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A propos de « Lois » ... et de « H »

D 27 juin 2010     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


« Le phénomène passe, je cherche les lois. »
Isidore Ducasse, Poésies II.

Manuscrit de LOIS (détail). Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.
« mode d’écriture (...)/parcourant le cube puisqu’au-delà
et, donc, de gauche à droite le tout vide
en contradiction poussée infinie
mettre deux parallèles à l’infini chaque fois »

*


Premières notes d’intervention sur « Lois »

par Jean-Louis Houdebine [1]

Impossible de parler de Lois aujourd’hui sans commencer par rappeler brièvement la représentation idéologique-politique que ce livre a reçue jusqu’à maintenant dans la presse. D’un côté, articles dans Le Monde, Le Figaro (littéraire), L’Express, Le Magazine littéraire, etc. : tous pareils en fin de compte malgré d’infimes variations dans les appréciations portées ; thèses diffusées avec insistance : pornographie (« Sollers saisi par la débauche »), petite écriture de la dérision (Sollers = San Antonio, nouveau chef des maos, etc.) sans nouveauté réelle. De l’autre côté : parole donnée à l’auteur dans La Quinzaine littéraire, Politique-hebdo, Le Magazine littéraire, ce dernier entretien étant particulièrement important [2]. Et bien entendu silence total de la presse révisionniste [3], jusqu’à ce jour du moins : mais comme, d’une part, son discours viendrait sans aucun doute rejoindre quant au fond celui du Monde, de L’Express, etc., et que, d’autre part, elle ne peut ni ne veut manifestement donner la parole à l’auteur, ce silence est parfaitement éloquent (c’est toujours finalement la bourgeoisie qui parle par la bouche du révisionnisme, qu’il l’ouvre ou la ferme) [4]. Bref, une impossibilité de parler de Lois, tout en étant bien obligé d’en tenir compte, d’une manière ou d’une autre. Que cette impossibilité soit programmée politiquement, c’est ce qui est évident ; avec Lois et à partir de Lois : clivages, positions de classe dans la lutte idéologique actuelle, extension-généralisation de cette lutte sur tout le champ de la pratique sociale. Lire à ce sujet les deux textes de Sollers et de Pleynet dans Tel Quel 51 : « Das Augenlicht » et « Travestilait ». La lutte idéologique est un aspect fondamental de la lutte politique. [...]
Lois : «  Un spectre hantait l’europe : il se balade maintenant au grand jour. Une europe hante sa réalité. La réalité enspectrée passe à travers ceux qui croient la boucher. Autrement dit, l’affaire suit son cours. Et ronge en racines et dévoile et mine. »
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1ère édition

1. Et en effet pas de livre plus politique que Lois, de part en part ; c’est-à-dire où la politique soit au poste de commandement, et l’idéologie au premier poste ; dans toute sa pratique d’écriture : intervention-transformation révolutionnaire dans (de) notre contexte, à la fois dans son immédiateté évidente pour qui lutte aujourd’hui sur le front idéologique, et dans ce qui vient y insister, venant de loin, poids de l’oublié-refoulé agissant dans les gestes, les paroles, les postures et positions de classe des sujets de la pratique sociale ; anamnèse joyeusement implacable : et donc ouvrant en chaque point sur le présent et le futur de nos luttes, creusant les lignes de décomposition du vieux monde-pourriture, traçant les lignes de démarcation bourgeoisie - dogmatico-révisionnisme de «  mémé grande urse » à «  pa-parti » pcfr/masses, luttes révolutionnaires) ; perspectives claires, positives : historiquement, après long cours sinueux, brisé de phases contradictoires, et encore aujourd’hui, «  fruit rationnel replanté d’attaque par karl et friedrich purs génies ceux-là avec vladimir fouillant cru tout ça pas prof pour deux sous et tenant le coup. Puis défigurés par joseph et léon. Puis reprenant droits chinois orient rouge mobilisation masses lutte classes mondiale hors du rond » ; aucun doute là-dessus : «  pas moyen d’y voir sans penser mao ». Contre les tics formalistes proliférant, modernisme de pacotille, ésotérisme réactionnaire : «  l’histoire s’y remonte dans son effacé », avec travail de remontée s’accomplissant dans la langue elle-même, là où précisément ça s’aveugle chez les sujets, là où ça leur coule de source, comme on dit : déterminer ces sources, les contradictions qui marquent leur lieu historique d’origine et de développement, dans un texte qui travaille leur modalité-langage, en retourne activement la face muette, et qu’en soient dits les non-dits, une bonne fois ; parce que si la littérature, en retour dialectique, exerce une grande influence sur la politique, il est clair que cela ne peut prendre effet sans un ensemble d’opérations portant sur les langages mêmes dans lesquels les positions politiques se traduisent, s’investissent, manifestes ou non. Et tout est politique : distinction « privé / public » codifiée-utilisée-tournée-réaffirmée par la bourgeoisie à ses propres fins, économiques, politiques, idéologiques ; masque à défaire, percer, arracher (il lui colle à la peau).

Ce livre s’inscrit donc dans un processus historique excédant l’espace textuel qui le comprend, l’ordonne, le multiplie dans ses séries stratifiées, plis et replis. Notamment, de Nombres à Lois (entre les deux : mai-juin 1968 (Nombres paraît en avril), échec de l’alliance avec le pcfr, victoire de la GRCP en Chine, révolte de juin 1971, rupture avec le dogmatico-révisionnisme et tout ce qui l’accompagne inévitablement, «  théoragoût ») : passage du carré au cube, « pavé » lancé à six côtés ouverts (Chants/séquences) ; quelque chose a eu lieu, qui se décèle à l’écoute, dans les luttes des masses, dans ce qu’elles disent, dans leur énonciation même ; dans leurs «  Voix : quelque chose de plus profond monte / le point d’accumulation a été touché ». En volume, donc, «  l’ensemble passant dans son mouvement », noué-délié (ce qui implique des procès contradictoires, avec accentuation se déplaçant selon les macro/micro-éléments mis en oeuvre par le texte), mobilité rapide, profonde-légère : disons, du « pavé » masse trouée, éclatée dans sa stratification nombreuse (Chant I, séquence 1), au «  foulard soie jaune six fois noué et sortie défaisant l’envers. Nouvelle ère ! » (C I, sq. 12).

C’est-à-dire, texte-procès qui intervient lui-même dans une multiplicité de procès comme autant de stratifications historiques constituant la trame idéologique de la pratique sociale, et en elle des sujets qui aujourd’hui y vivent, travaillent, souffrent, résistent (ou non, ou le croient), se révoltent (ou non). Tout cela à définir, faire surgir, cribler, et examen critique inséparable de l’opération signifiante destructrice des anciennes logiques se perpétuant ; énonçant dans le même temps sa positivité révolutionnaire. Comment ?

