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Saint Pierre de Rome, 28 juin 2015

Pape François, Laudato si’

D 1er juillet 2015     A par Albert Gauvin - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



« Attention à François. Il a l’air comme ça, d’un brave type qui vous dit bonsoir, bonne nuit, bon repos, bon déjeuner. C’est sa nature humaine. Elle plaît, et tant mieux, aux humains. Tout à coup, on passe aux choses sérieuses. François n’est plus François, il se sent habité par une force supérieure, et il fait le travail qui lui est demandé. C’est essentiel, même si tout le monde s’en fout, ce qu’il doit sentir dans le rituel même. À ce moment-là, il est enfin dans le transhumain qui convient à sa fonction. Tout le reste relève du spectacle, dont Michel-Ange, derrière lui, est plus éloigné que jamais. »

Philippe Sollers, Intervention, 14 mars 2013.

« Et maintenant, un pape argentin favorable aux pauvres ! Attention, malgré son côté très conservateur, c’est peut-être un marxiste masqué. »

Ph. Sollers, lepoint.fr, 15 mars 2013.


Saint Pierre de Rome, 28 juin 2015


Basilique Saint Pierre de Rome, messe de 10h, le 28 juin 2015.
Le baldaquin du Bernin. Photo A.G. Zoom : Cliquez l’image.


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La colombe et la chaire de Saint-Pierre.
Messe de 10h (en latin), le 28 juin 2015 (photo A.G.)

Basilique Saint Pierre de Rome, Le haut du baldaquin du Bernin.
Feuillages d’oliviers et d’abeilles, emblème de la famille Barberini, dont est issu le pape Urbain VIII, protecteur du Bernin.
Photo A.G., 28 juin 2015. Zoom : Cliquez l’image.


Il y avait une foule inhabituelle sur la piazza san Pietro à Rome ce dimanche 28 juin 2015, à la veille de la fête des saints Pierre et Paul, les saint patrons de Rome. Une foule pacifique, colorée, cosmopolite, parlant toutes les langues.


Place saint Pierre de Rome, le 28 juin 2015.
Photo A.G. Zoom : Cliquez l’image.


Le pape François, absent le dimanche précédent (il était à Turin pour se recueillir sur le saint suaire), y prononçait un Angelus attendu, après son encyclique du 18 juin.


La bénédiction du pape François, place saint Pierre de Rome, le 28 juin 2015.
Photo A.G. Zoom : Cliquez l’image.


*


Commentaire de l’évangile du 28 juin 2015 :
« La guérison de la femme aux pertes de sang & la résurrection de la fille de Jaïre »

Angélus : Place Saint Pierre, 12h00
Dimanche 28 juin 2015

Extrait de l’émission publiée le 28 juin 2015 sur la chaîne KTOTV - http://www.ktotv.com

Chers frères et soeurs, bonjour !

L’Evangile d’aujourd’hui présente le récit de la résurrection d’une petite fille de douze ans, fille d’un des chefs de la synagogue, qui se jette aux pieds de Jésus et le supplie : « Ma fillette est en train de mourir, viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive » (Mc 5,23). Dans cette prière on sent la préoccupation de tout père pour la vie et le bien de ses enfants. Mais nous sentons aussi la grande foi que cet homme a en Jésus. Et lorsqu’arrive la nouvelle que la petite fille est morte, Jésus lui dit : “Ne crains pas, crois seulement !” (v. 36). Cette parole de Jésus donne du courage ! Et il nous la dit tant de fois à nous aussi : “Ne crains pas, crois seulement !” Entré dans la maison, le Seigneur renvoie toutes les personnes qui pleurent et crient et il s’adresse à l’enfant morte en disant : « Petite fille, je te le dis : lève-toi ! » (v. 41). Et la petite fille se leva immédiatement et elle se mit à marcher. Là, on voit le pouvoir absolu de Jésus sur la mort, qui, pour Lui est comme un songe dont on peut se réveiller.

