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L’entrée à l’Académie française et en loge maçonnique de Voltaire

contée par Amin Maalouf dans "Un fauteuil sur la Seine"

D 9 juin 2018     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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Dans son livre Un fauteuil sur la Seine / Quatre siècles d’histoire de France, Grasset, 2016, il raconte la vie et les aventures des dix-huit personnages qui se sont succédé au 29e fauteuil de l’Académie française (celui d’Amin Maalouf), depuis 1634. Deux de ses prédécesseurs, le cardinal de Fleury (et aussi ministre de Louis XV [1]) et le cardinal de Luynes ont croisé Voltaire, alors qu’il briguait l’Académie française, et pour le second, aussi lors de son initiation à la loge maçonnique dite des « Neuf-Sœurs ».

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Autour de l’entrée de Voltaire à l’Académie française

[…] Le marquis de Condorcet, qui détestait le cardinal de Fleury et vénérait le philosophe, auquel il a consacré une remarquable biographie, se montrait agacé par cette relative bienveillance. Son explication : « Voltaire était assez lié avec lui, parce qu’il était curieux de connaître les anecdotes du règne de Louis XIV, et que Fleury aimait à les conter. » Se dépêchant d’ajouter que celui-ci fut, pour le philosophe, moins un protecteur qu’un persécuteur caché ».

Cette dernière observation évoque un trait de caractère que tous les détracteurs de Fleury lui reprochent, parfois de manière explicite, et parfois entre les lignes, l’accusant également de l’avoir inculqué à son royal pupille : la dissimulation. Il est difficile de ne pas donner foi à tant de témoignages concordants ; mais il est vrai aussi qu’un tel vice ne devait pas être rare parmi ceux qui fréquentaient la cour.

Plus sérieuse est cette autre accusation que formule Condorcet : Fleury avait voulu empêcher les Français de parler et même de penser, pour les gouverner plus aisément. » De fait, le cardinal n’hésitait pas à faire preuve de sévérité dès qu’il flairait un parfum d’insoumission à l’Église ou à l’autorité royale. Il sévit contre les jansénistes, qui prônaient une vision austère de la religion et se montraient méfiants à l’égard de l’absolutisme. En 1731, il ordonna la fermeture du Club de l’Entresol, qui regroupait une vingtaine de lettrés et se réunissait le samedi soir dans un hôtel particulier de la place Vendôme pour discuter librement des réformes sociales et politiques ; ce cercle, inspiré d’une tradition anglaise, et qui joua un rôle dans le commencement des Lumières, était pourtant fréquenté par plusieurs de ses confrères académiciens.
[…]°

En 1728, sans doute le grand écrivain Montesquieu avait-il dû, en quelque sorte, « se baisser » pour traverser la porte, mais son entrée à l’Académie annonçait le commencement d’une nouvelle ère, au cours de laquelle les prélats allaient peu à peu perdre leur influence au profit des philosophes. Désormais, le rapport de forces entre les partisans des deux clans allait se renverser, si bien qu’à la mort du cardinal de Fleury, en janvier 1743, Voltaire, le chef incontesté du parti adverse, convoitera lui-même son fauteuil.

Quelle victoire pour les philosophes si cette place emblématique pouvait être prise d’assaut !

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Celui qui est passé devant Voltaire

« L’Académie, le roi et le public m’avaient désigné pour avoir l’honneur de succéder à M. le cardinal de Fleury parmi les Quarante ; mais M. de Mirepoix n’a pas voulu, et il a enfin trouvé, après deux mois et demi, un évêque pour remplir la place qu’on me destinait. Je crois qu’il convient à un profane comme moi de renoncer pour jamais à l’Académie, et de m’en tenir aux bontés du public ...