— par reprise des procès idéologiques historiques, lointains et proches, intérieurs à notre culture (modes de production qui se sont succédés dans l’histoire du monde occidental, lutte de classes) et extérieurs (travestissements impérialistes déchirés : l’ancien dominateur mis partout en échec ou en déroute, tendance générale à la révolution, «  Force vive venant d’asie. Femmes frémissent temps allongé route aux milles chevilles joug posé comme disaient les vieux au cou de la mer. Matin des non dieux. Cette couronne du rieur, oui, c’est moi, et c’est encore moi qui me la suis foutue sur la tête. Comme ça, mille fêtes. Gisants jade regard bleu sombre dragon sec près de sa muraille. Écailles rizières grue jaune fruit bouche eau courante. Poing fermé rougi révolution et sa pente. Irriguant de nouveau à nouveau. Partout montant sans oublier circulation nervée en cerveau. Aiguilles filet noeuds des classes tournant pieds mains divisant poignets chevilles coupe sans narcose conscience. Entaille à vif rire en montant relance. Points flottants touchés dans leur flotte en même temps montagnes industrie lutte deux lignes, politique au poste de commandement. Nos ennemis tremblent désormais au moindre souffle de vent dans les feuilles. » ;

— par lutte dans les procès des langues et des langages (lexique, syntaxe, rythme : cela aussi historique, et lieu des contradictions à travailler ; Mao : « Puisant leurs éléments dans la vie réelle, la littérature et l’art révolutionnaires doivent créer les figures les plus variées et aider les masses à faire progresser l’histoire ») ;

— par marquage de la position de classe en chaque moment du procès textuel, ce qui vaut à la fois pour la reprise en charge des procès historiques (ce sont de toutes façons des procès de lutte des classes) et pour la pratique signifiante qui s’y développe ; c’est dire que dans Lois, et constamment, il y a la mise en procès du sujet scripteur (dans la langue, dans l’histoire), et que cette mise en procès joue du même coup sur la pratique du sujet lecteur ; «  la structure du volume est inapparente » : c’est précisément à partir de cette inapparence que s’ouvre l’espace du « sujet en procès » (c’était le titre même d’une des interventions de Kristeva à Cerisy). Il s’agit de sujet : non de subjectivité.

Je me propose de reprendre ces différents points, en insistant seulement sur quelques aspects : il faudra y revenir, dans des analyses moins brèves. Lois est un livre dont on n’est pas près d’avoir fait le tour : son tour est d’ailleurs celui, non d’un cercle, mais d’une spirale , contre (dans) le cercle des rapports de reproduction ; c’est ainsi qu’il avance, positivement, et fait avancer.

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Manuscrit de LOIS. Les signes chinois. Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.
Peinture, cahiers théoriques 6/7, printemps 1973 (archives A.G.)

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2. «  Etudiez l’histoire. Vous irez plus loin. » Parce qu’on ne s’y reconnaîtra pas, en effet, dans les procès actuels, si un gros effort n’est pas accompli sur ce plan. Effectuant le franchissement du passé-présent, le texte de Lois fait retour de loin, et va loin. Succession des modes de production : mais dans leur enchevêtrement contradictoire, rythme décalés dans l’épaisseur de la pratique sociale des peuples (ils n’ont marché ni ne marchent du même pas : contemporanéité ponctuelle toujours travaillée par le développement inégal mondial) ; des rapports dont la base économique s’est depuis longtemps profondément transformée peuvent subsister dans les reflets idéologiques, dont la répétition elle-même déplacée s’effectue selon une logique objective générale (historique) fort difficile à définir théoriquement (et je tiens que Lois, précisément, en pratique constamment la formulation matérialiste dialectique) ; reflets répétés, et qui pourtant ne sont jamais les mêmes : nouveau mode de production, nouveaux rapports sociaux ; «  La dissolution des vieilles idées, dit-il, va de pair avec la désagrégation des anciennes conditions de vie » ; oui, mais aussi : «  Vous n’allez tout de même pas continuer votre cinéma homérique en plein dans l’électronique ! », ce qui montre bien que le pair ne va pas, non plus, sans sérieux impairs ; tout cela très logique : parce que dans les reflets, ça résiste sec à la mutation historique, par intérêts de classe noués en strates idéologiques entremêlées, en poches de réinvestissements-contre-investissements-absorption de la nouvelle base, et variations soigneusement limitées ; c’est dans ces reflets-miroirs que les sujets historiques sont socialement conduits à se vivre, là qu’on leur a appris (papa-maman et tous leurs représentants sociaux) comment travailler, exploiter / être exploité, jouir (ou non), etc., selon une légalité plus ou moins tacite, reformulée d’âge en âge avec si besoin de nouveaux circuits d’adaptation toujours au bénéfice de la classe sociale dominante jusqu’au moment où / : phases différentes, détente / tension, toujours sous la poussée des forces sociales alors dominée mais ça ne viendra pas tout seul : action révolutionnaire dans l’idéologie absolument indispensable («  Contradictions différentes méthodes différentes »), sinon c’est la reprise en main de la situation par les sujets de l’ancienne classe dominante, le retour sous d’autres formes aux anciennes conditions de vie, et la révolution détournée de son sens.

C’est précisément au niveau de ces reflets idéologiques (mythes, religions, sciences, philosophies, arts, littérature, etc.), de leur efficace propre en retour dialectique dans la pratique sociale, que le texte de Sollers intervient  : c’est-à-dire depuis une position de lutte radicalement actuelle (prise de parti dans les luttes politiques et idéologiques d’aujourd’hui), par irruption du sujet (de son point de vue idéologique et politique de classe : positivité consciente, volontaire, évidente —/ «  la pratique sexuelle des hommes détermine leur langage ») dans le criblage des procès historiques ; l’antérieur-autrefois mis à jour depuis l’analyse exacte des rapports de force constituant notre propre contexte, suivant en cela un principe marxiste de base : « La société bourgeoise est l’organisation historique de la production la plus développée et la plus variée qui soit. De ce fait, les catégories qui expriment les rapports de cette société et qui permettent d’en comprendre la structure permettent en même temps de se rendre compte de la structure et des rapports de production de toutes les formes de société disparues avec les débris et les éléments desquels elle s’est édifiée, dont certains vestiges, partiellement non encore dépassés, continuent à subsister en elle, et dont certains simple signes, en se développant, ont pris toute leur signification, etc. L’anatomie de l’homme est la clef de l’anatomie du singe » (Marx). Pratique de Sollers dans Lois : «  Spirale — retour — progression à travers refoulés ».

D’où l’exposition endroit / envers, chaque séquence étant brisée, éclatée dans son unité mythifiée-mythifiante de référence (de celles précisément qui fonctionnent «  selon une conception de l’histoire falsifiée par les classes exploiteuses »), hors de toute visée archéologique ; la non-linéarité évidente du texte remplit, sur ce plan fondamental, une fonction de pulvérisation des récits, en coupant d’emblée à toute ré-homogénéisation (religieuse, foncièrement religieuse) dans un récit d’ensemble sur-globalisant ; tout cela réglé logiquement, calculé, avec effets multiples de connaissance en pratique, non coupée du réel (politique, langue, sexe : rien à voir avec «  kant à soi réel d’un côté connaissance de l’autre lobe droit ignorant le lobe gauche et inversement passe-moi l’éponge », pain bénit pour petite-bourgeoisie métaphysique, dogmatico-révisionniste).

Histoire mondiale, donc : avec comme matériau principal à travailler notre histoire européenne (c’est là que nous luttons), et son dehors qui aujourd’hui l’ouvre à son refoulé de toujours (civilisations orientales vaincues, peuples exploités, Chine rouge maintenant en position forte internationale), et réactivation des luttes dans les reflets selon une causalité interne à retrouver aussi dans notre culture (idéalisme / matérialisme, métaphysique / dialectique), se joignant aujourd’hui au plein développement des luttes de classes dans le monde : situation historique permettant précisément la détermination des rapports de force sur un champ temporel et spatial aux dimensions de la planète (période de déclin de l’impérialisme mondial, contradictions s’aggravant dans le social-impérialisme, renforcement et progrès du camp révolutionnaire) ; ici, sans doute (pour nous, en Europe occidentale), rôle privilégié de la bourgeoisie, comme cela apparaît bien dans le texte de Marx cité plus haut, période offrant une sorte de résumé saisissant (avec notamment le développement multiforme des sciences, de la philosophie idéaliste — de Descartes à Hegel —, des formations idéologiques religieuses, politiques, juridiques, artistiques, etc., et toutes les forclusions à la clé, durcies comme jamais, mais en crise), milliers d’années en lamelles à passer au microscope. Préhistoire (Vorgeschichte) à terminer.