A l’intérieur de ce récit, l’évangéliste insère un autre épisode : la guérison d’une femme qui souffrait de pertes de sang depuis douze ans. A cause de cette maladie, qui, selon la culture du temps, la rendait “impure”, elle devait éviter tout contact humain : la pauvrette, elle était condamnée à une mort civile. Cette femme qui suit Jésus, anonyme, au milieu de la foule, se dit : « Si je réussis seulement à toucher ses vêtements, je serai sauvée » (v. 28). Et c’est ce qui se passe : le besoin d’être libérée la pousse à oser et la foi “arrache”, pour ainsi dire, au Seigneur la guérison. Celui qui croit “touche” Jésus et puise en lui la grâce qui sauve. C’est cela la foi : toucher Jésus et puiser en lui la grâce qui sauve. Elle nous sauve, nous sauve la vie spirituelle, elle nous sauve de tant de problèmes. Jésus s’en rend compte et, au milieu des gens, il cherche le visage de cette femme. Elle se montre en tremblant et il lui dit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée » (v. 34).

C’est la voix du Père céleste qui parle en Jésus : “Ma fille, tu n’es pas maudite, tu n’es pas exclue, tu es ma fille !” Et à chaque fois que Jésus s’approche de nous, quand nous allons à lui avec foi, nous entendons le Père dire ceci : “Mon enfant, tu es mon fils, tu es ma fille ! Tu es guéri, tu es guérie. Je pardonne tout, à tous. Je guéris tout et tous !”

Ces deux épisodes – une guérison et une résurrection – ont un seul centre : la foi. Le message est clair et on peut le résumer par cette question : croyons-nous que Jésus peut nous guérir et qu’il peut nous réveiller de la mort ? Tout l’Evangile est écrit à la lumière de cette foi : Jésus est ressuscité, il vaincu la mort, et en raison de sa victoire, nous aussi nous ressusciterons. Cette foi, qui était certaine pour les premiers chrétiens, peut se ternir et devenir incertaine, au point que certains confondent résurrection et réincarnation.

La Parole de Dieu de ce dimanche nous invite à vivre dans la certitude de la résurrection : Jésus est le Seigneur, Jésus a pouvoir sur le mal et sur la mort, et il veut nous conduire à la maison du Père, où règne la vie. Là, nous nous retrouverons tous, nous tous qui sommes sur cette place aujourd’hui, nous nous retrouverons dans la maison du père, dans la vie que Jésus nous donnera.

La résurrection du Christ agit dans l’histoire comme un principe de renouveau et d’espérance.

Quelqu’un de désespéré et fatigué à en mourir et qui se confie à Jésus et à son amour, peut recommencer à vivre. Commencer une autre vie, changer de vie est aussi une façon de se relever, de ressusciter. La foi est une force de vie, de plénitude de notre humanité, et celui qui croit dans le Christ doit se reconnaître à ce qu’il promeut la vie en toute situation, pour faire faire à tous, spécialement au plus faible, l’expérience de l’amour de Dieu qui libère et qui sauve. Demandons au Seigneur, par l’intercession de la Vierge Marie, le don d’une foi forte et courageuse, qui nous pousse à répandre l’espérance et la vie parmi nos frères. (Traduction de Zenit, Anita Bourdin).


« Là, on voit le pouvoir absolu de Jésus sur la mort, qui, pour Lui est comme un songe dont on peut se réveiller. » Résurrection et mystère de la foi.


Place saint Pierre de Rome, le 28 juin 2015, 12h15.
L’une des six cloches de la basilique sonne sous la grande horloge.

Photo A.G. Zoom : Cliquez l’image.


*


A la fin de l’Angélus, le pape François est revenu sur la proposition d’écologie intégrale, à la fois environnementale, économique et sociale développée quelques jours auparavant dans l’Encyclique Laudato si’ [1].

Laudato Si’
Pour la sauvegarde de la maison commune

Publiée officiellement par le pape François jeudi 18 juin 2015, voici l’intégralité de l’encyclique sur l’écologie, intitulée : Laudato Si’ - Pour la sauvegarde de la maison commune.

Encyclique &quot ;Laudato Sii&quot ;


« Laudato Si’ » sur le site du Vatican.

*


Le pape ne pouvait pas ne pas évoquer Saint François d’Assise.

