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« Scrabble », une enfance tchadienne par Michaël Ferrier, écrivain

D 23 septembre 2019     A par Viktor Kirtov - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Michaël Ferrier, un écrivain de la mémoire, un écrivain-poète. Le monde de l’enfance restitué dans ses révélations premières dans une langue poétique, imagée, colorée à l’image de l’Afrique de ses dix ans. La magie de l’enfance, des amitiés, de la nature, des bruits et des odeurs, l’odeur des femmes, en même temps que l’odeur de la mort dans N’Djamena qui s’embrase dans la guerre. Un maillon d’une œuvre en constitution.

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Un livre déjà dans les sélections du Renaudot et du Femina avec une couverture médiatique élogieuse. Michaël Ferrier, un auteur que nous aimons suivre sur pileface.

Nous vous présenterons des extraits du livre afin que vous puissiez découvrir sa langue magnifique, quelques critiques : La Croix…, des entretiens : Libération, mais le plus profond selon nous est celui de Fabien Ribery dans son excellent blog L’Intervalle qui révèle bien les ressorts littéraires et la cohérence d’une œuvre d’écrivain en cours, ainsi qu’un entretien audio avec l’auteur, sur RFI….
Dévoilement du kaléidoscope magique de Michaël Ferrier. Un écrivain qui s’affirme livre après livre. Un écrivain à découvrir et à suivre.

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On en parle... (à propos de Scrabble)

"Ce sont des pages empreintes de nostalgie, bercées par la douceur de l’enfance. Elles exhalent les odeurs et les bruits d’une ville africaine, à la frontière du Cameroun et du Tchad, au bord du fleuve Chari. C’est à N’Djamena, la capitale du Tchad « perdue à la lisière des sables », que Michaël Ferrier retourne dans Scrabble."

La Croix, 19 septembre 2019 - Loup Besmond de Senneville

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"Michaël Ferrier n’est jamais sorti de son enfance tchadienne. Ces années lui ont tout appris : une façon de voir, d’entendre et de s’émerveiller ; une manière d’écrire et de faire chanter la langue. L’Afrique coule toujours dans ses veines aujourd’hui ; elle forme son squelette ; elle lui permet de rester en équilibre, attentif, à l’écoute, libre et surtout vivant."

Revue des Deux Mondes, 13 septembre 2019 - Aurélie Julia

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Michaël Ferrier est l’invité de "Littératures sans frontières"

RFI, 13 septembre 2019 - Catherine Fruchon-Toussaint

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"Ce rare récit est nourri d’une intense et fiévreuse densité vitale. Si dans Scrabble, l’écriture de Michaël Ferrier est porteuse de l’anéantissement à venir, elle sécrète aussi une forme de sensualité dans cette fusion avec la nature, dans cette exploration sensorielle de« territoires nomades »,« d’eaux limoneuses », de « zones fantômes ». Dans une étourdissante collecte de« fragments de savoir », Michaël Ferrier cristallise ses sensations en un souvenir impérissable."

Libération, 14 septembre 2019 - Arnaud Vaulerin

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Michaël Ferrier est l’invité de "Dans quel monde on vit".

RTBF La Première, 7 septembre 2019 - Pascal Claude

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"Abordant ses dix ans comme un cosmos, une totalité, une richesse de savoir, Michaël Ferrier n’écrit pas pour toiser son enfance, mais pour la regarder comme la merveille qu’elle fut, jusque dans son opacité."

L’Intervalle (blog), 5 septembre 2019 - Fabien Ribery

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"Ce livre est étourdissant de beauté."

La Cause littéraire, 3 septembre 2019 - Philippe Chauché

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"Replongeant dans le Tchad de son enfance, Michaël Ferrier esquisse une palette de souvenirs restitués par (et qui restituent) la richesse de son environnement."

Le Nouveau Magazine littéraire, 1er septembre 2019 - Eugénie Bourlet

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ENTRETIENS AVEC L’AUTEUR
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Une œuvre littéraire « in progress »

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« Scrabble », maillon initiatique d’une chaîne avec ses liens, une chaîne qui se prolonge de livre en livre avec ses correspondances et sa cohérence sous-jacente, celle d’une œuvre littéraire « in progress ».


Fabien Ribéry a su créer avec Michaël Ferrier, un climat propice à un entretien de fond qui va au delà de la surface des choses : impression de partager (un peu), avec l’auteur, à l’acte de création de son oeuvre.

Pourquoi n’avoir, à ma connaissance, jamais écrit jusqu’à ce jour sur votre enfance tchadienne ?

Je savais que cette période de ma vie était importante, fondamentale même, au sens où elle a posé les fondements de mon rapport au monde, ainsi que de mon rapport à l’art, à l’écriture en particulier et, plus généralement, mon rapport au vivant. En même temps, consciemment ou non, je ne voulais pas trop y toucher. C’était une boite noire, opaque, fermée, posée devant moi comme le sac de toile sous les doigts de l’enfant au début du livre. Je savais que je l’ouvrirais un jour, mais je ne pensais pas le faire si tôt.

C’est à l’invitation – généreuse – de Colette Fellous et sous la houlette – bienveillante – d’Isabelle Gallimard que je dois finalement d’avoir pu écrire ce texte plus vite que je ne le pensais. Colette Fellous, la directrice de la collection Traits et portraits, m’a particulièrement encouragé. Elle a tout de suite compris la difficulté et en même temps la nécessité d’écrire ce livre qui évoque l’enfance non pas seulement de manière très classique, comme un vert paradis des amours enfantines, mais aussi en relation avec la mort et la guerre, l’épreuve la plus brûlante du réel. Voilà les belles lignes qu’elle m’a écrites au moment où je lui ai parlé de ce projet, en le replaçant très judicieusement dans une perspective plus ample : « On comprend encore mieux l’urgence et l’engagement dont tu as fait preuve avec Fukushima. Fonce donc, ne t’arrête pas, engage-toi dans le cru et l’impossible, retrouve la brûlure du réel et par delà, la douceur de l’échappée, du langage, du corps. J’attends ce livre les bras et le cœur ouverts. » Quand un livre est espéré avec tant de ferveur, on ne peut que l’écrire.

En même temps, dès que j’ai ouvert la boite, tout s’est écrit très vite. Il y a une sorte de fraîcheur, d’état cristallin de l’enfance qu’il s’agissait de retrouver.

A quelles difficultés vous êtes-vous heurté pour l’écriture de votre livre ?

Il y en a eu de trois sortes : les difficultés liées au récit d’enfance, celles liées au récit d’Afrique et enfin, le choix des images.

Je me méfie des récits d’enfance. Si j’ai entrepris de raconter mes années d’enfance, ce n’est pas parce que le charme des premiers souvenirs est grand, mais parce qu’elles offrent, me semble-t-il, un accès privilégié à quelque chose de plus profond et qui nous concerne tous : l’aventure d’être en vie. En d’autres termes, l’enfance n’est pas pour moi un prélude qui permet ensuite de passer à autre chose : elle contient déjà tous les âges de la vie et, si vous vous y prenez bien, elle durera autant que vous serez en vie. Méfiant par rapport au récit d’enfance, je l’étais justement parce qu’il est souvent associé à autre chose que l’enfance, c’est-à-dire à l’idée d’une formation, d’une évolution (bénéfique, inexorable, linéaire), qui vous ferait passer in fine à un état plus mûr et plus admirable.

