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Sollers ou le clavecin dans tous ses états

Domenico Scarlatti / Scott Ross/ Gustav Leonhardt...

D 16 août 2018     A par Viktor Kirtov - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Philippe Sollers nous fait partager son amour du clavecin dans la série "Jeu de l’ouïe", enregistrée à la radio il y a tout juste 30 ans !

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Feu d’artifice du verbe sollersien en ce 15 août, autour du clavecin. C’est ICI :

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Domenico Scarlatti / Nuit Scarlatti France Musique 2018, © Radio France
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Et puis Scarlatti...Domenico ! Clavecin furieux, passion sèche...Mort à Madrid (tiens, tiens) en 1757... Tourbillons, soubresauts d’abîmes... Vrillages du nerf... Commotion claquée... Feu de joie...

Philippe Sollers

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Philippe Sollers, © Getty / Jean Pimentel
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Archive INA 1988 - Jeu de l’Ouïe : Philippe Sollers aime le clavecin

On connaît les liens très forts qui unissent Philippe Sollers à la musique en général. On ignore un peu plus ceux qui l’unissent au clavecin en particulier. Dans cette série d’émissions intitulée Philippe Sollers aime le clavecin, il s’en donne à cœur joie, à grands renforts de raccourcis, de paradoxes et de formules fulgurantes pour nous donner la jubilation et l’alacrité que lui procure le répertoire de cette musique. Scarlatti est bien entendu au cœur du sujet, sans oublier les œuvres de Bach, Couperin, Rameau ainsi que le diabolique Fandango de Boccherini, compositeur mort lui aussi à Madrid, comme Scarlatti.

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D’autres interventions de Sollers sur le clavecin

La citation de Sollers en exergue est extraite de Femmes, 1983. La voici dans son contexte :

Il me fait écouter le morceau qui est, selon lui, la meilleure bande musicale pour Sade... La casa del diavolo de Boccherini, ... Un truc flamboyant dramatique, tout en spirales, de la dernière violence... Boccherini... Méconnu... Mort à Madrid en 1805... Et puis Scarlatti... Domenico ! Clavecin furieux, passion sèche... Mort lui aussi à Madrid (tiens, tiens) en 1757... [...] Tourbillons, soubresauts d’abîmes... Vrillage du nerf... Commotion claquée... Feu de joie... Scarlatti ! Un dieu ! La lettre écarlate !

Philipppe Sollers,
Femmes

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Les femmes de Femmes  :

Kate, journaliste politique française ; Cyd, Anglaise vivant à New York ; Flora, anarchiste espagnole ; Bernadette, dirigeante féministe ; Ysia, Chinoise attachée d’ambassade ; Louise, une claveciniste ; Deborah, la femme du narrateur... Telles sont les femmes de Femmes.

Le narrateur, un journaliste américain, nous dit tout sur elles, mais sa réflexion embrasse l’évolution du monde, ces dix dernières années : pouvoir féminin, érotisme, crise, terrorisme, idées et passions des intellectuels. Rien de plus actuel que ce vaste roman.

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Les 120 journées de Sodome :

Sade est au clavecin, il improvise, il fait monter les mots, il compose, en vrai musicien baroque (c’est un génie baroque), une Suite française, à la Bach. Quel charme, quelle fraîcheur. "

Philippe Sollers

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Les Folies Françaises et le clavecin

Les Folies Françaises (Gallimard, 1988), est un hommage à la littérature et à la langue françaises, Paris, Versailles, ainsi qu’à la peinture et à la musique… L’une des pièces de Couperin, pour clavecin, donne son titre à l’ouvrage.
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Le clavecin cosmique

Pour vous, « Dieu n’existe pas », mais « il rebondit »... Êtes-vous croyant par esthétisme ?

Dieu comme « rebond » me paraît une définition accessible. Elle correspond à la mécanique quantique, qui voit le multivers comme un effet de « cordes ». Cet aspect m’enchante, puisqu’il peut être considéré comme un clavecin cosmique.

