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Chantal Akerman. Rétrospective à la Cinémathèque française

...Subjugué ! + « Jeanne Dielman » sacré en 2022 « meilleur film de tous les temps »

D 7 décembre 2022     A par Viktor Kirtov - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


07/12/2022 Ajout de l’article des Inrockuptibles : “Jeanne Dielman”, l’histoire du chef-d’œuvre de Chantal Akerman sacré meilleur film de tous les temps par l’influent palmarès du magazine britannique “Sight and Sound”. + Article de Vogue. Voir ICI.

Tout ce mois de février 2018 se tient à la Cinémathèque française une rétrospective consacrée à la cinéaste belge
Chantal Akerman.
Née en 1950, elle s’est suicidée en 2015.
Une femme de cinéma, une pionnière qui y a laissé sa trace singulière.

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Rétrospective à la Cinémathèque française


http://www.cinematheque.fr/cycle/chantal-akerman-424.html

Pourquoi y consacrer un article sur pileface ?

Parce que parmi ses influences cinématographiques elle revendique celle de Jean-Luc Godard, ainsi que le cinéma expérimental américain qu’elle a découvert à New York quand elle s’est intallée aux Etats Unis à partir de novembre 1971. Là, elle a fréquenté assidûment l’Anthology Film Archives (cinémathèque) et les milieux underground. Elle y a découvert (Michael Snow, mais aussi Andy Warhol, Jonas Mekas, etc.).

« Ils m’ont ouvert les yeux sur beaucoup de choses : les rapports entre un film et son propre corps, le temps comme la chose essentielle d’un film, le temps et l’énergie. C’est en regardant leurs films que j’ai trouvé le courage de tenter autre chose. » [1]

...Godard et Warhol, des noms très présents sur ce site.

Son cinéma est aussi hanté par son histoire personnelle, celle de sa famille, grands parents et sa mère déportés. Seule sa mère, rescapée d’Auschwitz survivra. Le trauma de la Shoah est omniprésent en arrière plan de sa vie et de son œuvre, trauma que l’on appréhende mieux grâce aux œuvres de Claude Lanzmann, aussi très présent sur pileface et encore récemment avec la rediffusion des documentaires « Les quatre sœurs »

Pour ces influences et proximités esthétiques ou de fond, la rétrospective de la cinémathèque française consacrée à Chantal Akerman est l’occasion de saluer cette femme de cinéma : « C’était une énorme cinéaste qui, par sa singularité, a révolutionné quelques pans du cinéma international  », témoignait le producteur Patrick Quinet dans les colonnes de l’Express, lors de sa disparition.

 

Jean-Pierre Salgas nous a sensibilisé

Ajoutons que c’est à Jean-Pierre Salgas que nous devons d’avoir attiré notre attention sur cette rétrospective consacrée à Chantal Akerman, à la Cinémathèque française. Nous lui en sommes vivement reconnaissant car ceci a été une occasion d’entrer dans l’univers de cette cinéaste, de cette femme, de sa vie et de son œuvre, toutes choses qui s’interpénètrent dans son œuvre. Et cette découverte nous a subjugué !

Pour nous mettre dans ses pas, avons visionné et lu, au hasard, différentes ressources disponibles sur le Net. Et là, première surprise (bonne), le sujet Akerman ne s’épuisait pas en quelques clics, bien au contraire. Chaque document, ou presque, ouvrait de nouvelles perspectives qui s’emboitaient les unes dans les autres comme des poupées russes.
Mais c’était bien la même femme qui apparaissait : une et multiple.

Nous avons déjà rencontré Jean-Pierre Salgas sur pileface en tant que critique littéraire, à propos de la publication des Lettres à Domique Rolin (1958-1980) de Philippe Sollers. Nous avions attiré l’attention sur l’ouverture de ses riches et précieuses archives sur son site
Aujourd’hui, c’est plus le cinéphile qui s’exprime dans une autre de ses archives que nous allons vous proposer, un texte qui figurait dans le catalogue d’une autre rétrospective Chantal Akerman à Varsovie, en 2006, titrée « Regarde de tous tes yeux , regarde », archivée sur son site dans la rubrique « Après Auschwitz ».
Outre le prolongement des articles pileface consacrés à Lanzmann et Godard, Warhol, J-P. S. soulignait notamment à propos de ce nouveau texte : « (j’y insiste sur Akerman , héritière de Resnais et Cayrol ) , dossier sans équivalent pour l’enseignant ( entre autres de cinéma) que je suis ( pour les étudiants , aux Arts Décos ) »

Mais revenons à notre investigation autour de la cinéaste objet d’un échange avec J-P. S. : 

« Plus je visionnais de vidéos et plus je lisais, plus j’en redemendais ! » constatais-je, et posant cette question à Jean-Pierre Salgas :
« Est-ce normal docteur, vous qui avez connu Chantal Akerman et connaissez son œuvre par cœur ? » (l’invitant, en fait, à nous livrer, un peu plus, du making of de son article et de sa relation avec la cinéaste.)

Réponse :

« C’est normal...
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Je suivais son travail depuis 1975 ( Jeanne Dielman-Delphine Seyrig ) avec passion ( autant que l’oeuvre de Godard ) quand une critique de cinéma qui fut à l’origine de cette rétrospective et l’organisa : Johanna Sitkowska-Bayle, polonaise de Paris, rencontrée lors de l’expo Les trois mousquetaires ( Witkiewicz, Schulz, Gombrowicz, Kantor ) en 2004 à Nancy ( voir mon site ) m’a demandé de faire le texte du catalogue de Varsovie. L’interêt de ce voyage fut :

1 / qu’elle avait certes fait D’Est, dont nombre de plans sont tournés le long de la Baltique mais n’avait jamais mis les pieds à Varsovie

2 / que nous étions accompagnés par un étudiant à moi Joseph Balicki qui nous fit visiter les lieux du ghetto ( il est la troisième ombre de la photo )

3 / que nous fûmes comme prisonniers de la ville une semaine de plus : à cause des intempéries et parce qu’une catastrophe minière a à ce moment été utilisée par le gouvernement ( les jumeaux Kaczinski... ) pour décréter un deuil national avant la mort attendue des victimes : le noir, autant que la neige recouvrait tout... Nous sommes finalement rentrés en train par Cologne après avoir quitté le Sheraton pour les combles du musée

4 / que nous ne nous connaissions pas auparavant .

Je crois d’autre part que ce texte est le premier ( le seul alors qu’il en existe des dizaines ? ) à nouer ensemble la grande cinéaste d’après Godard et Snow, la féministe ( toutes deux saluées dans le monde entier depuis Jeanne Dielman..., mais séparément ) et la créatrice ( ligne Cayrol-Resnais ) d’un art "après Auschwitz" - lequel n’avait bien été vu que par Jacques Mandelbaum lors de la sortie de Demain on déménage . A nouer ( autour de la figure de sa mère - à laquelle comme vous savez, elle n’a pu survivre ) cinéma lazaréen et amour des femmes comme antidote à la Shoah. Je suis toujours persuadé que LA scène-clé de son cinéma est, dans Les rendez-vous d’Anna, la réunion dans le lit d’un hôtel, d’Aurore Clément ( la fille cinéaste ) et de Lea Massari ( la mère qui fut déportée ). Et que Golden Eighties , comédie musicale , est un autre versant de Jeanne Dielman...