Voltaire, qui écrivit cette lettre à un ami le 4 avril 1743, ne renoncera évidemment pas « pour jamais ». Il se représentera au bout de trois ans et sera élu à l’unanimité. Sa déconvenue provisoire rappelait celle de Corneille, survenue cent ans plus tôt ; pour l’auteur du Cid, l’explication résidait dans l’inimitié que lui vouait Richelieu, qui venait de mourir et dont on ne voulait pas offenser la mémoire ; dans le cas de l’auteur de Zadig, qui était lui aussi la gloire littéraire de son siècle, les causes étaient comparables, quoique moins apparentes.

Lui-même accusait donc l’évêque de Mirepoix, un académicien connu pour son hostilité aux philosophes des Lumières, et qui serait allé, dans cette affaire, à l’encontre des souhaits de Louis XV ; mais Condorcet, qui était un peu le fils spirituel de Voltaire, conteste cette version. Ayant fait sa petite enquête après le décès de son maître, il avait appris que c’était le roi lui-même qui n’avait pas voulu que Voltaire succédât au cardinal de Fleury dans sa place d’académicien, Sa Majesté trouvant qu’il y avait une dissemblance trop marquée entre ces deux hommes pour mettre l’éloge de l’un dans la bouche de l’autre, et donner à rire au public d’un rapprochement semblable ».

L’explication est convaincante, et Voltaire devait s’en douter. Mais il ne pouvait l’avouer publiquement ; s’il voulait avoir des chances de se faire élire un jour, il avait intérêt à prétendre que le roi lui était favorable.

L’évêque qu’on avait « trouvé » pour remplir la place » convoitée par le philosophe était celui de Bayeux, Paul d’Albert de Luynes. Un prélat en remplaçait donc un autre ? On pourrait ajouter qu’à l’instar de son prédécesseur, le nouveau titulaire du vingt-neuvième fauteuil allait bientôt revêtir la pourpre cardinalice, et qu’il allait également exercer les fonctions d’aumônier auprès de la famille royale. Mais ces similitudes ne sont qu’apparentes, les deux hommes n’avaient pas grand-chose en commun. Fleury avait l’ambition de maintenir l’autorité royale ; Luynes ne fut que le témoin de sa déliquescence, quasiment jusqu’au bout puisqu’il mourut en 1788, juste avant l’effondrement de la monarchie.

Le duc de Saint-Simon n’avait-il pas dit du premier qu’il avait gardé, en sa vieillesse, des « restes » de sa beauté ? La formule vaut également pour la période où il dirigea le gouvernement. Tant que Fleury fut aux affaires, l’Ancien Régime eut encore de beaux restes. Après lui, ce fut en quelque sorte « le déluge », ou tout au moins une inexorable descente aux enfers.

Le précepteur de Louis XV avait su le protéger de la férocité du monde, comme de ses propres démons. À la mort du vieil homme, le monarque prétendit gouverner désormais seul, à l’instar de son prestigieux bisaïeul. Mais il était lui-même gouverné par ses maîtresses successives, et son prestige dans le pays comme à la cour en pâtit.

À cet égard, un épisode révélateur mérite d’être relaté. En août 1744, lors d’un déplacement à Metz, le roi tomba malade et crut sa dernière heure arrivée. Son aumônier, appelé à son chevet pour lui donner l’extrême-onction, exigea de lui le renvoi immédiat de sa favorite du moment, ainsi qu’une confession publique de ses péchés. Celle-ci sera aussitôt transcrite et diffusée dans de nombreuses paroisses du royaume, ce qui ternira considérablement l’image du roi. Du vivant de Fleury, une telle humiliation ne se serait jamais produite.

Dès qu’il fut rétabli, le monarque chassa l’aumônier, et renoua avidement avec tout ce dont on l’avait contraint à se repentir. Mais cette mésaventure le marqua durablement. Il en conçut un ressentiment profond à l’endroit des dévots. Ce n’est sans doute pas un hasard si la maîtresse qu’il prit alors, et qui devint pratiquement reine de France, Mme de Pompadour, était une fervente admiratrice des philosophes. Fille du sieur Poisson, riche négociant parisien, et petite fille d’un paysan, elle avait rencontré le roi lors d’un bal masqué en février 1745, six mois après l’épisode de Metz. Il la fit marquise, l’installa à Versailles, et, séduit par son intelligence autant que par sa beauté, il prit l’habitude de la consulter sur toutes les affaires du royaume, au grand dam du clergé, qui ne voyait en elle qu’une pécheresse, et de la noblesse, qui ne voyait en elle qu’une roturière et une parvenue. Ce fut « la Pompadour » qui persuada le roi de ne plus s’opposer à l’entrée de Voltaire à l’Académie.