Extrait

Saint François d’Assise

Je ne veux pas poursuivre cette Encyclique sans recourir à un beau modèle capable de nous motiver. J’ai pris son nom comme guide et inspiration au moment de mon élection en tant qu’Évêque de Rome. Je crois que François est l’exemple par excellence de la protection de ce qui est faible et d’une écologie intégrale, vécue avec joie et authenticité. C’est le saint patron de tous ceux qui étudient et travaillent autour de l’écologie, aimé aussi par beaucoup de personnes qui ne sont pas chrétiennes. Il a manifesté une attention particulière envers la création de Dieu ainsi qu’envers les pauvres et les abandonnés. Il aimait et était aimé pour sa joie, pour son généreux engagement et pour son cœur universel. C’était un mystique et un pèlerin qui vivait avec simplicité et dans une merveilleuse harmonie avec Dieu, avec les autres, avec la nature et avec lui-même. En lui, on voit jusqu’à quel point sont inséparables la préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres, l’engagement pour la société et la paix intérieure.
Son témoignage nous montre aussi qu’une écologie intégrale requiert une ouverture à des catégories qui transcendent le langage des mathématiques ou de la biologie, et nous orientent vers l’essence de l’humain. Tout comme cela arrive quand nous tombons amoureux d’une personne, chaque fois qu’il regardait le soleil, la lune ou les animaux même les plus petits, sa réaction était de chanter, en incorporant dans sa louange les autres créatures. Il entrait en communication avec toute la création, et il prêchait même aux fleurs « en les invitant à louer le Seigneur, comme si elles étaient dotées de raison ».[19] Sa réaction était bien plus qu’une valorisation intellectuelle ou qu’un calcul économique, parce que pour lui, n’importe quelle créature était une sœur, unie à lui par des liens d’affection. Voilà pourquoi il se sentait appelé à protéger tout ce qui existe. Son disciple saint Bonaventure rapportait que, « considérant que toutes les choses ont une origine commune, il se sentait rempli d’une tendresse encore plus grande et il appelait les créatures, aussi petites soient-elles, du nom de frère ou de sœur  ».[20] Cette conviction ne peut être considérée avec mépris comme un romantisme irrationnel, car elle a des conséquences sur les opinions qui déterminent notre comportement. Si nous nous approchons de la nature et de l’environnement sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement, si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. En revanche, si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément. La pauvreté et l’austérité de saint François n’étaient pas un ascétisme purement extérieur, mais quelque chose de plus radical : un renoncement à transformer la réalité en pur objet d’usage et de domination.
D’autre part, saint François, fidèle à l’Écriture, nous propose de reconnaître la nature comme un splendide livre dans lequel Dieu nous parle et nous révèle quelque chose de sa beauté et de sa bonté : «  La grandeur et la beauté des créatures font contempler, par analogie, leur Auteur » (Sg 13, 5), et « ce que Dieu a d’invisible depuis la création du monde, se laisse voir à l’intelligence à travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité » (Rm 1, 20). C’est pourquoi il demandait qu’au couvent on laisse toujours une partie du jardin sans la cultiver, pour qu’y croissent les herbes sauvages, de sorte que ceux qui les admirent puissent élever leur pensée vers Dieu, auteur de tant de beauté.[21] Le monde est plus qu’un problème à résoudre, il est un mystère joyeux que nous contemplons dans la joie et dans la louange.

(cf. mon article improvisé du 13 mars 2013, De François d’Assise au pape François)

*


Les clés pour comprendre l’encyclique sur l’écologie du pape François

Dans cette première encyclique centrée sur la question écologique, Laudato si’, le pape François invite chacun «  à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète ». 



Les destinataires

Dans l’encyclique Laudato si’ Le pape François s’adresse à « chaque personne qui habite cette planète ». Il se propose également « d’entrer en dialogue avec tous au sujet de notre maison commune » (n° 3). Il souligne ainsi que tout le monde devrait se sentir concerné par la problématique écologique qui interroge nos façons de vivre. Il fait aussi le parallèle avec l’encyclique Pacem in terris de Jean XXIII (1963) qui était adressée «  aux fidèles de l’univers » tout entier tout en ajoutant  : « ainsi qu’à tous les hommes de bonne volonté ». Jean XXIII écrivait alors que le monde était au bord d’une crise nucléaire, rappelle le pape François. Par cette référence, il semble suggérer que le monde d’aujourd’hui est au bord d’une catastrophe écologique et qu’il est donc urgent d’agir. Et à l’image de Jean XXIII qui «  ne se contentait pas de rejeter une guerre, mais a voulu transmettre une proposition de paix », le pape François veut aussi avancer des pistes d’action.

