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Le discours de Macron pour promouvoir la langue française. Un « grand plan » un peu en plan ?

L’intégrale de la vidéo et plus...

D 20 mars 2018     A par Viktor Kirtov - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Les premiers pas d’Emmanuel Macron pour lancer son initiative pour la langue française et la francophonie lors de la foire du livre de Francfort à l’automne 2017 et de son discours à l’Université de Ouagadougou avaient été fraîchement accueillis par l’écrivain Alain Mabanckou (voir ICI). Manifestement, dans son discours, Emmanuel Macron a entendu et tenu compte des critiques.

Emmanuel Macron a présenté ce mardi 20 mars sa "stratégie" pour promouvoir le français afin de le faire passer de la cinquième à la troisième place des langues les plus parlées dans le monde. Présentation devant les membres de l’Académie française mais aussi 300 jeunes qui se veut "une vision nouvelle, décomplexée, de la francophonie et du multilinguisme", avait fait savoir l’Elysée à l’Agence France-Presse, avec annonces de mesures pour améliorer l’enseignement du français, promouvoir sa place - de plus en plus contestée - dans les enceintes internationales et soutenir les artistes qui l’utilisent, comme les écrivains ou les musiciens.

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Son discours du 20 mars 2018 : EXTRAITS

Un aveu : A Ouagadougou, je n’ai eu aucun succès

"La dernière fois que j’ai parlé de francophonie, c’était dans une université à Ouagadougou, je n’ai eu aucun succès.J’avais face à moi des jeunes étudiants qui ne comprenaient pas ce que j’étais en train de dire, ou qui se disait que je leur parlais de quelque chose qui ne les concernait pas."

Le président cite ensuite l’auteur et chanteur Gaël Faye, originaire du Burundi, disant que la francophonie était un mot qui lui renvoyait l’image des portraits de présidents français avec des présidents africains

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Le centre de la francophonie, ce n’est pas la France, mais la langue française elle-même

"La langue française dit le monde, il faut la défaire des images qu’elle a oublié un jour de dire, elle doit raconter toutes les histoires. Ce qu’on appelle francophonie aujourd’hui, ce n’est pas cet espace incertain à la périphérie de la France, laquelle en serait le centre, c’est la langue française elle-même. (...)

La France doit aujourd’hui s’enorgueillir d’être un pays parmi d’autres, qui apprend, parle et écrit en français. C’est ce décentrement qu’il nous faut penser. Le français s’est émancipé de la France, il est devenu cette langue monde, cette langue archipel"

Nous sommes résolus à accomplir un acte de confiance envers notre langue, la francophonie est une sphère dont la France n’est qu’une partie, agissante et volontaire, mais consciente de ne pas parler seule l’avenir du français."

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Résultats de la plateforme collaborative :« Mon idée pour le français »

Le chef de l’Etat évoque ensuite le travail mené par Leïla Slimani, nommée en novembre 2017 représentante personnelle du chef de l’Etat français pour la Francophonie., qui a lancé une plateforme collaborative appelant à des initiatives citoyennes. Ouvert le 26 janvier, le site Mon idée pour le français a été “un succès”, a dit l’écrivaine : 5 000 propositions venant de 125 pays

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Un peu de brosse à reluire

Le chef de l’Etat loue dans son discours le rôle des professeurs de français et rappelle les mesures prises par son gouvernement en matière d’éducation..

"Nous ne relèverons ce défi que si nous arrivons à faire lever une génération de militants et de héros : les professeurs de français. A chaque fois que nous avons décidé de fermer une classe ou de se priver d’un professeur, la langue française a reculé. Le professeur de français est le garant et le moteur de la vitalité de la langue française. Il faut faire se lever une génération de professeurs de français. L’histoire de notre pays fut constituée par ces héros que sont les professeurs de français"

Mais apprendre le français, c’est d’abord l’apprendre en France. Il faut regarder nos propres imperfections, nos propres reculs. Dès le début du quinquennat, nous avons décidé qu’il fallait rouvrir certaines classes, réduire le nombre d’élèves dans des endroits où le français avait reculé.