Puisque le vote fut acquis, nous dit-on, à l’unanimité, il faut supposer que Luynes se rallia à ce choix. Sans enthousiasme, très certainement, vu qu’il n’avait aucune affinité avec le clan des philosophes ; mais avec grâce. Car cet homme aux convictions fermes et simples n’avait en lui aucune mesquinerie. On hésiterait à l’affirmer si la chose n’avait été confirmée par des contemporains de tous bords - et notamment par Condorcet lui-même ; qui, tout en raillant un peu ce prince de l’Église, le décrivait en des termes plutôt affectueux [et concluait] : « il est arrivé au cardinal de voter à l’Académie pour des hommes qu’il jugeait « incrédules », lorsque leurs qualités intellectuelles et humaines les rendaient dignes d’être élus.

Ainsi, à l’unanimité [ce qui, sauf erreur, ne s’est jamais reproduit] Voltaire, fut-il élu à l’Académie française.

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Le retour à Paris en apothéose et l’entrée de Voltaire en loge maçonnique

1763 : les jésuites sont expulsés du royaume de France. Le cardinal de Luynes y était hostile ; il adressa des messages en ce sens à Louis XV, ainsi qu’au pape. Sans succès.

Parmi les mesures prises à l’encontre des jésuites, lors de leur expulsion du royaume de France, il y avait la fermeture de leurs établissements et la confiscation de leurs biens. Leur noviciat parisien, imposante bâtisse située près de l’église Saint-Sulpice, devint même, durant quelques années, le siège du Grand Orient. À ce titre, il accueillit l’une des cérémonies les plus emblématiques dans l’histoire de la franc-maçonnerie française, à savoir : l’initiation de Voltaire au sein de la loge dite des Neuf-Sœurs .

La loge des Neuf Sœurs

Fondée en 1776, placée sous le patronage des Muses (les neuf soeurs du Parnasse), la Loge des Neuf Sœurs se voulait vouée à la culture des sciences, des lettres et des arts ; elle a été un fer de lance des Lumières et des Encyclopédistes, et c’est elle qui, le 7 avril 1778, a procédé à l’initiation de Voltaire, moins de deux mois avant sa mort (le 30 mai).

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Celle-ci avait été fondée en 1776 à l’initiative de Madame Helvétius, veuve du philosophe rationaliste, pour honorer la mémoire de son époux. Le but était de rassembler, au sein d’un même atelier maçonnique, des savants, des artistes, des philosophes, des poètes ; les sœurs étant les neuf muses de la mythologie grecque. La loge compta à son apogée plus de cent soixante « frères », parmi lesquels de nombreuses célébrités du moment, comme Benjamin Franklin, l’un des pères de l’indépendance américaine.

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Médaille (rare) gravée par Bernier et frappée en 1783 par les Neuf Soeurs en l’honneur de Franklin, ministre plénipotentiaire des Etats Unis de l’Amérique et deuxième Vénérable de la Loge des Neuf Sœurs. Les Muses s’activent autour d’un Temple juché sur une colline rocheuse, sous la devise : "De leurs travaux naîtra leur gloire". [2]
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Autres célébrités de la loge : le sculpteur Houdon, l’inventeur Jacques-Étienne Montgolfier, l’astronome Lalande [3], le zoologiste Lacépède, le docteur Gillotin – ainsi qu’une poignée d’académiciens. Pourtant, elle ne serait jamais sortie de l’ombre si elle n’avait eu la chance d’accueillir le grand homme de cette époque-là : Voltaire [4].