C’est ce qu’on nomme en allemand le Bildungsroman, c’est-à-dire, mot à mot, le « roman de construction » ou le « roman de formation ». Une jeune personne se forme, se modèle, s’invente, à travers les difficultés, en route vers l’âge adulte. Et c’est vrai que Scrabble peut se lire en partie ainsi : le jeune âge du protagoniste, l’accent porté sur les études, la figure du mentor (avec Saleh), la découverte de l’amour même (avec Amaboua)… Mais en partie seulement : en effet, la guerre couve et elle viendra bientôt rompre – et même faire littéralement exploser – ce beau parcours bien ordonné. Je ne voulais pas d’un dénouement traditionnel, où l’enfant, fort de son apprentissage, entre finalement plein de maîtrise dans le monde des adultes, comme si l’essentiel était d’oublier l’enfance pour se faire au plus vite une place dans la société des hommes, en perdant généralement – peu à peu ou très rapidement – toutes ses illusions. Je n’en voulais pas, car ce n’est pas ainsi que j’ai grandi, et que « grandir » me semble même le contraire de ça. C’est qu’il y a une soif propre à l’enfance, un désir, une curiosité inextinguibles, comme le montrent ces séries de questions que les enfants posent et qui relancent inlassablement la conversation : c’est la puissance de l’enfance, son énergie inépuisable. Un enfant est entêté, récidiviste, irrécupérable : finalement, même la guerre n’en viendra pas à bout. C’est un des sens de l’exergue de Sony Labou Tansi, qui ouvre le livre en le plaçant dans le sillage de cet adjectif que j’aime tant : « incorrigible ». On me le dit souvent, depuis l’enfance. Je le prends comme un compliment.

Le récit d’Afrique – si c’est un genre – pose d’autres types de problèmes, encore plus redoutables. Je ne sais pas si vous avez lu le texte de l’écrivain kényan Binyavanga Wainaina, qui vient de mourir à Nairobi, et qui s’intitule « Comment écrire sur l’Afrique ». Il vient d’être traduit par Santiago Artozqui et publié en ligne par l’excellente revue En attendant Nadeau. C’est un texte à la fois drôle et percutant, très intelligent, où Wainaina démonte à peu près tous les clichés qui viennent lorsqu’il s’agit d’écrire un livre « sur l’Afrique ». Je ne résiste pas au plaisir de vous en citer un extrait : « Utilisez toujours le mot « Afrique » ou « Ténèbres » ou « Safari » dans votre titre. (…) Dans votre texte, traitez l’Afrique comme s’il s’agissait d’un seul pays. Un pays chaud et poussiéreux avec des plaines vallonnées et d’immenses troupeaux d’animaux et des gens grands et minces qui meurent de faim. Ou bien un pays chaud et humide, où des gens tout petits mangent des primates. Ne vous enlisez pas dans des descriptions trop précises. L’Afrique est grande : cinquante-quatre pays, 900 millions de personnes qui sont trop occupées à avoir faim et à mourir et à se battre et à émigrer pour lire votre livre. Le continent regorge de déserts, de jungles, de hauts plateaux, de savanes et de bien d’autres choses, mais votre lecteur ne se soucie pas de tout cela, alors faites en sorte que vos descriptions soient romantiques, évocatrices et peu précises. » Et tout le reste est du même – et savoureux – tonneau : Afrique violente, indolente, corrompue… Clichés colonialistes, paternalistes, misérabilistes… tout y passe. Je souscris entièrement à ce texte. Voir l’Afrique par les yeux d’un enfant était aussi un moyen de court-circuiter ces stéréotypes.

[…]

J.M.G. Le Clézio avec L’Africain, et Yannick Haenel avec Le sens du calme, publiés comme vous dans la collection Traits et Portraits évoquent également leur passé africain. Comme avec Mémoires d’outre-mer (Gallimard, 2015), avez-vous souhaité travailler de nouveau l’impensé colonial français, mais cette fois à hauteur d’enfant ?

Il est évident que Scrabble s’inscrit dans une réflexion sur la mémoire qui constitue, depuis Sympathie pour le Fantôme, en passant par Fukushima. Récit d’un désastre et Mémoires d’outre-mer, une des lignes de mon travail. Je ne suis pas seul à mener ce travail aujourd’hui, notamment par rapport à l’Afrique. Comme vous l’indiquez, L’Africain de Le Clézio est une référence puissante : je le mentionnais d’ailleurs déjà dans Mémoires d’outre-mer. Mais on peut penser aussi à Sylvain Prudhomme, Les Grands, ou à Vincent Hein et Les Flamboyants d’Abidjan, deux beaux livres que j’invite tout le monde à lire. Cependant, ces livres, et c’est aussi là leur force me semble-t-il, ne travaillent pas uniquement avec « l’impensé colonial français » : ils orchestrent, chacun à sa manière inimitable, une vraie relation réciproque avec plusieurs pays d’Afrique – le Niger chez Haenel, la Côte d’Ivoire chez Hein, la Guinée-Bissau chez Prudhomme, le Tchad dans Scrabble… tous ces pays nous ont construit et ont façonné notre regard. Un enfant ne raisonne pas en termes d’ « impensé colonial », même s’il en a conscience à sa manière : ce sont des mots d’adulte, qui peuvent aider à poser le problème mais ont aussi tendance à l’ossifier, quand ils ne l’étouffent pas sous des pétitions de principe moralisantes ou de grandes déclarations d’intention idéologiques. En revanche, le rapport à un lieu (une ville, une chambre, une terrasse), aux lectures d’école, aux camarades de classe, à un visage ou à un geste, à une langue ou à une musique : voilà une manière concrète de poser le problème.

Scrabble n’est-il pas régulièrement irrigué par les voix d’Arthur Rimbaud et d’Henri Michaux ?

Pour ce livre, Rimbaud m’a fourni une clef essentielle. J’ai longtemps cherché pour Scrabble une organisation qui soit à la fois fluide, facile à lire, et qui coïncide autant que possible avec son sujet. C’est Rimbaud qui m’a donné la solution, dans l’un de ses plus beaux poèmes : Le Dormeur du Val. Vous savez : « C’est un trou de verdure où chante une rivière… » Dans ce poème, un soldat, jeune, presque un enfant, semble dormir dans l’herbe en souriant, la main sur la poitrine. Mais peu à peu, on s’aperçoit qu’il ne dort pas. Le texte est magnifiquement orchestré : progressivement, tous les détails du début se teintent d’une ironie étrange et, par un retournement final époustouflant, les derniers mots (« Il a deux trous rouges au côté droit ») invitent à relire l’ensemble du poème sous un éclairage complètement différent. On comprend alors que le jeune homme ne dort pas : il a reçu deux balles dans le flanc droit et il est mort. Quand le « trou de verdure » du début est remplacé par les « deux trous rouges » de la fin, le titre même, Le Dormeur du Val, prend une résonance terrible : on y entend l’équivalence dormir/mourir (dort/meurt) et on prend conscience que tout était donné dès le titre. J’ai toujours trouvé ce texte magistral : il montre que Rimbaud est un grand écrivain non pas seulement parce qu’il a des « illuminations » extraordinaires, mais surtout parce qu’il s’est forgé une langue éblouissante pour les dire et – chose assez peu étudiée – un sens du récit poétique admirable.

