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Daniel Sibony — Question d’être - Entre Bible et Heidegger

Actualités

D 19 février 2016     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Le livre


Avoir une place, de l’argent, du pouvoir, une belle image : on peut ramener tous nos problèmes à des questions d’avoir. Tout sauf l’essentiel, qui est plutôt une question d’être.
Mais qu’est-ce que l’être ? L’infini des possibles ? La force qui nous fait exister ? Les Grecs anciens y ont beaucoup pensé, et, au XXe siècle, Heidegger en a fait le centre de son œuvre.
Et pourtant. C’est d’abord dans la Bible hébraïque, nous révèle Daniel Sibony, qu’on trouve une pensée de l’être, sous forme non pas de concepts, mais d’histoires et de lois. Une pensée qui fut recouverte par les religions et qui, paradoxalement, inclut pour une large part celle de Heidegger, sans le repli narcissique et autoréférentiel qui la caractérise.
Telle est la double révélation qu’apporte ce livre, en montrant la voie d’une pensée de l’être vivante, capable de nous inspirer lorsque, loin des identités définies, nous n’avons pour appui que notre désir d’exister.

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Entretiens

RCJ, le 11 janvier 2016.
Jonathan Siksou reçoit Daniel Sibony, philosophe, écrivain et psychanalyste, il publie « Question d’être Entre Bible et Heidegger », aux éditions Odile Jacob.


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Daniel Sibony  :
«  Heidegger ­est sans cesse ventriloqué par la pensée biblique  »

Psychanalyste et écrivain, auteur d’une quarantaine d’ouvrages, Daniel Sibony met en lumière, dans son livre Questions d’être. Entre Bible et Heidegger (Odile Jacob, 286 p., 24,90 €), proximités et différences entre la « pensée de l’être » à l’œuvre dans la Bible hébraïque et celle que développe Heidegger. Quels sont les traits de celle-ci dans le texte biblique ? Le penseur allemand, qui l’attribue aux Grecs, l’a-t-il empruntée aux Hébreux, ou retrouvée par hasard ? Comment s’articulent l’antisémitisme de Heidegger et sa possible parenté avec la pensée juive ? Telles sont les principales questions que soulève cette recherche. Daniel Sibony livre quelques pistes de réflexion.

Qu’est-ce qui permet d’affirmer que la Bible hébraïque contient une pensée de l’être ?

C’est la langue elle-même. L’hébreu de la Bible parle constamment du divin comme de « ce qui est, qui sera et qui fait être ». Les religieux en ont fait le « Dieu » de la religion, mais c’est d’abord de l’être que parle ce tétragramme, YHVH, qui désigne le divin. Il ne s’agit pas d’un « Etre suprême », mais plutôt d’une « fonction d’être », qui porte et traverse tout ce-qui-est. Ainsi, dans la Genèse, nos traductions disent : « Que la lumière soit ! », « Et la lumière fut », mais en hébreu, ce « soit » et ce « fut » se disent de la même façon et sont une même partie du nom de l’être YHVH. Donc tout événement se relie à l’être, ce qui ouvre un champ immense. Cette pensée de l’être ne travaille pas par concepts. Elle se perçoit à travers des faits, des récits, des histoires, des lois, Elle est plus proche de notre expérience existentielle, faite de secousses et de ruptures qui nous don­nent plus ou moins d’être. Chez les Grecs, l’être semble une présence constante, objet d’une contemplation théori­que. Ici, l’être est un potentiel de mémoires ; une dynamique d’appels et de rappels créatrice de devenir, portée par un travail de la lettre, un travail de « littérature ».

Malgré sa référence constante aux Grecs, et un silence presque parfait sur la Bible, Heidegger vous paraît-il proche de cette pensée ?

Heidegger est ventriloqué par cette pensée de l’être biblique. Je montre un nombre sidérant de résonances, voire de parfaites coïncidences. Quand il parle du « quadriparti » (« Geviert ») qui relie humains et divins, terre et ciel, je pense au tétragramme qui opère cette même alliance sous tant de formes : arc­-en-ciel après le « déluge » rappels de vie après la ruine, arche de l’Alliance porteuse de loi, etc. L’enjeu étant de faire de ce lien une sorte de « passation d’être » ; le don d’un « plus-d’être » qui résonne avec l’amour.
Quand Heidegger reproche à la « technique » d’oublier l’acte essentiel de faire venir à l’existence, il rejoint au mot près la pensée juive où produire c’est « faire venir », dans un double travail de l’être et de la matière, etc. Bien sûr, pour des raisons d’identité, il n’allait pas annon­cer aux Allemands des années 1920 et 1930 qu’il se rattachait aux Hébreux. Il choisit de paraître dériver toute sa pensée des Grecs, alors même qu’il ne cesse de rejouer, de façon étonnante, ce que déploie le Livre hébreu.

S’agit-il, selon vous, d’un emprunt direct ou d’une réinvention ?