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C’était en 1778. Le patriarche de Ferney n’avait plus mis les pieds à Paris depuis vingt-huit ans, les autorités lui ayant fait comprendre, à plusieurs reprises, que sa présence n’était pas souhaitée. Mais cette fois, il avait tenu à revenir quand même. Il voulait revoir la capitale, coûte que coûte. Que pouvaient faire ses ennemis ? L’embastiller ? À quatre-vingt-trois ans ? Eh bien, qu’ils le fassent ! Il arriva à Paris le 10 février, et s’installa chez l’un de ses protégés, le marquis de Villette, dont la résidence était située quai des Théatins », devenu depuis quai Voltaire » ; il y mourut cent dix jours plus tard, à l’issue d’un séjour qui fut une véritable apothéose.

Une précieuse source d’information sur cet ultime voyage est la Correspondance littéraire philosophique et critique tenue en ces années-là par le baron de Grimm, aidé par Diderot, et quelquefois par d’autres collaborateurs. Chronique attentive de la vie culturelle entre 1746 et 1793, elle était adressée régulièrement à un petit nombre d’abonnés ; leurs noms étaient tenus secrets, mais l’on sait que Catherine II, impératrice de Russie, en faisait partie.

Lundi 30 mars, Voltaire se rendit au Louvre, où siégeait toujours l’Académie française. La population s’était amassée sur les quais et dans les rues par lesquelles il devait passer. La foule ne s’écartait que lentement sur son passage, et se précipitait aussitôt sur ses pas avec des applaudissements et des acclamations multipliées, rapporte la Correspondance. Avant d’ajouter : « L’Académie est venue au-devant de lui jusque dans la première salle, honneur qu’elle n’a jamais fait à aucun de ses membres, pas même aux princes étrangers qui ont daigné assister à ses assemblées. On l’a fait asseoir à la place du directeur, et par un choix unanime on l’a pressé d’accepter la charge qui allait être vacante à la fin du trimestre... L’assemblée était aussi nombreuse qu’elle pouvait l’être sans la présence de messieurs les évêques qui s’étaient tous dispensés de s’y trouver, soit que le hasard, soit que cet esprit saint qui n’abandonne jamais ces messieurs, l’eût décidé ainsi pour sauver l’honneur de l’Église ou l’orgueil de la mitre ; ce qui, comme chacun sait, ne fut presque toujours qu’une seule et même chose. » La pointe anticléricale ne surprend guère sous la plume d’un admirateur de Voltaire, mais il est exact que le cardinal de Luynes et les autres prélats de la Compagnie, ne pouvant empêcher leurs confrères de rendre hommage au vénérable revenant, n’avaient eu d’autre choix que celui de s’absenter.

Le jour même, dans l’après-midi, Voltaire se rendit à la Comédie-Française, où la troupe et le public lui firent un accueil mémorable. Il n’en sortit que plusieurs heures plus tard, alors qu’il faisait nuit, et qu’une foule en délire l’attendait. Le peuple criait : "Des flambeaux, des flambeaux, que tout le monde puisse le voir !" Quand il a été en voiture, la foule s’est pressée autour de lui ; on est monté sur le marchepied, on s’est accroché aux portières du carrosse pour lui baiser les mains... On a supplié le cocher d’aller au pas, afin de pouvoir le suivre, et une partie du peuple l’a accompagné ainsi, en criant des "Vive Voltaire !" jusqu’au pont Royal. »

Et le rédacteur de la Correspondance précise, dans une note en bas de page : Les moindres détails de cette journée pouvant avoir quelque intérêt, nous ne voulons point manquer de rappeler ici le costume dans lequel M. de Voltaire a paru. Il avait sa grande perruque à nœuds grisâtres, qu’il peigne tous les jours lui-même, et qui est toute semblable à celle qu’il portait il y a quarante ans ; de longues manchettes de dentelles, et la superbe fourrure de martre zibeline, qui lui fut envoyée il y a quelques années par l’impératrice de Russie, couverte d’un beau velours cramoisi, mais sans aucune dorure...