Dès septembre, le ministre de l’éducation a rouvert dans des zones prioritaires le nombre d’élèves en CP, pour réduire ce chiffre qu’un enfant sur cinq arrivé en CM2 ne maîtrise pas le français. Nous avons remis des règles, des évaluations. Parler une langue s’acquiert par des efforts, nous poursuivrons cette tâche qui n’est pas terminée, mais nous avons remis au centre de ce combat l’école, le professeur."

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Des bibliothèques ouvertes le soir et le dimanche

Le président aborde maintenant le sujet des bibliothèques, qu’Emmanuel Macron veut ouvrir le soir et le dimanche :

L’ouverture des bibliothèques c’est un combat pour l’émancipation, c’est permettre à des enfants qui n’ont pas de livres chez eux d’avoir accès aux livres, d’avoir la tranquillité qui l’accompagne. C’est mettre fin à cette idée que ça ne serait pas pour eux.Les bibliothèques sont le lieu névralgique de la formation personnelle.
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Aides à l’apprentissage du français pour les réfugiés

Concernant les aides à l’apprentissage du français à destination des réfugiés, Emmanuel Macron annonce que es heures allouées seront portées de 250 heures actuellement par personne à 400 heures.

Je ne vois pas de meilleurs titres de séjour pour eux que la langue française. Si on ne leur donne pas cette chance, de rentrer dans notre pays par cette langue, quelle place leur donner ?


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Lycées français à l’étranger, une déclaration modeste

Le président de la République annonce qu’un "nouvel élan" sera donné aux lycées français à l’étranger, qui concernent actuellement 350 000 élèves."Les moyens seront maintenus. Le secteur privé sera mieux associé", annonce-t-il.

Cette exigence que nous portons sur notre territoire national, je veux le porter hors de nos frontières. Il est de la responsabilité de la France de faire vivre nos francophonies au service des peuples. C’est pour cela que la France s’est engagée pour l’éducation, et pour la formation des maîtres. Que la France puisse à travers son aide publique au développement son soutien pour l’éducation, en particulier pour les jeunes filles dans des lieux où l’obscurantisme essaye de prendre le dessus.

Nous allons aussi développer les établissements partenaires, des pôles régionaux de formations seront crées pour former de nouveaux enseignements notamment au Mexique ou au Liban.

Dans le domaine de l’enseignement supérieur, je souhaite que nos établissement osent s’implanter en dehors de nos frontières.Il s’agit de doubler le nombre d’élèves en 2022. Nous pouvons réussir ce pari si nous décidons d’investir à nouveau.

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Ces étudiants étrangers qui choisissent d’étudier en France : simple déclaration de bonnes intentions

Emmanuel Macron évoque à présent le sort des étudiants étrangers qui viennent en France.

Nous ne pouvons plus être ce pays opposant aux étudiants étrangers un parcours du combattant. La France devra accroître le nombre d’étudiants étrangers sur son territoire, le nombreux de ceux qui viennent de pays émergent devra doubler. Les étudiant indiens, russes, chinois seront plus nombreux.
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Constat de recul du français

La langue française est souvent bousculée par d’autres langues qui visent à l’hégémonie, elle a d’ailleurs reculé ces dernières décennies, parce que nous l’avons parfois abandonné, nous avons décidé d’arrêter d’investir.

Nous devons faire du français une langue majeure d’échange, de communication. De faire de cette langue une manière d’échanger non hégémonique mais aussi de créer un usage utile de la langue française. Le Français est cette langue qui doit permettre d’accéder au travail, à d’autres espaces géographiques, d’accéder à des possibles. Il nous faut présenter cette ambition d’avoir un français utile, efficace.