Qui lira Scrabble avec cette clef rimbaldienne en mémoire pourra y faire quelques trouvailles : la « chaleur de mitraille » du début, les « sentinelles à gorge jaune » (qui sont des oiseaux du Tchad mais aussi des soldats), les claquements du drap comme des détonations… Il y a plusieurs manières de lire ces notations, qui ne contribuent pas seulement à planter un décor ou une ambiance mais invitent à une lecture à double ou à triple détentes : ainsi, une étincelle d’or sur un toit peut désigner tour à tour – ou tout à la fois – un reflet du soleil sur une tôle ou un éclat lumineux sur une culasse, voire le crépitement d’un fusil. De la même manière, les derniers chapitres de Scrabble invitent à relire l’ensemble du livre (quasi dans le moindre détail) dans la perspective de la guerre, tout comme la première photographie du livre (p. 10) et la dernière (p. 214) se répondent. C’est un jeu d’échos et de tissages, un feuilleté qui n’est pas seulement un divertissement littéraire gratuit mais est profondément en prise, à mon sens, avec ce que m’a appris mon enfance tchadienne (et que me redira plus tard le Japon, sous une autre forme) : une disposition à regarder plusieurs choses à la fois, menant à une intensification de la vision qui soit à même de rendre compte de la complexité de l’aventure humaine.

Toutefois, si Rimbaud m’a fourni une clef importante, Scrabble est surtout irrigué en profondeur par des voix africaines : celle de Sony Labou Tansi tout d’abord, qui ouvre le livre et lui donne son impulsion. Celle d’Ahmadou Kourouma (lui qui a aussi abordé le thème des enfants-soldats), à la fois si caustique et si inventive, celle d’Amadou Hampate Bâ, plus sage et plus classique : ce sont des écrivains que je lis depuis longtemps et que j’ai cherché à faire connaître au Japon, par mes cours et par des émissions de radio. Il y en a d’autres, souvent méconnues en France (Bernard Dadié, le poète Jean-Baptiste Tati Loutard…), sans oublier le grand Tchicaya U Tam’si : je suis gorgé de poésie africaine depuis l’enfance, pas seulement celle des contes folkloriques mais celle, puissante, vibrante, des grands maîtres modernes, qui n’ont rien à envier à Michaux ou à Rimbaud, qui sont leurs frères aux paroles soulevées par le vent. On a longtemps lu – on lit encore souvent – les romans et les poèmes africains pour ce qu’ils ont d’exotique. Il serait temps de les lire pour ce qu’ils ont d’universel et de moderne.

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Enfant et chien sur une bombe non explosée, Tigray, Ethiope 1991 Photo © Dario Mitidieri / Getty-images.
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Enfin, la collection Traits et Portraits où paraît ce texte, a pour caractéristique d’accepter, et même de demander à l’auteur une iconographie aussi fournie que possible. Or, dès que l’on s’intéresse aux images de l’Afrique au XXe siècle, force est de constater que tout ou presque pose problème : un objet a priori banal, comme une carte postale par exemple, fait surgir aussitôt une foule de « clichés » (c’est le cas de le dire). Des contenus spécifiques, des scènes attendues, pittoresques, exotiques, mais aussi des poses, des postures, des silhouettes (les femmes par exemple, presque toujours seins nus). Le grain même des photos a parfois quelque chose de colonial, cette espèce de teinte sépia qui pose sa grisaille sur ce continent si varié, si coloré et si vivant…

Pour résoudre ces problèmes, ou au moins les esquiver, j’ai choisi de faire appel à de grands artistes (Raymond Depardon, Dario Mitidieri), dont la qualité du regard désamorce par avance les stéréotypes. Parmi ceux-ci, j’avais à cœur de montrer des œuvres de photographes africains (Malick Sidibé par exemple), même si pour des raisons de droits ou de problèmes juridiques, et malgré l’aide de chercheurs aussi aimables qu’intelligents (je pense à Elara Bertho et à Jean-François Werner, et je saisis l’occasion pour les remercier), je n’ai pas pu montrer tous ceux que je désirais, notamment le merveilleux et méconnu Cornélius Augustt. Enfin, j’ai aussi choisi des dessins (ceux, magnifiques, de Christian Seignobos ou le merveilleux Raffi Kaiser) : il me semble que le dessin, lorsqu’il est bien fait, inclut non seulement un regard mais aussi un geste, une inclusion du corps plus profonde, plus incisée dirais-je, dans l’acte même de tracer. Une singularité s’exprime, qui court-circuite les regards englobants et retrace une rencontre précise, précaire, irremplaçable : avec un arbre, avec une barque, avec un animal ou un être humain.

L’intégrale de l’entretien ICI, sur le site « L’Intervalle » de Fabien Ribéry

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La guerre compte triple : rencontre avec Michaël Ferrier

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Par Arnaud Vaulerin
_ Libération, Le 13 septembre 2019

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[…] Cette attention aux détails, aux sensations, aux choses vues sur les copains, les femmes, le fleuve, sont-ils des souvenirs figés dans l’enfance ?

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Ils sont toujours vivants. L’enfance n’est pas pour moi un paysage stable et homogène. C’est plutôt une galaxie chatoyante, le moment de l’ouverture, de l’exploration, de la connaissance par tous les sens et dans tous les sens. J’écris dans Scrabble : « L’enfance s’ouvre comme une mangue . » Je voulais relater cette enfance telle qu’elle a été vécue, d’où toutes ces notations sensationnelles, la saveur, le toucher. Après cette irradiation incroyable, il y a l’âge adulte, l’âge de la rétractation, de la défaite. Ce sentiment d’ouverture euphorisante, on ne le retrouve guère plus tard que dans l’ivresse, l’expérience amoureuse ou le geste artistique.

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L’intégrale ICI

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Une langue poétique et musicale dans « Scrabble » (Extraits du livre)

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L’enfant a toujours un doigt dans la bouche, il apprend à connaitre l’immense peuple des choses par leur saveur, mais aussi par leur texture et, pour ainsi dire, par leur complexion. (c) Photo archives Michaël Ferrier.
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Partie 1 - TOUMAÏ
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MEMOIRE

« Tous mes souvenirs s’envolent dans le vent des sables,

le passé coule dans le fleuve,

se joue dans les branchages, explose dans les feuillages.

Le passé est tout autour de moi désormais – et je ris quand je dis « le passé »,

car rien de tout cela n’est passé. »

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LE VENT DES SABLES (suite)

Plus tard, bien après que les événements que je vais dire maintenant seront passés, je regarderai une carte dans un atlas et je comprendrai tout. Dans ce pays fermé comme une gourde, sans accès à la mer et encerclé par d’autres pays simultanément voisins et ennemis (Libye, Niger, Nigeria, Cameroun, Centrafrique, Soudan), le vent est à la fois un frisson qui circule, le porteur des bonnes et des mauvaises nouvelles et le souffle sensible du temps, qui tout apporte et tout reprend. Il soulève avec lui les pluies et le feu, la vie et la mort, la guerre et les chants.

Mais, pour l’instant, j’ai dix ans et je découvre cette poussière portée par le vent, qui semble se glisser partout et ne se poser nulle part.

Tempête de sable : le ciel est jaune, les vents hurlent et soufflent dans tous les sens. C’est l’image la plus vivante qu’on puisse se faire du chaos.

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« Toumaï ! Vis comme le chien ! » me lance Amaboua,

Amaboua, la fille aînée du gardien, une jeune femme si charmante qu’on dit qu’elle peut stopper tout un troupeau de zébus par la seule grâce de son sourire. Elle m’appelle toujours « Toumaï », je ne sais pas pourquoi [sa signification nous sera dévoilée à la fin du livre]. Mais c’est un nom tchadien et il me plaît : j’ai l’impression grâce à elle d’être un enfant du pays.

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Le garçon au chien (c) Photo archives Michaël Ferrier
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VOIX

Dès le petit matin, de la mosquée voisine, le muezzin appelle à la prière....

Ce n’est pas le cor des juifs ni la cloche des chrétiens : c’est une voix humaine. C’est au Tchad que j’ai connu pour la première fois la puissance de la voix.