( Lors du dernier colloque sur elle, à Londres, juste après son suicide, After Chantal, à la Westminster University, lors d’une séance aussi au Centre Wallonie-Bruxelles, les meilleures interventions comme les plus médiocres, continuaient à ne pas voir l’oeuvre dans son unité )

 A vous

J-P. S.

 
Avant d’ouvrir l’archive de J-P. S., vous propose quelques éléments introductifs glanés au cours de mon investigation découverte. En partage pour les néophytes, comme moi, ou à sauter pour les autres.

Quelques témoignages au moment de sa disparition

Ce cinéma qui ose dire « je »

« Films-manifestes ou comédies loufoques, installations dans les musées ou documentaires hypnotiques... la cinéaste belge avait su combiner cinéma expérimental et commercial, autofiction et autodérision.

« Une femme qui tient la caméra. Comme une grande et toute seule, au risque justement de cette solitude. Mais sans crainte de quiconque, sinon d’elle-même. Filmant envers et contre tous les dogmes, sociaux, esthétiques surtout. C’est bien une pionnière à vif, qui vient de s’éteindre brutalement. Pionnière, Chantal Akerman le fut assurément dans sa manière très précoce d’utiliser sa caméra comme un stylo ou un pinceau. Elle n’a que 17 ans lorsqu’elle réalise Saute ma ville, son coup d’essai et déjà un manifeste tragi-burlesque, déjà un autoportrait plein de douceur et de violence. Le cinéma brûlant à la première personne, ce cinéma qui ose dire « je » et qui se moque bien de paraître impudique, elle en fut assurément une figure phare. A la lisière de l’expérimental, mais jamais totalement dedans. » [2]

La mort avait toujours été là

« Elle hantait l’oeuvre de la réalisatrice, qui s’est suicidée lundi 5 octobre 2015.

Depuis le début : le premier court métrage, manifeste burlesque et autarcique, où elle se faisait exploser dans sa cuisine bruxelloise – Saute ma ville, en 1968.

Avant elle : même dans les rires, rauques comme sa voix magnifique de fumeuse folle, même dans l’éclat renversant de ses yeux verts que nul n’oubliera s’il les a vus ne serait-ce qu’une fois, jamais l’ombre maléfique de la Shoah n’a été absente. » [3]


... sa voix de fumeuse folle

Une femme qui fait du cinéma

« Elle était toute petite, Chantal. C’était ce qui frappait immédiatement, avec la voix et le regard. Elle était, elle avait longtemps été d’une incroyable énergie. Une flamme, une lame. Ce qu’on voyait aussi tout de suite bien sûr, c’est qu’elle était une femme. » [4]

Une filmographie protéiforme

 Le coup d’envoi de sa carrière, entamée à 17 ans avec le court-métrage Saute ma ville (1968), est un coup de feu : un brûlot burlesque et rageur tourné en 16 mm dans lequel elle se met en scène elle-même, semant méthodiquement le chaos dans sa cuisine pour finalement se faire exploser, la tête posée sur la gazinière allumée.

Fortement influencée à ses débuts par le travail de cinéastes expérimentaux américains, comme Michael Snow, Andy Warhol, Stan Brakhage, elle a cherché, tout au long de sa vie, à s’affranchir des normes narratives et des étiquettes. De sa filmographie éclectique où la frontière entre documentaire et fiction est toujours poreuse, comme celle avec la littérature, et l’art contemporain, où la comédie musicale et les expériences les plus intimistes coexistent avec les mêmes droits, des films immenses ont surgi à chaque décennie.

Auteure d’une œuvre incandescente, pionnière, nomade, travaillée en profondeur par des questionnements intimes et historiques, et des interrogations formelles fondatrices de la modernité cinématographique, [5]

 

Un vie et un art de « l’Après Shoah »

Chantal Akerman est née en 1950, née à Bruxelles, où sa famille d’origine juive polonaise s’était réfugiée.
1950 - c’est seulement quelques années après la fin de la seconde guerre mondiale - et sa mère est une rescapée d’Auschwitz. Ellle n’en parle jamais à sa fille mais le trauma est là, agit insidieusement, même sur la deuxième génération, celle de la génération de Chantal Akerman. Ses grands parents sont aussi morts dans les camps d’extermination nazis. La Shoah et la mort sont omniprésentes, en filigrane de son œuvre.

Chantal Akerman à propos de sa mère et de sa grand-mère

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Chantal AKERMAN parle de sa mère. Certaines scènes de ses films ’D’Est’ et ’Pina’ lui ont évoqué les camps de concentration. Chantal AKERMAN évoque également ce que lui a transmis sa grand-mère.
http://www.ina.fr/video/I16049972

Et aussi :

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Sur l’origine de son prénom

« Anne. Pendant longtemps, je l’ai considéré comme mon vrai prénom. Je m’appelle Chantal Anne Akerman et mon arrièrre grand-mère m’appelait Hanna et si je m’appelle quand même Chantal, c’est parce que ma mère, encore elle, a demandé à ma cousine, toujours la même, trouve-moi un nom vraiment français, comme ça, s’il arrivait quelque chose, on n’aura pas besoin de lui changer son nom. Et voilà pourquoi Chantal. C’est le contraire de l’histoire de Vincent Van Gogh, il remplaçait un mort, un autre Vincent, né à peine avant lui. Moi c’était “au cas où” pour ne pas mourir trop tôt, et Akerman c’était pas grave. Akerman, cela pouvait être allemand, flamand, ou même une marque de champagne (…) » [6]

Une oeuvre, une vie, autoportrait de 2007, dans Les Nuits de France Culture :

"Il n’y a rien à dire disait ma mère et c’est sur ce rien que je travaille"

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Une œuvre, une vie, en soixante-quinze minutes, Chantal Akerman par elle-même à la radio. C’était à l’occasion d’un "Atelier de Création Radiophonique" : "Auto Radio Portrait" par et avec Chantal Akerman, 25/03/2007.

Parlons cinéma | CHANTAL AKERMAN (1977), 46’

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Chantal Akerman nous parle de sa carrière et de ses films. Une entrevue conduite durant le Festival de Cannes 1977.

Repères chronologiques

1950. Naissance à Bruxelles.

1961. Tombe amoureuse d’une camarade, elle a onze ans et découvre sa composante homosexuelle, ce qui fera dire à son père : « elle est différente ».

1968. Saute ma ville « Le coup d’envoi de sa carrière, entamée à 17 ans avec ce court-métrage est un coup de feu : un brûlot burlesque et rageur tourné en 16 mm dans lequel elle se met en scène elle-même, semant méthodiquement le chaos dans sa cuisine pour finalement se faire exploser, la tête posée sur la gazinière allumée. » [7]

 1971. (Novembre) S’installe à New York, fréquente les milieux underground, découvre le cinéma expérimental de Snow, Andy Warhol, Jonas Mekas…

1974. Je, tu, il, elle. Les aventures amoureuses d’une jeune fille.

1975. Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles , chef-d’œuvre de la modernité et brûlot féministe [qu’elle ne revendique pas comme tel (note pileface : V.K.)], dans lequel elle met en scène le quotidien répétitif d’une ménagère. Sortie des camps (le signe dans le film est qu’elle échange deux mots en yiddish avec le cordonnnier) et peu à l’aise financièrement, pour assurer sa subsistance et celle de son fils, elle fait commerce de son corps, et tue lorsqu’à sa propre surprise, un client lui fait retrouver la jouissance

« Ce film a marqué des cinéastes aussi importants que Gus Van Sant, Tsai Ming-liang ou Avi Mograbi. » [8]

Chantal Akerman sur JEANNE DIELMAN (Une interview de 2009)

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1978. Les rendez-vous d’Anna ,
« 
Je suis toujours persuadé que LA scène-clé du cinéma de Chantal Akerman est, dans Les rendez-vous d’Anna , la réunion dans le lit d’un hôtel, d’Aurore Clément ( la fille cinéaste ) et de Lea Massari (la mère qui fut déportée) » (Jean-Pierre Salgas).