Par exemple : Hésiode et sa théogonie («  lui dont le cadavre hés itant sentant l’ iode a été porté par les dauphins dans un cortège marin »), repris dès les premières séquences du Chant 1 (sq. 2). Pourquoi ce texte ? Parce qu’il offre un des premiers exemples écrits de mise en place idéologique d’ensemble de ce que, dans le cours de notre histoire (à fond gréco-judéo-chrétien), les hommes ont pu concevoir quant à la représentation qu’ils se donnaient de leurs propres rapports sociaux ; toute une conception du monde, sous forme de récit mythique, donc comme «  solution imaginaire des contradictions ». (Sollers), à lire aujourd’hui à la fois au niveau de la cohérence qui s’y structure et de ce qui déjà la travaille contradictoirement ; moment historique d’une importance capitale à effets décalés jusque dans notre présent : passage (communauté primitive / société esclavagiste) du matriarcat au patriarcat, et il faut y joindre «  l’histoire du type aux chevilles enflées » (sq. 3), dans laquelle la constitution des sujets va trouver à se modeler sexuellement-idéologiquement pour des siècles, en norme socialisée, avec Freud au bout, qui comprend, explique, scrutateur comme jamais avant lui, et en même temps complice, réintégrateur de tout le cirque pour familles-société bourgeoises bien ordonnées papa-maman, pépère-mémère (détermination politique évidente, lui aussi sujet ; voir toute la fin de la séquence 11 du chant IV, et l’évocation de Signorelli-Signorella : «  Nul ne peut sauter par-dessus son temps — / Sortons »). Donc, crise à longue portée, et suturation en réseaux politiques-idéologiques sexés ; «  C’est l’intérêt du prolo d’affranchir le fin mot du sexe. Montée parallèle pouvoir d’efficace accru. Vieilleries complexes » ; oui ou non, Engels : « La première opposition de classe qui se manifeste dans l’histoire coïncide avec le développement de l’antagonisme entre l’homme et la femme dans le mariage conjugal, et la première oppression de classe, avec l’oppression du sexe féminin par le sexe masculin. Le mariage conjugal fut un grand progrès historique, mais en même temps il ouvre, à côté de l’esclavage et de la propriété privée, cette époque qui se prolonge jusqu’à nos jours et dans laquelle chaque progrès est en même temps un pas en arrière relatif, puisque le bien-être et le développement des uns sont obtenus par la souffrance et le refoulement des autres. Le mariage conjugal est la forme-cellule de la société civilisée, forme sur laquelle nous pouvons déjà étudier la nature des antagonismes et des contradictions qui s’y développent pleinement ».

Familialisme [5], donc, fouillé, retourné sur ses bases masquées, sa fonction idéologique-politique, et sa poche à névrose généralisée («  Religion fondée ! ») avec postures s’échangeant leur impensé dans les procès historiques débordant, eux, de toutes parts : ça passe et repasse par «  mère-fils-père-fille ou plutôt mère-fille-père-fils », «  l’autre parent n’étant apparemment posé comme désiré qu’afin de produire le masque de son répété » ; c’est-à-dire «  les mères ayant des fils comme filles des mères de leurs pères, les pères flottant nez ouvert à travers leurs mères vers les fils qu’ils auront été pour les pères qui les ont baisés » ; composition à plusieurs réseaux étagés-croisés (elle inclut nécessairement son propre développement temporel, et ainsi sa traversée par les procès historiques qui l’ont produite), réglant depuis la défaite historique des femmes (passage du matriarcat au patriarcat) les places occupées d’avance par chaque sujet : père parano castrant / castré avec (sa) mère phallique prenant la revanche imaginaire qui renforce d’autant son assujettissement réel et pareillement celui du mâle pipé formé «  à la fois pédale étalon », et tout socialisé à l’avenant, reproduisant de «  l’hystère » en veux-tu de «  l’obsesse » en voilà ; qu’il y en ait un (schizo) qui refuse le manège, et tous-toutes de lui sauter dessus : «  Elles aiment pas l’mec qui trahit pépère, pépère est leur dieu, leur croix, leur nounou, leur mémère antique à gros tube mou ; elles aiment pas ça qu’un zizi s’évade, devienne incomptable ou gratuit foufou » ; ou encore : «  Elles prétendant incommunicable mystère enfantage réservé en couic. Eux prétendant incommunicable couac couac du coupage à couic. Les deux formant crochet dépêchant macmic. Et de se renvoyer balle s’accusant l’un l’autre de n’être pas l’entier du problème. C’est pour ça qu’ils sèment ! » ; procès : «  Mon programme n’est ni homme ni femme. Je les dresse l’un contre l’autre jusqu’à ce qu’ils s’aperçoivent que la question n’est pas là. Ça fait de la casse. Ça décape ça. » Moment de rappeler cette bonne vieille IVe thèse sur Feuerbach : « ... Ainsi une fois qu’on a découvert par exemple que la famille terrestre est le secret de la sainte famille, c’est la première elle-même qu’il faut alors réduire théoriquement et pratiquement à néant » (« muss nun erstere selbst theoretisch und praktisch vernichtet werden », avec variante d’Engels en 1888 marquant bien le double aspect idéologique et politique de l’opération : « theoretisch kritisiert und praktisch umgewalzt werden » ; critique théorique et transformation révolutionnaire pratique ; c’est clair, non ?). Donc, également, transformations historiques intervenant dans la composition de base, en formations idéologiques nouvelles pénétrant le tissu social, y faisant dépôts plus ou moins propres à une redistribution ultérieure de ce que l’idéologie dominante assigne comme rôles, se succédant avec lois nouvelles dans les reflets ; religions, par exemple : juive («  Soit : pépère déprépuce pénis montant urétrant jailli en sautant sa puce, et pisse le sang sur le feu fumant, et se sent mémère en passant ») ; chrétienne («  La mère accouchée, déconnent-ils alors, reste intacte, elle devient fille de son fils rêvant, fond blanc éclatant neigeux tournée au-dehors dans le virginant. Marie sans mari bouffant son enfant. Ici, loi nouvelle : arrêt flux génération possibilité de couler soi-même réflexe ») ; et encore, avec petites images saintes pour grands enfants diffusion popularisée : «  Démocraties où bébé suce bien son pouce torchonné par femelle lui tactant talc petit derrière tout rosé, hou le bon coco dans son fariné, a-t-il bien roté, a-t-il bien pissé, a-t-il bien chié en futur pépé ? Virago jouissant dans l’étable avec mignon jézutt entre cuisses b ?uf gros seins à côté scieur tables jojo dèche tirant l’âne en cou. Peut-être qu’il avait une maladie ? Syphilo-blenho ? On ne l’a pas dit. ») ; et encore aujourd’hui, mais en nouveaux circuits avec la possibilité d’un redémarrage tout azimuths et adaptation prévue si nécessaire en cas de succès électoral de la gauche révisionniste : «  Perindésormais ac pénismémère. Jèzes de choc ! Ad majorem gloriam dobibi ! Nous avons les contacts. Du tact, du tact. Le parti, très bien, ils ont besoin d’ordre. Pas très doux, mais francs, directs, très potables. Pénétrables sous leurs redoutables ! L’angoisse humaine, mon fils ! On leur fait le coup de la tentation. En douceur, minaudes. Les autres ? Même topo. Intrigués depuis des siècles, snobés par mélo. Les affaires reprennent. N’oublie pas : deux mille ans ! Rétention suprême ! Pas un qui l’aie fait ! De quoi se loger. Braves gens. Eclairés, éclairés, de bonne volonté. Moraux, sincères, un peu terre à terre, mais enfin. La planète vaut bien une messe. La science est la science. Et coexistence. Le progrès est pro- grès. La fin justifie ses fins. Et nous avons nos moyens. La grâce est aussi la grâce ! Avec le pognon, bien sûr, mais nous l’avons. Embanqué, partout ! Saint-esprit des pays bas à l’alsace-lorraine, d’espagne en allemagne, en chaîne ! Mon fils l’heure est venue, ça va être le lèche-curé généralisé. »