Je laisse ouvertes les deux hypothèses, l’important est ailleurs : Heidegger a « oublié » qu’il énonçait de l’hébreu. Inconsciemment, il recouvre cet héritage pour le faire disparaître et le remplacer. C’est ce que j’ai introduit, en 1992, dans Les Trois Monothéismes, comme étant le « complexe du second pre­mier » : quand le second, au lieu d’assumer une transmission, veut d’abord avoir été le premier. Plus qu’une querelle de préséance, c’est la rage contre l’entame narcissique que représente un précédent ; c’est pour cela qu’on ne l’aime pas. Christianisme ou islam pro­cèdent des juifs mais veulent parfois avoir été avant les juifs ; ça leur passera.
Heidegger refait le même geste, mais de manière a-religieuse ; ou plutôt dans une religion narcissique, autoréférée. C’est là que je situe son voeu de néant pour les juifs, et son échec, en tant que professeur d’être, à penser « l’Evénement d’être » écrasant des années 1930 et 1940. Il parle de l’accomplissement et de l’authentique, mais la pensée de l’être biblique est inachevée, inaccomplie, d’où son mouvement. Car on ne peut pas penser l’être tout seul. On ne le pense qu’en acte ; avec d’autres et contre d’autres. Il n’y a pas de rapport à l’être sans rapport à l’autre, et inversement, ceux qui parlent de l’autre et oublient l’être manquent l’essentiel. Une notion biblique cruciale, « se tenir face à l’être », inclut et dépasse le face-à-face agressif ou oblatif avec l’autre.

Quel usage de Heidegger, selon vous, reste possible ?

Des jeunes lisent Heidegger et découvrent une pensée de l’être. Au lieu de leur dire « Arrêtez cette lecture, c’était un salaud », je leur montre comment elle dérive de la texture biblique, sur quelles limites elle bute, et pourquoi l’autoréférence l’empêche de voir l’être comme transmission où nous sommes impliqués, qu’on l’assume ou qu’on l’élude. Dans la vie, nous trébuchons sur des événements, mais nous revenons, avec et contre les autres, vers l’infini des possibles. Si vous prenez ce qui vous arrive pour le dernier mot, c’est le désespoir, et le désespoir est prétentieux, car l’être, vous concernant, n’a jamais dit son dernier mot.

Propos recueillis par Roger-Pol Droit, Le Monde du 19 février 2016 [1].

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Extraits

L’être se donne dans la parole

Quant au propos de Heidegger : « l’être ne se donne que dans la parole », il est au principe même du Livre [2]. « Il a parlé et ce fut », disent les Psaumes, ou encore : « Par la parole de l’être, les cieux se sont faits. » Les cieux, c’est l’entre-deux-limites, l’entre-deux étant la pince par laquelle un fragment d’être est saisi [3], l’enjambement, le pas de l’être au-dessus de la faille qu’il comporte.
« Il a parlé » et « ce fut » sont moins un signe de toute-puissance, comme le veut la religion, qu’une mise en acte de la fonction d’être, celle de faire être, que le poète conjugue avec la parole : l’être se manifeste par le fait d’être parlant, même en silence, ou avec des signes qui attendent qu’on les déchiffre pour nous parler. A fortiori, la parole est une secousse parlante de l’être : « Par la parole de l’être les cieux se sont faits » signifie que l’être se fait parlant, et les cieux, c’est-à-dire l’entre-deux-limites, apparaît ; et, avec eux, la limite qui se joue dans l’ensemble des limites. Cet écart entre en action comme accrochage possible à d’autres paroles. En termes religieux, ce sont les paroles qu’on adresse au ciel, c’est-dire aux états-limites de l’être humain, états que l’on essaie de faire parler autrement.