Je suis moi-même un petit d’homme, une forme minuscule posée au hasard dans le grand fracas de l’univers, mais en suivant la piste des fourmis sur les troncs d’arbres ou celle des cigognes blanches qui s’envolent, pattes allongées, ailes déployées, bec ouvert dans la splendeur du soir – c’est ça, l’enfance : le moindre détail peut vous emmener très loin–je me sens relié à tous les souffles du monde.

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UN MOT SUR SON PERE ET SA MERE
(le minimum pour camper le récit et expliquer sa présence au Tchad, la relation filiale n’est pas son véritable propos)

Mon père est militaire. Il s’est engagé très jeune et a fait toute sa carrière dans l’armée, qui lui a permis de fuir la misère et de fonder une famille. Il croit en l’ordre, en l’autorité, au respect de la parole donnée et du serment prêté. Il a aussi un formidable esprit critique et un humour caustique, qui lui vaudront quelques inimitiés. Il déteste le verbiage et a toujours les rieurs de son côté. C’est un curieux mélange d’insolence et de loyauté, comme on en trouve parfois dans l’armée française.

Mon père était sombre de peau et ma mère très blanche. Entre sa couleur café au lait et son teint de lys, je trouvais une harmonie étonnante, une concordance, qui était celle-là même de ma naissance

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LE GOÛT DE LA LANGUE ET DES LANGUES

Mon appétence pour les langues étrangères naît ici, dans les accents et les phonèmes de lexiques que je ne connais pas, et dont j’apprends progressivement à deviner le sens et les nuances. Que veut dire ce mot ? ce geste ? Comment répondre à cette interpellation ? Il y faut un effort constant de traduction. En arabe, en français, en haoussa, en moussey, c’est un espace à plusieurs détentes qui se découvre à chaque phrase, hétérogène, polyphonique.

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LE SOUVENIR DU RITUEL DU MOUTON QUE L’ON EGORGE… : UNE SOBRE EVOCATION, AU SCALPEL !

Pour les grandes cérémonies de fête, c’est un mouton que l’on traîne par une corde, que l’on attache et qu’on égorge. Sa laine est souple et chaude, il a les flancs qui palpitent et l’œil apeuré. Son cou est doux et frisé. Des chants roulés sur des tam-tam ou scandés sur une calebasse renversée résonnent. Le gardien s’approche de la bête et la tient longtemps serrée contre lui en lui caressant l’échine. On sent bien qu’il l’aime, son mouton, qu’il ne lui veut pas de mal. Il l’a payé assez cher d’ailleurs. Il murmure des prières tout en affûtant son coutelas. Soudain, la lame blanche brille à la lueur de la flamme. Puis, très vite, il lui tranche la gorge, en prenant garde que le museau soit tourné vers La Mecque. L’animal s’agite, ses pattes tremblent, il entre en convulsion. Il écarquille les yeux pour saisir encore un moment le secret de sa vie. Puis son regard chavire et sa tête tournoie avant de dégringoler vers le bas. Toujours tenu fermement par le bras du gardien, par hoquets successifs, il se vide de son sang. Alors, les chants de la longue nuit me reviennent en mémoire, je vois les deux yeux infinis de l’enfant qui mangent la nuit, et la case elle-même devient une boule de nuit dans la nuit, et le temps lui-même s’effondre dans la nuit.

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DU « TRAVAIL DE LA MAIN » AU GESTE DE L’ECRITURE

Au fur et à mesure que je grandirai, il [Saleh, le « boy », l’homme à tout faire, détenteur d’une science non enseignée à l’école de la République] m’initiera aux rites pour chasser les mauvais esprits : ce que les Kanouris appellent le « travail de la main », techniques occultes, passes magnétiques, sortilèges de protection, incantations. La main doit être à la fois souple et ferme, les doigts agiles, le corps tendu vers le geste et l’esprit vers la cible. Encore aujourd’hui, je n’écris pas autrement. Grâce à lui, je deviens le maître des pièges, le spécialiste des envoûtements.

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SALEH (suite) / LA CASE DES FEMMES

C’est Saleh qui m’a fait entrer, pour la première fois, dans la case. La case est profonde, elle m’attire comme une grotte. J’y jette un œil dès que je peux, dès que le gardien n’est pas là, qu’il part faire sa ronde dans sa grande djellaba, accompagné de son chuchotis de manches et de son cliquètement de clefs. De l’intérieur, j’entends les grésillements de la radio et les rires des femmes. J’ai terriblement envie d’y entrer, mais le retour du gardien ou la sortie d’une femme hors de la case me font rebrousser chemin et fuir comme si j’avais le diable à mes trousses.

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C’EST ICI QUE J’AI PRIS LANGUE AVEC LES BÊTES ET AVEC LA TERRE, ET CE NEGOCE NE M’A JAMAIS QUITTE

Avant les êtres humains, instituteurs, éducateurs, professeurs, avant même les parents ou la famille, ce sont les animaux qui m’ont formé. Une rude fraternité nous unit depuis l’enfance, une immense complicité mêlée d’une certaine rivalité, comme dans ces histoires où, alors qu’ils peuvent leur livrer une chasse sans pitié pendant le jour, les lions viennent dans le village, le soir venu, déposer de la viande pour les humains. Jusqu’à l’âge de dix ans, je ne me souviens presque pas de mes maîtres d’école ou de mes premiers camarades de classe : en revanche, je garde très précisément en mémoire la forme de certaines carapaces, le tracé des ailes et la forme des griffes.

Tous ces animaux suscitent en moi une pointe d’inquiétude et une violente admiration. Ils m’entraînent à voir, à sentir, ils me disent quand me méfier et quand m’enfuir, ils m’apprennent à danser et à courir. Ils sont les garants d’un certain rythme, d’une pulsation, répétitive et pourtant infiniment variée, une percussion musicale dont je sens dans ma propre poitrine battre la mesure. Surtout, sans même que j’en aie conscience, ils marquent d’ores et déjà toute mon existence d’une immense sensibilité à la nature, pas seulement dans le déploiement de ses paysages ou la contemplation de ses phénomènes, mais dans ce qu’on pourrait appeler l’incandescence de la sensation, qui est si vive dans l’enfance, et que nous ne retrouvons guère, plus tard, que dans l’expérience artistique ou l’état amoureux.

Les animaux portent en eux une délégation innombrable de sciences secrètes, de connaissances cachées, de savoirs subreptices, toute une érudition occulte et pourtant transparente, à laquelle il faut tendre l’oreille si l’on veut devenir un homme digne de ce nom. Toumaï, vis comme le chien !

Mais ils ont aussi le sens du deuil : quand la chatte Minouche perd un de ses nouveau-nés, happé un matin par un épervier de l’Ovampo, tous les chats et les chiens de la cour se regroupent en cercle et la regardent d’un air apeuré, non pas parce qu’ils se disent, comme certains humains, qu’ils ne verront plus une personne aimée mais, beaucoup plus profondément à mon sens, parce qu’ils ont compris que quelque chose vient de s’interrompre dans la grande vibration du monde. Mais les adultes, toujours les adultes, avec leur savoir clair et de leur ton assuré, me disent que non, ce n’est pas possible.

[…]

…Tu comprends, il leur manque la parole ! » Je trouvais pourtant qu’ils parlaient moi, les chiens, les chats, les cabris, les ratels, qu’il fallait simplement savoir les entendre, tendre l’oreille comme ils le faisaient, la truffe soudain dressée et l’œil pétillant. Mais non, les humains allaient pérorant toujours, et toujours répétant : « Les animaux, il leur manque la parole ! » Et nous, pensais-je, bien au contraire, il ne nous manquait que de savoir nous taire pour, comme eux, lever la tête au passage des vents.