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Accroître la présence du français sur Internet

Le président de la République évoque désormais l’enjeu de l’usage de la langue française sur Internet, évoquant sur les réseaux sociaux "un combat à la fois politique et culturel".

Nous encouragerons les universités du monde francophone à développer des cours en ligne numériques. Déploiement massif du réseau social des professeurs de français en visant 175 pays. Nous mettrons en place le premier incubateur dédié à l’apprentissage de la langue.
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France Medias Monde

Ce combat passe aussi par le combat médiatique. La France peut s’appuyer sur France Medias Monde, qui touche 135 millions de personnes. Nous devons parvenir à 250 millions. Je souhaite que les médias réfléchissent davantage à l’exposition à l’international. Nous disposons de marques fortes mais nous pouvons redoubler d’ambition.

C’est la possibilité de promouvoir nos productions artistiques, journalistiques qui portent un regard sur le monde. Un regard critique y compris sur la politique de la France mais c’est indispensable.

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Le combat contre les fausses informations

Emmanuel Macron évoque désormais le sujet ô combien d’actualité de la lutte contre les fausse informations. "L’AFP peut jouer un rôle primordial. Nous pourrons entraîner de grands médias européens pour une alliance inédite", dit le chef de l’Etat, qui promet pour cela une meilleur formation des professionnels de l’information dans la francophonie.


Reconquérir le terrain de l’économie. Plus un vœu pieux que des propositions concrètes, mais c’est vrai qu’elles ne sont pas faciles à imaginer.
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Enfin, pour Emmanuel Macron, il faut "reconquérir le terrain de l’économie".

"A Davos je me suis exprimé en anglais, puis en français. S’exprimer en anglais, c’est d’abord utile et cela montre que le français se construit dans ce plurilinguisme. Maisil faut aussi ramener ceux qui parlent anglais à la langue française.Il y a une francophonie économique qu’il nous faut réembrasser, dont il faut retrouver la vigueur."
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Le français et l’Europe

Je souhaite qu’en Europe soit enseigné deux langues en plus de la langue maternelle. L’anglais n’est pas la seule langue qui a vocation d’être parlé par les Européens. Les entreprises doivent prendre leur responsabilité.

Pour cela, Emmanuel Macron affirme que sera renforcée la formation linguistique dans les instances européennes. "Paradoxe :l’anglais n’a jamais été aussi présent à Bruxelles au moment où nous parlons de Brexit", souligne le chef de l’Etat.

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Plurilinguisme

Emmanuel Macron affirme que la francophonie doit aussi "faire droit aux autres langues", en particulier aux autres langues européennes et "tout les langues que la mondialisation fragilise ou isole."

"La francophonie c’est ce lieu où la mémoire des langues ne meurt pas. Le français ne peut se développer que dans ce plurilinguisme, il nous faut donc faire des dictionnaires dans chacune de ses langues, pousser les fonctionnaires et les diplomates à les apprendre."
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Le défi de la création ( On ne peut qu’être d’accord, mais ce n’est qu’une incantation)

Enfin, le troisième et dernier défi évoqué par le président dans son discours sur la francophonie concerne la création.

Le Français doit devenir la langue qui crée le monde de demain. Le français est une langue où se forge le vaste monde. Dans un monde où la principale menace est l’uniformité, la langue française est d’une abondance de sens incomparable.
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Des Etats généraux de l’édition en français

Je souhaite l’organisation des Etats généraux de l’édition en français, dès cet été à Saint-Malo, lors du festival Etonnants Voyageurs. Il faut favoriser les cessions de droit du français au français. Il subsiste trop de problèmes de prix du livre et de droits pour accéder aux livres en français.
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La francophonie

Je souhaite que la France puisse avoir un lieu pour ses francophonies. Il sera dans le château de Villers-Cotterêts.