Ce qui signifie que dans le même temps les luttes se poursuivent, dont le texte de Lois se présente comme le multiplicateur partisan, réinscrivant le courant dialectique / matérialisme longtemps souterrain, toujours réprimé, depuis Démocrite-Epicure-Lucrèce, ayant trouvé dans telle pratique de langage-musique, et dans des périodes historiques différentes (de Dante à Hölderlin, par exemple, Monteverdi), de quoi résister et avancer quand même ; question des pratiques signifiantes définie comme essentielle à toute l’histoire du matérialisme et de la dialectique, bien qu’elle en ait été très longtemps, pour la théorie philosophique, le point aveugle ; et ceci est à relier par exemple au développement du dogmatico-révisionnisme aujourd’hui : du « procès sans sujet » d’Althusser à la subjectivité personnaliste de l’artiste-créateur cher aux Leroy-Aragon et Cie, complicité objective évidente dans la volonté d’évacuer toute problématique matérialiste dialectique du sujet (question sociale politiquement gênante, voir Mao sur ce point et toute la révolution culturelle prolétarienne en Chine ; voir aussi chez nous le problème du «  réalisme critique » que «  les révisionnistes modernes défendent avec tant de zèle », Chant V sq. 8) ; relire dans cette perspective tel passage de Lois actualisant la lutte quant à ce sujet si longtemps occulté par les différentes idéologies dominantes depuis l’antiquité esclavagiste «  L’ennemi pour eux c’est déjà l’acteur traînant populaire venu de chez eux mais plus léger qu’eux se disant lui-même dieudieu échappant contrôle en mathématique et séchant la messe. Narrateur en somme n’enfantant pas du côté caca briseur de méta et foutant la merde dans leur opéra. Entraînant de mauvais papas. Le contrat mariage n’est pas là pour ça. Et donc la bagarre continue sans fin au poil du langage, eux voulant maîtriser bébète imposant ronron avec cyclotron dans sa voix. Et lui, pas d’accord, défendant musique. Et eux à la trique ! »

Ici, brève parenthèse : tout de même curieux (à peine : très logique au contraire !) que certains, comme je le rappelais en préambule, aient crié, ou insinué, à la pornographie, à la démagogie par la débauche-partouze, etc. Alors que c’est tout à l’opposé l’inévitable complicité de toute pornographie (et de toute perversion : la pratique textuelle de Lois ne relève précisément pas d’un langage pervers) avec la loi qui l’engendre comme son pseudo-dehors, qui est ici constamment mise en évidence, pulvérisée dans ses multiples effets sociaux. Ce qui implique que la sexualité elle-même (puisque c’est à l’évidence cela qui insiste dans le contre-sens en question) soit prise dans le procès de négativité générale qui constitue le texte de Lois, et donc hors de tous «  sublimoirs » ; procès qui passe en l’occurrence par plusieurs types d’opérations :

a) les unes d’ordre théorique et scientifique ; thèses énonçant, comme je l’ai indiqué brièvement, la régulation logique des rapports-positions à l’intérieur desquels chaque sujet sera invité à prendre place dans la pratique sociale sous pression de l’idéologie dominante historiquement déterminée ; multiples exemples dans Lois, de cette élaboration rationnelle, qui permet d’y voir clair dans les «  rapports cochons et cachés » (pornographiques !) constitutifs de toute idéologie réactionnaire : et ce n’est pas pour rien que la formulation des grandes thèses générales de la sq. 1 Chant 1 précède justement la réécriture d’Hésiode, du mythe d’Oedipe, etc. Geste poursuivant, en pratique, cette indication de Sollers dans son texte « Sur la contradiction » (rappel d’une remarque de Freud), «  à savoir que la doctrine des pulsions est "notre mythologie" » ;

b) les autres d’ordre plus directement textuel, prenant en écharpe toute scientificité close, redistribuant les thèses (et jusque dans leur mode d’expression) selon un développement qui à aucun moment ne saurait être réduit à celui d’un savoir ; c’est là qu’interviennent d’une manière primordiale les procès d’écriture opérant par humour joyeusement destructeur : belles images, grands airs mythiques, lyrisme noble subvertis ; pulsions de base en pleine lumière ; lexique net et à différents registres (sexe, verge, gland, pénis, bite, queue, pine, tube, zizi, couilles, bourses, clito, con, cu, fesses, anus, étron, merde, chié, bandé, érigé, baisé, sperme, se branle, jouir, etc. : c’est bien de cela qu’il s’agit, non ? Alors... !), traité comme tel à son tour dans les procès transformateurs de la langue à tous les niveaux, et par là même producteurs de nouveaux effets signifiants. J’y reviendrai plus loin ;

c) d’autres encore, étroitement intriquées dans les précédentes, dégageant les contenus directement politiques : relire ici, entre autres, le dialogue des hystères (C IV sq. 5), et le démontage de la posture en question dans toute la trame de Lois ; de même pour tous les aspects de la fétichisation, évoqués-désénoncés d’une manière pratiquement incessante dans le texte ; par exemple : «  Et d’offrir ainsi à l’entourage petites compensations en ordures. Gnagnas pleurnichant conasse minaudière moimoi dupont tout est bon. II la coince pourtant petite culotte mouillée poils tièdes manière équivoque de s’entrer aux chiottes pour éponger tabernacle gougoutte de son mironton. Sournois théorème couvant millénaires. Dans sa pâtoison. Se tressant dondon. Avec sa soupière. Demandant sanction immédiate pour élubertin à mettre hors d’état de luire non sans renifler au passage possible énormité du barbon. Au-delà frigidaire toujours incertain pour elles en ballon. Erection piège à ponts ! Et eux d’en faire des montagnes souvenirs d’enfance premières terreurs croyances lanterne magique compte en banque de nos religions. Et de blanchir sans arrêt manège calcul aux frontières. Finissant vieux cons en pondération avec petite voiture aphasique pas toujours visible poussée par infirmières cornettes indéfiniment excitables dans leur nourrisson. Ou alors, changeons ça de base. Et aussi de phrase. Transformation politique arrachant racine antique trauma recousu bidon effets d’enluminure tics pornos transmission orale cassant les annales du super- étron. ».
Tout cela très clair, dans le texte. Lisons donc plutôt celle proclamation répétée («  calomniez, calomniez, il n’en restera rien ») du porno, qui trouve d’ailleurs dans la lettre de M.de R son aboutissement réac type, comme effet d’une double non-lecture portant du même geste sur la pratique politique et sur la pratique textuelle impliquées dans Lois («  L’existence sociale des hommes détermine leurs censures »).