1984. Première crise liée à des troubles bipolaires.
Première hospitalisation. Cf. le thème de l’enfermement dans son œuvre, ainsi que l’Après Shoah évoqué plus haut.

1986. Golden Eighties . Chantal Akerman aborde ici la comédie musicale avec des tranches de vie de personnages, évoluant à l’intérieur d’une galerie marchande des années 1980.

1993.
D’Est. Un documentaire, cette fois. L’histoire d’un voyage, qui donne l’impression d’un film en train de se faire, sous nos yeux.
« - Vous avez commencé par voyager avant de filmer ?
- C.A. : Je connaissais déjà un peu Moscou. Pour le reste, c’était plutôt du repérage-tournage. On tournait au jour le jour ce qu’on voyait, ce qui me touchait. Le film s’est tourné en trois fois, et c’est vrai qu’au début je ne savais pas où j’allais, et que j’ai commencé à le comprendre à la fin du deuxième tournage. Je ne partais pas avec une structure fixée à l’avance, elle s’est découverte d’elle-même, quand les images de ces gens qui attendent ont commencé à s’imposer. Au départ, on voyageait, on s’arrêtait, on filmait un bout de rue. Et puis le film s’est fait petit à petit, exactement comme on écrit : on commence par une phrase parce qu’il faut bien commencer quelque part, et plus tard on enlèvera peut-être cette première phrase. La construction du film s’est faite surtout au montage. On a quand même une sorte d’idée informulée qui nous guide. On colle deux images ensemble, on regarde ce que ça donne, on ne sait pas ce qu’on cherche au juste mais on sait si ça cadre ou pas avec ce qu’on cherche. C’était la même chose avec News from Home, sauf que, contrairement à D’Est, je savais quels seraient le premier et le dernier plan, en fonction desquels le reste devait s’organiser. » [9]

« D’Est, un pur chef d’œuvre » (Marianne Lambert, réalisatrice de I don’t belong anywere – voir ci-dessous)

2000. La Captive . Après avoir abordé le court métrage, le film « expérimental », le documentaire, la comédie musicale, Chantal Akerman aborde ici, l’adaptation cinématographique d’œuvres littéraires. La Captive est librement inspiré du roman La Prisonnière de Marcel Proust, avec comme interprète Sylvie Testud.

2004. Chantal Akerman, autoportrait
« Dans un livre formidable (Chantal Akerman, autoportrait, Cahiers du Cinéma/Centre Pompidou, 2004), Chantal Akerman se raconte comme au fil de l’eau, dans le style-même de son cinéma : frémissant, sautillant, vibrant d’une gaieté intense et tragique. » [10]

Pendant le tournage de Jeanne Dielman (1975), Sami Frey a filmé ce qui se passait sur le plateau : la mise en place des scènes, les répétitions, les prises. Un film sur un film en train de se faire : au total, plus de six heures restées à l’état de rushes.
Monté en 2004 par Chantal Akerman. Durée 60 mn

2014. Décès de sa mère, à l’âge de 86 ans. Un perte douloureuse dont la cinéaste ne se relèvera pas, tombée depuis cette date en dépression et hospitalisée pour ses troubles maniaco-dépressifs qui la hantent depuis 1984 et dont elle ne se départira pas malgré son retour à son domicile parisien en septembre 2015.

2015. I don’t belong anywere. Ou « Si Akerman m’était contée » par Marianne Lambert, qui réalisait là son premier film après avoir été sa collaboratrice, deux fois comme régisseuse, puis comme directrice de production au Cambodge sur La folie Almayer d’après le premier livre de Joseph Conrad

« Le dernier plan de I Don’t Belong Anywhere montre Chantal Akerman de dos s’éloignant de la caméra dans le désert de Judée. Ce documentaire de Marianne Lambert sur la cinéaste réalisé l’an dernier [en 2014] avec une Chantal Akerman riante et vibrante, a changé de portée depuis que la cinéaste a mis fin à ses jours le 5 octobre 2015. » [11]

Marianne Lambert : « Dans un premier temps, nous nous sommes posés la question de savoir comment aborder la filmographie de Chantal. Allions-nous l’aborder de manière chronologique ? De manière thématique ? Mais il aurait été forcément réducteur de me focaliser sur l’une ou l’autre de ces approches, d’autant plus que Chantal, elle-même, n’a jamais voulu que son cinéma soit considéré comme un cinéma féministe, lesbien, juif ou encore expérimental. Je ne voulais en aucun cas non plus, faire un film « commentaire » sur l’œuvre de Chantal. J’ai choisi tout simplement de replacer Chantal dans des lieux ou des décors où elle avait vécu et tourné, à New York, Bruxelles ou Paris, pour souligner ainsi l’entrelacement permanent entre ses films et sa vie.

Le titre du film m’est venu en un éclair. Chantal n’est ni d’ici, ni d’ailleurs. Elle oscille entre le cinéma, les installations et, encore et toujours, l’écriture. Son cinéma n’est ni totalement fiction, ni tout à fait documentaire…
Il est inclassable et unique. » [12]

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2015. No Home Movie . Son dernier film. Sur sa mère.

2015. (lundi 5 octobre) Chantal Akerman met fin à ses jours.

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Par Jean-Pierre Salgas

Avec l’aimable autorisation de l’auteur pour le texte et trois photos issues de sa collection personnelle (soulignements de pileface -V.K. pour les besoins de la publication sur écran).

Cet article est paru originellement dans le catalogue de l’exposition Retrospectywa Chantal Akerman, Kino.Lab, Centrum Sztuki, Varsovie, 2006, et fut repris dans ImagoDrome, Ensa, Bourges, 2010.]

 

Pour Lea Landowski

 

Rétrospective [Varsovie, 2006]

A Varsovie au Centrum Sztuki (du 23 au 30 novembre 2006), à Paris au Musée d’Art et d’Histoire du Judaisme (le 11 février 2007) : par deux fois cette année, il y eut comme des répliques de la rétrospective Akerman du Centre Georges Pompidou (du 28 avril au 7 juin 2004) ; laquelle accompagnait la sortie en salle de Demain on déménage, une installation à la galerie Marian Goodman (Marcher à coté de ses lacets dans un frigidaire vide) et un livre : Autoportrait en cinéaste [13]


2006, Chantal Akerman, lors de la rétrospective qui lui était dédiée, à Varsovie. (c) Photo Jean-Pierre Salgas.
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Rétrospective, flash-back sur l’œuvre : Chantal Akerman (cinéaste, plasticienne aussi depuis 1990 et de plus en plus, écrivain encore et fondamentalement) dans le rétroviseur … Un quadruple événement qui a donné soudain à voir en Akerman la cinéaste lazaréenne par excellence : j’emprunte le terme à Jean Cayrol le « scénariste » d’Alain Resnais (Nuit et brouillard 1956, Muriel 1963). Poète catholique, résistant puis déporté, romancier (Prix Renaudot 1947 pour Je vivrais l’amour des autres, co-auteur en 1963 du Droit de regard sur le cinéma) : en 1950 (année de naissance de Chantal Akerman), dans Lazare parmi nous, loin par anticipation de ce qui deviendra la vulgate blanchotienne (traduite de la vulgate adornienne), il montrait que loin de l’annuler, « Auschwitz » accélerait l’art moderne : un « romanesque lazaréen » doit accompagner « la nuit blanche de l’humanité » ouverte par les camps.. [14] Imaginé sur le modèle du rêve, à l’intemporel présent, il se soustrait à toutes les alternatives (théologiques) ordinaires (représentation -irreprésentable, témoignage-fiction, avant-après, etc).