Il ne serait peut-être pas inutile de préciser que cette manière de traiter un personnage célèbre comme une idole vivante était inconnue jusque-là. Depuis, le vedettariat est entré dans les mœurs - pour des acteurs, des chanteurs, des sportifs, ou des dirigeants politiques. On pourrait presque dire que l’accueil fait à Voltaire lors de son dernier séjour à Paris fut l’acte de naissance d’un comportement social appelé à un grand avenir.

Huit jours plus tard, le mardi 7 avril, ce fut la cérémonie maçonnique dans l’ancien noviciat des jésuites. Elle eut lieu dans la matinée. La grande salle était ornée de tapisseries bleues et blanches, rehaussées d’or et d’argent, ainsi que de drapeaux et de bannières des loges », nous apprend une source maçonnique.

Là encore, de nombreuses personnes s’étaient rassemblées pour contempler le patriarche. Et lorsqu’il parut, appuyé sur le bras de Benjamin Franklin, l’Europe des Lumières soutenue par l’Amérique de la Révolution, et en ce lieu si emblématique, les spectateurs eurent le sentiment d’être les témoins oculaires de la métamorphose du monde.

Un bouleversement, oui, mais dans la circonspection.

Et même dans le consensus. Dans la salle où se déroulait la cérémonie, on avait placé un buste de Frédéric II de Prusse, et un autre de Louis XVI, le premier parce qu’il fut l’ami de Voltaire et un éminent franc-maçon, le second parce que la loge voulait se montrer déférente envers les autorités du royaume. La cérémonie fut abrégée, par égard pour l’âge du nouveau « frère ». Il paraissait chétif, et ses sourires cachaient mal ses souffrances. Ses proches savaient qu’il ne pouvait calmer ses douleurs qu’avec de fortes doses d’opium, qui le plongeaient de plus en plus souvent dans la somnolence. Épuisé par la maladie comme par les honneurs, il mourut quelques semaines plus tard, le 30 mai.

Le cardinal de Luynes vécut une dizaine d’années encore, consacrant son temps à ses recherches scientifiques ainsi qu’aux pauvres de son diocèse. Il s’éteignit le 21 janvier 1788 - un an et demi avant la prise de la Bastille, et cinq ans jour pour jour avant la décapitation de Louis XVI.

Par une ironie du sort, ou par un geste malicieux de ses confrères, on lui désigna pour successeur à l’Académie un jeune poète, Florian, que Voltaire se plaisait à considérer comme son petit-neveu [5].

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Quand l’Académie inaugurait une statue de Voltaire


En 1885, fut inaugurée une statue de Voltaire devant l’Institut de France qui abrite l’Académie française. Voici le début du discours de M. Victorien Sardou, l’alors directeur de l’Académie française.


La statue de Voltaire de 1885 qui s’élevait devant l’Institut de France
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INAUGURATION DE LA STATUE DE VOLTAIRE

Le mardi 14 juillet 1885.

DISCOURS DE M. Victorien SARDOU

DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE FRANCAISE

MESSIEURS,

Je ne viens pas, au nom de l’Académie française, faire ici l’éloge de Voltaire. Cet éloge n’est plus à faire. L’admiration de deux siècles ne laisse rien à dire, qui n’ait été dit déjà. D’ailleurs, il est des renommées si hautes, qu’elles sont au-dessus des critiques et des louanges. La sienne est du nombre, Il est Voltaire !... cela suffit, et vaut tous les panégyriques ; car Voltaire : c’est, pour le monde entier, la guerre aux préjugés, la haine de l’arbitraire, la passion du droit et le plus ardent amour de l’humanité ; tout le génie d’un peuple, concentré dans un seul homme ; toute l’œuvre d’un siècle, résumée dans un seul nom. L’Académie s’associe avec joie à cette consécration nouvelle d’une gloire qui lui appartient, et l’on ne saurait trop féliciter le Conseil municipal de Paris, qui dresse cette statue au cœur même de la ville, pour qu’elle dise bien au passant : Gardes toi des ignorants et des exaltés !... Et, de quelque part qu’ils viennent, proteste contre tous les abus, toutes les intolérances et tous les fanatismes ! » […]

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Epilogue
La statue de Voltaire réalisée par le sculpteur Joseph-Michel Caillé en 1885 a été fondue en 1941 -patriotisme oblige -, le socle détruit en 1955.