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Voir la parole

Heidegger évoque Platon pour dire que l’être « n’est accessible que dans un voir [...], un regard qui considère non pas le changeant mais l’immuable, l’être, l’idéa [4] ». Ce voir de la pensée est au cœur du mot Torah [5], qui signifie : ce qui se voit, se montre, se donne à voir, dans une vue ou une vision qui vise l’être parlant en tant qu’ouvert au dit et au non-dit, à ce qui se voit et ce qui s’entend ; les deux étant intriqués : lors du don de la Torah, il est dit que tout le peuple « voyait » les voix et les éclairs, et la voix du shofar qui devenait toujours plus forte [6]. À vrai dire, même dans la transmission de loi d’un parent à ses enfants, il faut « voir » la voix, et pas seulement l’entendre, voir comment elle s’accorde ou non avec le corps dont elle émane. Ceci n’est donc un mythe qu’en apparence ; c’est plutôt ce que j’appelle un montage de parlécrit, un croisement récurrent de la parole et de l’écrit — où l’on pose que l’appel d’être est visible, que l’être peut faire voir l’appel de sa parole [7]. Cet à-voir (appelé Torah) est le travail où se transmet l’appel qui fonde cette parole, qui signifie que c’est à voir, que c’est à dire ou à réécrire. Elle est la mise au travail de sa propre transmission, invariante et contingente, relevant de l’être et de l’étant, qui font voir et revoir leurs rapports ou leurs modes de présence. C’est à ré-interpréter. L’être-temps est en état de transmission incessante, et l’immuable platonicien en est un cas particulier. De même, la pensée de l’être chez Heidegger semble une saisie photographique assez exacte d’un temps de cette transmission d’être, une saisie en plusieurs clichés, comme des photos signifiantes extraites d’un grand film.
Allons plus loin : la parole est d’abord une mise en lumière de l’être (Heidegger). Elle l’est puisque c’est une façon de le faire apparaître. Les exemples en sont fréquents. Quand dans la Genèse, la Création se déclenche, il est dit :« Que la lumière soit et la lumière fut », ce qui s’écrit littéralement : « YHVH-la-lumière » (vayhy or) ; autrement dit : l’« être­ temps-lumière », l’« être lumineux », la « lumière d’être comme événement de l’être-temps ». Cela s’entend en hébreu car c’est le même signifiant : soit et fut (yéhi, va-yéhi), tous deux sont des fragments de l’être-temps (YHVH).
L’être-temps s’illumine, donc apparaît, s’apparaît à lui-même, s’ap­pareille de lumière. L’apparition se réfléchit sur l’être, qui voit alors que c’est bien. À cet instant, « c’est visible » équivaut à « c’est bien ». Voir, c’est saisir (ou être saisi par) une lumière. À la limite, on peut traduire ce complexe par « l’être se dit : voyons » ou « soyons visible », ou « rendons la Chose voyante », et après coup, il apparaît que « c’est bien ».
Or un concept majeur de Heidegger c’est la Lichtung, l’« éclaircie » [8]. Ce concept reste en deçà de l’idée de l’être comme lumière et apparition, telle qu’elle fonctionne dans le Livre où, mis à part la Création, on passe souvent par l’énoncé que l’être (YHVH) est de feu, un feu qui brûle sans se consumer ; c’est ce que symbolise le buisson ardent, un des lieux du dévoilement, ou de l’éclairement par le feu de l’être. Lequel est aussi le feu de la vie, dont le corps est le symbole : un feu biochimique com­plexe y brûle sans se consumer et y maintient la vie. Quant à connaître ses éclairs, ses coups de foudre, ses brûlures, cela exige un savoir aussi ramifié que l’arbre de vie lui-même, virtuellement infini. Et justement, la lumière en forme de feu se retrouve dans les lettres de l’écriture, à commencer par celles qui nomment le couple homme-femme :les quatre lettres qui inscrivent ce couple composent le mot feu de l’être (ésh YaH).
En tout cas, l’idée que l’être-temps apparaît, et que sa parole — évé­nement ou appel d’être — éclaire, est une ritournelle du Livre. Un vœu étrange que Moïse adresse à l’être, c’est : « Montre-moi tes voies ou tes faces. » Pour dire « sois éclairé » à un homme, le Texte peut dire :« Que l’être éclaire sa face vers toi. » Si l’être s’éclaire pour moi, je suis éclairé, à charge pour moi de confronter cette lumière d’être aux ténèbres où je suis. Si l’être est parlant pour moi, je suis atteint par cette parlance, à charge pour moi de la dire ou d’en répondre. Si dans le langage, l’être est dévoilement, celui auquel il se dévoile est impliqué — à lui de maintenir l’ouverture d’être ou de la refermer sur ses symptômes ou ses fantasmes originels. Là encore, la question de Moïse métaphorise celle du Dasein ou plutôt du me-voici : « Me voici » face à l’infini du possible, par quoi puis-je être éclairé ? Qu’est-ce qu’il m’est urgent de dévoiler ou d’essayer ? Et la réponse que reçoit Moïse (tu ne verras que mes arrières, ma face ne peut pas être vue...) concerne tout un chacun : suis-je condamné à ne connaître qu’après coup ce qui me touche de plus près, à savoir mon rapport au possible ? Mon rapport aux limites qui me portent et m’excèdent ?

Daniel Sibony, Question d’être, p. 34-35 et 37-39.