La démarche

La démarche du pape François est celle d’un discernement qu’il conduit au long des six chapitres que contient l’encyclique. Il commence par évaluer la situation actuelle, en se référant aux résultats disponibles de la recherche scientifique (chapitre 1). Il expose ensuite la tradition judéo-chrétienne pour mettre en évidence les motifs d’un engagement en faveur de l’environnement (chapitre 2). Il propose ensuite de dépasser l’observation des symptômes de la crise écologique pour en interpréter les causes profondes (chapitre 3). Il avance ensuite une proposition d’écologie intégrale, à la fois environnementale, économique et sociale (chapitre 4). Delà, il définit des pistes d’orientation et d’action (chapitre 5). Il termine son parcours en indiquent des ressources spirituelles qui peuvent permettre à l’humanité de changer (chapitre 6).

Le diagnostic

Le pape commence par expliquer que la réflexion philosophique et théologique a besoin de se confronter à la réalité pour ne pas donner l’impression de répéter la même chose et de rester dans l’abstraction. « Le christianisme lui-même, en se maintenant fidèle à son identité et au trésor de vérité qu’il a reçu de Jésus-Christ, se repense toujours et se réexprime dans le dialogue avec les nouvelles situations historiques, laissant apparaître ainsi son éternelle nouveauté » (n° 121).

Le diagnostic — « ce qui se passe dans notre maison » — est sombre  : pollution et changement climatique, menace sur les ressources d’eau potable, perte de la biodiversité, détérioration de la qualité de la vie humaine et dégradation sociale…

« Nous n’avons jamais autant maltraité ni fait de mal à notre maison commune qu’en ces deux derniers siècles », écrit le pape François qui fustige un modèle de développement qui conduit à la dégradation de l’environnement. Ce qui se répercute immanquablement sur la vie des personnes, à commencer par les plus pauvres. Il défend la thèse selon laquelle « il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale » (n° 139).

« Ces situations provoquent les gémissements de sœur terre, qui se joignent au gémissement des abandonnés du monde, dans une clameur exigeant de nous une autre direction » (n° 53), écrit-il encore.

Une réponse qui doit être globale

Il est frappant de noter le nombre de fois où le mot système – parfois qualifié de complexe – revient sous la plume du pape François  : système mondial, système industriel, système climatique… Ceci a une conséquence logique  : du fait de sa nature systémique, la crise écologique n’attend pas des éléments de réponse partielle. Il faut une approche intégrale de cette crise à la fois environnementale, économique, sociale, culturelle, qui embrasse aussi la question de la justice.

« Les possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature » (n° 139). En d’autres termes, on ne peut se contenter de proposer « un remède technique à chaque problème environnemental qui surgit », car « c’est isoler des choses qui sont entrelacées dans la réalité, et c’est se cacher les vraies et plus profondes questions du système mondial » (n° 111). Ou encore  : il convient d’admettre qu’« une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (n° 49).

Les obstacles

La situation est urgente. Pourtant, les choses évoluent très lentement, observe le pape. Il reconnaît le chemin parcouru par le mouvement écologique depuis plusieurs décennies et salue tous ceux qui y sont engagés. Dans le même temps, il constate que les efforts pour trouver des solutions concrètes à la crise environnementale débouchent souvent sur des échecs « non seulement à cause de l’opposition des puissants, mais aussi par manque d’intérêt de la part des autres ». « Les attitudes qui obstruent les chemins de solutions, même parmi les croyants, vont de la négation du problème jusqu’à l’indifférence, la résignation facile, ou la confiance aveugle dans les solutions techniques » (n° 14), note-t-il.

Sa critique est particulièrement sévère à l’égard de la communauté internationale, faible dans sa réaction politique  : « La soumission de la politique à la technologie et aux finances se révèle dans l’échec des Sommets mondiaux sur l’environnement. Il y a trop d’intérêts particuliers, et très facilement l’intérêt économique arrive à prévaloir sur le bien commun et à manipuler l’information pour ne pas voir affectés ses projets. (…) L’alliance entre l’économie et la technologie finit par laisser de côté ce qui ne fait pas partie de leurs intérêts immédiats. Ainsi, on peut seulement s’attendre à quelques déclarations superficielles, quelques actions philanthropiques isolées, voire des efforts pour montrer une sensibilité envers l’environnement, quand, en réalité, toute tentative des organisations sociales pour modifier les choses sera vue comme une gêne provoquée par des utopistes romantiques ou comme un obstacle à contourner » (n° 54). À quelques mois de la conférence sur le climat (Cop 21) à Paris, ces mots veulent mettre la communauté internationale devant ses responsabilités.