La statue de Voltaire érigée derrière l’Institut de France
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Une nouvelle statue de Voltaire en pierre réalisée par le sculpteur Léon Drivier a été installée en 1962 dans le square Honoré Champion situé derrière l’Institut. …Lot de consolation ! Initialement la statue de Voltaire avait été commandée après la seconde guerre afin de remplacer celle du sculpteur Joseph-Michel Caillé. Sa facture n’était pas à la hauteur de l’original, certes, mais Voltaire aurait mérité mieux, non ? Honte à l’Académie ! La Comédie française, La BnF et Catherine II de Russie ont été plus inspirés.

A l’emplacement de la statue originale a été placée en 1980, une statue de la République réalisée par Jean-François Soitoux est la première représentation officielle de la République Française commandée en 1848.

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[1Interrogé un jour sur les périodes de l’histoire où son pays fut le mieux administré, l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing répondit sans hésiter que c’était « ce formidable moment entre 1726 et 1743, où le gouvernement de la France fut dirigé par le cardinal Fleury, le meilleur Premier ministre que nous ayons eu, un homme provincial, rigoureux, qui a redressé les comptes du pays s’enrichir lui-même, note Amin Maalouf qui poursuit :
Déjà au XVIIIe siècle, l’attitude de Fleury, mélange de bon sens et de rigueur, lui avait valu quelques louanges inattendues. Voltaire, dans son Précis du siècle de Louis XV, écrit à son propos : « on avait besoin de cette paix qu’il aimait… Il laissa tranquillement la France réparer ses pertes et s’enrichir par un commerce immense sans faire aucune innovation, traitant l’Etat comme un corps puissant et robuste qui se rétablit de lui-même. » Opinion nuancée, et quasiment élogieuse venant d’un homme qui n’était pas de son bord, et qui venait de dire de lui, quelques lignes plus haut, que « l’élévation manquait à son caractère » et que son esprit était « borné »…

[2Crédit image et légende : http://www.mvmm.org/c/docs/loges/9ss.html

[3L’astronome Lalande a été le fondateur de la loge des Neuf Sœurs et son premier Vénérable. Il rédigea l’article sur la franc-maçonnerie pour le supplément à l’Encyclopédie publié en 1773.

[4dixit Amin Maalouf

[5le marquis de Florian, qui vivait à Paris et avait épousé une nièce de Voltaire. Il allait s’engager résolument sur la voie tracée par son illustre « grand-oncle ». Celui-ci n’avait-il pas adhéré à la loge des neufs sœurs, Florian la rejoignit à son tour dès l’année suivante. Que reste-t-il dans nos mémoires des écrits de Florian. Qui mettrait son nom derrière les parles d’une chanson qu’il nous arrive encore de fredonner

Plaisir d’amour ne dure qu’un moment,
Chagrin d’amour dure toute la vie :

Plusieurs autres formulations heureuses, ont survécu, même si on les emploie aujourd’hui sans savoir qui en est l’auteur. Ainsi dans Les Deux Paysans et le nuage, ces répliques :


- Oh, puisqu’il est ainsi je ne dirai plus mot !
Attendons la fin de l’affaire ;
Rira bien qui rira le dernier ! – Dieu merci,
Ce n’est pas moi qui pleure ici.

Ou dans Le Vacher et le garde-chasse :

Puis lui dit : chacun son métier,
Les vaches seront bien gardées.

Ou encore dans Le grillon

Pour vivre heureux vivons cachés.

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