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Transmission

La texture biblique met en scène la transmission de l’être aux étants, dans le fait qu’il est parlant. Mieux, du point de vue de cette texture, l’être est identique à sa propre transmission, incluant donc failles et cassures, ruine et recréation.
Heidegger, à sa façon, assume la parole de l’être pour son seul compte, ne tenant sa loi ou sa nécessité que de sa pensée de cette nécessité. Et l’on comprend que lorsqu’il voit dans la réalité se croiser sa pensée de l’assomption originaire de l’être et l’assomption par son peuple de son destin, le traumatisme — sans doute jouissant — fut tel qu’il n’a pas regardé plus loin, ni questionné ce qu’il voyait.
Accomplissement serait plus exact qu’assomption, mais en un sens ils s’équivalent. Encore moins a-t-il scruté le projet d’effacer l’autre dont l’existence contesterait cette assomption. Son adhésion nazie fut en quelque sorte son moment idolâtre, comme le peuple juif en a eu un, peu après avoir reçu la Loi de l’être. Ce peuple s’est rabattu sur l’idole lorsqu’il n’a plus vu son chef, Moïse, et Heidegger s’est collé à l’idole sous la forme de son Guide promettant d’assumer le tout. Avec cette simple équivoque que là où le penseur entrevoit d’assumer l’être, son Guide promet d’assumer l’être du peuple allemand comme totalisation de l’être.
Cette adhésion, même brève, est la plus grande claque théorique qu’on puisse donner à la thèse selon laquelle ce qui a manqué aux acteurs nazis, petits ou grands, ou aux complices silencieux, c’était de penser. On a là un penseur à temps plein qui pense l’être en des termes souvent justes, et qui s’engage toujours plus loin — « plus proprement » — dans l’exigence de cette pensée. Ce faisant, il donne plus qu’une leçon involontaire de modestie, du genre : aussi loin que vous pensiez, vous n’êtes pas à l’abri de l’erreur fatale. Il « prouve » qu’on ne peut pas penser l’être et le rap­port à l’être sans être dans la transmission de ce rapport, dans l’épreuve où alternent sa perdition et son éclat.
De sorte que ce qui manque à sa pensée de l’être, ce n’est pas formel­lement la prise en compte de l’autre : il est capable de montrer qu’il y a de l’autre dans sa pensée, et de l’amour possible [9]. Il lui manque l’autre réel avec qui non seulement la partager, mais la retourner contre elle­ même et peut-être contre soi dans l’acte de la transmettre. Il lui manque l’épreuve de la transmission où la parole se mesure aux corps rétifs au long des générations. C’est cette gageure que soutient l’ontologie biblique (dans laquelle la sienne est comprise) : elle porte une pensée de l’être qui se transmet en dissension avec elle-même et en constante fidélité, toujours reprise et renouvelée à travers les trahisons et les rejets ; fidélité incarnée par l’existence d’un petit peuple qui, en toute connaissance ou ignorance, maintient cette transmission comme possibilité vivante parce qu’il n’a pas d’autre choix pour exister ; c’est ça ou disparaître. Cette posture limite lui permet de traverser tous les défis totalisants, y compris venant de lui­ même, a fortiori du dehors, de ceux qui ont tenté de l’effacer.
La non-pensée de Heidegger sur la transmission [10] l’a amené à être « saisi », comme sans défense, par l’identité déferlante — le nazisme — sans trop se questionner sur ce qui s’y transmettait. Or, quand il s’est repris, il n’a pas plus questionné ce qui l’avait emporté. Il a tout rangé sous le signe de la technique planétaire, concept qu’il croyait porteur d’une vérité ultime, en quoi il poursuivait sa non-pensée de la transmission. Car nous verrons que, même au plan de la technique, c’est l’effet de transmission qui donne une chance de subvertir l’enfermement. C’est dans sa transmis­sion à travers des champs signifiants que la technique peut se retourner contre elle-même et rencontrer ses propres failles, de façon plus ou moins féconde, en préservant aussi bien la création que l’aliénation, le rapport à l’être que la réduction au cadre.
En fait, Heidegger s’est lui-même critiqué à son insu par son mode d’être, par la façon dont il a été, qui lui a sans doute échappé. De même qu’il a mis en pratique à son insu cette pensée manquante, puisqu’il a voulu se rattacher à son peuple en marche pour accomplir, croyait-il, cet appel d’être originaire. Il a donc, sciemment ou non, joué la carte de la transmission sans voir que celle-là était perdante. Les Hébreux eux le savaient et le disaient, au risque d’être fustigés comme ayant déchu par d’autres, par ceux qui ne déchoient jamais. En tout cas, c’est peut-être cette méconnaissance que Heidegger a transmise, à son insu, comme son savoir le plus précieux. Et c’est ce qui peut, non pas le condamner ou l’absoudre, mais simplement l’humaniser ; comme les Hébreux dans le désert déchoient, se ressaisissent, puis déchoient à nouveau — comme dans la vie. C’est ce qui fait de leur Livre une pensée de l’être en acte, qui se déploie en repères existentiels.