Il dénonce avec la même force la volonté des pays riches d’imposer aux pays pauvres un contrôle des naissances au motif que la croissance démographique serait incompatible avec le développement. Cet argument, pour le pape, ne fait en réalité que masquer l’égoïsme des riches  : «  Accuser l’augmentation de la population et non le consumérisme extrême et sélectif de certains est une façon de ne pas affronter les problèmes. On prétend légitimer ainsi le modèle de distribution actuel où une minorité se croit le droit de consommer dans une proportion qu’il serait impossible de généraliser, parce que la planète ne pourrait même pas contenir les déchets d’une telle consommation. »

L’espérance

En dépit de tous ces obstacles, le pape n’est pas résigné. «  Le défi urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer », écrit-il dans son introduction (n° 13). Les raisons de sa confiance, il les trouve dans l’histoire sainte. Comme dans l’épisode de l’arche de Noé, lorsque Dieu « a donné à l’humanité la possibilité d’un nouveau commencement. Il suffit d’un être humain bon pour qu’il y ait de l’espérance  ! » (n° 71) ou plus tard dans l’exil à Babylone (n° 74). «  L’espérance, écrit-il, nous invite à reconnaître qu’il y a toujours une voie de sortie, que nous pouvons toujours repréciser le cap, que nous pouvons toujours faire quelque chose pour résoudre les problèmes » (n° 61).

Plus loin, il exprime encore cette espérance en observant que « tout n’est pas perdu, parce que les êtres humains, capables de se dégrader à l’extrême, peuvent aussi se surmonter, opter de nouveau pour le bien et se régénérer, au-delà de tous les conditionnements mentaux et sociaux qu’on leur impose. Ils sont capables de se regarder eux-mêmes avec honnêteté, de révéler au grand jour leur propre dégoût et d’initier de nouveaux chemins vers la vraie liberté » (n° 205).

Les propositions

Il est un mot qui revient souvent dans l’encyclique, et notamment dans le chapitre qui propose des lignes d’orientation et d’action  : celui de dialogue. « J’adresse une invitation urgente à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète », écrit le pape dans son introduction (n° 14). « La gravité de la crise écologique exige que tous nous pensions au bien commun et avancions sur un chemin de dialogue qui demande patience, ascèse et générosité, nous souvenant toujours que’la réalité est supérieure à l’idée’ » (n° 201).

Le dialogue est la voie obligée en vue de réponses intégrales que personne ne possède : dialogue entre science et religion « qui proposent des approches différentes de la réalité » et qui peut être fécond pour toutes les deux (n° 62)   ; entre foi et raison (n° 63)   ; entre croyants de différentes traditions et confessions religieuses (n° 64)   ; entre le langage scientifique et technique et le langage populaire (n° 143)   ; entre politique et économie (n° 189)   ; entre disciplines (n° 197) et entre sciences (n° 201)   ; entre les différents mouvements écologistes, « où les luttes idéologiques ne manquent pas » (n° 201)...

Le pape insiste également sur la qualité et la transparence du dialogue dans les processus de négociations au niveau international en vue de l’obtention d’un consensus (n° 165). « La prévision de l’impact sur l’environnement des initiatives et des projets requiert des processus politiques transparents et soumis au dialogue, alors que la corruption, qui cache le véritable impact environnemental d’un projet en échange de faveurs, conduit habituellement à des accords fallacieux au sujet desquels on évite information et large débat » (n° 182).

Dialoguer, en fin de compte, c’est refuser les postures idéologiques et la défense des intérêts particuliers. Dans l’encyclique, le pape montre l’exemple. Il ne fait pas que la promotion du dialogue. Il le met aussi en œuvre, par exemple quand il laisse les données scientifiques interroger la foi chrétienne.