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L’ECOLE DU DEHORS / LE NEZ EN L’AIR…

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Enfant scara porte des scarifications au Tchad vers 1950-1953 © Michel Huet / HOA-QUI - Gamma-Rapho
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Le nez en l’air, je hume les odeurs qui m’entourent : l’odeur sèche et brûlée de la brousse, l’odeur froide et humide de la forêt. La senteur immense et limpide du matin, avec son petit goût de frais. Je tressaille, sans raison, attentif à ce qui se passe d’extraordinaire en moi et autour de moi : une puissante joie s’empare de tout mon être et le soulève dans le matin. C’est l’école du dehors, celle des tournants et des angles, des brindilles et des brandes, des bifurcations. Il y faut de la patience. Il y faut un courage à toute épreuve, une certaine violence et le goût de l’expérimentation. Mais si vous l’acceptez, elle développera en vous un sens aigu de l’observation, une intuition redoutable redoutable et, à vos risques et périls, un plaisir inégalable : celui de regarder autour de vous.

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SES COPAINS ABDEL ET YOUSSOUF

Très vite, je me lie d’amitié avec Abdelkader. Abdel, comme on l’appelle. Grand, élancé, il a une peau à teinte rougeâtre et des yeux bleu-brun comme en ont parfois les Touaregs ; il est doué d’une acuité visuelle phénoménale. On le surnomme l’Aigle : il remarque à l’œil nu des détails que, même avec les jumelles de mon père, j’ai du mal à déceler. Il peut repérer à cent mètres un petit moineau gris dans l’ombre d’un feuillage ou un serpent couleur sable sous le torchis d’une case.

Youssouf, un jeune Toubou à la tignasse en nid d’oiseau, qui passe son temps à siffloter des mélodies (parfois douces, parfois acidulées) et à dessiner sur le sable avec sa baguette de berger. Youssouf est d’une agilité extraordinaire : il excelle dans les cours d’éducation physique et vole littéralement de place en place dans la cour de récréation. On l’appelle Youssouf-aux-pieds-légers. Je l’ai toujours vu avec son bâton à la main ou non loin de lui : quand il entre en classe, il le pose dans un coin et ne le perd jamais de vue.

Ils m’indiquent comment choisir les meilleures dattes–de couleur claire, légèrement luisante, au goût de miel fondant–et nous nous régalons ensemble des amandes de savonnier ou du nougat d’arachide.

Plus tard, Youssouf m’apprendra à tresser les herbes pour en faire un sifflet. Les coups de sifflet stimulent les bêtes à l’abreuvoir : dès qu’elles entendent le souffle du berger passer entre les brins de l’appeau, elles penchent leurs belles encolures brunes vers la source et boivent à longs traits, en toute confiance. On peut alors les caresser doucement. Abdel me montrera aussi la différence entre la flûte d’antilope et la flûte de gazelle : taillées dans des cornes différentes, elles ne rendent pas le même son, plus robuste et plus grave pour l’antilope (l’accent tamisé d’une trompe), svelte et lumineux pour la gazelle (la mélodie d’une lyre). Dans la classe, il y a aussi Christelle, une grande rousse fougueuse, et Valérie, une petite brune réservée. Elles sont toutes deux filles de militaires mais on ne saurait imaginer deux filles plus opposées. Je suis un peu amoureux de Christelle mais j’ai aussi un faible pour Valérie. Quand Amaboua vient me chercher, elle met tout le monde d’accord : « Toumaï ! Tu viens ? » Dès que j’entends sa voix, je quitte tout et je la suis.

Nota : pour mémoire, Michaël Ferrier enseigne aujourd’hui la littérature française à l’université de Tokyo.

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AMOUR

Je crois bien que c’est avec Amaboua que j’ai su, pour la première fois, ce qu’est l’amour. Elle arrive, et c’est comme si la case changeait de forme. L’espace se reforme en suivant les contours de sa longue silhouette bleue. Elle flotte, elle vole, elle survole. Amaboua est belle, avec ses longs cheveux tressés qui lui descendent dans le dos et lui donnent l’air de planer partout. Son nez est allongé et sa bouche un peu de travers : son père dit qu’elle est mignonne comme un kimambilo, l’oiseau noir à long bec légèrement recourbé. Un léger déclic, quand elle abaisse les paupières : son regard est comme un cadenas, une fois qu’il vous a pris, il vous enferme, vous ne l’oublierez plus. Ses yeux couleur de café grillé se fixent sur vous avec une intensité surprenante : je connais bien la fixité de ses pupilles rondes et ce qu’elle signifie. Elle veut quelque chose. D’autres fois, au contraire, coulant par-dessous une œillade qui fait mouche, elle a le regard fondant comme un sorbet. Elle a les chevilles légères, légères, et quand elle danse, ses pas tissent sur le sol un réseau de lignes douces qui s’effacent aussitôt dans de petits tourbillons de poussière. Elle chante, ou plutôt elle fredonne, sa voix caressante révèle les mots en les enveloppant d’une multiplicité de souffles chuchotés sur des notes variées. Ses épaules et ses jambes sont rondes et s’enroulent sur cette mélodie chatoyante. Elle murmure des paroles tendres, dont on ne devine pas le sens mais dont on perçoit la musique, à quelque amant invisible qu’elle tient en réserve dans ses rêves. Et toujours sa tête se penche vers un coin de la case, comme si elle regardait ailleurs, comme si elle pensait à un prince lointain. Son prince lointain, c’est Abakar, je le sais. J’ai bien vu leur manège, et tout le monde l’a vu, lors de la préparation du mouton. Je les ai suivis derrière la case, j’ai vu Abakar plonger son visage dans son cou noir, exactement à l’endroit où frémit son odeur de goyave. Je l’ai entendue rire aux éclats puis s’esquiver, s’échapper tout en rires et en cavalcades.

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Partie 2 - GUERRE
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Passage d’avions bombardiers au dessus de la maison, N’Djamena février 1979 (c) Photo archives Michaël Ferrier.
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LE DERNIER JOUR DE MON ENFANCE

Ce jour-là, le 11février 1979, nous sommes partis à l’extérieur de la ville. Je ne le savais pas, mais c’était le dernier jour de mon enfance

En juillet1977, Bardaï était tombée aux mains des rebelles. En février1978 : Faya-Largeau. À 800 kilomètres au nord de N’Djaména, des avions militaires débarquaient quotidiennement des vivres et des munitions sur la piste de l’aéroport d’Abéché. La garnison tchadienne était renforcée de quelque cinq cents militaires français de l’infanterie de marine, équipés d’automitrailleuses. Les coopérants français – professeurs et médecins – étaient déjà tous partis, évacués par l’ambassade, devant le soutien manifesté par ce gros bourg agricole aux forces de la rébellion. Seul un prêtre, le révérend père Damon, était resté dans la ville. Les habitants d’Abéché considéraient l’armée française comme une armée d’occupation. N’Djaména, la capitale, était le dernier verrou.

[…]

De cette rébellion on ne savait pas grand-chose, mais on apprendra plus tard que 200 militaires français y ont quand même été tués, dans l’anonymat. » La guerre qui commence est toujours anonyme. Quand elle éclate, il est déjà trop tard. La guerre était en gésine et nous étions pris au piège : sans qu’on le sache, la nuit s’était peuplée de torches, le jour d’éclats de culasses dans le roulement des fusils.