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Manuscrit de LOIS. Du carré au cube. Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.
Peinture, cahiers théoriques 6/7, printemps 1973 (archives A.G.)

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3. « Au monologue intérieur j’oppose le polylogue extérieur » (« Das Augenlicht », Tel Quel 51). Le travail sur les procès historiques dont je viens d’énoncer brièvement quelques aspects, est en effet absolument inséparable du travail proprement textuel, l’action réciproque étant, comme on vient de le voir, tout aussi vraie (autrement : formalisme, on aurait au mieux une répétition de Joyce, par exemple, alors que Lois, c’est déjà tout autre chose) : lien à prendre comme unité-inséparabilité des contraires (Untrennbarkeit, rappelait Lénine : c’est évidemment dans la pratique textuelle que s’opère ce que Sollers appelle la pluriversalisation de la langue et du sujet, qui ouvre la reprise des procès historiques à sa relance incessante) ; c’est même sans doute au niveau de ce lien dialectique (il est celui d’une contradiction multipliée-réactivée en chaque point-opération du procès) que s’effectue, selon moi, la politisation inouïe de l’écriture de Lois. Il n’est évidemment pas question ici de vouloir tout dire sur le travail textuel à l’oeuvre dans Lois : simplement en marquer, là encore, quelques aspects.

Tout d’abord en ce qui concerne la brisure des séquences historiques notée plus haut, et leur ouverture sur la mise en procès de la langue et la pluralisation du sujet : mobilité des points de vue s’affrontant liée à un certain type d’organisation des éléments mis en jeu, depuis les grandes unités signifiantes que constituent les Chants et les séquences, jusqu’aux unités plus petites (constituants des phrases : mots, suites de mots, éléments phoniques / graphiques, etc.), les procès intervenant à ce dernier niveau étant en position dominante par rapport à l’ensemble, jouant ainsi le rôle d’embrayeurs se multipliant les uns par rapport aux autres. Par exemple, phrases comme autant de raccourcis historiques, unité brève du point de vue confronté immédiatement à un autre phénomène historique lui-même condensé selon un autre point de vue, inégal (déplacé par rapport) au précédent ; type : séquence 5 du Chant II, où se trouvent successivement pointées (entre autres éléments) thèses sur le procès de différenciation de l’homme (selon l’expression d’Engels) sous reprise freudienne (refoulement «  odorat-baisage » par station debout) avec répercussions sur rapports inconscient - préconscient - conscient (sur-moi : «  sale queue, garde à vous, je suis, policés papiers »), tout cela réinscrit dans Chant-séquence centré sur Moyen-Age chrétien, phrase énonçant l’époque, de son en-deçà à son au-delà négateur qu’elle contenait déjà : «  Plèbe patriciens chevaliers esclaves maîtres compagnons bourgeois ouvriers, chemins tortueux agitant marionnettes diverses croyance expressive selon l’intérêt ; » soit : diffusion du christianisme par mise en place du mythe central («  type jambes bras cloués assurant commune »), liée au nouveau mode de production (féodalité : »nations christées », géographiquement situées par rapport à «  nous », «  de notre côté bidet méditerne »), accumulation bourgeoise contradiction interne au mode de production féodal («  et millions millions bras et crânes rentrant dans foutre inégal labourant plantant pour leurs royautés de guerriers curés... Expropriations successives ») déjà condamné dans son historicité même, avec en bout du développement marqué dans une phrase précédente de la même séquence, l’affrontement d’autres points de vue en rétrospective éclairant depuis un autre moment historique : «  A quel prix l’Europe a mangé du sucre en cuvant son stupre aussi passionnant que guéguerre opium quand vieux dragon s’est vu chatouillé et a dit : assez. » ; et reprise-extension de ce qui s’annonce là dans toute la séquence 6 : révolution chinoise (pays coloniaux et semi-coloniaux, oppositions « riz » / « blé », « paysans » / « paras »), longue marche, peuple vietnamien en lutte contre l’impérialisme français, puis américain, «  Eux formant cadres cavernes malgré bombes dum dum et raison grandissant au c ?ur des vallées fillettes dansant viets sur places femmes sombres fond du soir tombé
sans limites la pensée répand
robes de soie dans le vent
éclats billes fléchettes éteignant les voix, et champs dans l’acide.
Thorax perforé renaissant à vide
modèle brillant et constant
devenir neige en montant armée rouge enterrant ses bases progressant rapide sans phrases. Et les cons blanblancs s’empêtrant flicaille à travers ses mailles. Partout grésillant fusils levés drapeaux et tambours redressés drapés, wan sui, wan sui, wan sui, wan sui —
 ».

Procès de condensations-déplacements portant également au niveau des constituants mêmes de la phrase : en particulier l’unité du mot-concept (blocage en représentation fixe, et par là du sujet qui s’y leurre en entité anhistorique) se trouve brisée et transformée en autant d’opérations, dont les segments syllabiques, phoniques ou graphiques, les nouveaux syntagmes nominaux et verbaux, et des énoncés idéologiques entiers niés, retournés, apparaissent comme les multiples indices soumis à des permutations-adjonctions-disjonctions-éliminations-reprises incessantes. Paragrammatisme généralisé, donc, et on est en effet très près du mot d’esprit tel que Freud l’analyse dans ses rapports avec l’inconscient : avec cette différence toutefois que Sollers note très clairement dans son entretien publié par Politique-hebdo en parlant de l’humour : «  L’humour est un symptôme critique révolutionnaire qu’il faut arracher à ses utilisations de simple décharge : c’est un instrument de connaissance, une façon d’arracher le masque d’une certaine forme d’hypocrisie, sans cesse renaissante, toujours à combattre. » D’où également, du point de vue des procès textuels, la référence à Joyce, et à Rabelais (voir évidemment dans le Chant III le classement pentasyllabique des «  cracs qui se font entendre dans la champ socio » d’aujourd’hui ; mais il y a aussi bien d’autres exemples) : irrespect généralisé, avec fonction de connaissance pratique incluant le rire démystificateur. Prenons quelques cas très simples de ce type d’opération : écrire «  vercingétochrist », dans l’extraordinaire séquence 9 du Chant III où « le franc de france et de francit » est exposé selon sa représentation Gaulois-patriote appelée à fonder en reflet après-coup l’unité de la civilisation catholique-françouaise, avec relai révisionniste national-chauvin. c’est aussi tout autre chose que de faire un simple « mot » ; ou plus exactement, le « mot » est également indicateur d’un certain sens polémique [6] ; de même (toujours entre mille autres exemples), dans la séquence-reprise de l’Orestie (Chant V sq. 5), l’écriture de «  clitomnestre » : condensation évidente « Clytemnestre / clitoris », énonçant ainsi dans le nom mythique subverti sa vérité réelle, avec nouvelle relance de la série « clit » marquée dans tout le texte depuis la première séquence du Chant l, mère phallique à tuer sinon retour à l’oedipe sous travesti maternel («  Pécheurs retombant donc dans bassines matriarcat mecs changés en poupoules chats surveillés par mère supérieure avec bâton circulation d’entre-cuisses, mémé à tuyau et fillic maman, par ici le petit gonfle-toi viril, fais-voir ton beau torse, ta musculatrille, viens mon gros câlin, donne ton glandin ! » C IV sq. 3), avec «  théoragoùt » obligé, de «  La magma m’atterre » (alma mater - grande mère effrayante - trou cloacoal) à ses représentantes («  Les haieriesninis ») déléguées au cu de celui qui a quand même osé passer, réapparaissant transformées dans la séquence suivante du même Chant sous la figure de «  L’hystère de service, triste bacchante de la phase capitaliste », surveillant les schizos dans la cour de l’asile.