Heidegger a cherché à rompre l’autoréférence en se rattachant à son peuple en état de trans-mission (et même de transe) intensive de l’Origine. Or cette transmission était elle-même autoréférée, totalement identitaire, d’autant plus vouée à la ruine qu’elle était plus violente [11]. S’il avait eu devant lui, non pas une flambée populaire nationale-socialiste, mais une révolution socialiste qui aurait mis — et qui a mis — bien plus de temps à s’effondrer, on l’aurait adulé comme penseur de la libération, de la justice. Ce ne fut pas le cas ; il a fait le mauvais choix. L’histoire et l’autoréférence l’ont privé d’une pensée de la transmission. Ces aléas du destin, on les retrouve dans l’histoire du peuple hébreu telle que la Bible la travaille. S’il y avait eu, après le don de la Loi, un de ces épisodes superbes comme la lutte contre Amalek, où la victoire est donnée quand les mains de Moïse s’élèvent, c’eût été plus beau, mais il y a eu le Veau d’or, c’est plus humain et moins exaltant. Il y a eu les deux épisodes, qu’importe si l’un précède l’autre. Dans la vie, est-il si important d’avoir d’abord le bonheur puis le malheur ou l’inverse ? De toute façon, les deux arrivent, et parfois en même temps. Ce qui distingue les êtres bénis ou inspirés, c’est de tenir la tension entre les deux pôles, plutôt que de s’enliser dans l’un puis dans l’autre, pris chacun comme seule issue, et d’inventer ensuite des rapports de causalité pour que cela semble plus rationnel ou « mieux compris ».
Les Hébreux non seulement reconnaissent la chute, mais ils l’écrivent, l’intègrent à leur texture et à leurs gestes, à travers cette phrase fulgurante de Moïse : si leur manquement n’est pas porté ou supporté par l’être, alors, que je sois effacé du Livre ; autrement dit, sans la faille endurée, les possibles de l’être ne valent pas d’être écrits. Car ce sont les deux pôles, chute et reprise, faute et retour, dont les effets se croisent, se recoupent et symbolisent des temps plus forts de la vie.
Sur un point, Heidegger frôle la question de la transmission, c’est son analyse de la cruche. Il la frôle sur un mode un peu fruste : la cruche peut « prendre ce qui est versé et retenir ce qu’elle reçoit, remplissement qui suppose à son tour l’acte de verser, le versement (Geschenck) ». Ce va-et-vient fait peu de place à l’inconnu, bien qu’on évoque la libation, le breuvage « offert aux dieux immortels ». Dans ce « versement, les divins à leur manière demeurent présents, ils reçoivent en retour [...] le don qu’ils avaient fait du versement ». La cruche, comme objet de passage qui reçoit et qui donne, serait l’image d’une transmission qui ne crée pas quand elle transmet, contrairement aux humains qui donnent autre chose en rendant ce qu’ils ont reçu. On s’étonne qu’il n’ait pas pensé ce même rapport dans un lien transmissif plus vivant, comme maître-disciple, ou mère-fille, ou père-fils, qui implique du transfert et du trans-faire, du tiers et de l’après-coup. Au lieu de quoi, il s’élève très vite vers son fameux « quadriparti » (terre et ciel, mortels et immortels).
Dans le Livre, il y a bien des sacrifices et libations, pour expier les ratages, c’est-à-dire les prétentions de certitude, il y a de la cruche où l’on verse et on reverse..., mais la transmission met à l’œuvre l’incomplétude de façon plus productive : en l’occurrence, l’eau de la cruche n’est autre que la Torah, et tout ce qui, dans la parole de l’être, se montre à ceux qui l’interprètent et ainsi les abreuve. C’est aussi le sens du « connais YHVH et travaille-le ». Faute de tout connaître, l’homme se transmet d’âge en âge l’exigence de mieux faire voir ce qui est apparu ; c’est ainsi que l’inconnu donne toute sa mesure dans ce travail [12] Le manque d’eau se transforme en profusion, à l’image de Moïse frappant le rocher pour qu’il « donne » l’eau, et plus tard frappant au lieu de parler au même rocher, pour qu’il donne encore plus. Cette transmission, sous le signe de l’être, fait que le verse­ment est plus riche que l’offrande de la cruche — ou même d’un animal.
L’idée est assez simple : Heidegger, dans son mode d’être (et parfois sa flambée) narcissique, s’est voulu l’accomplissement de la pensée de l’être, accomplissement qu’il a pensé, lors d’une brève période sous le nazisme, comme celui du peuple allemand, privilégié par sa langue intrinsèquement philosophique, seule capable de relayer l’héritage grec. Ce faisant, il a raté l’essentiel de la pensée de l’être, à savoir que ce qui importe le plus, ce n’est pas seulement l’être en tant qu’origine de l’étant (ou en tant qu’il fait être tout ce qui est), mais c’est l’être en état de transmission, c’est la passation d’être, l’événement d’être qui se transmet ou pas. C’est justement cet aspect qu’a retenu le montage biblique : l’être en tant que transmission d’être, au fil de la lettre. C’est plus conforme à l’existence de la faille ontologique, qui fait que l’étant est non identique à lui-même, décalé, entre ce qu’il croit être et ce qu’il peut être. Cette forme vécue de la faille, l’étant parlant ne peut que la transmettre ; et s’il refuse, il transmet son refus. La trans­mission comme pseudo-réparation de la faille ontologique, car toujours provisoire, conquiert chaque fois — ou révèle — un petit reste qui fait trace et qui s’inscrit. Comme par hasard, le mode d’être constamment dénoncé dans la Bible, c’est le modèle narcissique, comme forme de l’idolâtrie. Plutôt qu’une faute morale, cette dénonciation pointe une erreur ontologique : l’étant ne peut pas lui-même combler sa faille par un supplément de pensée, de certitude, de vérité. Il ne peut que trans­mettre la faille, et donc il le doit, avec aussi toutes les richesses dont on cherche à la combler, en vain. Dire qu’il le doit, c’est dire qu’il doit au moins le reconnaître. Heidegger aurait-il pu reconnaître la transmission du Livre qui le traversait ? La valeur de sa pensée tient à cette traversée, et ses impasses parfois tragiques tiennent à cette méconnaissance.