Propos recueillis par Emmanuelle de Boisson
pour Putsh Media, 5 mars 2018
dans une interview de Philippe Sollers, à propos de son roman Centre.

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Dans L’Ecole du Mystère

Quoi que je fasse, Fanny me donne une mauvaise note […] Inutile de luifaire entendre, au clavecin, le grand François Couperin, et ses très mystérieuses Barricades mystérieuses. Je tente le coup : elle trouve ça barbant, son visage se plombe, elle s’endort.

Philippe Sollers
L’Ecole du Mystère

Ou aussi :

Fanny me trouve vieux, démodé, dinosaure, incapable de faire fonctionner un smartphone, une tablette, un ordinateur. Je sais lire ? Et alors ? Si elle voulait, elle pourrait tout lire, elle a des dizaines de livres classiques mémorisés. Ses appareils sont très cultivés, mais elle n’a pas le temps de s’en approcher, toujours des messages à déchiffrer, à envoyer, à tweeter. En cas de nécessité, il y a d’excellents résumés sur Google. Elle a son blog, comme tout le monde. Si vous prenez un verre avec elle, elle n’arrête pas de consulter ce qui s’écrit. Vous n’êtes plus devant quelqu’un, mais devant une affiche parlante. Ce n’est plus du clavecin tempéré, mais du clavier explosé.

Philippe Sollers
L’Ecole du Mystère

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Sur Leonhardt

Dans sa collection L’Infini, Philippe Sollers a publié le livre de Jacques Drillon
« Sur Leonhardt », l’éminent claveciniste et chef d’orchestre néerlandais Gustav Leonhardt (1928-2012)

[2009], 208 pages, Collection L’Infini, Gallimard.

sur amazon.fr

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Domenico Scarlatti - K.185 /K.184 - Gustav Leonhardt

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Les 555 sonates de Scarlatti le temps d’un festival

En juillet 2018, le Festival Radio France s’est lancé dans une folle aventure  : programmer l’intégrale des sonates de Domenico Scarlatti, interprétées par 30 clavecinistes au fil de 35 concerts dans toute la région Occitanie.


Une partition d’une des sonates de Scarlatti , © Getty / DEA / A. DAGLI ORTI
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SCOTT ROSS

Scott Ross disait : « J’ai enregistré les 555 sonates de Scarlatti. Il ne fallait aucune patience pour ça ». Le musicien n’était peut-être pas patient, mais sa persévérance, elle, a payé, car il reste à ce jour le seul claveciniste à avoir enregistré l’intégrale des sonates de Scarlatti. C’était en 1985. Scott Ross a pris plus d’un an pour tout enregistrer, au studio 107 de la Maison de la Radio ainsi qu’au château d’Assas, dans l’Hérault, un lieu auquel il était tellement attaché qu’après sa mort prématurée à 38 ans, ses cendres ont été dispersées dans le parc.

Il était une fois un claveciniste génial qui avait subjugué les mélomanes par son enregistrement des 555 sonates de ­Domenico Scarlatti. C’était en 1988, il s’appelait Scott Ross et devait mourir un an plus tard. « La découverte de cet enregistrement m’a rendu littéralement dingue  !, se souvient Marc Voinchet, directeur de France Musique. Pour moi, il y a eu un avant et un après. » Et de saisir son téléphone mobile dont la « playlist » déroule cette mémorable intégrale dans laquelle il puise sans modération, « jour et nuit, selon l’humeur… »


Le claveciniste Frédérick Haas. / Eden Drummond
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Marc Voinchet confie à Frédéric Haas, claveciniste, le soin de répartir l’intégrale des sonates de Domenico Scarlatti entre les mains de trente interprètes mobilisés pour le projet Scarlatti 555. En trente-cinq concerts investissant douze lieux différents (dont le Château d’Assas dans l’Hérault, où Scott Ross enregistra une partie de la première intégrale chez Erato) ont sonné sur le clavecin, du 14 au 23 juillet, les 555 sonates du maître italien.