Je m’explique : le cinéma de Chantal Akerman est un cinéma d’« après Auschwitz » qui n’en parle explicitement jamais, et qui ne désigne jamais autre chose – sur le modèle si l’on veut de l’anamorphose au devant du tableau, ou de la lettre volée lacanienne ; exemple entre mille emprunté à Demain on déménage. Elle-même raconte sa surprise à Aix lors d’une projection : « j’étais totalement inconsciente que la scène du poulet dans le four avec la fumée qui envahit la pièce ou que les barbelés de la campagne pouvaient évoquer autre chose qu’eux-mêmes » [15]. Pour ne rien dire de la phrase de Monsieur Popiernick (Jean-Pierre Marielle) sentant dans le film l’odeur du désinfectant : « ça pue la Pologne ». De manière plus « juive », on peut y lire un jeu avec l’interdit mosaique de l’image (dans le prologue d’Histoire d’Amérique, elle lit Exode 20). Au passage (c’est la même chose), Chantal Akerman est de ceux [16] - de celles - qui rendent vains les débats français sur la fin du cinéma (mélancolie godardienne de « J-L G » à l’été 2006 dans l’exposition du Centre Pompidou [17] versus la Restauration de la « qualité France », à juste titre assassinée par le jeune François Truffaut [18]

 

1968 et après : l’équation Akerman


Jean-Paul Belmondo dans ’Pierrot le fou’ de Jean-Luc Godard
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« Je suis Belge, d’origine juive polonaise. Je suis née à Bruxelles le 6 juin 1950 et j’ai désiré faire du cinéma très jeune après avoir vu Pierrot le fou de Godard » [19]

Ainsi parle la jeune fille de la fin des années 60 à Bruxelles (voir le Portrait, film de ce titre en 1993), « une fille qui ne faisait que ce qu’elle voulait » dit-elle dans la véritable autobiographie de sa mère qu’est Une famille à Bruxelles. Outre Jean-Luc Godard, l’autre choc fondateur se nomme Michael Snow, plus largement le cinéma expérimental vu à New York à partir de 1971 (La région centrale  [20]
– Resnais n’est évidemment qu’une construction rétrospective, historienne…

On pourrait formuler l’équation Akerman, en 1968 et tout de suite après, de la façon suivante : Akerman = Godard + Snow, soit deux modes de la table rase au cinéma : la liberté formelle absolue, l’art contemporain issu de Duchamp, en amont de Mallarmé (« rien n’aura eu lieu que le lieu »).

 Godard donc Saute ma ville (1968), Snow donc Hotel Monterey (1972). On (Dominique Paini) a pu dire que Chantal Akerman formait une « post Nouvelle Vague » avec Jean Eustache et Philippe Garrel. Oui et plutôt non … : à Godard + Snow, il faut ajouter un troisième élément : tous deux sont multipliés par une mémoire : Chantal est une « vieille enfant « , « fille de la génération sacrifiée ». « Il n’y a rien à ressasser disait mon père, il n’y rien à dire disait ma mère. Et c’est sur ce rien que je travaille ». « J’étais un fidèle lecteur de Kafka et puis j’avais des renseignements sur ce qui m’attendait » disait encore Cayrol revenant sur son arrivée à Mathausen [21]. Snow et Godard, vus, l’aident à voir : on retrouve les deux par exemple dans Je tu il elle (1975), qui déploie « ce que peut un corps » (Spinoza) de la tristesse à la joie mais « après Auschwitz », qu’on peut regarder comme son Homme qui dort (Perec, 1967).

En effet, cette équation à trois termes fait de Chantal Akerman la sœur à peine plus petite de Georges Perec l’écrivain (né en 1936) et de Christian Boltanski l’artiste né en 1943 (présents dans l’Autoportrait en cinéaste de 2004, une photo, un texte) : de Perec à partir de La disparition (1968), de Boltanski à compter de sa première exposition au cinéma Le ranelagh en 1968 (La vie impossible de Christian Boltanski) [22]. Saute ma ville a comme un air de famille avec les films contemporains de l’artiste (Essai de reconstitution des quatre jours qui précédèrent la mort de Françoise Guiniou 1971). On peut lire Le frigidaire est vide comme son W ou le souvenir d’enfance.
Comme Perec avait coutume de le dire, quatre champs se partagent l’importance (ludique, sociologique, autobiographique, romanesque) mais il est sûr que l’autobiographique surdétermine les autres. Ne serait-ce que parce qu’il débouche sur une autobiographie de tout le monde pour pasticher la géniale formule de Gertrude Stein – (à la façon des Je me souviens de Perec). Vertige formel conjugué à vertige de l’histoire [23]. Il faut d’autre part rappeler que 1968 est en France l’année qui marque (après la guerre des six jours de 1967), le début de l’anamnèse de la Shoah dans la société française (« nous sommes tous des juifs allemands »). Et que la Belgique, pays partagé et indépendant (une sorte de contre Pologne) est un bon lieu de naissance, que Bruxelles et son identité de frontière est comme le cœur de ce lieu : juive polonaise, la Jeanne Dielman du film – à mi-chemin de la Pologne et du Canada (d’où la tante écrit les lettres qu’elle lit à haute voix), se superpose parfaitement au quelque part belge (les deux langues – trouées du voi yiddish du cordonnier – entre lesquelles hésite son fils, lequel récite Baudelaire – l’auteur de Pauvre Belgique …) [24]

Jeanne Dielman (1975) et Anna Silver (1978)

« Brusquement j’ai vu Jeanne Dielman » : après donc le premier court métrage très boltanskien ou Chantal détruit une cuisine, Jeanne Dielman qui à corps perdu fait la cuisine (juive : klops et wiener schnitzel). « Je me souviens » de Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce 1080 Bruxelles « maman » et « putain » aux antipodes d’Eustache. Tourné en 1975 sorti début 1976. Après un premier scénario [25], qui « ne venait pas du tréfonds de moi » « un jour j’ai raconté à un ami l’histoire de ma mère et d’une tante (…) et ces histoires étaient bien plus fortes que tout ce que j’avais pu écrire » [26] Delphine Seyrig y incarne une survivante, mère juive morte à la vie, qui tue quand celle-ci resurgit (« Il y a des souvenirs qui m’empêchent de jamais revenir » chante la radio). Aujourd’hui, la lecture « féministe » de Jeanne Dielman surprend, qu’elle ait été favorable (Libération) où haineuse (Le canard enchainé), qu’elle ait salué au choix « deux cent minutes d’analyse précise et cruelle d’une névrose obsessionnelle » ou « la solitude de la ménagère de fond » [27]. D’autant plus d’histoires que l’Histoire est passée « avec sa grande hache » (ce sera le propos de Toute une nuit). « Elles ne sont pas toujours vraies mais parfois elles le sont ». Jeanne Dielman resurgit dans Golden eigthies en 1986 – qu’annonce La galerie en 1980 : Delphine Seyrig a épousé la boutique, sise galerie de la Toison d’or à Bruxelles et Charles Denner, elle est devenue Jeanne Schwarz, il n’est pas possible de recommencer avec John Berry – Ily Jackson le libérateur – autour d’elle tous les autres happy end échouent, à cause du clinamen originel de la guerre.

