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« La seule histoire » de Julian Barnes et Françoise d’Ormesson

Deuxième édition du Prix Jean d’Ormesson

D 7 juin 2019     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Julian Barnes est le lauréat 2019 du Prix Jean d’Ormesson avec son roman « La seule histoire » , décerné le 5 juin.

Tandis que le JDD du 26 mai, dressait un portrait de Françoise d’Ormesson évoquant la vie avec son mari à l’occasion de la deuxième édition du prix Jean d’Ormesson, un portrait aussi intitulé : « Sa seule histoire » . Le prix allait être décerné quelques jours plus tard, mais déjà Julian Barnes apparaissait comme favori avec son livre.

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Françoise d’Ormesson : sa vie avec Jean d’O
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Dans sa belle maison de Neuilly, une matinée de début de semaine. Elle se tient le plus souvent en retrait des médias. Elle parle pour parler de lui. Françoise et Jean d’Ormesson. Ils se sont mariés en 1962. Ils sont restés ensemble durant cinquante-cinq ans. Ils se sont souvent trompés, mais toujours aimés. Françoise d’Ormesson est assise à côté de moi, élégante, dans un canapé du rez-de-chaussée,« Ma fille et ma petite-fille me disent que je peux paraître hautaine et dure quand on ne me connaît pas. Je suis réservée, mais je ne suis pas dure. » Elle parle de Jean d’Ormesson sans mièvrerie. L’académicien est

L’ENFANCE Françoise d’Ormesson est l’une des trois filles de Ferdinand Béghin. Le patriarche autoritaire a été un célèbre industriel du sucre. Françoise est née entre Roselyne et Pascaline. « J’ai eu une enfance privilégiée sans être heureuse. Mon père était strict et sévère. Il était un grand capitaine d’industrie. Ses deux uniques passions étaient les affaires et les femmes. Ma mère a été malade jeune. Elle était souvent alitée. Je n’ai pas de souvenir de ma mère me prenant dans ses bras. J’étais très attachée à elle. Je me suis mariée la dernière. J’ai vécu avec ma mère jusqu’à l’âge de 24 ans. Elle est partie d’une crise cardiaque alors que j’avais 28 ans. J’étais en Suisse quand elle est morte chez elle. Je me suis précipitée, mais il était trop tard. Je n’ai pas pu être là, auprès d’elle. »

LA VIE AVEC JEAN De 1962 à 2017. Ils ont vécu ensemble durant cinquante-cinq ans.« Jean était la joie de vivre et la bonne humeur mêmes.

Tout n’a pas été un chemin de roses durant notre mariage.

« Jean ne supportait pas les obligations et les contraintes »

Mais Jean avait décidé que rien n’était tragique. Il transformait les choses les plus graves en choses les plus légères. Il réussissait à vous faire honte de votre propre angoisse. Combien de fois l’ai-je entendu dire : tout cela est ridicule, aucune importance, changeons de sujet. À chaque repas, il avait quelque chose d’amusant à me raconter. La vie avec lui était un rire continu. Nous parlions de tout, sauf de son travail d’écrivain en cours. Nous avions chacun notre caractère. Je suis déterminée et optimiste. Je ne suis pas indifférente.  »


Françoise d’Ormesson chez elle à Neuilly.
ÉRIC DESSONS/JDD ; - ·COLLECTION PARTICULIÈRE
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Sa seule histoire
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L’INFIDELITE Durant leur mariage, ils ont eu des liaisons amoureuses chacun de leur côté. « Je n’aurais pas pu vivre heureuse à ses côtés si j’avais pensé que la fidélité est le ciment du couple. La véritable fidélité est celle du cœur : la complicité, la tendresse, le respect. La sexualité et les sentiments sont parfois deux choses divergentes. Durant nos cinquante-cinq années de mariage, l’infidélité n’a jamais été un problème au sein de notre couple. Il n’en parlait pas, je n’en parlais pas. Je suis devenue amie avec certaines des femmes qu’il a aimées parce qu’elles m’étaient sympathiques. Mes aventures étaient de simples distractions, quand il y avait des bas dans notre couple. La période où il a été directeur du Figaro a été la plus pénible. Jean était soudainement de mauvaise humeur. Il n’était pas fait pour être directeur. Il détestait donner des ordres et commander les autres. Il ne supportait pas les obligations et les contraintes. Il était d’ailleurs contre le mariage en tant qu’institution. Jean avait une passion pour sa fille, mais il ne s’en est jamais occupé. Je suis devenue plus libre à son contact.  »