Spiritualité écologique

Dans son dernier chapitre, le pape François indique le type de changement dont l’humanité a besoin pour faire face au défi de l’heure. Il invite d’abord à « miser sur un autre style de vie » dans un monde où « le marché tend à créer un mécanisme consumériste compulsif pour placer ses produits » (n° 203). Ce qui suppose de dépasser l’individualisme (n° 208).

Le pape François souligne aussi l’importance du défi éducatif qui ne doit pas seulement créer une « citoyenneté écologique », mais doit aussi cultiver « de solides vertus », condition du « don de soi dans un engagement écologique » (n° 211). Cette éducation environnementale peut même être un chemin vers Dieu en nous disposant « à faire ce saut vers le Mystère, à partir duquel une éthique écologique acquiert son sens le plus profond » (n° 210).

Aucun geste ne peut être tenu pour anodin. Tous les efforts — «  éviter l’usage de matière plastique et de papier, réduire la consommation d’eau, trier les déchets, cuisiner seulement ce que l’on pourra raisonnablement manger, traiter avec attention les autres êtres vivants, utiliser les transports publics ou partager le même véhicule entre plusieurs personnes, planter des arbres, éteindre les lumières inutiles » (n° 211) — peuvent contribuer à changer le monde en permettant au bien de se répandre dans la société (n° 212).

L’encyclique se termine par «  quelques lignes d’une spiritualité écologique », tirées de l’Évangile et de l’expérience chrétienne, et susceptibles de nourrir l’engagement chrétien   : «  Il ne sera pas possible, en effet, de s’engager dans de grandes choses seulement avec des doctrines, sans une mystique qui nous anime », affirme le pape (n° 216). Il invite à emprunter un chemin de conversion qui doit conduire à un renouvellement de nos relations avec le monde qui nous entoure, avec autrui et avec Dieu.

Il propose de faire ce chemin en compagnie de François d’Assise, Thérèse de Lisieux, Bonaventure, Jean de la Croix, des saints qui nous révèlent le sens le plus profond d’une écologie intégrale   : « Une écologie intégrale implique de consacrer un peu de temps à retrouver l’harmonie sereine avec la création, à réfléchir sur notre style de vie et sur nos idéaux, à contempler le Créateur, qui vit parmi nous et dans ce qui nous entoure, dont la présence ’ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée’ (Evangelii gaudium, n° 71) » (n° 225). Le pape François cite aussi, en note, un mystique soufi (n° 233).

À noter aussi la finale de l’encyclique, avec deux prières   : « Une prière pour notre terre » proposée en partage à tous ceux qui croient «  en un Dieu Créateur Tout-Puissant » et une « prière chrétienne avec la création », pour que « nous sachions assumer les engagements que nous propose l’Évangile de Jésus, en faveur de la création » (n° 246).

Dominique Greiner, La Croix du 18 juin 2015.


Basilique Saint Pierre de Rome, le 28 juin 2015.
Photo A.G. Zoom. : Cliquez l’image.



[1A noter l’accueil très favorable du monde politique français, mais aussi de Barack Obama à cette encyclique. Tous écologistes ? Tous papistes ?

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1 Messages

  • A.G. | 15 novembre 2016 - 23:50 1

    Message du pape François

    À Son Excellence Monsieur Salaheddine Mezouar
    Ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération du Royaume du Maroc
    et Président de la 22ème session de la Conférence des États parties
    à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP22)
    (Marrakech, 7-18 novembre 2016)

    Excellence,

    La situation actuelle de détérioration de l’environnement, fortement liée à la dégradation humaine, éthique et sociale (cf. Enc. Laudato si’, nn. 48.56.122), dont malheureusement nous faisons l’expérience quotidiennement, nous interpelle tous, chacun dans ses rôles et compétences, et nous porte à être ici réunis, avec une prise de conscience et un sens de responsabilité renouvelés.

    Le Royaume du Maroc abrite, en effet, la COP22 peu de jours après l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris, adopté il y a moins d’un an. Son adoption représente une forte prise de conscience que, face aux thématiques aussi complexes que le changement climatique, l’action individuelle et/ou nationale n’est pas suffisante, mais qu’il est nécessaire de mettre en œuvre une réponse collective responsable visant réellement à « collaborer pour construire notre maison commune » (ibid., n. 13). D’autre part, l’entrée en vigueur rapide de l’Accord renforce la conviction que nous pouvons et nous devons nous servir de notre intelligence pour orienter la technologie, tout comme pour cultiver et limiter aussi notre pouvoir (cf. ibid., n. 78), et pour les mettre « au service d’un autre type de progrès, plus sain, plus humain, plus social, plus intégral » (ibid., n. 112), capable de mettre l’économie au service de la personne humaine, de construire la paix et la justice, de sauvegarder l’environnement.