Attaché aux symboles, le chef de l’Etat a choisi la ville natale de l’écrivain Alexandre Dumas pour implanter cette future "cité de la francophonie".C’est à Villers-Cotterêts que François Ier a signé, en 1539, l’Ordonnance « Guilelmine », un texte législatif connu pour être l’acte fondateur de la primauté et de l’exclusivité de la langue française. Depuis, le français est la langue officielle du droit et de l’administration en lieu et place du latin et des dialectes régionaux

L’institut français sera renforcé dans son rôle d’opérateur de la diffusion du français dans le monde.
A Paris, l’Institut français et l’Alliance française seront réunis dans un même lieu Je souhaite qu’il y ait dix ouvertures par an d’alliances françaises à partir de 2019. Nous en avons rouvert une récemment en Tunisie, je m’en félicite. Je souhaite que les crédits alloués à ces institutions soient sanctuarisés.

Pour Emmanuel Macron, "la francophonie doit pouvoir toucher de nouveaux publics, qui ne viennent pas à nous". L’institut français"encouragera les nouvelles écritures dramatiques francophones", affirme le chef de l’Etat.

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La conclusion d’Emmanuel Macron

Le français est une langue d’émotion, de combat, une langue d’exil, de blessures. Cette langue qui nous a été donné c’est la langue que j’aime. Du plus que je m’en souvienne, j’ai éprouvé des sentiments en les lisant, peut être avant de les dire.

Le français ne sera jamais une langue hégémonique,car c’est une langue de combat. Le français continuera à être une langue de traduction et d’étymologie. On aura beau écrire des dictionnaires, il faudra les refaire.

Crédit : lemonde.fr


Notre première impression

Nous attendions beaucoup de ce « grand plan » annoncé. depuis mi janvier. Mais celui-ci nous laisse, en partie, sur notre faim. De la cuisse de Jupiter est sortie une souris : un beau discours, mais plus une déclaration de principes qu’un véritable plan d’actions qui reste à élaborer…….

L’Elysée parlait plus volontiers de « stratégie », avant le discours… Macron allait nous dévoiler sa stratégie…
Le grand plan est un peu en plan ! Attendons cependant pour en voir la traduction et l’impact dans le temps, par tous les relais impliqués et appelés par le président à traduire ses voeux, sa vision, en actions.
La direction est clairement affichée, la voie est ouverte, l’avenir nous dira où elle conduit la francophonie.


L’intégrale du discours

Précédé des discours d’introduction sous la coupole de l’Académie française par :
Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire général de l’Académie.
Amin Maalouf, écrivain franco-libanais, académicien.
Leila Slimani, représentante personnelle du Président pour la francophonie.

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Francophonie : cinq points clés du discours d’Emmanuel Macron

La Croix (avec AFP),
le 20/03/2018
Ludovic Marin/AFP

Sous la coupole de l’Académie française, le président Emmanuel Macron a présenté mardi 20 mars sa stratégie sur la francophonie. Il a notamment formulé quelques exigences sur les programmes et énuméré une trentaine de mesures destinées à renforcer « la place et le rôle » de la langue française.

Retour aux fondamentaux à l’école

Emmanuel Macron souhaite que « la lecture [soit] au cœur de l’apprentissage ».

Entrant dans le détail, il a demandé« des exercices multipliés, de la dictée à la pièce d’éloquence, de la lecture à voix haute à la chanson, de la récitation à la réflexion sur la racine des mots, qui passe par la revitalisation résolue des langues anciennes ».

Souhaitant le retour aux « œuvres intégrales », le chef de l’État a aussi demandé que soient lus davantage d’écrivains étrangers en langue française et que la journée du 20 mars soit « dédiée à la connaissance des littératures en langue françaises à l’école ».

Doubler le nombre d’élèves dans les lycées français à l’étranger

Emmanuel Macron a fixé l’objectif de doubler le nombre d’élèves dans les lycées français à l’étranger qui sont, selon lui, la colonne vertébrale » de l’enseignement du français. Ils accueillent actuellement près de 350000 jeunes dans 500 établissements à travers le monde.