[…]

Le lundi 12février 1979, le lendemain de notre escapade au fleuve, un groupe d’élèves (nordistes et musulmans) fait irruption dans les salles de cours du lycée Félix-Éboué et exige des professeurs qu’ils suspendent leurs cours. D’autres élèves (sudistes et chrétiens) résistent, puis refusent. Des coups de feu sont tirés. Qui a tiré ? Les élèves grévistes ? Un gendarme voulant les départager ? En tout cas, la situation dégénère rapidement et les combats gagnent bientôt toute la ville, opposant les FAT (Forces armées tchadiennes) et les FAN (Forces armées du Nord). Régis [son frère] et moi sommes au lycée ce jour-là, nous entendons les coups de feu et les clameurs, qui sont comme la rumeur des meurtres à venir. Nous sommes confinés dans une classe, élèves sous la table, enseignante tremblante, debout. De sous mon pupitre, je vois : ses mains frissonnent et chiffonnent son chemisier. Régis râle : il voudrait sortir et voir ce qui se passe. Très vite, mon père vient nous chercher en voiture et nous boucle dans la maison avec Saleh. Déjà, dans la ville, la guerre se déchaîne : le feu, le feu qui bondit et qui rampe, les incendies et les fumées noires. En quelques jours, la capitale sera criblée de balles et de morts, dans un chaos indescriptible. C’est la « première guerre de N’Djaména », le début enfin visible d’une guerre civile longtemps occultée.

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L’OISEAU JAGUAR

J’entends le grondement de grands aigles de métal : un oiseau mystérieux a pris possession de la ville, les grandes personnes l’appellent « Jaguar ». Ce sont des machines de guerre qui survolent la maison à très basse altitude et crachent d’énormes boules de feu vers le sol en rugissant. Les armes se déchaînent. Ce sont elles, les déesses de la guerre, son instrument mais aussi, bien souvent, son prétexte et son but. Les armes sont le vrai sujet de la guerre. Mitrailleuse, pistolet-mitrailleur, fusil-mitrailleur, fusil d’assaut, lance-roquettes, fusil à lunette, lance-grenades… En quelques jours de combat, j’apprends à les connaître par l’oreille, par le son qu’elles font entendre au départ de la rafale, mais aussi par la façon dont ce son évolue dans l’air et se transforme selon la nature de l’impact, dans un mur de pierre, dans une toile de jute, dans l’écorce d’un arbre ou – je le saurai bientôt – dans les organes d’un corps.

[…]

De temps en temps, on n’y tient plus, et malgré l’interdiction parentale, on quitte les couvertures et on rampe vers la fenêtre. Puis on s’enhardit – ou on s’habitue – et on descend dans la cour. Pour la première fois, je vois l’oiseau Jaguar : un avion tout en courbes et en pointes, qui s’élève comme une plume, fond sur la cible et lâche la mort avec une immense grâce. Dégagement, virage à gauche en montant, il repart dans le ciel transpercé de fumées. Un dernier tournant et il a disparu… Vers 17heures ce jour-là, il fera à nouveau plusieurs passages, à très basse altitude, lâchant six puis douze missiles. La stridence d’un obus de 106 monte très haut dans le ciel puis redescend en passant au-dessus de nos têtes. Mon père tend à nouveau l’oreille : « Le sifflement est aigu, cela veut dire que nous ne sommes pas sur la trajectoire. » Je sais maintenant que la mort prend plus volontiers la forme d’un grondement bref que d’un sifflement aigu. En passant, chaque obus nous assomme d’une explosion retentissante, comme un coup de batte sur la tête. Nous en restons groggy chaque fois pendant quelques minutes, dans l’étourdissement du son. Le portail s’ouvre : un voisin a été blessé par un éclat d’obus. Le gardien le laisse entrer. On le soigne avec du mercurochrome, surpris par la profondeur de la blessure. Un autre a été touché par une antenne tombée du toit d’à côté, soufflée par une explosion. Les langues se délient, la panique gagne. Les tirs se rapprochent. Bientôt, des véhicules surarmés déboulent à toute allure dans des panaches de poussière et de cris. Des jeeps-canon, avec mitrailleuses montées sur le châssis, des pick-up Toyota armés jusqu’aux essieux…

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ENTRE L’HOPITAL ET LA MORGUE, NOTRE MAISON OCCUPE UNE POSITION STRATEGIQUE

Notre quartier est un peu excentré, mais la guerre a fini par nous rejoindre. D’autant plus que la maison, entre l’hôpital et la morgue, occupe une place stratégique, autour de laquelle les jeeps enragées tournent comme des folles.

[…]

Le but est clair : prendre possession de l’hôpital et de la morgue, plates-formes tactiques où l’on peut soigner ses blessés et évacuer ses morts. En quelques instants, les deux routes qui entourent la maison sont balayées par les balles. Rafales d’armes légères, puis départs de roquettes. D’un bout à l’autre de l’avenue, juste sous les fenêtres de ma chambre, des dizaines de pick-up s’élancent à pleine vitesse, l’un contre l’autre, cavales d’acier se crachant à la gueule leurs langues de feu. Est-ce le soleil ou bien la mort, ce feu qui flamboie sur les casques et les portières ? L’homme a tellement peur qu’il se rue toujours vers sa mort en hurlant.

[…]

Ils ont des munitions, ça va durer longtemps. » Et ça dure, oui. Ça tourne, ça éjecte, ça enfourne, ça crache et ça bruit. Ça tue. Ce n’est pas tellement ma mémoire qui a gardé la forme et la teneur de ces bruits, mais mon corps. Aujourd’hui encore, alors que je trace ces lignes, le crachotement de la kalachnikov remplit mes oreilles, mes yeux, mes narines et ma bouche. Je n’ai rien oublié. […] Scènes de chasse et de mort, sous nos yeux. La terrasse légèrement en surplomb offre une vue exceptionnellement sinistre sur les exécutions. Des uniformes kaki traquent d’autres uniformes kaki, nettoyant les trottoirs au pistolet-mitrailleur, fouillant pied à pied tout le quartier du Bololo en face, extirpant les fuyards qui répliquent par des tirs sporadiques ou s’éparpillent dans les ruelles en courant aussi vite que des abeilles sortant du creux d’un rocher. Tirer, courir, courir, tuer, tirer encore, dans les feuillages, à travers les voitures… […]Les actions les plus absurdes semblent raisonnables et les plus raisonnables deviennent absurdes, dans une étrange inversion des polarités.

[…] Accoudés à la fenêtre, ayant laissé derrière nous le lit et les couvertures, nous regardons avec Régis la folle débandade des hommes. Tous sens en éveil, je suis attentif aux innombrables trajets de la rafale. Les fugitifs tombent sous toutes formes de balles et c’est toujours la même mort.

[…] La guerre part toujours en vrille, toujours. Les victimes ne sont jamais collatérales, elles sont au cœur même de la guerre, les bavures sont l’encre même de la guerre, sa signature la plus nette – et l’enfant assis par terre dans la poussière sourit d’un rictus étrange tandis que la balle trouve son cou. Elle court, la voisine court, elle bouscule les gens en criant. « Laissez-moi passer, c’est mon fils ! » Elle tremble, ses mains tremblent quand elle ramasse ce qui reste de l’enfant, qu’elle essaie de remettre tout cela en ordre, les morceaux d’os et les fragments de son crâne, aussi coupants que des tessons de faïence, toute la verroterie de son fils dans la poussière du trottoir. Elle tremble, ses lèvres tremblent quand elle tente de dire quelque chose en serrant contre sa poitrine la tête de l’enfant, mais il manque toujours un mot ou une lettre. Elle tremble, ses paupières tremblent, mais elle a perdu son fils unique et ne sait plus pleurer. C’est la dernière scène et c’est la dernière salve. Un tireur embusqué se tient sur sa droite, lance-roquettes sur l’épaule droite. Il pose le genou gauche à terre et ajuste calmement. Un souffle énorme traverse la rue, une grande flamme orange : la camionnette derrière la femme est soulevée par le souffle de l’impact et retombe sur elle dans un nuage de débris et de poussière – dont je vois sortir, en rampant sur ses mains, son enfant toujours dans les bras, la femme avec le visage en sang et les deux jambes coupées. C’est la dernière scène dont je me souvienne, avant que mon père nous chasse en criant vers le lit et referme brutalement la fenêtre de la chambre.