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Plaque commémorative à Assas
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Fils du grand Alessandro, Domenico Scarlatti (1685-1757), napolitain d’origine, est engagé en 1720 à Lisbonne au service de l’Infante d’Espagne Maria-Barbara. Il la suivra à Séville d’abord, durant quatre ans, puis à Madrid où Maria-Barbara devient reine d’Espagne. C’est pour elle qu’il écrit une bonne partie de ses sonates, avec une liberté de ton et un sens de la couleur qu’il puise certainement à la source de la terre ibérique. Redoutées des claviéristes pour leur difficulté inouïe, ces 555 Sonates surprennent par l’audace de leur écriture et leur insolente virtuosité. C’est la première fois que le Palais de justice de Perpignan accueille en ses murs une manifestation musicale. Micros et caméras y sont installés pour capter les trois concerts du jour, qui seront ensuite tous disponibles sur YouTube.

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Crédit : Michèle Tosi , www.resmusica.com
et Emmanuelle Giuliani , www.la-croix.com/.

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SCARLATTI 555. L’affiche.

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L’équipe de l’émission :
• Martin Mirabel Production
• Marie Grout Réalisation

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Scott Ross, claveciniste rebelle et légendaire

Musicien atypique aux multiples facettes, claveciniste érudit à l’allure de rockeur, homme de nature imprévisible et en éternelle quête de reconnaissance, Scott Stonebreaker Ross a révolutionné le monde du clavecin.


Scott Ross, © Getty / Jacques Sarrat
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Nonchalant et insouciant - son style de beatnik à lunettes rappelant John Lennon - souvent, il arrivait sur scène, contemplait patiemment son public et hochait la tête, avant de s’asseoir au clavecin... On pouvait à juste titre être surpris de voir ce personnage arriver sur scène et jouer les œuvres de Couperin, Rameau, Scarlatti, ou Bach, avec une telle précision, délicatesse, et élégance, des qualités qui ont fait de lui l’un des plus grands claveciniste de sa génération... Mais qui était cet homme improbable, dont la présence et l’influence sont omniprésentes encore aujourd’hui ?

Né à Pittsburgh en 1951, Scott Stonebreaker Ross arrive en France à l’âge de treize ans avec sa mère. Orphelin à 17 ans, il tracera fièrement et éternellement sa propre voie. Malgré son image de non-conformiste - ou peut-être précisément à cause de cette image - il devient au cours de sa vie le prince héritier du clavecin. Ostensiblement confiant, bien qu’à la recherche d’une reconnaissance éternelle, il se forge lors de sa courte carrière la réputation d’un musicien intrépide qui ose affronter les plus grands défis et bouleverser les traditions.


Cherchez l’intrus

Un look décontracté et un esprit rebelle novateur, grand admirateur de la musique de Brian Eno et de Nina Hagen, Scott Ross fuit toute association avec les interprètes baroqueux stéréotypés en chemise et cravate. Le “bad-boy” à la veste en cuir devient l’iconoclaste du clavecin : son image attire progressivement un nouveau public au concert, public qui n’aurait peut-être jamais auparavant exprimé quelconque intérêt pour cet instrument.

Au delà de son apparence, Scott Ross déroute également son public par son détachement et ses poses désinvoltes sur les pochettes de ses albums (ex : son enregistrement des œuvres d’Antonio Soler). Il admet même en entretien qu’avant de monter sur scène il se demande souvent s’il ne serait pas plus heureux dans un bureau en train de taper des lettres. Quand on lui demande pourquoi, finalement, il continue à jouer, il répond tout simplement : « Parce que je sais le faire ».