« Ce réseau sera consolidé et dynamisé », a indiqué le chef de l’État, afin de répondre à la demande croissante d’enseignement français à l’étranger. Pour cela, il faudra développer, selon lui, les établissements « partenaires » et créer des pôles régionaux de formation pour former les nouveaux enseignants.

Doubler le nombre d’étudiants étrangers en France

Parmi les autres mesures annoncées, Emmanuel Macron a l’ambition de doubler le nombre d’étudiants étrangers en France venant des pays émergents, qui doivent être accueillis dans de meilleures conditions. Un plan sera présenté début 2019.

Davantage de cours de français gratuits pour les réfugiés

Le chef de l’État a également insisté sur la nécessité d’améliorer l’accès au français pour les réfugiés en France, qui ont droit actuellement à 250 heures d’apprentissage. Mais « je vous défie d’apprendre le français en 250 heures », a-t-il dit, en annonçant que le volume de cours gratuits serait porté à 400 heures, voire à 600 heures pour ceux qui ne maîtrisent ni la lecture ni l’écriture.

Un hommage rendu à« ces héros bien particuliers qu’on appelle les profs de français »

« Le professeur de français est cette figure centrale qui forge l’esprit, la sensibilité, la mémoire, la curiosité car la grammaire, le vocabulaire, l’étymologie et la littérature sont le terreau où nos vies s’enracinent », a déclaré Emmanuel Macron, estimant que « tous ici avons une dette à l’égard de ces éveilleurs ».

la-croix.com/

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2 Messages

  • Viktor Kirtov | 31 mars 2021 - 15:08 1

    par Mathieu Bock-Côté

    Le 16 mars, les autorités françaises présentaient la version nouvelle de la carte nationale d’identité, qui sera expérimentée dans l’Oise. Elle est rédigée en français… et, pour la première fois, en anglais. Cela a suscité une querelle qui dépasse les polémiques habituelles des réseaux sociaux. Ce bilinguisme étatique se présente comme une simple adaptation pragmatique aux déplacements mondialisés et aux règles de l’Union européenne L’anglais étant supposé permettre l’interaction entre les peuples en notre temps, chaque pays serait appelé à s’y convertir au moins partiellement.

    On ne sous-estimera pourtant pas la portée de cette mesure : ce n’est plus dans sa langue seule que le Français se présentera désormais au monde. Il concède à l’anglais le privilège du cosmopolitisme européen alors même que le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne. [ et que contrairement au passeport, la carte d’dentité "nationale" n’est valable qu’à l’intérieur de l’Europe]

    Nous n’y verrons pas un détail administratif. La langue de l’État n’est jamais insignifiante. C’est le gouvernement français, aujourd’hui, qui normalise ce « bilinguisme ». L’État n’entend plus incarner dans ses documents administratifs essentiels l’identité fondamentale de la France, et consent à piloter une transition symbolique qui l’amènera à intérioriser les exigences de l’anglicisation du monde. Le français, sur cette carte de référence, n’est plus qu’une langue sur deux, presque optionnelle, réservée aux nationaux, mais jugée insuffisante à l’extérieur des frontières.

    Autrement dit, il s’agit d’un engagement symbolique fort, appelé, presque inévitablement, à s’étendre. Car il est dans la nature d’un principe de se déployer dans toutes ses conséquences, même si ses premières applications semblent souvent anodines.

    Cela n’est pas sans rappeler un épisode de la campagne présidentielle en janvier 2017, quand Emmanuel Macron s’était rendu à Berlin et avait fait un discours en anglais. Il aurait été normal qu’il prononce ce discours en français et magnifique qu’il le fasse en allemand. Mais le tenir en anglais consistait à reconnaître que l’anglais devenait le point de contact entre les peuples européens, consentant à se placer sous l’hégémonie symbolique du monde anglo-saxon. La diversité européenne était ainsi appelée à se déployer sous une tutelle américaine. Plutôt que de valoriser son génie propre, et un authentique multilinguisme, fidèle à sa tradition cosmopolite, l’Europe s’imagine simplifier les rapports entre les peuples en les entrant dans un broyeur culturel.