Daniel Sibony, Question d’être, p. 74-78.

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Coupure de presse

Psychanalyse

Daniel Sibony, Question d’être. Entre Bible et Heidegger

Même si « dire à certains philosophes que la Bible transmet une pensée de l’être, c’est les mettre en difficulté », force est de reconnaître que Daniel Sibony, dans Question d’être, revêt davantage les habits du philosophe que ceux du psychanalyste qu’il est. Son analyse confronte en effet au texte biblique ce que Heidegger, qui en situait la source majeure chez les présocratiques grecs, a pu apporter sur la pensée de l’être. « Notre idée est que la pensée de l’être de Heidegger reprend, pour l’essentiel, celle qu’il y a dans le Livre hébreu », et qui se présente moins sous forme de concepts que d’« histoires et de lois ». Du coup, cela risque de paraître « scandaleux » ou « paradoxal », aux yeux des heideggeriens comme des anti-heideggeriens, que d’affirmer que la pensée de l’auteur de Etre et Temps « se dit en hébreu dans la Bible, offerte à qui veut la lire et l’entendre (même si pour beaucoup cela reste "de l’hébreu", soit ce qu’ils n’"entendent pas", qui restera toujours pour eux comme un appel à déchiffrer) ».

Robert Maggiori, Libération du 14 février 2016.

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Entre la Bible et Heidegger — Une idée du partage

Cours n° 2/8 — 19-11-15 (84 min)

La vidéo

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Daniel Sibony est psychanalyste et écrivain ; l’arabe est sa langue maternelle et il connaît aussi bien le Coran que la Bible et le Talmud.
Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages dont Islam, phobie, culpabilité, De l’identité à l’existence, Don de soi ou Partage de soi, Lectures bibliques. Voir Editions Odile Jacob.

Le site de Daniel Sibony.

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Etre et Temps

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Après le 13 novembre

Dans Notre mal vient de plus loin [13], Alain Badiou tente de « penser les tueries du 13 novembre 2015 » dans lesquelles il voit le geste désespéré de « nihilistes fascistes ». On dira qu’il s’agit là, sans détour, d’appeler un chat un chat. Mais pour Badiou, ce fascisme est « une subjectivité réactive », « la subjectivité populaire générée et suscitée par le capitalisme » au stade de la mondialisation (p. 45). Et Badiou écrit aussi : « ce fascisme est le revers d’un désir d’Occident frustré, organisé plus ou moins militairement sur le modèle flexible de la bande maffieuse et avec des colorations idéologiques variables où la religion tient une place purement formelle. » (p. 47. Je souligne) Ou encore : « C’est la fascisation qui islamise, et non l’islam qui fascise » (p. 48). Badiou ne fait là que reprendre ce qu’il avait déjà exprimé dans Le rouge et le tricolore après les attentats de janvier 2015 [14]. Les choses sont-elles si simples ? On comprend très vite que la critique véritable porte d’abord sur cet Occident capitaliste, cause première, ultime et quasi unique de toutes les frustrations, et que toute critique de l’islamisme et de l’islam, revendiqués pourtant par les « jeunes tueurs » (qui ne sont pas tous issus des classes paupérisées, et effectivement discriminées, des banlieues), et des pays où, sous différentes formes, parfois concurrentielles, ils imposent leur joug, s’avère secondaire (voire impossible). Pourtant, n’est-ce pas aussi sur ce terrain idéologique qu’il faut mener « la guerre » de manière fine et argumentée sans céder aux pulsions islamophobes ou, inversement, au chantage à l’« islamophobie » auxquels certaines forces politiques voudraient nous contraindre au nom de slogans « républicains » dont on ne voit que trop qu’ils produisent, et aggravent même, les effets qu’ils prétendent combattre ?
Il semble utile de réécouter ce que disait récemment le psychanalyste Daniel Sibony sur :

1. La fausse culpabilité de l’Europe face à l’islam


2. La culpabilité occidentale face à l’Islam


3. L’islam et l’Occident

Répliques, 30 octobre 2015

Avec Daniel Sibony et Tareq Oubrou : Imam, recteur de la grande mosquée de Bordeaux.


4. « L’islam est d’essence violente »

Interview réalisée avec le journaliste R. Honigmann à la suite des attentats du 13 novembre.

Plus d’infos ici

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Le Grand Malentendu : Islam, Israël, Occident

Daniel Sibony est de passage à Tel-Aviv lorsque les fusées attaquent la ville. Il livre ici ses impressions et ses pensées. Les roquettes lui rappellent, en plus violent, les pierres qu’il recevait enfant, à Marrakech, dans la médina. Il retrouve sa sérénité d’alors, cette force où l’on a en soi, presque en même temps, la détresse et la joie de vivre, et où l’on peut se sentir attaqué sans être détruit. D’ailleurs, non loin de là, une institutrice a innové ; lors des alertes, elle fait entonner aux enfants des chansons nouvelles : « J’ai peur, j’ai peur, mon cœur fait boum-boum, on doit courir aux abris. »

Cette chronique écrite au cœur du conflit s’accompagne de réflexions inédites sur le djihad, les rapports entre l’islam et l’Occident, le conflit du Proche-Orient. La solution que Daniel Sibony propose se formule comme un paradoxe : la paix ne viendra que de la paix. Ce qui seul pourra affronter le grand malentendu.

« Dans ce nouveau livre, je montre comment la cause palestinienne, du fait d’être prise en charge par le djihad, est menée vers une attente infinie, une forme d’impasse totale. »


LIRE : Sibony et les disculpateurs professionnels.

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Islam, phobie, culpabilité

Le problème entre l’islam et les autres n’est-il pas surtout aggravé par l’interdit d’en parler ? Par la censure dont on le couvre et par la façon étrange dont l’Occident le gère, en l’intégrant à une éthique de la faute, qui est ici analysée comme un symptôme majeur : la culpabilité perverse ?