De ce point de vue, il y aurait d’ailleurs à examiner en détail toutes les opérations intertextuelles, extrêmement nombreuses dans Lois, et le rapport aux sujets historiques de ces multiples interventions, anciennes ou contemporaines (mythes, textes littéraires, musique, philosophie, sciences, etc.) : pris non comme entités psychologiques sublimées, invitant au réinvestissement narcissique, mais traités au contraire dans la langue, matériellement replacés dans le procès des luttes (idéologiques, politiques) dont ces hommes furent les acteurs, progressistes notamment ; héros positifs, en effet, mais réinscrits dans ce qui fut leur force réelle, liée au mouvement des masses dont ils surent représenter les aspirations ; leur pratique réactivée, donc («  poètes, matérialistes, dialecticiens, révolutionnaires »), sujets historiques dans le procès du texte relancé par anaphores («  et lui », «  et eux », «  et toi », «  et moi », etc.) dont les cristallisations ponctuelles ne renvoient à rien d’autre qu’à des contenus de lutte déjà parlés, travaillés par qui les énonçait dans ses rires, ses prises de parti, ses actes, et repris ici dans une actualisation de langage ouvert de toutes parts à son extériorité-antériorité matérielle : homo partagé, divisé, ce qui a pu (et peut encore) introduire à son unité fantasmée, spéculative (toujours possible redéisation d’homo «  en d’autres circuits » : voir par exemple le début du Chant III) étant ramené ici aux procès contradictoires de la pratique sociale comme lieu réel des surgissements, divisions, positions et affrontements des sujets dans l’histoire ; «  polylogue extérieur ».

Bref : travail conjoint sur syntaxe, lexique, rythme. «  partant des masses revenant aux masses syntaxe reflète rapports de production et s’y met » : thèse énoncée, il faut le souligner, dans une période de luttes idéologiques-politiques particulièrement nettes, tranchées ; période de tension évidente, même sous ses aspects latents («  le point d’accumulation a été touché »). La syntaxe de Lois est pleinement contemporaine de cette tension ; elle procède essentiellement par succession d’énoncés courts, juxtaposés, avec le plus souvent élimination ou tout au moins effacement des médiateurs logiques lexicalisés, soutiens habituels du discours du savoir, de la ratio métaphysique enveloppante, par syllogisme alignés, plats (syllogismes moqués, justement, dans Lois, le plus souvent comme alibis politiques réactionnaires ; voir par exemple dans le Chant V : «  Nul n’aura raison contre le parti ! La classe ouvrière m’a nommé son père. J’en suis tout enceint ! Tout fiéro serein ! Qui n’est pas en moi est un fou vipère. Un mégalomane qui se voudrait soi. Or il faut freiner. Et se renoncer. Ne pas s’écouter. Et se répéter. Je suis un procès sans sujet. Le sujet qui se veut procès m’exaspère. J’embrasse la base. En maso de base. Par mao, maso. L’existence sociale des hommes détermine leur pensée. Or comme j’approuve constamment mon existence sociale, c’est que ma pensée est sauvée. Donc, je peux l’impenser. Et vous l’imposer » ; voir aussi, bien sûr, le développement d’Amstramgram, dans le Chant III). Logique tout autre dans Lois : elle passe par l’ensemble du registre vocal de la langue, mis en volume avec sens se produisant dans (et exigeant) le heurt des unités-phrases brèves ; l’explicatif, le didactique révolutionnaire (et il y en a de multiples exemples dans Lois, eh oui !) est directement greffé sur ce type de procédure : concrète, justement, pas scolaire. Syntaxe et rythme de la maxime (Lautréamont : de ce point de vue, très différent de Joyce, notamment) ; mètre décasyllabique, permettant à la fois ce qu’on pourrait appeler la densification de l’énoncé (son cadrage massé de base) et sa coupe sèche, brutale, sans mièvreries, langueurs poisseuses, etc., les relais se marquant dans les autres éléments mis en jeu par l’énonciation et les procès qui s’y inscrivent ; puissance ici de l’assertion, où s’origine sans doute cet effet de positivité singulière produit par le texte de Lois : singulière, puisque les multiples aspects en sont pris dans ce qu’il faut dénommer une négativité affirmative . En effet, dans ce phrasé serré, et prenant en écharpe toute récurrence de mesure rythmique (décasyllabique, notamment) ruptures violentes, inattendues, ouvrant sur d’autres rythmes, excessivement mobiles, sans répétition au-delà de deux ou trois unités tout au plus ; par là même, ce sont d’autres phrasés qui courent sous celui de l’assertion, plus vifs, plus déliés : interjections, interrogations, exclamations, interpellations, temps des verbes accordés au développement de l’énonciation (présent — indicatif et impératif —, passé composé, futur), dialogue pratiquement continuel, et unités-phrases comme laissées en suspens, relancées dans leur achèvement reporté sur la suivante qui déjà repart. Elan général : «  Debout ! Debout ! », «  Away ! Away ! » ; «  Mes propositions, vous l’avez remarqué, sont animées d’un mouvement à la faveur duquel elles tendent à disparaître à travers elles-mêmes. L’unité indique cependant l’affirmation » ; «  une pluralité d’unités dont chacune soit cette pluralité même ! Vous voyez le truc ! »

C’est-à-dire encore : la vieille opposition métaphysique langue écrite / langue parlée est détruite : ni seulement écrit, ni seulement parlé ; donner au contraire à une langue (ici, le français, en 1972) toutes ses chances de langues, et c’est là que l’intertextualité prend à mon avis un tour nouveau, puisqu’elle joue non seulement au niveau des prélèvements textuels (le plus souvent transformés, d’ailleurs, directement) ou à celui d’une confrontation des langues et des opérations sémiotiques qui leur ont été propres historiquement (français, latin, grec, chinois, allemand, anglais, italien, arabe, espagnol), mais bien encore, et dans le même geste, sur le plan des possibilités d’énonciation d’une langue en ses différents registres sociaux : c’est en ce point que l’actualisation du lexique employé (sous l’influence directe de mai-juin 1968, indique Sollers), la paragrammatisation incessante, le travail à partir des bases pulsionnelles de la phonation (Fonagy) remplissent leur fonction la plus productive, tout comme chez Artaud. Et par exemple en ceci que les procès textuels mis en oeuvre dans Lois coupent court à toute tentative de (re-)territorialisation, de toute molarisation du sens (j’emprunte à nouveau ces termes à Deleuze et Guattari), c’est-à-dire à tout réinvestissement du sens en position bloquée, homogénéisante, par sujet paranoïde et «  Saint axe » surimposé («  C’est que ces cons de fascistes vous mettent facilement électrodes jouant psychiatrie shlark sociaux-fascistes pareils. Se pensant blousés d’appareils. Charcutiers pour faire parler sexe oreille. Je vois que vous n’avez pas mesuré toute la gravité de l’époque hôpital prison syntaxe obligatoire n’est pas antonin électrocuté dans les coins ») ; tout au contraire, dans Lois, l’intervention s’opère toujours par une pratique de type moléculaire, schizoïde, et c’est dans leurs procès contradictoires que viennent se dynamiser, pour reprendre une analyse centrale de l’Anti-Oedipe, les multiples marques du sujet ; dialectique position / vitesse : on ne peut les «  toucher en même temps » (C VI sq. 1), ni par conséquent les réduire à quelque schème abstrait que ce soit (aussi bien universal syntaxique que vrai systématique) ; pratique (de l’) hétérogène, pour reprendre cette fois un terme de Bataille : «  La chimie pourrait bien être mon langage. La musique est ici plus près de moi que vous ne le serez peut-être jamais. »