    L’Accord de Paris a tracé une route claire sur laquelle la communauté internationale tout entière est appelée à s’engager ; la COP22 représente une étape centrale de ce parcours. Cet Accord a un impact sur toute l’humanité, en particulier sur les plus pauvres et sur les générations futures, qui représentent la composante la plus vulnérable à l’impact préoccupant des changements climatiques et cela nous rappelle la grave responsabilité éthique et morale d’agir sans tarder, de la manière la plus libre possible des pressions politiques et économiques, en dépassant les intérêts et les comportements particuliers.

    Dans cette perspective, je vous adresse mes salutations, Monsieur le Président, ainsi qu’à tous ceux qui prennent part à cette Conférence, unies à mes vifs encouragements afin que les travaux de ces jours soient animés du même esprit de collaboration et de proposition manifesté durant la COP21. Après cette Conférence, a commencé la phase de la mise en œuvre de l’Accord de Paris ; moment délicat, où l’on se confronte, en entrant de manière plus concrète dans l’élaboration des règles, des mécanismes institutionnels et des éléments nécessaires pour sa mise en œuvre correcte et efficace. Il s’agit d’aspects complexes qui ne peuvent pas être délégués aux seuls interlocuteurs techniques, mais qui ont besoin d’un soutien continu et d’un encouragement politique, fondé sur la conscience que « nous sommes une seule famille humaine. Il n’y a pas de frontières ni de barrières politiques ou sociales qui nous permettent de nous isoler, et pour cela même il n’y a pas non plus de place pour la globalisation de l’indifférence » (ibid., n. 52).

    L’une des principales contributions de cet Accord est celle de stimuler à promouvoir des stratégies nationales et internationales de développement, fondées sur une qualité de l’environnement que nous pourrions qualifier de solidaires. En effet, cet Accord encourage la solidarité envers les populations les plus vulnérables et encourage les fortes relations existant entre la lutte contre le changement climatique et celle contre la pauvreté. Bien que soient nombreux les éléments de caractère technique invoqués dans ce domaine, nous sommes également conscients qu’on ne peut tout réduire à la seule dimension économique et technologique : les solutions techniques sont nécessaires mais pas suffisantes. Il est essentiel et nécessaire de prendre aussi attentivement en considération les aspects éthiques et sociaux du nouveau paradigme de développement et de progrès.

    Ici, on entre dans les domaines fondamentaux de l’éducation et de la promotion de styles de vie destinés à favoriser les modèles de production et de consommation durables (cf. ibid., n. 180). Et cela rappelle la nécessité de faire grandir une conscience responsable envers notre maison commune (cf. ibid., nn. 202.231). Tous les États parties sont appelés à contribuer à cette tâche, ainsi que les non-Party stakeholders : la société civile, le secteur privé, le monde scientifique, les institutions financières, les autorités infranationales, les communautés locales, les populations indigènes.

    En conclusion, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs participants à la COP22, je forme mes vœux les meilleurs afin que les travaux de la Conférence de Marrakech soient guidés par cette conscience de notre responsabilité qui doit encourager chacun de nous à promouvoir sérieusement une « culture de protection qui imprègne toute la société » (ibid., n. 231), la protection de la création, mais aussi du prochain, proche ou éloigné dans l’espace et dans le temps. Le style de vie fondé sur la culture du rebut est insoutenable et ne doit pas trouver de place dans nos modèles de développement et d’éducation. C’est un défi éducatif et culturel auquel, pour être réellement efficace dans la poursuite de ses objectifs exigeants, ne doit pas manquer de répondre aussi l’Accord de Paris.

    Tandis que je prie pour un déroulement heureux et fructueux des travaux, j’invoque sur vous et sur tous les participants la Bénédiction du Tout-Puissant, que je vous demande de porter à tous les citoyens des pays que vous représentez.

    Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’assurance de mes sincères et cordiales salutations.

    Du Vatican, le 10 novembre 2016

    FRANÇOIS

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