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Un métier comme un autre, et pourtant…

Et quand on lui demande s’il ressent une émotion lors d’un concert, Scott Ross répond de manière honnête et brutale : « Pas du tout [...] J’exerce mon métier et je suis préoccupé par les réactions du public ». Il était d’avis qu’on ne vient pas pour voir les larmes de l’artiste mais plutôt admirer une œuvre qui en arrache, une idée à l’origine du philosophe et critique d’art Denis Diderot. « Plus tu veux que ça sonne libre, plus il te faudra calculer comment tu vas te débrouiller pour que ça sonne libre », disait Scott Ross à ses étudiants lors de ses douze années d’enseignement à l’université Laval de Québec (1971-1983).

Derrière cette image de rebelle boudeur se cachait en réalité un perfectionniste timide et modeste. Il passait des soirées et nuits entières à répéter et se perfectionner. Scott Ross admet lui-même que cette image fut construite volontairement afin de déstabiliser et choquer les publics « bourgeois » .

Il était si perfectionniste qu’il fut critiqué par ses étudiants qui le jugeaient de la vieille école, reprochant leurs approches musicales trop libérales : « Essayez de jouer comme le maître et si vous y arrivez... Ce ne sera déjà pas trop mal... ». Un rebelle qui s’en tient aux règles, quelle ironie...

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L’authenticité, mais en modération

Bien que Scott Ross prônait une approche intelligente et rigoureuse de la musique, il rejette néanmoins l’authenticité musicologique, car « on ne sait jamais où s’arrêter ». Comme a dit le claveciniste Gustave Leonhardt, on ne peut pas être à la fois authentique et convaincant. Mais cette approche ouverte d’esprit n’empêche pas Scott Ross de critiquer les jeux musicaux de ses contemporains, notamment Horowitz, Landowska, Maria Tipo, et même Gould ( « il n’a rien compris à Bach »).

On ne peut tout de même pas se contenter de dire : « Je n’aime pas le clavecin » ou « il n’a pas assez de possibilités ». C’est idiot ! Ce qu’il faut retrouver, c’est le processus créatif de Bach, et cela seul le clavecin le permet.

Selon Scott Ross, l’authenticité absolue était impossible, mais connaitre et comprendre l’instrument pour lequel écrivait un compositeur était non seulement possible, mais d’une importante primordiale,

© Getty / Jacques SARRAT
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Claveciniste mal-tempéré

Le look de rebelle fut peut-être une façade construite, mais l’attitude était certainement authentique. Un jour qu’il était introuvable quelques minutes avant un concert, Scott Ross arrive finalement en retard par l’entrée du public, monte sur scène et se met après plusieurs minutes au clavecin, un geste délibérément impertinent cherchant une réaction chez son public.

En 1985 au Festival d’Aix en Provence, il reste assis devant son clavecin les bras croisés tant qu’un vrai tabouret de pianiste n’est pas trouvé pour remplacer la petite chaise en bois mise à sa disposition. Pourquoi serait-il obligé de se contenter d’une chaise pour la simple et bonne raison que son instrument est un clavecin ? Capricieux ? Possible, mais Scott Ross se battra toute sa vie pour la reconnaissance de son instrument, qu’il estime méritée.

Pourquoi devrait-il se contenter de moins pour la simple et bonne raison qu’il joue du clavecin ? Scott Ross consacrera sa vie à se faire respecter…,

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Scott Ross, à la rescousse…

Parmi les premiers à se consacrer pleinement et exclusivement au clavecin, Scott Ross devient son plus grand défenseur. La pire des idées reçues à ses yeux est celle que les pianistes ratés se font clavecinistes. Il cherche sans cesse à protéger un instrument subtile et vivant, souvent mal représenté dans un monde où « on est assailli par les sirènes des voitures de police et par les violonistes qui scient leur instrument en deux [...] il est sûr que cette subtilité est plus anachronique que jamais ».


dessin de Benoît Monneret <benoit.monneret@gmail.com>
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Pire encore, ces compositeurs qui écrivent pour l’instrument baroque sans être pour autant capable de distinguer entre un clavecin et un « moteur diesel » disait Scott Ross. Contraint d’interpréter les œuvres (d’une qualité parfois douteuse) de compositeurs lors de ses études aux conservatoires de Nice et de Paris, il se rend compte de l’état attristant du clavecin au XXe siècle notamment aux yeux des compositeurs et interprètes de musique contemporaine. Il déplore le fait que les clavecinistes contemporains soient obligés d’être également pédagogues ou musicologues afin de gagner leurs vies : « Je me mets à part, car j’ai beaucoup de concerts et peu de besoin d’argent ».