Il faudra revenir en détail sur les modalités concrètes de cette mise en procès du sujet, qui me parait l’aspect le plus neuf de la pratique de Sollers, celui aussi sur lequel nous sommes sans doute le plus démunis théoriquement et scientifiquement (seuls les textes récents de Kristeva, depuis « Matière, sens, dialectique », nous permettent de commencer à y voir clair). Disons brièvement, pour l’instant, que cette mise en procès passe bien sûr par les différentes opérations indiquées précédemment (c’est en elles que peut être saisi ce que Sollers énonçait dans « Lénine et le matérialisme philosophique », que «  ce n’est pas le sujet qui pense d’abord mais sa matière de sujet »), et qu’elle est donc irréductiblement liée à la négativité affirmative qui s’y déploie contradictoirement. Sujet «  divisé » / «  Mais aussi massé et tassé » ; ce qui se produit dans Lois, et à mon avis pour la première fois selon une extension et une intensité aussi grandes, c’est un vaste processus de dépense d’un sujet qui se confronte, dans la multiplicité des gestes dénouant aussi son propre passé, à toutes les questions matériellement inscrites dans notre contexte historique ; délibérément, et donc également avec cette sorte d’énergie libre (non-liée) qui fait effraction dans le stéréotype bloqué, réac, à la fois donc dérive légère, toujours « hors marge » sur les bords tremblés, et travail (ruse tactique), « démontage impie » (Mallarmé), prise de parti ; loin, très loin d’«  alice petites minauderies jupettes logiques dominos glaces coiffeuses photos maniaques de papa matheux amateur mottes duvets et gnagnas gnognos » de toute «  voranarcisse de base ».

De ce point de vue, à travailler : le rapport fini / infini, et sa démultiplication dans la pratique de Lois, depuis cette première phrase qui ouvre le volume du texte, et son extension dans chacun des six Chants ; et par exemple cette mise en rapport («  NÉ — ».) entre négation et naissance, dont les phases se déroulent en totale contemporanéité avec le développement des procès textuels ; pas n’importe quelles négations, pas n’importe quelle(s) naissance(s) : spécifiées, au contraire, qualitativement, et en chacune, ce qui surgit d’un sujet concret. C’est bien pourquoi nulle substitution possible, nulle délégation d’ego ; comme le rappellent dans ce même numéro nos camarades de Nantes, reprenant en titre cette phrase de la G.R.C.P.C. : « Tu peux travailler à ma place mais tu ne peux pas me remplacer dans la transformation de ma conception du monde ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans Lois. «  Rien évidemment à comprendre si vous cher nombril ne tenez pas compte que le peuple seul et ses langues sont et constituent l’auteur qui ne s’en tire qu’en reflétant cette aspiration mouvement » / «  Alors que mon infinité qualitative résulte de l’irruption de mon infini dans mon fini, des masses populaires dans mon individualité bornée, mon en-deçà foutant le camp, par transformation directe, dans mon au-delà. Et voilà ! »

Comment s’étonner alors de retrouver dans ce livre tous les aspects concrets de notre lutte idéologique et politique durant ces dernières années, et aujourd’hui : contre les différentes formes d’idéologie bourgeoise et petite-bourgeoise embusquées partout, dans les sciences (« humaines » ou non), dans la littérature et l’art, dans les multiples liquidations (avouées ou non, déniées ou non) du révisionnisme encore accélérées depuis mai-juin 1968, et épinglées ici avec une violence claire, exacte. Fondamentalement optimiste.

«  Et toi ? Efface tes traces, entraîne ta face, et merde au passé qui n’aura été que pour te muscler. »

Jean-Louis HOUDEBINE (juillet-août 1972), Promesse n° 33, automne 1972.

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Manuscrit de LOIS. Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.
Peinture, cahiers théoriques 6/7, printemps 1973 (archives A.G.)

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A propos de l’avant-garde

Au printemps 1973, Sollers donne un interview à Marc Devade [7], pour la revue « Peinture, cahiers théoriques », revient sur la situation politique et idéologique et, finalement, sur la réception de « Lois » et du nouveau roman qu’il vient de publier, « H ».

Extraits :

De « Lois » à « H »

[...] Marc Devade : L’évènement idéologique, donc politique, principal de cette année écoulée a été votre livre « Lois ». S’il n’a pas été purement et simplement censuré, il a été l’objet de réductions (refoulements) multiples mais surtout au niveau de la sexualité et de la politique. Pouvez-vous nous expliquer l’économie réelle de ce livre et celle de « H » qui la développe encore plus, et ce que tous deux annoncent et dégagent comme air (« H ») nouveau pour l’avenir ?

Philippe Sollers : Qu’est-ce qu’on a fait de Lois, c’est-à-dire d’une masse de langage en mouvement portée par un sens multiple ? Différentes tentatives de réduction. Les deux principales : feindre de croire à une porno-écriture, alors qu’au contraire tout le texte est fait pour décrocher d’avec la fascination sexuelle et ironiser la tenaille dans laquelle l’espèce se trouve prise du fait de sa reproduction. Lois est aux antipodes de tout « érotisme », de toute apologie du « désir » etc... Je ne recherche ni une excitation ni une fébrilité épidermique de la représentation, rien de cette néo-phénoménologie qui couvre, de ses contorsions plus ou moins kitsch, l’impossible nudité occidentale. La jouissance dont j’essaye que mon écriture soit le lieu est à l’obsession sexuelle ce que les états comateux sont à l’ébriété alcoolique. Ou encore, si vous préférez, ce que l’héroïne est au maxiton. Autrement dit, il s’agit d’une tout autre économie que celle d’une recherche dérivée de l’objet qui échappe. Ce qui m’intéresse ce sont des états plus enchevêtrés du langage, tout un sol logique, négatif, un surgissement, un franchissement de la division qui opère par transpositions, coupes, reports. C’est l’impossibilité d’une unité homogène, où qu’elle soit, quelle qu’elle soit. C’est au fond une organisation sérielle qui tente de prendre en écharpe le maximum de condensations inconscientes, culturelles, etc... j’appelle cette forme de composition « springing » du sujet (pour la différencier du « fading » ou du « splitting »), c’est-à-dire un enchaînement - déchaînement de sauts, de fréquences, avec implication de l’énonciation dans l’énoncé comme indice de réfraction, de « passage ».