    Emmanuel Macron ne faisait pas vraiment exception et témoignait alors de l’étrange rapport à l’anglais d’une partie des élites françaises, qui ont tendance à y voir un signe de modernité, ce qui les amène à multiplier l’usage d’anglicismes comme autant de signaux linguistiques témoignant de leur appartenance aux gagnants de la mondialisation. Encore une fois, c’est la rhétorique de l’ouverture contre la fermeture qui est utilisée pour légitimer la soumission à l’anglais. De l’e-mail au print en passant par la team et le business, alors qu’on pourrait parler de courriel, de version papier, d’équipe et des affaires, on ne compte plus le nombre d’expressions qui témoignent d’une tournure d’esprit inquiétante : la nouveauté, la jeunesse, l’intensité, le mouvement, la vélocité, la technologie s’exprimeraient mieux en anglais qu’en français.

    Le français ne serait-il plus qu’une langue provinciale, régionale même, à l’échelle du globe, que l’on peut parler dans l’entre-soi des frontières, mais qui n’est plus appelée à se projeter dans le vaste monde ? Doit-il renoncer à sa prétention à peser dans la géopolitique mondiale, au moment où l’empire américain commence à vaciller, et où la planète s’apprête peut-être, sous le signe de la multipolarité, à redécouvrir son authentique diversité linguistique ? Les petites nations portent un savoir politique spécifique : dès qu’une nation renonce à nommer la totalité de l’existence dans sa langue, et n’y voit plus qu’un bibelot folklorique réservé aux communications familiales, elle est condamnée à disparaître.

    Le français doit demeurer une langue de puissance. La France, en renonçant au prestige de sa langue, risque d’oublier qu’elle incarne pour notre époque, non seulement sur le plan linguistique, mais culturel, et même civilisationnel, un pôle de résistance à ce qu’on appelait autrefois et qu’il faudrait bien appeler encore l’impérialisme américain. C’est vers la France que se tournent en Occident ceux qui veulent résister au multiculturalisme, au racialisme et au wokisme. Il serait étrange et triste, tout à la fois, que l’État consente lui-même à son déclassement linguistique et sa folklorisation culturelle alors que la France peut et doit, dans les temps présents, retrouver sa place dans le monde en assumant pleinement le modèle de civilisation qu’elle porte et qui l’a faite.

    Mathieu Bock-Côté
    Le Figaro - samedi 27 mars 2021


  • Viktor Kirtov | 21 mars 2018 - 17:54 2

    Emmanuel Macron dans les pas de François Ier, là où le français est devenu la langue administrative du pays.

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    Claire Bommelaer
    Le Figaro, 21/03/2018

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    Le château de Villers-Cotterêts
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    LE CHÂTEAU de Villers-Cotterêts, dans l’Aisne, attendait sa renaissance depuis plusieurs années. À partir de 2022, ce patrimoine historique va connaître un renouveau spectaculaire : il va se transmuter ·en « laboratoire de la Francophonie  », avec des espaces de découverte des cultures francophones, un lieu de débats et des résidences pour écrivains. Juste retour aux sources ? C’est là, en 1539, que François Ier a décrété l’usage obligatoire du français pour les actes administratifs.et de justice. La « ·dimension symbolique du site », fondateur pour l’identité française, ainsi que cette décision ayant « permis de jeter des ponts entre les classes et les conditions », n’a pas échappé à Emmanuel Macron.