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Un homme aux multiples passions …

Scott Ross est un homme passionné aux goûts simples : « Je ne vis pas que pour la musique », déclare-t-il. Sa maison à Assas ne ressemble pas celle d’un musicien dévoué au baroque ; le clavecin souvent fermé est recouvert de passions plus récentes. Éleveur passionné d’orchidées, intéressé uniquement par les croisements les plus étranges et inhabituels, il est également un géologue averti, un curieux de l’informatique mais encore charpentier talentueux, photographe, tricoteur vorace et un amoureux des chats.

C’est sans doute l’origine de mon style, de la « pulsion » que je tente de donner à mon jeu [...] Je pense que le fait de ne pas me consacrer entièrement à l’instrument, de vivre d’autres passions, permet cela.

_ Scott Ross appréciant l’air frais d’Assas, chez lui de 1981 jusqu’à sa mort en 1989, © Getty / Jacques SARRAT
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Feignant, mais à sa façon

_ Scott Ross en train d’enregistrer les 555 sonates Domenico Scarlatti, au studio 107 de Radio France le 4 décembre 1985, © Radio France / Roger Picard
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Certes passionné, la vie de Scott Ross est néanmoins régie par une seule règle : « La loi du moindre effort ». Si l’idée de faire de la musique de chambre lui plait, le seul fait de devoir chercher des partenaires et de répéter régulièrement avec eux lui pose problème. Intrigué un temps par la musique de film et la musique électro-acoustique, il se sent dépassé par les problèmes techniques à maîtriser - l’idée est donc écartée. Même l’envie de jouer du piano demeure une simple idée, puisqu’il est incapable de trouver la motivation pour gagner l’argent pour s’acheter l’instrument, louer un appartement suffisamment grand où le stocker, et encore moins la patience de gérer les plaintes des voisins.

Ma paresse était moins celle d’un fainéant que celle d’un homme indépendant qui n’aime à travailler qu’à son heure.


dessin de Benoît Monneret <benoit.monneret@gmail.com>
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Effectivement, à son heure Scott Ross produisit une discographie foisonnante, notamment les œuvres complètes pour clavecin de Rameau et Couperin. En 1984, alors qu’il est atteint de complications liées au nouveau virus du SIDA, il relève le plus grand défi de sa carrière : enregistrer les 555 sonates de Domenico Scarlatti, un projet nécessitant 98 séances d’enregistrement, 8000 prises et plus d’un an d’engagement. Espérant maintenir le rythme ambitieux d’enregistrer les œuvres complètes pour clavecin des compositeurs baroques, Scott Ross est interrompu dans sa course en 1989, succombant à sa maladie, entouré de ses orchidées et de ses chats à Assas.

Par Léopold Tobisch
Crédit : www.francemusique.fr

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Domenico Scarlatti : 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le compositeur aux 555 sonates

Voyageur, chevalier et musicien dévoué à la princesse Maria Barbara de Portugal, la personnalité de Domenico Scarlatti est aussi haute en couleurs que ses 555 sonates.


Portrait du compositeur Domenico Scarlatti (Naples, 1685 - Madrid, 1757)., © Getty
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De Domenico Scarlatti (à ne pas confondre avec son père, Alessandro) on connaît surtout les 555 sonates, la plus grande oeuvre pour clavecin de l’histoire de la musique.