« Je me souviens » aussi des Rendez-vous d’Anna (1978) qui en est la suite et la complète inversion : sur la ligne Moscou-Paris (Essen-Bruxelles), trois jours durant, dans les quatre gares de Bruxelles, ville donc à l’identité de frontière, dans des hôtels, en cinq étapes qui toutes buttent sur la guerre, un panorama de l’Europe dix ans après 68 sous les yeux d’Anna Silver cinéaste en tournée. « L’Allemagne, il y a des rideaux partout, il y a des tulipes sur toutes les tables, et comme dirait un ami à moi c’est plein d’allemands ». L’Allemagne de Baader-Meinhoff et d’ Helmut Schmidt – au cinéma de Rainer Werner Fassbinder. Autour d’Anna Silver, les deux allemands, celui qui reste, celui qui fuit, l’amie de la mère, la mère, l’amant français malade. Aurore Clément (qui sort du Lacombe Lucien) et son aura érotique absolue, est bien évidemment la même femme continuée, passée elle du coté de la vie, qui parle à l’amie de sa mère puis à sa mère, je vais y revenir. Lazare parmi nous de nouveau : 1975 est également en France, l’année de W ou le souvenir d’enfance (Perec), de La vie devant soi (Ajar-Gary), des Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France (Pierre Goldman). 1978, celle de La vie mode d’emploi et de Je me souviens, de Rue des boutiques obscures de Patrick Modiano …. Ces deux films fondent un cinéma de la durée que là encore je ne saurais mieux définir qu’en empruntant à la préface de Roland Barthes à une réédition du premier roman de Cayrol : « Le roman cayrolien lui aussi est un roman de la durée (…) venu – revenu ? – de très loin, un homme nait au monde (…) le roman ne peut donc être ici qu’un continu d’épisodes, de rencontres, de descriptions, dans lequel l’événement est ramené à une sorte d’état zéro, dont la minceur déconcerte. Pourtant rien de transparent ; il y a tout un secret de l’homme cayrolien ». Une autre façon de dire ce que disent les commentateurs d’Akerman qui filme en « temps réel », ou « commence à filmer quand les autres s’arrètent ».

 

L’espèce humaine (les documentaires)

A partir de là, de ce socle, l’œuvre va se diviser en deux lignes. La première : Chantal Akerman passe de ce que je nommerais « Lazare restreint » à « Lazare généralisé » (comme Perec de W ou le souvenir d’enfance à Description d’Ellis Iland avec Robert Bober – comme Boltanski avec Les suisses morts ou les peintres morts ou les ouvriers disparus mais lui ne dira que tardivement après 1984 ses raisons ; lire son texte dans Le frigidaire est vide). Via un épisode-charnière : en 1978-79 la cinéaste envisage l’adaptation de deux romans d’Isaac Bashevis Singer Le manoir, Le domaine  [28]. Singer ou celui qui est passé d’Est à Ouest, du schtetl à l’Amérique comme les grands metteurs en scène au début du siècle puis après 1933, comme les musiciens klezmer vers le blues et le jazz. Le projet ne se tourne pas. De cet échec à réaliser « Autant en emporte le vent chez les juifs » sort d’abord Histoires d’Amérique (1988). Des acteurs du théâtre juif interprètent des textes d’émigrants à New York d’avant et d’après guerre qui parlent de l’Amérique, de leur Amérique, celle de Kafka et Karl Rossman, de la statue de la Liberté, de Gertrude Stein (souterrainement). « C’est encore le pays ou on fout le camp », le pays ou disparaître (au bon sens) est possible, ou fuir, ou échapper s’il le faut. C’est à compter de ce film (hybride) que Chantal Akerman passe à « l’espèce humaine » (je rappelle le rôle fondateur de ce livre de Robert Antelme sur l’homme de Buchenwald pour Georges Perec [29]).


Varsovie. Devant la stèle où figure le nom de sa famille, les ombres de Chantal Akerman, Jean-Pierre Salgas accompagnés de Joseph Balicki - un étudiant de J-P. S. qui leur fit visiter les lieux du ghetto, lors de la rétrospective de 2006 en cette ville. (c) Photo Jean-Pierre Salgas
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Trois fois à ce jour : à l’Est (RDA, Pologne, Russie), puis au Mexique et aux Etats-Unis. D’Est ou le continent englouti à « l’inquiétante familiarité » : en RDA, Pologne, Russie tristesse d’après 1989 des peuples hors de l’Histoire « Ces visages D’est je les connaissais, ils me faisent penser à d’autres visages (…) Et ces files d’attentes, ces gares, tout cela résonnait en moi, faisait écho à cet imaginaire, à ce trou dans mon histoire ». Bal, hotels vides, champs à perte de vue, cuisines, paquets, salles et files d’attente… Sud ou la frontière : à Agua Prieto à la frontière américano-mexicaine, les disparus, les clandestins, les américains. « Quand j’ai montré ce mur à ma mère, je lui ai dit : à quoi ça te fait penser ? Elle me dit : tu sais bien ! ». Les deux déploient Hotel Monterrey (1972), hotel des pauvres de Broadway. « Travelling affaire de morale » disait l’autre (on les retrouve dans La captive, dans l’épisode de la visite au Bois de Boulogne). De l’autre côté ou la route : dans le Sud de William Faulkner et James Baldwin sur les traces du meurtre raciste de James Byrd jr, la caméra finit par refaire le trajet du meurtre automobile, braquée sur la route et ses traces, à la manière de Shoah. Surtout beaucoup d’images sous les images … Je parlais de la durée (plutôt que du temps). Le lieu (Mallarmé-Snow) plutôt que l’espace, est au fond de ces films. Le lieu donc toujours, sans « génie du lieu » ou plutôt si : espace d’espèce.

Espèces d’espaces (les fictions)

« Pas de grand-mère dans le Périgord » dit-elle. « L’espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête » écrit de son côté Georges Perec dans Espèces d’espaces (1974) – à coup sûr, une des phrases les plus juives du livre. A sa manière, tout le cinéma de Chantal Akerman (pas uniquement sa face documentaire) -elle se baptise « la fille de Ménilmontant » après l’avoir été de Montparnasse – est un « espèce d’espace » qui dit que rien n’aura eu lieu que les lieux : la table des matières du livre de Perec pourrait lui convenir [30]. De ce point de vue, Là-bas, le dernier film de la cinéaste (2006), sa douleur, est un aboutissement. Là-bas ou un autoportrait-fenêtre sur cour à Tel-Aviv, rythmée par l’ombre et la lumière, le téléphone et les langues. Une échappée laisse entrevoir la mer, sur le rivage une famille pieuse qui se sent probablement « chez elle ». La narratrice est malade, un attentat vient d’avoir lieu à proximité, les amis appellent : « je suis vivante », « ça remet les choses en place, j’ai dit à Sonia, mais quelle place ? ». Chantal Akerman, qui raconte, « ressasse », de nouveau l’histoire de sa famille après 1945 (Bruxelles ou Palestine), qui se sent juive, « ne se sent pas appartenir » pour autant : Israël est une autre Belgique…