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LE CAUCHEMAR EST ENTRE DANS MA VIE MÊME

Je me réveille dans mon lit, en nage, mais cette fois-ci, ce n’est pas le paludisme, ce n’est pas la sueur de la fièvre et ce n’est pas non plus un cauchemar. Ou plutôt, le cauchemar est entré dans ma vie même. J’ai bien entendu un hurlement sauvage, précédé de grandes rafales de pistolet-mitrailleur. Je me précipite à la fenêtre et je regarde dans la cour. La table au centre de la cour, sur laquelle nous jouions au Scrabble, a explosé : il y a des éclats de balles dans le bois. La case du gardien a explosé aussi, percutée par une grenade[…]. Et devant elle une ombre, armée d’un fusil. La cour est devenue un grand échiquier inutile où, calmement, deux enfants-soldats nous tiennent en joue. Les soldats en armes sont entrés dans la cour, la cour par laquelle tout arrive, et toutes sortes d’ombres se faufilent maintenant, le long des palissades, fusils en bandoulière. Ils entrent, et en quelques secondes ils déchirent le livre de mon enfance.

Un homme crie, il va bientôt mourir. Un homme rit, il va bientôt tuer. C’est donc cela, la guerre, la macaquerie de son rire. Le soldat est très jeune, quelques années de plus que moi, seize ans peut-être, dix-sept ans à la limite. Il a d’abord tué Dick, qui menaçait de le mordre, une balle entre les deux yeux, juste à l’emplacement de la tache rouge, au-dessus du museau, au milieu du front. Maintenant, il se tient à côté du gardien, qui a pourtant voulu retenir le chien. Après quelques palabres, il sort à nouveau le pistolet du holster fixé à sa ceinture et plaque le bout du canon à l’endroit où la gorge se transforme en menton. Je comprends l’expression « à bout portant », que j’ai lue tant de fois dans les livres. Il y a plusieurs sortes de guerres. Et là, c’est la guerre dans la guerre. Une exécution. C’est à la fois la plus rapide et la plus lente des morts. Il a l’index sur la détente et il va tirer.

Tuer : c’est un simple geste du bras, je m’en rends compte. Rien de plus facile que de tuer, du moins passé la première fois, on peut même le faire le sourire aux lèvres ou bien en pensant à autre chose, avec une sorte d’indifférence ou un petit plaisir furtif, comme on fait coulisser une fermeture éclair, comme on défait la boucle d’un ceinturon. On s’habitue à tout, on finit parfois par aimer ça (le bruit si caractéristique de la pièce métallique qui se glisse sous le pêne, le regard apeuré de la victime qui donne un petit sentiment, fugitif mais intense, de toute-puissance), et puis un jour on finit aussi sans doute par s’en lasser – j’ai tout compris de la guerre, j’ai tout compris de la mort et du meurtre quand j’ai vu quelqu’un tuer pour la première fois. C’est une immense révélation inutile, le plaisir de tuer. Le coup part, et la tête chavire dans un cri. Je m’en souviens parfaitement.

La tête du gardien part vers l’arrière et se plaque presque tout entière sur le mur de la case, des bouts de cervelle, de cartilage, des cheveux et des dents, la pulpe des lèvres, les os du crâne et du nez, du sang. Le jeune soldat recharge, attrape le fils du gardien par l’épaule – il doit avoir son âge – et le plaque à la même place où son père vient de mourir, et il tire une deuxième fois. Rien de plus répétitif que la guerre, de plus lancinant et de plus singulier à chaque fois. Dans la guerre, tout a toujours lieu au moins deux fois, comme si elle voulait s’assurer qu’on a bien compris, que c’est elle qui règne, qu’elle fera ce qu’elle voudra, que le plus absurde des actes pourra, sous sa tutelle, être commis autant de fois qu’elle le voudra.

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QU’EST-CE QUE LA GUERRE ?

Qu’est-ce que la guerre ? Le combat, et bien plus que le combat. Elle est la violence, mais aussi autre chose que la violence. Elle est le conflit et la conquête, mais pour qui l’a côtoyée, elle est bien pire que cela. Plus tard, tout au long d’interminables cours de littérature, de philosophie, d’anthropologie ou de science politique, j’apprendrai qu’une certaine idée du langage et de la relation aux hommes se perd dans la guerre, qu’elle survient justement lorsque le langage ne permet plus de concilier les hommes et de régler leurs différends. Mais il y a autre chose, quelque chose de plus profond et de plus vital, que j’ai bien vu dans la cour cette après-midi-là. La guerre est toujours là. Dans la paix comme dans la guerre. Il y a simplement des moments où elle remonte et on comprend alors qu’elle était là, mais que nous ne le savions pas.

[…]Le sang coule tellement dans la cour qu’il a fallu nettoyer à grande eau. Ce sont Awa et Amaboua qui s’en sont chargées, frottant sur le treillis de la case calcinée le propre sang de leur père et de leur frère exécutés. Elles pleurent, et toute la case est un tombeau, la mère des douleurs. Le robinet dans la cour fuit. Ce bruit discret mais régulier devient à la longue entêtant, insupportable. J’étais étendu sur mon lit, un livre à la main. C’est la guerre qui est venue me chercher.

La sensation de celui qui a connu la guerre par son corps n’a rien à voir avec celui qui la connaît seulement par les images ou les reportages. J’ai connu la guerre. Depuis, je porte la marque du dehors et une petite marge d’ombre me tient séparé de vous. Pourquoi Abdel a-t-il tiré sur Youssef ? Je ne le saurai jamais. Je ne peux le chasser de ma mémoire, je ne peux pas l’effacer. Je ne peux pas non plus donner à ce geste la moindre signification. C’est la guerre, et la guerre, contrairement à ce qu’on croit, ne se fait jamais méthodiquement d’un camp contre l’autre, elle rugit toujours de tous contre tous.

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(c) Photo archives Michaël Ferrier
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Entretiens radio

Entretien avec Michaël Ferrier sur RFI

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Par Catherine Fruchon-Toussaint,
Le 12 septembre 2019

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Entretien qui reprend les principaux thèmes du livre, mais c’est là que l’on mesure toute la puissance du récit littéraire par rapport à l’expression orale de l’entretien. Même un entretien avec l’auteur ne restitue pas la puissance du texte littéraire. Pouvoir incomparable de la littérature qui transcende les événements et démonstration, a contrario, que Michaël Ferrier est un écrivain et un grand.

Entretien avec Michaël Ferrier sur RTBF

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Dans l’émission "Dans quel Monde on vit" le 9 septembre 2019 :

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Le monde est pluriel. Michaël Ferrier s’en est rendu compte dès les premières années de sa vie au Tchad. L’écrivain français qui vit à Tokyo vient nous raconter, ce samedi, son enfance africaine. Son récit a pour titre « Scrabble » (Mercure de France).