Scarlatti leur a-t-il dédié toute sa vie ? Non, évidemment. Depuis sa naissance en 1685 à Naples jusqu’à sa mort en 1757 à Madrid, en passant par Venise, Rome, Lisbonne ou Séville, le compositeur en a vu, du pays. Il en a entendu, des musiques.

Voici donc 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur Domenico Scarlatti et qui ne concernent pas (ou presque pas) ses fameuses sonates !

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Né la même année que Bach et Haendel

L’année 1685 est un bon cru : le 23 février naît Georg Friedrich Haendel, le compositeur de la fameuse Sarabande, et près d’un mois plus tard, le 31 mars, c’est au tour du non moins célèbre Jean-Sébastien Bach de voir le jour en Allemagne, à Eisenach.

Quant à notre Domenico Scarlatti, il vient au monde à Naples, le 26 octobre de la même année, sixième enfant du couple formé par Antonia Anzalone et Alessandro Scarlatti (compositeur lui aussi, plus connu pour ses opéras).

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L’ami de Haendel

Haendel et Scarlatti se rencontrent à Venise, au tout début du XVIIIe siècle. Ils ont exactement le même âge, et partagent une même ambition et une même passion dévorante pour la musique. Les voilà bien servis, puisque Venise est une foisonnante capitale culturelle, sur laquelle règne Antonio Vivaldi.

Les deux amis se retrouvent ensuite à Rome, où l’on rapporte qu’ils se livrent à d’impressionnantes compétitions musicales. Le plus célèbre de leurs duels reste celui organisé par le cardinal Ottoboni, à l’issue duquel Haendel semble s’être démarqué à l’orgue, tandis que Scarlatti aurait davantage brillé au clavecin.

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Scarlatti au Vatican

On oublie parfois que Domenico Scarlatti était d’origine napolitaine, car son incroyable ascension auprès de l’infante Maria Barbara, au Portugal puis à la cour d’Espagne (où il se faisait même appelé Domingos Escarlati) nous ferait presque croire qu’il était en Italie un parfait inconnu.
Pourtant, c’est bien dans la péninsule italienne que Domenico a lancé sa carrière musicale. A 17 ans, il est déjà compositeur de la Chapelle royale de Naples. Entre 1709 et 1719, il se fait un nom à Rome en composant aussi bien des opéras que des oeuvres religieuses. On le croise dans les salons de l’aristocratie locale ou entre les murs du Vatican, et en 1715, il est même nommé maître de la chapelle Saint-Pierre.

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Une vie bien mystérieuse

10 (petites) choses sur Scarlatti, cela peut paraître peu, mais c’est en fait beaucoup - au vu, en tout cas, des minces éléments dont nous disposons. Car de sa vie et de sa personnalité, on ne connaît finalement pas grand chose…
Seulement quelques unes de ses lettres nous sont parvenues, et ce n’est pas dans la correspondance de ses contemporains que l’on peut trouver davantage d’indices : Scarlatti n’y est presque jamais mentionné… Le compositeur semble avoir mené une vie bien discrète. Ou peut-être pas ? On ne le saura jamais.

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La princesse Maria Barbara

L’infante Maria Barbara de Portugal n’est pas le grand amour de Domenico Scarlatti (même si on pourrait le supposer, tant Scarlatti lui est resté fidèle [1]), mais une chose est sûre : elle a été sa bienfaitrice et c’est notamment à sa demande qu’il a composé la plupart de ses sonates.

Scarlatti a d’abord été le maître de musique de Maria Barbara, à Lisbonne, dans les années 1720. Puis il la suit jusqu’en Espagne : à Séville, d’abord, puis à Madrid, où Maria Barbara est faite reine en 1746 après avoir épousé en 1729 le prince Ferdinand, futur roi espagnol.