    Emmanuel Macron à Villers-Cotterêts durant la campagne électorale de 2017

    Ce dernier a (re)découvert le château pendant la campagne électorale de 2017. Juste avant un discours à Reims, le candidat fit une halte dans cette ville de 10 000 habitants, où naquit Alexandre Dumas. C’est alors qu’il prit la mesure du désastre patrimonial : dans la cour pavée, il vit ce domaine d’essence royale et princière, sans affectation et délabré. Construit au XVIe siècle par les frères Lebreton (architectes de Fontainebleau), doté de décors somptueux dans sa partie centrale, Villers-Cotterêts n’est plus que l’ombre de lui-même. Après avoir séduit François Ier, Henri IV ou encore les Orléans, il fut transformé par Napoléon, en 1809, en dépôt de mendicité, puis servit de maison de retraite de 1889 à 2014.


    Quand le château servait de maison de retraite
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    Gigantesque - 95 000 mètres carrés, dont 23 000 dits utiles -, il a terminé sa vie avec 80 pensionnaires et des fuites d’eau dans les dépendances. Aujourd’hui, les fenêtres sont murées, la chapelle extraordinaire et les escaliers aux caissons Renaissance sont interdits à la visite, afin d’éviter qu’un touriste ne se prenne une pierre sur la tête ;

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    Façade sur la rue
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    Il n’a pas été évident, pour le gouvernement, d’imaginer un projet pour réhabiliter les lieux, organisés en plusieurs corps de bâtiments. Selon les

    La présidence de la République

    promet un « écosystème : ·

    exemplaire et innovant  »

    scénarios évoqués - une restauration complète ou au contraire très partielle - , le budget prévisionnel des travaux varie entre 100 et 250 millions d’euros. Sommes que personne n’a ; et surtout pas l’État.

    Il a donc été décidé de procéder par étapes. La gestion du bâtiment, longtemps dévolue à Bercy, a été transférée au Centre des monuments nationaux ( CMN) - qui a immédiatement tweeté l’annonce, mardi après-midi. Ce grand opérateur public a déjà dans son escarcelle cent monuments, dont l’arc de Triomphe, le Mont-Saint-Michel ou l’Hôtel de la marine à Paris, et connaît les techniques pour valoriser les grands sites. Il a été chargé de restaurer, puis rouvrir à la visite, le corps central, fait de décors, d’escaliers et de plafonds à caissons, mélangeant salamandres, figures mythologiques et fleurs de lys.

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    Le destin des dépendances sera plus délicat à concevoir. L’architecte Jean Michel Wilmotte est en train de travailler sur leur réhabilitation, imaginant un grand restaurant, un hôtel et un centre de conférence. Il faudra, en tout état de cause, aller chercher des investisseurs privés avec les dents pour équilibrer le tout. La présidence de la République promet un « écosystème exemplaire et innovant », mélangeant des financements publics, privés et de collectivités locales. On parle de l’installation d’incubateurs de start-up - mais lesquels ?


    Emmanuel Macron, Françoise Nyssen ministre de la Culture et Stephane Bern
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    Si, à terme, l’essai est transformé, Villers-Cotterêts, situé dans une ville abandonnée, fera figure d’exemple. Emmanuel Macron a chargé l’animateur Stéphane Bern d’une mission sur le patrimoine en péril, et sur les nouveaux modes de financement pour le réhabiliter. Au-delà de l’organisation d’un loto à leur profit, l’idée est que les monuments peuvent être de puissants vecteurs économiques et touristiques pour un territoire - si tant est qu’on ne s’interdise pas d’en faire des lieux à usages multiples, une partie muséale côtoyant un hôtel, une entreprise ou des boutiques. Ce n’est pas ce dont les puristes rêvent, à Villers-Cotterêts ou ailleurs, mais c’est sans doute l’avenir. •

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    Adam Pérelle – Château de Villers-Cotterêts face nord, 1670
    « Un nouvel écrin pour faire rayonner la francophonie »
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    Crédit : Le Figaro