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Critiques

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LA CROIX : « Scrabble » de Michaël Ferrier, fragments de l’enfance

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Loup Besmond de Senneville,
La Croix, le 18/09/2019

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Dans une cour d’école de N’Djamena, au Tchad. Léon Herschtritt / La Collection
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Dans un beau récit sur son enfance, le romancier Michaël Ferrier livre ses souvenirs de ses premières années passées au Tchad.

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Ce sont des pages empreintes de nostalgie, bercées par la douceur de l’enfance. Elles exhalent les odeurs et les bruits d’une ville africaine, à la frontière du Cameroun et du Tchad, au bord du fleuve Chari. C’est à N’Djamena, la capitale du Tchad « perdue à la lisière des sables », que Michaël Ferrier retourne dans Scrabble, avec qui accepte de le suivre.
L’auteur admiré de François, portrait d’un absent [1] et de Fukushima. Récit d’un désastre [2] fait le récit d’une initiation. À la famille, aux autres, à la nature, aux femmes… Le récit d’une ville qui, dit-il, lui a « tout appris ». Dans une maison où chaque personne qui entre est une aventure à mener.

Par petites touches

« Am Djamena, qui signifie ”le lieu où nous nous sommes reposés”, est la ville la plus épuisante qui soit, mais c’est elle qui m’a tout appris », écrit Michaël Ferrier. « C’est ici, dans cet herbier de sensations subtiles et de pensées fulgurantes, que j’ai appris que la beauté est une force qui escalade ou un buisson qui résiste, que la tranquillité est trompeuse, que le bonheur s’enfuit, que l’être humain est complexe, que la misère règne et que la colère gronde, que la vie est fragile mais qu’elle peut aussi fleurir aux endroits les plus inattendus, les plus invraisemblables. »

La plongée dans l’enfance s’opère par petites touches, et les souvenirs de Michaël Ferrier – que ses amis surnomment « Toumaï » – forment des pages plus proches de la toile pointilliste d’un peintre du XIXe siècle que d’une partie de Scrabble, jeu qui sert pourtant de fil rouge, un peu improbable, au livre.


La guerre, cette « fleur vorace »

« Le temps passait, les années se suivaient, traversées par les cris des oiseaux, gorgées de papayes et de mangues. Courses dans la ville, lectures dans la chambre. Chaque jour s’empilait sur le jour précédent, superposant et multipliant la joie de vivre, de courir et d’apprendre, comme la feuille posée sur la feuille dans le buisson de la cour ou sur la table des livres. Le temps passait et nous ne le savions pas. »

Car ce beau récit de l’enfance est aussi celui du choc entre ces souvenirs au goût de miel et la violence qui monte inexorablement. Car, en cette fin des années 1970, la ville bruisse des prémices de la guerre civile. Jusqu’à la voir éclater un jour de février 1979. La naïveté et la douceur des jeunes années sont percutés par les mots, très forts, de la violence et de la guerre. La guerre, cette « fleur vorace » qui dévore tout sur son passage, est le signe que l’enfance est arrivée à son terme. À moins que les fioretti de Ferrier prouvent ici le contraire. Car l’enfance, lorsqu’elle continue à vivre en nous, est-elle jamais tout à fait morte  ?

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LA CAUSE LITTERAIRE

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Philippe Chauché,

Lire ICI

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le livre sur amazon.fr
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Agenda

22.09.2019

Michaël Ferrier invité de Livres dans la boucle à Besançon

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25.09.2019

Michaël Ferrier à la Maison de la Poésie

19h : Conversation avec Michaël Ferrier

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26.09.2019

Michël Ferrier à la librairie La Boite à livres, à Tours

19h30  : Rencontre avec Michaël Ferrier.
La Boite à Livre, 19 rue Nationale -37000 Tours

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Crédit : Mercure de France


[1Prix Décembre 2018

[2Gallimard, 2012. Prix Édouard-Glissant.

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3 Messages

  • Viktor Kirtov | 5 octobre 2019 - 10:31 1

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    « Tous mes souvenirs s’envolent dans le vent des sables, le passé coule dans le fleuve, se joue dans les branchages, explose dans les feuillages. Le passé est tout autour de moi désormais – et je ris quand je dis « le passé », car rien de tout cela n’est passé. » Michaël Ferrier

    En retraçant son enfance passée au Tchad, Michaël Ferrier nous offre un bouleversant autoportrait. A dix ans, il découvre la beauté de paysages d’Afrique, le vent, la lumière, les insectes. L’Afrique est là, palpitante dans sa beauté et sa crudité. Les enfants jouent au Scrabble sur la terrasse de leur maison. Dehors la guerre approche, mais ils ne le savent pas encore. L’enfant sera témoin de tout, découvrira le sang, les cadavres – et le Scrabble comme manière de se protéger de la violence du monde et de se plonger dans les mots.


  • Albert Gauvin | 4 octobre 2019 - 18:46 2

    Centrant l’intrigue de Scrabble (Mercure de France, 2019) sur les années qu’il passa au Tchad à la fin des années 70, Michaël Ferrier revient sur son "enfance éblouissante", les apprentissages sensoriels qui l’ont marqué autant que la guerre qu’il y a vue, dans sa violence indicible. Plongeant dans les spirales de la mémoire, l’auteur de Fukushima (Gallimard, 2012) décrypte ses souvenirs et rend hommage au pays qui l’a vu grandir. Celui qui dit venir d’une famille créole interroge la pluralité des points de vue, la rencontre entre les cultures et les oublis de l’enfance. Son ouvrage a la particularité d’un "mécanisme" : l’image du plateau de Scrabble, sur lequel les mots s’écrivent, et progressent.

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    A partir de cette étoile [au centre du Scrabble] centrale, tout le livre est construit un peu de cette manière : par promenades successives bifurcations, aléas...
    (Michaël Ferrier)

    L’auteur français, qui vit au Japon depuis presque trente ans, aborde les apprentissages qui émaillèrent ses jeunes années. Il évoque notamment l’importance de la sensation, et la façon dont il apprit à percevoir le monde. L’écrivain explore abondamment les goûts, les sons et les odeurs de son enfance.

    Par son écriture sensorielle, l’auteur de Scrabble diffracte les expériences qui façonnent notre perception et notre intellection. La plus traumatisante d’entre elles serait peut-être la guerre, et l’enfant qui est au centre du roman la rencontre de la façon la plus frontale qui soit : le bruit des balles, la chute des obus, l’ami à terre qui se vide de son sang.

    J’ai voulu montrer, décrire dans le livre, cet état d’enfance qui est un état d’ouverture, un état de disponibilité au monde [...] ; évidemment, à l’état adulte je dirais qu’on passe notre temps à retracer cet extraordinaire herbier de sensations que nous avons dans la vie.
    (Michaël Ferrier)

    J’ai eu une enfance plurielle [...] mais le Tchad a rappelé cela, a ouvert de nouvelles voies et, bien des années plus tard, quand je suis parti au Japon où je vis maintenant, celui-ci a ouvert, disons, d’autres galeries. [...] Il y a plusieurs façons de voir le monde, c’est ce que j’appelle la possibilité du pluriel.
    (Michaël Ferrier)

    Crédit France Culture


  • Viktor Kirtov | 23 septembre 2019 - 16:58 3

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    Ce récit initiatique d’une rare beauté restitue avec une minutie et une justesse infinies non seulement la « complexion » du réel aux yeux d’un enfant pour qui le monde est une totalité secrète, mais aussi le bonheur d’en traduire la splendeur et l’horreur passées avec des mots.

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    Camille Laurens
    Chronique dans Le Monde du 22/09/2019

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    L’intégrale de la chronique ICI (pdf)

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