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A la cour avec Farinelli

Il est un autre musicien que la reine Maria Barbara adore : Farinelli, le célèbre castrat. Elle le rencontre à Madrid, où le chanteur exerce ses talents auprès du roi Philippe V. L’anecdote est bien connue : alors que le souverain espagnol sombre peu à peu dans la folie, il retrouve chaque soir la sérénité et le sommeil en écoutant Farinelli lui chanter les mêmes airs, parmi lesquels Pallido il sole de Johann Adolph Hasse.

Après le couronnement de Ferdinand et Maria Barbara, en 1746, Farinelli gagne en responsabilité. Il est nommé responsable des opéras de la cour et, sous sa direction, les spectacles se font de plus en plus grandioses. Scarlatti, lui, reste à l’écart de tout ce faste musical, probablement absorbé par la composition de ses 555 sonates.

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Chevalier de Saint Jacques

Chevalier ? Scarlatti ? Mais oui, et il en tirait même une immense fierté. Car il faut bien se figurer que l’ami Domenico est né au sein d’une famille certes respectée, mais pas noble non plus. Alors quand à l’âge de 53 ans, il est fait chevalier de Saint Jacques par Jean V, roi du Portugal, il s’agit pour lui d’une belle revanche !

C’est d’ailleurs au roi Jean V que Scarlatti dédie son premier recueil de pièces pour clavecin, en 1738. La musique comme monnaie d’échange et le statut social avant tout : si les réelles motivations de Scarlatti nous sont inconnues, on peut en tout cas constater que ses descendants ont pris davantage de soin à conserver les documents relatifs à sa chevalerie plutôt que ses partitions.

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Un peu trop joueur ?

« Farinelli [ndlr : dans ses écrits] laisse entendre que Scarlatti était joueur, un joueur invétéré » fait remarquer Alain de Chambure dans son catalogue analytique des Sonates. Le compositeur joue, mais perd beaucoup, et c’est pour aider son protégé à rembourser ses dettes que la reine Maria Barbara lui aurait passé commande de sonates.
Scarlatti aurait donc échangé ses petites pièces pour clavecin contre monnaie - ce qui expliquerait leur format court et leur grand nombre. Mais ce n’est là qu’une hypothèse parmi d’autres…


Détail du tableau "La Famille de l’infant Don Louis de Bourbon" peint par Francisco de Goya en 1784. Au XVIIIe, les jeux d’argent se généralisent et se retrouvent aussi bien dans la rue que dans les beaux salons., © Getty
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Dans l’ombre de son père

Le père de Domenico, Alessandro Scarlatti, lui aussi compositeur, semble avoir dirigé toute la première partie de la vie de son fils. C’est lui qui lui apprend la musique, lui trouve ses premiers postes, l’envoie à Venise puis à Rome. Lorsque ce père autoritaire meurt en 1725, Domenico a 40 ans et s’autorise (enfin) à voyager, se marier et fonder sa propre famille.

Le Scarlatti que nous nous figurons aujourd’hui - auteur de 555 sonates et compositeur à la cour d’Espagne - ne naît véritablement qu’en 1725, après la mort de son père Alessandro.

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Une dernière oeuvre religieuse

Domenico Scarlatti s’est consacré à ses fameuses 555 sonates dans la seconde partie de sa vie, mais sa dernière composition n’est pas pour autant dédiée au clavier. Elle est une prière à la Vierge Marie, un Salve Regina pour soprano et instruments à cordes, achevé en 1756, un an tout juste avant sa mort.

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Une toute dernière oeuvre qui fait écho à l’ensemble de ses compositions vocales : car avant sa période espagnole et ses 555 sonates, Scarlatti a notamment composé une quinzaine d’opéras (mais peu d’entre eux nous sont parvenus), deux Miserere, un Stabat Mater à dix voix, un Magnificat… Domenico Scarlatti est donc un des plus grands maîtres du clavier, mais aussi un compositeur immensément prolifique.

Nathalie Moller
France Musique


[1en fait, elle n’avait rien pour inspirer l’amour, elle était très laide – note pileface

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