Il s’ensuit, selon Daniel Sibony, une phobie qui a en fait très peu à voir avec l’islam. Lequel, comme tant d’autres formations religieuses et culturelles, a ses problèmes, que les hommes réels tentent de résoudre comme ils peuvent, y compris par des essais de révolution.

Sans doute fallait-il un auteur, dont la langue maternelle est l’arabe, pouvant lire le Coran dans le texte, arrivé en France à 13 ans, connaissant la Bible en hébreu, ayant vécu les problèmes de l’immigration et ayant fait des recherches sur les trois monothéismes et sur le conflit du Proche-Orient pour tenter de formuler de façon neuve et bienveillante ce qui lui semble être le problème majeur entre l’islam et le monde occidental.

EXTRAITS DU LIVRE pdf


Note rédigée le 28 janvier 2016, complétée le 13 mars 2017.

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De grands auteurs "nuls" en islamisme

Face à l’islamisme violent, des auteurs ignorants de l’islam mais sûrs du schéma qu’ils ont en tête, n’aident pas les gens à comprendre la réalité. Ils la remplacent par celle qu’ils décrivent, avec leurs concepts, leurs repères, qui leur donnent un vrai confort, mais qui n’éclairent rien. Ainsi M. Rosanvallon, nous dit (sur France Culture) que si des parents retirent les enfants d’une classe où il y a trop de musulmans, c’est « à cause des préjugés ». Je sais par de nombreux témoignages que c’est à cause des agressions, et du fait que l’école dit qu’elle ne garantit pas leur sécurité. C’est donc à cause d’un constat et non d’un préjugé. Si cet homme avait eu ses enfants dans de telles classes, et s’il avait été juif, il aurait fait la même chose. Mais ces auteurs honorables n’entrent pas dans le détail de ce qu’apprennent ces jeunes, dans leur culture islamique, sur les juifs et les chrétiens.

D’autres auteurs, comme M. Badiou, nous affirment [15] que les djihadistes d’ici expriment un « fascisme » de lumpen prolétariat, de gens élevés dans la misère culturelle des banlieues, et dont la pente naturelle est le fascisme. Aucune des enquêtes n’a confirmé ce schéma des années 1920 ou 30 ; elles ont plutôt montré que la radicalisation islamique concerne souvent des couches aisées, où l’on est bien dans sa peau jusqu’à ce qu’on soit saisi par la « pulsion textuelle ». De fait, les tueurs de Charlie avaient un travail, un salaire, un bon logement (bien des jeunes, aujourd’hui, diraient que « c’est le top » ; en tout cas, c’est appréciable). D’autres jeunes ont fait des études à la fac, etc. On comprend que ces auteurs écartent l’islam, ils ne sauraient pas quoi en faire. Et à l’instar des dirigeants politiques, ils doivent rester proches de la masse musulmane, dont le refrain est double : rien à voir avec l’islam et bien fait pour eux, ils n’avaient qu’à pas toucher au Prophète. Le fait que dans la grande manif pour Charlie Hebdo, les musulmans étaient largement sous représentés, le prouve, ainsi que les réactions des jeunes dans les écoles et les lycées. Seuls quelques rares « musulmans laïques » réclament qu’on écarte les versets tueurs comme inapplicables aujourd’hui.

On peut comprendre les auteurs ignorants ou effrayés que j’évoque : leur système n’intègre pas que des jeunes puissent tuer non par désespérance, mais par idéal, pour exalter une idéologie (l’islamisme), par espoir héroïque d’un monde meilleur (islamisé), et par l’idée d’aller droit au paradis. Que peut faire de ce « truc » une « analyse de classe » rigoureuse ? Va-t-elle fouiller dans le Coran, que ces jeunes s’injectent à haute dose avant de passer à l’action ? Peut-elle descendre de son piédestal rationaliste ?

Les analyses de ces auteurs décrivent la réalité qui se passe dans leur tête mais pas celle que tout le monde observe. L’écart en devient sidérant : des djihadistes entrent dans une école juive ou une boutique juive, parfois modeste, pour tirer dans le tas ? c’est qu’étant des fascistes, ils imitent les nazis. Et au Moyen-Orient, les lumpen d’Irak, qui sont riches et bien armés, vont tuer en Syrie des gens souvent moins riches voire démunis. Voilà qui éclaire tout. Ce genre d’analyse risque d’être aussi fausse pour ces djihads que pour ceux du Hezbollah ou du Hamas.