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1ère édition

Cette composition (j’insiste sur cette notion, pour différencier une certaine vue d’ensemble surdéterminante de la simple répétition ou juxtaposition récurrente qui ne fait qu’ajouter à elle-même sa propre limite au lieu de se perdre et de reparaître dans un volume sans cesse repris à l’état naissant) est encore plus développée dans « H » au niveau des voix qui semblent arriver de partout dans le flot du récit, voix modulantes, glissantes, lancées qui font exploser la « langue de fond » psychotique. L’histoire se récite sous forme de sujet innombrable, intra-ponctué, contradictoire, mais ce qui distingue cette galaxie de sons du chaos est l’intervention critique à l’intérieur même de l’explosion lyrique. Formellement, je pense que cela est assez proche de la musique contemporaine (Stockhausen, par exemple, de loin le musicien le plus branché sur la mutation en cours). C’est précisément cet élément « compositionnel » qui semble le moins aperçu aujourd’hui : l’empirisme marque aussi la position de lecture. On croit « reconnaître » tel ou tel élément au passage, on ne voit pas comment et pourquoi il est inséré dans le développement qui le double, le redouble, l’annule etc... La seconde réduction à laquelle ce que j’écris est soumis, c’est une sorte de parachutage de sens politiquement anecdotique. Comme si cette littérature était de la propagande ! Voilà encore une fois une façon de se rassurer à peu de frais. Et remarquez que ces deux réductions portent sur l’équation fondamentale qui définit désormais la place qu’occupe le sujet dans sa possibilité d’y voir ou d’être aveuglé : la sexualité, la politique. La sexualité ne m’intéresse qu’en tant que jouissance irrécupérable par la représentation. Autrement dit dans son point de décharge protoplasmique, au sens où l’entendait Reich, car là est l’aspect le plus subversif, le plus dénié du sexe (bien plus subversif, y compris intellectuellement, que toute « perversion », en ceci que la perversion s’y perd). La politique, elle, c’est essentiellement, dans ce que j’écris, une forme de concentration de toute l’économie de sens et de langue qui se joue d’abord, à corps perdu, dans l’expérience. La politique, c’est ce qui révèle si une formation symbolique est porteuse ou non d’une « nouvelle conception du monde ». Exemple : le fait que les énoncés de Lois ou de H puissent avoir une justification scientifique, qu’ils ne soient pas réductibles à un fonctionnement psychologique (cela vaut pour l’information historique, celle des sciences naturelles ou celle du freudisme). C’est cette « vision du monde » qui va, en dernière instance, et compte tenu d’abord des différentes performances formelles, distinguer entre vieille littérature et nouvelle, mais aussi entre « avant-garde » au sens de marché rotatif, bazar, imitations provisoires, et avant-garde au sens de ce qui vient. Il me semble que nous allons vers des tentatives monumentales qui relègueront facilement dans les vitrines d’un musée pour bibelots hâtifs beaucoup de produits de la décomposition actuelle. Une forme absolument inédite d’épos est en train de se dégager, discontinue, sondeuse, annonciatrice, impliquant un minutieux travail sous-jacent (un travail sur le savoir saisi dans son saut qualitatif, au moment où il est autre chose qu’une langue morte). Tout cela devrait apparaître avec le temps, malgré le brouillage en cours. On le voit bien dans Stanze, de Pleynet. Notre culture radiographiée, devenue effervescente, décapée, parlant de ses « restes » ; les cultures rentrant par osmose les unes dans les autres et se traversant ; tout un autre pas de la démarche lyrique sur un autre chemin « qui se construit lui-même », c’est-à-dire sortant enfin de l’enclos religieux. Petites unités électroniques mobiles, grandes unités de durée, mouvement micro-langue, macro-histoire. Anamnèse à la fois du sujet et de sa civilisation. Ce nouvel épos sera internationaliste, transculturel, au contraire des minables efforts néo-classiques fascistes ou pseudo-avant-gardistes pour ressusciter des singularités, des enracinements, des territoires. Ecoutez Stimmung de Stockhausen :

Stockhausen, « Stimmung » (1968, extrait, 4’56) :

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qu’est-ce qui commence à parler, peu à peu, à travers les voix reprises en elles-mêmes ? Quel est ce tissu récitatif souple, abrupt, qu’on entendait déjà pour la première fois dans les grandes cantates de Webern, par exemple « Das Augenlicht » ?

Webern, Das Augenlicht — "Durch unsere offnen Augen" (direction : Pierre Boulez) :

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C’est un espace-temps, un son-sens, un écrit-vu-calculé-nié qui se signifie dans son frayage et, simultanément, signifie ses bords infinis, neuve de l’histoire, rives éparses de l’inconscient. Le vieux Joyce a fait parvenir son Anna Livia jusqu’à l’océan. H, voilà, c’est un peu d’hydrogène pour le monde futur : pas une recherche du temps perdu, une irrigation-vibration de milliers de « temps », chantés, chuchotés, criés, nettement et distinctement, une foule de fugues, j’ai envie de dire le feu du repos, l’en-trop.

Ph. Sollers, A propos de l’avant-garde, Entretien avec Marc Devade,
Peinture, cahiers théoriques n° 6/7, printemps 1973.

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Extraits de « H » sur partition de Webern et de Bach

Extraits de « H » sur partition de Webern Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.

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Extraits de « H » sur partition de Bach. Documents Ivanka Kristeva Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.
Peinture, cahiers théoriques 6/7, printemps 1973 (archives A.G.)

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[1La toute première étude publiée sur « Lois » dans la revue Promesse. Rédigée en juillet-août 1972 (rappelons que c’est en juillet 1972 que se tient le fameux colloque de Cerisy « Artaud-Bataille. Vers une révolution culturelle »).

[3La presse du Parti communiste français.

[4Depuis, (petite) bouche ouverte au détour d’une préface de Thibaudeau (Ah ! les préfaces : voir ce qu’en disait Ducasse, précisément !), et dont la publication toute récente est donc contemporaine de la lettre de M.de R [Dominique de Roux. A.G.] (décidément, pas de hasard : des « lois », en effet !) qu’elle rejoint au moins sur un point : l’accusation de fascisme, puisque sous couvert (?) d’une phrase « maoïste » (assimilée à de l’aristocratisme « chinois » (??)), le Mouvement de Juin 71, et Lois, sans doute, donnerait dans « l’anticommunisme bientôt exaspéré de la plus droite tradition hyper-individualiste » ; pas mal comme analyse, non ?! Avec petit couplet démocrate-patriote, à danser sur le corps d’Overney abattu par les milices de la bourgeoisie : Vive la France grand pays marée blanche ! C’est Monsieur Marchais qui doit être content, lui qui révère en Aragon le poète bien connu « de l’amour, de la France et de son peuple » ! Et il est facile de vous jeter du Céline à la figure, comme une insulte, en s’épargnant le soin d’étudier la langue de Céline (voir ce que Nizan ou Bataille disaient du Voyage au bout de la nuit, en 1932-33 : c’était autrement perspicace). D’une manière plus générale, le recueil de Thibaudeau aura au moins le mérite de nous confirmer dans ce que nous pensions depuis longtemps : à savoir que tout ce que Tel Quel a pu produire de neuf, de vrai, tant sur le plan théorique et scientifique que politique et textuel, n’a jamais été de ce côté-là, d’où nous revient aujourd’hui le bavardage fumeux de Thibaudeau, révisionniste en vrac.

[5J’emprunte ce terme au livre de Deleuze et Guattari, L’anti-oedipe, dont on sait qu’il soumet à une critique violente et en de nombreux points justifiée les différentes complicités que la psychanalyse (freudienne et encore plus post-freudienne) a pu entretenir avec la politique la plus réactionnaire : effraction opportune dans l’espace clos du divan, dans la triangulation éternitaire, réductrice, de l’Oedipe. Ceci dit, quelles que soient les réserves sérieuses qu’on peut émettre sur tel ou tel aspects précis de l’intervention de Deleuze et Guattari, notamment quant à ses références « littéraires » [...].

[6Mot-valise ? Ouioui, bien sûr ; mais il faut voir aussi ce qu’il y a dans la valise, et dans son fonctionnement à double-fond. Ici, des explosifs idéologiques, pas des sucreries à la mode formaliste.

[7Peintre et membre du Comité de rédaction de Tel Quel.

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