Les fictions d’Akerman sont d’abord des histoires de changement de lieux, Hotel Monterey. Je tu il elle ont essaimé des deux cotés. « Chez moi je ne supporte plus, je crois que je vais déménager » déclare Daniel-Jean-Pierre Cassel dans Les rendez-vous d’Anna. Déjà en 1992, Le déménagement mettait en scène le monologue de Sami Frey sur le sujet. On peut rappeler Toute une nuit

Plus explicites encore, les comédies : Un divan à New York, la fable de l’échange des appartements entre William Hurt-Dr Harrisson et Juliette Binoche-Beatrice Saulnier, les amants de l’une, les patients de l’autre puis le retour à New York, la scène finale des balcons communiquants… Demain on déménage (« le film sans doute le plus juif jamais réalisé par Chantal Akerman » écrit justement Jacques Mandelbaum). Histoire de piano volant, entre duplex en ville et demeure à la campagne, après que Catherine-Aurore Clément se soit retrouvé veuve et soit rentré chez sa fille, et que celle-ci ait cherché un studio propice à ses travaux pornos alimentaires, alors que les acheteurs affluent… « Vivre c’est passer d’un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner » (Perec). Au cœur de tout cela, le désir (impossible donc) d’une chambre à soi (Virginia Woolf) : La chambre (1972), Je tu il elle (1975), Portrait d’une paresseuse (1986), C
(1996), La captive (1999) etc. Lieu encore : de plus en plus, Akerman « déménage » du coté de l’art contemporain (à Paris à la galerie Marian Goodman et dans de nombreux musées du monde entier), de l’autre côté du cinéma donc. Le dispositif de l’installation retrouve d’une autre façon le lieu, c’est le film à son tour qui se métamorphose en lieu, où pénètre le regardeur : D’est, Selfportrait, Woman sitting after killing, Une famille à Bruxelles, Une voix dans le désert. Là où le protestant Jean-Luc Godard pastiche l’art contemporain pour dire d’une autre façon la mort du cinéma (au Centre Georges Pompidou cet été, je le rappelle) en le quittant, Chantal Akerman investit ce dernier pour l’accélérer.

Un (deux) film sous les films


Chantal Akerman, Varsovie, 2006. Le monument est celui de Nathan Rapoport ( 1947 ) à la gloire de l’insurrection du ghetto, devant lequel s’est agenouiillé Willy Brandt en 1970 . Sur cette place , se dresse aujourd’hui Polin, le musée d’histoire des juifs de Pologne (c) Photo Jean-Pierre Salgas.
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« C’est terrible une mère et une fille ». « (Proust) voulait que sa mère lui lise des histoires. Moi je voulais connaître l’histoire de ma mère » Dans News from home (1977) Chantal à New York lit les lettres qu’elle reçoit de celle-ci. Dans Une famille à Bruxelles, le monologue de la mère devient celui de la fille puis de nouveau celui la mère … A tout revoir retrospectivement, une jeune femme libre s’y montre sans cesse cousue d’une autre femme (Natalia Leibel née à Tarnow, Pologne, mère de Chantal Akerman, elle apparaît dans Toute une nuit), toutes deux cousues d’une troisième (Sidonie Ehrenberg sa grand-mère. A la dernière page du livre-scénario Un divan à New York, on peut voir un dessin de Sidonie Ehrenberg, et une photo de la famille en 1914), les deux incarnées par deux actrices  : Delphine Seyrig, Aurore Clément. Et tous les films, une trentaine (des plus importants aux plus « petits ») n’en font qu’un, sont des reprises, ressassent. Une scène (à la fois primitive et lentement conquise) de Demain on déménage, qui rejoue dans la fiction la scène montrée dans Marcher au sous-sol de la galerie Goodman : avec sa mère, Chantal Akerman déchiffre le « Tagesbuch » polonais des années 20 de sa grand mère disparue à Auschwitz : « Jesten kobieta – Je suis une femme ». Après des années d’anamorphose d’Auschwitz, il semble possible de plus en plus de regarder en face, non pas tant le camp, que le visage sous le visage de Jeanne-Delphine Seyrig, Anna-Aurore Clément : la mère (grand-mère-fille), le film sous le film, la survie elle-même, le conatus féminin malgré le clinamen … De pouvoir enfin mi-dire la vérité (Akerman cite Lacan), « se rémémorer quelque chose qu’on n’a pas vécu ».De montrer derrière Lazare (sous Thanatos, lui résistant), Lesbos ?


« Les rendez-vous d’Anna » avec cette scène clé de son cinéma : la réunion dans le lit d’un hôtel, d’Aurore Clément ( la fille cinéaste ) et de Léa Massari ( la mère qui fut déportée )
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Le génocide du peuple juif, et « la chaîne des états de corps féminins » – hantent ces films à égalité … : au départ de l’œuvre, l’apothéose joyeuse de Je tu il elle contredit la noirceur bouffonne de Saute ma ville. Au fond de ce cinéma lazaréen, un noyau mère-fille incestueux et lesbien. Cette image sous l’image, désormais dedans, que je viens de décrire est littéralement leur intersection. L’anticipe évidemment en 1978, Les rendez-vous d’Anna, Léa Massari mère d’Anna et Anna Aurore Clément parlant cote à cote dans le même lit, d’un hôtel de Bruxelles (dans La captive, l’intrigue entre Ariane et Simon s’enroule autour du secret A l’ombre des jeunes filles en fleurs qui fascinait Rodin autant que Proust, l’incarne Lea Landowski- Carmen-Aurore Clément ; dans Un divan à New York devenue l’analyste de son analyste, Juliette Binoche révèle à William Hurt sa mère, etc) [31]. « C’est nous les cadavres, ne l’oublions pas » écrivait Jean Cayrol ; cette phrase, on pourrait la déchiffrer inversée chez Chantal Akerman depuis Les rendez-vous d’Anna : c’est nous les vivants [32]. Face à la ligne de mort (film sous le film), et loin de tout « féminisme », Chantal Akerman construit une ligne de vie (film sous le film), la chaine des femmes qui sont le lieu et la durée. Les trente films (trente six ans de travail souligne-t-elle) de Chantal Akerman poursuivent dans une durée hors temps et en tous lieux « les très grandes toiles de ma grand-mère, ce dont je me souviens c’est qu’il y avaient des femmes, des visages qui me voyaient a dit ma mère » (Autoportrait, 1996). Je songe à l’exergue de La vie mode d’emploi, empruntée par Georges Perec à Michel Strogoff (Jules Verne) : on ôte au héros du livre la vue au fer rouge devant sa mère (« toute sa vie était dans cette dernière vision »), le lecteur apprend plus tard que ses larmes l’ont sauvé : « Regarde de tous tes yeux regarde ». Je songe aussi aux yeux grands ouverts, étonnés, de Chantal Akerman…

Jean-Pierre Salgas
http;//jeanpierresalgas.fr

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(Toutes les citations de Chantal Akerman sont extraites de ses livres Autoportrait en cinéaste (Centre Georges Pompidou), Une famille à Bruxelles (L’arche) et des nombreux entretiens qu’elle n’a cessé de donner depuis 1975. En avril dernier les éditions Carlotta ont publié un coffret de cinq DVD : Chantal Akerman Les années 70, tous les films, de Saute ma ville aux Rendez-vous d’Anna. Parmi les « bonus », un lumineux entretien de la cinéaste avec sa mère Natalia, réalisé en 2006 dans la cuisine de cette dernière.)

par Jean-Marc Lalanne
Les Inockuptibles. Publié le 17 avril 2007. Mis à jour le 2 décembre 2022


Jeanne Dielman, 23 rue du commerce, 1080 Bruxelles=
ZOOM : cliquer l’image
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À l’occasion du sacre de “Jeanne Dielman” comme meilleur film de tous les temps par l’influent palmarès du magazine britannique “Sight and Sound”, “Les Inrockuptibles” vous propose de redécouvrir l’histoire du chef-d’œuvre de Chantal Akerman.