Françoise d’Ormesson avec Jean d’Ormesson devant la cathédrale San Donato à Arezzo en Italie.
ÉRIC DESSONS/JDD ; - ·COLLECTION PARTICULIÈRE
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LA VIE QUOTIDIENNE Ils se sont aimés dans une alchimie souvent incompréhensible aux autres. « Jean savait que j’avais fait de sa vie un jardin à la française. Je lui ai rendu le quotidien agréable. Jean ne savait pas faire cuire un œuf Je me souviens d’un matin où je conduisais ma fille, Héloïse, à Levallois-Perret. Elle passait son brevet. De son côté, Jean devait se rendre à l’Unesco à Bruxelles. Je lui ai dit : "Le plus simple est d’attraper le métro Porte-Maillot, de changer à Charles-de-Gaulle Étoile, puis de prendre la direction de la gare du Nord. Tu en as pour moins de trente minutes." Je suis allée conduire Héloïse et, à mon retour, j’ai retrouvé Jean devant la maison. Il était ivre de rage : "Tu ne m’avais pas djt que je devais changer de ticket à l’Etoile. "Jean avait raté son train et était revenu au point de départ. Nous nous disputions rarement, sauf quand je touchais à ses affaires. Il était désordonné alors que je suis ordonnée. Il ne fallait pas déplacer un seul de ses papiers. Avec lui, la maison était un réel foutoir. »

LE PRIX JEAN D’ORMESSON Le prix a été créé à la suite du décès de Jean d’Ormesson par la famille et les amis de l’académicien. Le jury, composé de gens qu’il aimait, sélectionne des romans qu’il aurait aimés. Françoise d’Ormesson en est la présidente. « François Nourissier a disparu de la mémoire collective. Je n’ai pas d’explication. Je ne pense pas que cela arrivera à Jean, mais je n’en sais rien. La littérature a été la grande passion de Jean. Il lisait essentiellement les classiques et beaucoup de poésie. Il aimait la philosophie et apprenait sans cesse des poèmes. Il lisait, relisait. Il s’intéressait peu à la littérature actuelle. Le dernier livre que je lui ai recommandé est Le Lambeau, de Philippe Lançon. Les derniers mois de sa vie, Jean avait appris par cœur un poème de Marguerite Yourcenar. Il·le récitait sans arrêt :»

L’HISTOIRE D’AMOUR Un roman magnifique. La Seule Histoire, de Julian Barries, est en lice pour le prix Jean-d’Ormesson. L’auteur en est persuadé : nous aurions un seul premier et véritable amour.

« Je serais aujourd’hui enchantée de disparaître.
La vie sans lui est morne »

Il déterminerait notre vie entière. Les autres relations ne pourraient se comprendre qu’en regard de ce premier amour. « Jean a été ma seule histoire. J’ai vu Jean changer au fil du temps. Il n’a cessé de s’améliorer, même physiquement. Sa voix est devenue plus posée et moins aiguë. Il a gagné en sérénité, même s’il n’a jamais été une nature angoissée. Je me souviens d’un dîner avec un ami psychiatre. Jean lui a demandé : pouvez-vous m’expliquer ce qu’est l’angoisse ? Je ne sais pas comment il était au plus profond de lui-même. Jean devait quand même connaître des moments de tourment. Je le voyais parfois déchirer, au bout d’une journée, tout ce qu’il avait écrit. »

LA CELEBRITE Jean d’Ormesson est devenu, peu à peu, une icône.« Dans les dernières années de sa vie, les médecins souhaitaient qu’il marche régulièrement. Nous allions nous promener ensemble, l’après-midi, dans le bois. Il était sans cesse arrêté pour un se/fie, une signature, une interview, un conseil. Il était presque devenu une rock star. Jean était heureux de voir les nouvelles générations s’intéresser à lui. Il notait que le temps où les jeunes gens allaient vers lui pour lui dire "ma grand-mère vous adore" était révolu. Les jeunes gens l’aimaient et le lisaient.  »

