensaux. Il fut même le parrain du premier lors de sa conversion au catholicisme. […]

[Première exposition qui réunit Picasso et Eluard] Mais cela valait peut-être la peine d’attendre, se dit-on à la visite, tant certains prêts sont exceptionnels. On pense notamment à la série de dix-huit portraits de profil du poète, que Picasso dessine le 6octobre1941. L’un, le numéro 7, est connu : il figure dans les collections du très attachant musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), qui porte depuis peu le nom de Paul Eluard. Les autres n’avaient jamais, ou fort peu, été vus : ils sont là grâce à la générosité de leur propriétaire, une des héritières de Picasso. […]

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Ils se connaissent depuis 1916

La relation de Picasso et d’Eluard est alors ancienne : ils se connaissent depuis 1916, mais leur amitié débute réellement en1935, au moment où celle qui lie le peintre à André Breton s’étiole. Emmanuel Guigon, le directeur du musée Picasso de Barcelone, est plus précis dans sa préface au catalogue : « En janvier1936, à Barcelone, lors de l’exposition organisée par ADLAN [Amis de l’Art Nou] en hommage à Picasso (qui n’avait jamais été exposé en Espagne depuis 1900), Eluard joue le rôle d’un ambassadeur itinérant du peintre ; il donne une conférence dans cette ville qui est radiodiffusée, avant d’aller porter la bonne parole à Madrid. »

Leurs atomes crochus sont multiples :
la politique, la création,
voire leurs comportements amoureux

Leur amitié se renforce durant la guerre civile espagnole, l’Occupation, et l’adhésion de Picasso au Parti communiste français à la Libération, le 4 octobre 1944, décision dans laquelle le rôle d’Eluard fut déterminant.

Leurs atomes crochus sont multiples : la politique, la création – ils publient plusieurs livres ensemble, le premier illustrant les textes du second –, voire leurs comportements amoureux qui se caractérisent par une liberté alors peu commune.

Ils passent ensemble l’été de 1937 : Eluard et sa femme Nusch séjournent à Mougins (Alpes-Maritimes) avec Picasso, Dora Maar, qu’Eluard a présentée à Picasso en 1936, Roland Penrose, Lee Miller et Man Ray, au bien nommé – à en juger par les photographies plutôt lestes prises à l’époque – hôtel Vaste Horizon. Puis vont, avec Dora Maar et Nusch Eluard, visiter le Palais du facteur Cheval à Hauterives (Drôme). La même équipe, ou presque, se reforme l’été suivant : Eluard et Nusch retrouvent Picasso et Dora Maar à Mougins. Eluard écrit une ode « à Pablo Picasso » qui sera publiée dans les Cahiers d’Art, et Picasso peint trois portraits de Nusch.


Picasso, Nusch Eluard, 1937
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« Scrupuleuse exigence »

En1940, le poète Luc Decaunes estime, dans Les Cahiers du Sud, qu’Eluard est « sans doute l’homme actuellement le plus proche de Picasso, le plusfrère. Non seulement par son infinie compréhension, mais par son essence, par la nature de son regard. Tous deux ont cette honnêteté en face de ce qui est, cette scrupuleuse exigence. Ils sont attentifs. Ils atteignent à l’unité naturelle, en ne sacrifiant ni l’évidence du monde ni la leur ».

Eluard meurt le 18 novembre 1952 : Picasso assiste à la veillée funèbre. Dans le catalogue de l’exposition est publié l’extrait d’un ancien texte d’un autre poète, Claude Roy : « Le lendemain des obsèques d’Eluard, à la tombée de la nuit, il y a quelques amis qui parlent à mi-voix dans la pièce à côté. Picasso sort des feuilles de papier et se met à dessiner. Il entreprend un thème qu’il va reprendre en une suite de portraits de son ami. Les traits du poète évoluent de la géométrie aux volumes. Nous restons silencieux. On entend le frottement du crayon et du fusain sur le papier Canson.Ferme la fenêtre, dit Picasso. Il fait presque froid… » Et Claude Roy d’ajouter : « Je n’ai jamais connu Picasso frileux. »

« Pablo Picasso, Paul Eluard, une amitié sublime ».
Musée Picasso, c’était jusqu’au 15 mars 2020.
Crédit : Harry Bellet (Barcelone)
pour Le Monde, 28/12/2019


[1tableaux, sculptures, dessins, gravure et documents