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“Une nuit, j’étais dans mon lit en train de somnoler et tout à coup, j’ai vu le film.” . C’est ainsi que Chantal Akerman raconte la genèse de Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles. Un flash foudroyant surgi à la bordure du somme, une forme qui se décante sur fond de relâchement de la conscience, une pure vision qui transperce la nuit : c’est tout cela Jeanne Dielman, un film proprement inimaginable, une œuvre tellement immense qu’elle excède tout autour d’elle (à commencer par l’œuvre à venir de son auteur, alors âgée de 25 ans, un peu comme La Maman et la Putain excède et se tient à côté du reste de la filmographie de Jean Eustache).

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Lorsqu’on demande à Chantal Akerman ce qu’elle a vu cette nuit-là, elle reste laconique : “Juste une serviette éponge posée sur un lit, des billets déposés dans une soupière… Mais ça a suffi pour que le film m’apparaisse.” Cette serviette et cette soupière contiennent la vie de Jeanne Dielman, une veuve entre deux âges, qui vit à Bruxelles, avec son fils de 17 ans. Le film décrit une cinquantaine d’heures du quotidien de cette femme, dont la vie s’organise comme un ballet mécanique de gestes domestiques. Jeanne Dielman fait la cuisine, met la table, sert son fils, dîne, débarrasse la table, fait la vaisselle, range la cuisine. Jeanne Dielman défait son lit, s’endort, refait son lit, se lave méthodiquement dans sa baignoire, s’habille, cire les chaussures de son fils. Et cela ad libitum, rien moins que trois heures vingt.

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“Elle tue le phallus”

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Il suffisait de filmer ses actions dans une durée proche du temps réel pour enregistrer quelque chose de jamais vu : une construction sociale (la femme au foyer) qui ne tolère aucune extériorité, une aliénation consentie qui, si on en dérègle les procédures, aboutit à une catastrophe. La vie de Jeanne Dielman, c’est donc l’ordinaire de beaucoup de femmes : tour à tour cuisinière, servante, femme de ménage. Mais aussi pute. Car entre la vaisselle et la cuisine, Jeanne Dielman reçoit des hommes à domicile et couche avec eux pour de l’argent, tâche qu’elle effectue avec le même soin robotique, la même précision désincarnée que toutes ses activités ménagères. Le film est fait de boucles, déroule le même imparable enchaînement de rituels répétitifs, jusqu’à ce que le plus inattendu advienne (elle jouit)…

Les Inrocks

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C’est la première fois qu’une réalisatrice se hisse au sommet du palmarès de Sight and Sound.
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PAR LOLA PIERRE
6 décembre 2022

Courtesy Everett Collection
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Véritable séisme dans le microcosme culturel, Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles, réalisé en 1975 par Chantal Akerman, a été sacré meilleur long-métrage de tous les temps. Établi par le British Film Institute (peu ou prou l’équivalent de la Cinémathèque française), le classement récompense, chaque décennie, les 100 meilleurs films de l’histoire. Sur les bancs des jurés ? Plus de 1600 critiques de cinéma, universitaires, distributeurs, écrivains, conservateurs, archivistes et programmeurs. Rien que cela.

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Des gestes récités comme une litanie subtile et entêtante

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Veuve depuis dix ans, Jeanne Dielman (Delphine Seyrig) est mère au foyer. Tous les jours, elle répète inlassablement les mêmes tâches : ménage, toilette, repas, vaisselle… Pour arrondir ses fins de mois, la ménagère reçoit des "clients", plus ou moins fringants, plus ou moins jeunes. Un jour pourtant - de manière insidieuse et cataclysmique - son schème répétitif se dérègle… Ici, l’essentiel jouxte le trivial. Dans cette oeuvre charnière, Chantal Akerman filme ce que le cinéma, d’ordinaire, répugne à figurer : les lois (immanentes et transcendantes) qui régissent nos sociétés contemporaines et les servitudes qui en découlent. Sur le plan métaphysique, la cinéaste dit l’imminence du chaos, qui menace toujours l’ordre immuable de la répétition.

C’est aussi intéressant de voir comment le confinement l’a révélé, même auprès de cinéphiles avancés. C’est un film d’intérieur, d’attention soutenue aux détails, de rituels quotidiens qui se détraquent, comme nous dans le premier confinement. Ce n’est pas seulement grâce au mouvement #Metoo.
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MAUDE TROTTIER, CRITIQUE DE CINÉMA ET COÉDITRICE DE LA REVUE HORS CHAMP. JEANNE DIELMAN

Rencontre d’un sujet et d’une forme inédits, Jeanne Dielman 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles n’est ni un manifeste féministe, ni un pamphlet sociologique comparable à Deux ou trois choses que je sais d’elle, de Godard. "Pour Chantal Akerman, il ne s’agit pas d’illustrer ou d’accompagner Jeanne, mais de la regarder en face, de montrer ses actions quotidiennes et la façon qu’elle a d’habiter l’espace" souligne Corinne Maury, maîtresse de conférences en esthétique du cinéma. Le regard dessillé de la cinéaste vivisecte, sans emphase ni pathos, le triste quotidien d’une quidam névrosée. Faire griller une escalope, peler des pommes de terre, se coiffer avec soin devant une glace… Une réalité prosaïque qui devient, subitement, digne d’être regardée.

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Hiérarchie secouée

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En 2012, lors de la dernière délibération de Sight and Sound, Chantal Akerman et Claire Denis (pour Beau travail) étaient les deux seules réalisatrices à figurer dans le classement du British Film Institute. Elles sont aujourd’hui neuf ; en tête de liste, après >b>Chantal Akerman : Agnès Varda (Cléo de 5 à 7 et Les Glaneurs et la Glaneuse), puis Maya Deren (Meshes of the Afternoon), Vera Chytilová (Les Petites Marguerites), Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu), Barbara Loden (Wanda), Jane Campion (Le Piano), et Julie Dash (Daughters of the Dust). Dix-neuf longs-métrages sont sortis du répertoire cette année, dont deux films de Renoir (La Grande Illusion et Partie de campagne) et Chinatown de Roman Polanski. Un verdict qui fracture l’intelligentsia cinématographique, mais qui a le mérite de faire briller Chantal Akerman, au-delà de Jeanne Dielman
Vogue


[1Wikipedia

[2Jacques Morice, Télérama, 06/10/2015

[3Jean-Michel Frodon, Slate.fr, 06.10.2015

[4Jean-Michel Frodon, Slate.fr, 06.10.2015,

[6En savoir plus sur lemonde.fr

[7Isabelle Regnier, Le Monde, 06.10.2015.

[8[[Isabelle Regnier, Le Monde, 06.10.2015.

[10Le Monde /cinéma, 07/10/2015.

[12Entretien avec Marianne Lambert, 6 août 2015cineastesdaujourdhui

[13Deux livres en un : Le frigidaire est vide, on peut le remplir ? ou « Cha par Cha », un « journal de l’écriture de ce livre » dans la ligne de son autoportrait filmé de 1996, un album de famille recomposée, vie et cinéma mêlés absolument et un passage en revue – inégal, parfois à côté – de tous ses films par des critiques complices ou des familiers

[14Entrant dans cette « nuit blanche » dit Cayrol, « nous entrions dans une féérie noire et nous portions en nous la seule réalité rayonnante : la réalité de nos rêves ». (une taxinomie des rêves explicitement référée au surréalisme soutient l’élaboration de ce romanesque lazaréen).