L’INDIFFERENCE Dans son Dictionnaire amoureux de Jean d’Ormesson (Pion), Jean-Marie Rouart pointe chez l’académicien une faculté à être indifférent sans le montrer. Françoise d’Ormesson se rappelle surtout l’enchanteur. « Jean était indifférent dans le sens où il ne faisait pas d’effort avec les gens qui ne l’intéressaient pas. Il n’était pas w1 mondain. Il détestait sortir, il détestait la mondanité. On recevait régulièrement, mais un cercle restreint d’amis. Jean était comme un poisson dans l’eau dans tous les milieux. Il avait une grâce. Il savait mettre les gens à l’aise. Quand on était parmi une petite foule, je lui désignais une personne en lui disant : elle ne t’aime pas. Au bout d’à peine cinq minutes, Jean ne pouvait s’empêcher de partir à sa conquête. Ils devenaient aussitôt les meilleurs amis du monde. Il séduisait tout le monde. Jean aimait réellement les femmes. Il avait aimé travailler avec des femmes à /’Unesco. La misogynie lui était totalement étrangère. Il ne pouvait même pas comprendre que l’on soit misogyne. »

LA POLITIQUE Françoise et Jean d’Ormesson ont toujours été liés à Nicolas Sarkozy. « Héloïse est plus à gauche que moi et moi je suis moins à droite que Jean. Nicolas et Jean avaient un vrai lien amical. Leur amitié est née de la littérature. Nicolas nous a invitées, Héloïse et moi, à déjeuner tout récemment. Durant le déjeuner, nous avons parlé exclusivement de littérature. Nicolas n’a parlé que de ses lectures. Les gens qui m’intéressent sont ceux qui sont les mêmes dans la vie privée et dans la vie publique. Il n’existait pas de décalage entre Jean en privé et Jean en public. En rentrant un jour de Brive en train, avec Héloïse, Jean a tenu à aller saluer le cheminot qui conduisait le train. Il aimait être aimé.  »

L’ECRIVAIN DU BONHEUR Il a incarné en France, comme peu de romanciers, un certain bonheur de vivre. « La grande et seule blessure de sa vie reste son père. Jean est parti un temps avec l’épouse de son cousin germain. Son père est mort en pensant que son fils était un bon à rien. Le regard paternel a été déterminant dans la vie de Jean. L’Académie et Le Figaro ont aussi été là pour combler les espoirs que son père avait placés en lui. Jean n’éprouvait pas de culpabilité vis-à-vis des autres, mais il en a éprouvé vis-à-vis de son père. Jean n’a jamais cherché de figure paternelle, mais les autres ont souvent cherché une figure paternelle en lui.  »

LA VIE SANS JEAN Françoise d’Ormesson ne cache pas, aujourd’hui, sa difficulté à vivre sans lui. « Ma fille, Héloïse, et ma petite fille, Marie-Sarah, sont là. Mes amies sont présentes. J’ai essentiellement des amies femmes car je ne crois pas en l’amitié entre hommes et femmes. Il y en a toujours un qui est amoureux de l’autre. Je n’imagine pas un seul instant la vie que j’aurais pu avoir si je n’avais pas rencontré Jean. Je ne me demande pas ce que j’aurais fait en dehors de lui, mais je me demande ce que j’aurais fait sans lui. Il a été ma seule histoire. Depuis sa mort, la vie a cessé d’être légère. J’ai perdu, à un mois d’intervalle, ma sœur Pascaline et Jean. Depuis, je tiens, mais je tiens difficilement. Nous avons dispersé les cendres de Jean à Venise. Nous avons pris un bateau et sommes allés devant la douane de mer. Nous avons jeté un crayon et un bouquet de fleurs. J’y retourne demain. Je serais aujourd’hui totalement enchantée de disparaître. La vie sans Jean est morne. Je tente de la rendre douce pour Héloïse et Marie-Sarah. J’écoute des interviews de Jean. Je ne veux pas perdre sa voix. Je n’ai jamais envisagé sa mort, même lorsqu’il était malade. Mes derniers souvenirs heureux seront à jamais liés à lui. La foi est un réconfort, mais je m’interroge. Quand et comment vais-je retrouver Jean ? »

PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-LAURE DELORME

Crédit : Le JDD


Julian Barnes reçoit le deuxième prix Jean d’Ormesson
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Le deuxième prix Jean d’Ormesson a été décerné au Britannique Julian Barnes pour son roman "La seule histoire" (Mercure de France)


L’écrivain britannique Julian Barnes à Cologne (23 mars 2019) (HENNING KAISER / DPA / AFP)
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L’écrivain britannique Julian Barnes a reçu mercredi 5 juin le prix Jean d’Ormesson pour son romanLa seule histoire, roman poignant sur les cicatrices que laissent dans le coeur un premier amour.