Il ne vient pas à l’idée de ces grands penseurs que les musulmans radicaux ne sont pas des idiots, qu’ils appliquent une idéologie, laquelle exprime depuis des siècles sa vindicte anti-juive et anti-chrétienne (depuis des siècles, l’islamisme ? Oui, mais autrefois on ne mettait pas des -ismes, ce n’était pas nécessaire). Cela les obligerait à voir que cette vindicte anti-juive en terre d’islam ne date pas de l’Etat hébreu, que le peuple juif comme tel attire la vindicte de toute identité qui se veut pleine et qui déteste ce mode d’être avec une identité cassée, entre-deux, marquée de failles. Toute identité totalisante est agacée ou énervée par la différence juive qu’elle n’arrive pas à penser, à réduire, à intégrer ; par cette identité qui maintient, qu’elle le veuille ou non, par sa seule existence, depuis des millénaires, une façon d’être et de penser marquée d’une faille ontologique. Cette pure différence inexplicable, qui symbolise la transmission de la faille humaine essentielle, suscite l’agacement de pensées totalisantes, comme celle de Badiou, lequel, sans être un antisémite, nous demande par exemple d’ « oublier la Shoah ». La Shoah c’est la vérité même du nazisme. Demander qu’on l’oublie (comme si, en face, on réclamait d’y penser jour et nuit, alors qu’on est très mal chaque fois qu’on y pense), demander cet oubli, c’est contresigner l’impuissance à penser le nazisme, et aujourd’hui l’islamisme, qui par rapport aux Juifs est sur des positions voisines. En un sens, cet « il faut oublier la Shoah » est un déni rétroactif : il faut que la Shoah n’ait pas été. C’est différent du déni négationniste pour lequel la Shoah n’a pas eu lieu, ce qui est une insulte à tout un peuple. Mais ici, il n’y a pas de haine, pas d’agressivité apparente, juste le désir que la Shoah n’ait pas eu lieu. Car du fait qu’elle a eu lieu, chacun sait qu’elle irradie ses effets sur les générations suivantes. « Il faut oublier la Shoah » ne peut signifier que ceci : il faut faire comme si elle n’avait pas été, car, si on admet qu’elle a été, ses causes étant virtuellement présentes, cela oblige à les penser dans l’actuel ; et c’est ce à quoi on résiste.

D’autant que l’agacement touche à son comble puisqu’une partie du peuple juif récupère sa souveraineté sous forme d’Etat hébreu. Il est alors le symbole du capitalisme, de l’impérialisme, du mépris des masses révolutionnaires (islamistes...) C’est plus pratique, et surtout plus conforme à l’analyse « de classe ».

Daniel Sibony, Marianne, 25 février 2015.

LIRE AUSSI : Daniel Sibony : « Dans le Coran, il y a un credo très puissant contre les Chrétiens et les Juifs ».


[1Le Monde des livres consacre sur une double page un dossier à Heidegger. Côté pile, sous le titre éloquent Heidegger, le gâchis, Nicolas Weill rend compte de la biographie de près de 700 pages, la première en France, que Guillaume Payen (ancien élève de « l’heideggerien orthodoxe Gérard Guest » sic) vient de publier aux éditions Perrin, Martin Heidegger, catholicisme, révolution, nazisme (j’y reviendrai) et consacre un autre article aux « Cahiers noirs », une débâcle philosophique. Côté face, l’entretien de Sibony, mené par Roger-Pol Droit, connu, lui aussi, pour son hostilité à Heidegger, vient complexifier la lecture. A.G.

[2Les citations sur ce thème prendraient un livre entier (puisque ce thème prend tout le Livre sous des formes singulières).

[3Voir dans Isaïe, l’image de la pince divine qui saisit un fragment du feu de l’être pour toucher les lèvres de l’homme.

[4Heidegger, « Contribution à la question de l’être », dans Questions I, Paris, Gallimard, 1968, p. 211. « C’est le voir qui chez les Grecs se dit idêin, mot que Platon emploie pour un regard qui considère non pas le changeant mais l’immuable, l’être, l’idéa. »

[5Désignant les cinq livres de Moïse.

[6Le peuple est singulier ; mais comme sujet il est pluriel, c’est ce que nous marquons par cette faute d’orthographe. Le Texte dit : « Le peuple, ils voyaient les voix. » Le shofar, c’est la corne de bélier dont on sonne pour rappeler, entre autres, que le divin peut « parler ».

[7Le peuple demandant qu’on le protège de cette vue : le Dasein réclame le retrait d’une lumière trop voyante.

[8En fait, la tradition occidentale, depuis Platon (République, VII) en passant par Hegel
(Phénoménologie de l’esprit, tr. J. Hyppolite, Paris, Aubier, t. li, p. 214-215), évoque l’essence lumineuse, ainsi que des torrents de feu, avec beaucoup d’allusions sur la lumière et le visible. Dans ses écrits de jeunesse (assez virulents sur Abraham et ses descendants), Hegel parle du devenir sujet dans le couchant, par opposition à l’aurore. Nombre de métaphores, chez Hegel, sont des métaphores solaires, et chez Nietzsche comme dans Zarathoustra, Aurore ou Crépuscule des dieux.

[9C’est le cas de tout un chacun, la question est de savoir comment se met en acte ce souci et cet amour.

[10Ce thème fut l’objet de notre thèse de philosophie : Essai sur une transmission d’inconscient en deux volumes : La Juive (Paris, Grasset, 1983) et Jouissances du dire (Paris, Grasset, 1985).

[11Elle aura mis quand même douze ans à s’effondrer.

[12En écho à cette phrase de Heidegger : « Comment ce qui reste inconnu dans son être (le divin par exemple) peut-il jamais devenir une mesure ? »

[13Fayard, 2016.

[14Lire les critiques de l’article de Badiou par le philosophe Jacob Rogozinski, Le philosophe et le djihadiste (pdf) et le dramaturge Bernard Chartreux, Le Rouge et la Marseillaise (pdf) .

[15En pleine page dans Le Monde du 27/1/15.

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