[15Les inrockuptibles (3-3-04). Dans tous ses entretiens, dans tous ses textes, Akerman ne cesse de dire ce rapport oblique aux « camps », de plus en plus à la « judéité » plus qu’à ce que nous nommons depuis 1985 (Claude Lanzmann) la Shoah ; exemple : « (…) ce n’est pas parce que l’anecdotique est « juif » que c’est juif. Dans Toute une nuit, on ne parle pas de juifs mais la structure éclatée est diasporique » (L’âne, 1982)

[16De ceux-là, « le plus vieux dans le grade le plus élevé » est sans nul doute Alain Resnais : Hiroshima mon amour, Muriel (avec Delphine Seyrig), L’année dernière à Marienbad (Seyrig de nouveau), venu ces dernières années à la BD et à la comédie musicale ( Cœurs est très « akermanien »). Gilles Deleuze écrit (préfaçant le -Cinéjournal de Serge Daney) : « Peut-être l’œuvre de Resnais est-elle la plus grande, la plus symptomatique à cet égard : c’est lui qui fait revenir des morts le cinéma (…) Resnais n’a qu’un sujet, corps ou acteur cinématographique, l’homme qui revient des morts ». Akerman, tout à fait autrement, n’en a pas d’autre, ou plutôt n’en a qu’un autre, les deux noués, selon des modalités que j’entends ici indiquer.

[17Victime au choix de la télévision (le visuel) ou de n’avoir pu faire obstacle au génocide. Son principal théoricien est Serge Daney. Au nom de cette fin, « J-LG », désormais étrangement identifié au cinéma en personne, se comporte, dans cette exposition Voyage(s) en utopie,1946-2006, à la recherche d’un théorème perdu, selon une logique de « jugement dernier », décernant bons et mauvais points aux images des autres cinéastes.

[18Et restaurée par le même devenu vieux très jeune … En revanche, comparaison possible de Chantal Akerman avec Atom Egoyan, qui tourne Ararat après le cycle qui va de -Next of kin à Calendar

[19Le monde (1976)

[20« Le film dit l’auteur sera une sorte d’enregistrement absolu d’un lieu sauvage » (tourné en 1968-1969). Lire le récit par Babette Mangolte de leur découverte du film douze heures durant dans Autoportrait en cinéaste : « Il ne s’agit que de regarder mais le regard ne peut être fixe et est entraîné par le mouvement sans merci de la caméra ». On retrouve des réminiscences de La région centrale dans De l’autre côté dans la manière de filmer le désert et la frontière mexicaine

[21Il était une fois Jean Cayrol
(1982)

[22http://jeanpierresalgas.fr/regarde-... [ On pourrait ajouter Patrick Modiano, de La place de l’étoile à Un pedigree. Via Lacombe Lucien (scénario d’un film de Louis Malle avec Aurore Clément)

[23A cela, Tadeusz Kantor le polonais pourrait avoir donné sa formule : « j’entretiens avec la mort des rapports purement formels »

[24On sait qu’une célèbre plaisanterie juive et-ou belge (au choix) veut qu’à coté des flamands et des wallons, les seuls vrais « belges » soient les juifs

[25Qu’on peut lire dans l’ouvrage coordonné par Jacqueline Aubenas sur Chantal Akerman (Ateliers des arts, 1982)

[26Libération, 9-2-1976

[27Seul Louis Marcorelles donc Le monde prend la mesure formelle de ce Nouveau Cinéma qu’il compare au Nouveau Roman

[28Je renvoie à son texte sur ce projet, toujours dans Ateliers des arts (1982)

[29Lire Robert Antelme et la vérité de la littérature publié par Perec avant Perec dans Partisans in LG, une aventure des années 60

[30« La page Le lit La chambre L’appartement La rue Le quartier La ville La campagne Le pays L’Europe Le monde L’espace ». A ce propos, Jean Cayrol de son côté avait publié en 1968, un étonnant De l’espace humain

[31C’est peut-être Gilles Deleuze, après Jacqueline Aubenas, qui dans L’image-temps a vu le mieux, non pas tant Lazare, mais l’autre aspect de cinéma de Chantal Akerman, le lien incestueux mère-fille. Montrant que la question des femmes n’y implique pas un « féminisme militant » mais un « cinéma des corps »

[32Lors de la sortie de Demain on déménage, commentant la différence entre la joie de la mère et la mélancolie de la fille, elle parle de « cette incroyable allégresse qui anime les gens ayant survécu à l’Holocauste » (…) « ceux qui ont connu les camps ont connu un autre chose avant, un monde sans camps, ceux qui sont nés après n’ont pas connu de monde sans camp » Les Inrockuptibles (3-3-04)

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3 Messages

  • Viktor Kirtov | 14 février 2018 - 09:21 1

    Ci-après, lien sur la page calendrier des projections Chantal AKERMAN à la Cinémathèque. Tous les jours des projections jusqu’à la fin février :
    http://www.cinematheque.fr/calendrier.html )
    Ainsi, pour les jours à venir :

    MERCREDI 14 FEV 21H30 : « Golden Eighties »
    JEUDI 15 FEV 16H30 : « Letters Home » / 19H30 : « Là-bas » / 21H15 « D’Est » présenté par Claire Atherton.
    VENDREDI 16 FEV 17H15 : Courts métrages, programme 4 : Etats du monde / 19H30 : « Un divan à New York » / 21H30 « Demain on déménage »
    SAMEDI 17 FEV 15H00 : Courts métrages, programme 5 : Sonia et autres artistes / 17H00 : Courts métrages, programme 1 : Intérieurs / 19H30 : « Un jour Pina a demandé » / 19H30 : « Portrait d’une jeune fille de la fin des années 60 à Bruxelles »
    DIMANCHE 18 FEV 14H30 : « Jeanne Dielman… » / 18H30 : « L’Homme à la valise » / 20H00 : « Sud » /21H45 : « No Home Movie » Son dernier film (2015) Sur sa mère, juste avant le décès de celle-ci en 1984. Elle ne s’en remettra pas.
    etc.
    Signalons aussi :
    DIMANCHE 25 FEV 17H45 : « Autour de Jeanne Dielman », le montage, en 2004, des rushes de Sami Frey pendant le tournage de « Jeanne Dielman » (1975). Un film sur le film en train de se faire.
    LUNDI 26 FEV 19H00 : « Les rendez-vous d’Anna ». Dialogue avec Aurore Clément, au générique du film.
    MERCREDI 28 FEV 19H00 : « La Captive », déjà signalé par AG. Film librement inspiré du roman « La Prisonnière » de Marcel Proust, avec comme interprète Sylvie Testud.


  • Albert Gauvin | 13 février 2018 - 18:51 2

    Dernières publications (radiophoniques) sur Chantal Akerman. Les nuits de France Culture.


  • Albert Gauvin | 12 février 2018 - 22:11 3

    Le 28 février à 19h, projection de La captive. C’est l’adaptation libre de La Prisonnière de Marcel Proust. Chantal Akerman en parlait en 2000 (cf. entretien avec Frédéric Bonnaud) et, en 2013, elle était invitée par Antoine Compagnon au Collège de France (cf. Une jeune cinéaste lit Proust).