"Un premier amour détermine une vie pour toujours : c’est ce que j’ai découvert au fil des ans. Il n’occupe pas forcément un rang supérieur à celui des amours ultérieures, mais elles seront toujours affectées par son existence", écrit le romancier âgé de 73 ans, toujours très affligé par la disparition brutale de son épouse Pat Kavanagh en octobre 2008.

Publié par le Mercure de France en octobre et traduit de l’anglais par Jean-Pierre Aoustin, ce livre témoigne qu’"il vaut mieux souffrir par amour que de ne pas aimer", résume l’éditrice Héloïse d’Ormesson, fille de l’académicien et créatrice du prix qui porte son nom.


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"L’éducation sentimentale" d’un jeune britannique

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"Mon père adorait l’esprit de Julian Barnes", a confié à l’AFP Héloïse d’Ormesson. Les deux hommes ont partagé notamment la même passion pour Gustave Flaubert.

A sa façon,La seule histoirepeut se lire commeL’éducation sentimentale d’un jeune Britannique.

Le roman (272 pages, 22,80 euros) raconte la passion entre Susan, une femme de 48 ans mariée à un homme violent et Paul, un jeune homme de 19 ans. Malgré leurs différences, Susan et Paul vont découvrir ensemble l’amour pour la première véritable fois.

Leur liaison va évidemment choquer mais les deux amants n’en ont cure. Leur amour va perdurer jusqu’à ce que Susan sombre dans une profonde dépression et l’alcoolisme. L’amour qui avait tout embrasé s’éteint doucement. Paul,"pas armé pour ce genre de situation",quitte Susan, vit d’autres aventures.

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Un prix créé l’an dernier

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Devenu vieux, Paul, narrateur de cette histoire belle et cruelle, va s’efforcer de dresser le bilan de sa relation avec Susan, son premier amour. Le jeu en valait-il la chandelle ?"Un premier amour cautérise le coeur et tout ce qu’on pourra trouver ensuite, c’est une large cicatrice", constate Paul/Barnes avec mélancolie.

Créé l’an dernier, le prix Jean d’Ormesson compte parmi les plus originaux des prix littéraires. "Ni l’époque, ni la langue, ni le genre n’entraveront le choix des douze jurés. Seuls leurs goûts, leur complicité et une certaine forme d’affinité élective guideront leur sélection", avait prévenu Héloïse d’Ormesson au moment de sa création.

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Les finalistes étaient :

- Le Pont sur la Drina, d’Ivo Andric (Le Livre de Poche/Belfond)
- La seule histoirede Julian Barnes (Mercure de France)
- Nancy Mitford, la dame de la rue Monsieur de Jean-Noël Liaut (Allary)
- Pedro Paramo de Juan Rulfo (Folio/Gallimard)
- Faut-il tuer les petits garçons qui ont les mains sur les hanches de San-Antonio (Fleuve Noir/Pocket)

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Le jury

Présidé par Françoise d’Ormesson, veuve de Jean d’Ormesson, le jury réunit Dominique Bona, Marie-Sarah Carcassonne, Gilles Cohen-Solal, Teresa Cremisi, Marc Fumaroli, Dany Laferrière, Héloïse d’Ormesson, Erik Orsenna, Malcy Ozannat, Jean-Marie Rouart et François Sureau.

Créée à la suite du décès, le 5 décembre 2017, de Jean d’Ormesson, cette récompense littéraire rend hommage à l’académicien et à son plaisir de lecture.

Le lauréat du premier prix Jean d’Ormesson a été ainsi l’an dernier l’écrivain Jacques Stephen Alexis, météore des lettres haïtiennes et militant communiste, probablement assassiné par des sbires du dictateur François Duvalier en avril 1961 à l’âge de 39 ans.

Crédit :
Francetvinfo.fr
Livreshebdo.fr

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