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Je suis chinois

Texte aphoristique par Philippe Sollers et Alain Kirili

D 26 juin 2010     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Jean-Michel Lou dans L’emprise des signes analysait le fonctionnement des idéogrammes chinois dans le roman de Sollers Nombres (avril 1968) ; il récidive, dans le dernier numéro de L’infini (n° 111, été 2010), avec « Le signe chinois dans Lois », le roman que Sollers a publié en 1972.
Sollers « chinois » ? Oui. La preuve déclarative avec ce texte « pour un enregistrement/magnétophone » écrit avec le sculpteur Alain Kirili [1] et publié dans la revue VH 101 au printemps 1971, au moment même où Sollers publie Sur la contradiction — analyse de l’essai de Mao — dans le numéro 45 de Tel Quel [2] et où « Le mouvement de juin 1971 », issu de la minorité de Tel Quel, affirme ses « positions », rompt avec le PCF et se lance dans la lutte contre « l’hégémonie idéologique bourgeoisie-révisionnisme ». Mais la référence chinoise fait signe aussi vers une autre forme de pensée, où écriture et peinture correspondent. Traces. Archives.

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(pour un enregistrement/magnétophone)

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Accent 2 : « J’ai passé ma vie à mépriser et repousser l’esprit de vision pour le remplacer par le fait de l’acte et l’acte du fait. » (Artaud.)

KIRILI La division de la production intellectuelle peinture/littérature est le signe même de l’arbitraire de la Culture Dominante Occidentale ; car PEINDRE et ÉCRIRE relèvent d’un même travail : celui de l’INSCRIPTION.

S Accent 3 : « C’est donc seulement la négation qui se supprime dans la négation. C’est ainsi que l’infinité, de son côté, se laisse définir comme le négatif de la finitude et de la précision en général ; comme le vide au-delà. Son auto-suppression dans le fini est un retour à l’abri vide où il était réfugié, elle est la négation de l’au-delà, qui est en soi un négatif. » (Hegel)

K Contrairement à la ligne occidentale expressive, représentation lyrique, réminiscence d’un mouvement ou d’un rythme, celle dont nous disposons ici est génératrice : elle est cette trace produisant sa propre linéarité. Elle est génératrice en cela qu’elle n’est qu’elle-même et que son itinéraire est celui du développement infini de sa MATÉRIALlTÉ : ayant expulsé tout SENS fixatoire.
La trace, infini permutatoire, comme un texte décentré n’a aucune coordonnée de temps ou d’espace. Prélever des segments d’une écriture graphique appartenant à un code représentatif (ex. la cartographie) revient à rompre par coupes successives le récit, le sens géographique afin de libérer le refoulé de la graphie occidentale : la trace.

S Accents 4 : la peinture doit critiquer son marché/
si le milieu lui-même ne se transforme pas inclus entre les fragments de cercle alors le cercle se reforme et recommence sa montée détournée l’entassement se produit tête à tête et unité sur unité on retrouve la proposition compliquée et nulle partie de la cicatrice niée — de nouveau l’objet mais qu’il se produise dans son glissement muté — ce qui s’est retiré était déjà en retrait mais désormais c’est une triple muraille renversée et comme redoublée qui implique que cela doit entièrement à côté — pas de meurtre ni de manipulation ni de pulvérisation ni d’acharnement calculé ou crispé qui puisse le toucher à la dérobée ce champ détaché replié qui coupe court dans la vérité — de ceci la loi finalement s’énonce et comme vérité et comme non-vérité s’embrassant hors du puits écarté chaque proposition ou séquence est ainsi faussée par la division qu’elle croit pouvoir apporter (je vois cela sur la droite plus bas que moi et l’ensemble en fuite vers un silence en forme d’îles coupées) — la vue assurée en somme.

K La trace est MATIÈRE. La trace ne singe, n’imite plus rien.
Elle n’a ni intériorité, ni extériorité, ni envers, ni endroit, ni commencement, ni fin.
Elle est pleine d’elle-même.
L’opération qui préside à ce découpage tient tout à la fois du travail et du jeu, c’est-à-dire d’un acte complexe non mécanique, d’un acte ne développant aucune scène tragique, ne provenant d’aucun accident.

S Accents 5 : la trace est absolument vide d’elle-même/
le problème de fond fait surface, il surgit avec ses visages cuivrés portant les fusils aux canons cassés
IN
DO
CHINE
« le tissu est tendu tout autour — émissions rapides sans le brûlant nul édifice éclairé ».

K La trace est pour elle-même elle n’inscrit aucune surface. Sa surface/support pourrait varier dans ses dimensions, qu’elle ne changerait rien à l’histoire de ce tracement.
La trace est libre de tout dispositif spécial. Aucun but d’unification visuelle n’est a atteindre ; bien au contraire l’équilibre instable qui surgit ici traduit une lutte de forces contradictoires à travers une histoire bâtie sur des liaisons et des divisions, des accords et des désaccords.

Le développement dialectique provoque l’accentuation de la différenciation, de la lutte des contraires, motricité de de cette inscription, restituée sous une forme négative et plurielle.

Le procès opère également au niveau du matérialisme pour faire apparaître comme seule valable une pratique du dessin issue d’un matérialisme historique et dialectique.

S Accents 6 : « Au sens propre, la dialectique est l’étude de la contradiction dans l’essence même des choses. Les phénomènes ne sont pas seuls à être transitoires, mouvants, fluides, séparés par des limites seulement conventionnelles, mais tout cela est vrai également de l’essence des choses. » (Lénine.)
« Celui qui est au-dessus de la négation et de l’affirmation est constamment dans le chariot du b ?uf blanc. »

K La ligne est une forme particulière de la trace. La trace est antérieure à l’écriture textuelle et pictographique. Celle-ci, comme le texte moderne, n’a ni commencement ni fin elle se développe dans l’infini de sa matérialité, c’est-à-dire toujours multipliable et jamais lié à un support unique qui la rendrait irremplaçable, singulière.
La ligne se lit dans sa rhétorique particulière : sa composition picturale, sa PICTOGRAPHIE.
La trace se poursuit, ne se déchiffre pas. On refait le parcours de son travail, on ne la regarde pas.
Détruire le récit d’une ligne, c’est laisser seule, livrée à elle-même, sa TRACE, en dehors de toute production rétinienne, touches, reflets, clair-obscur, composition ou perspectives.

S Accents 7 : « Nous devons en outre tenir compte du fait que les pulsions sexuelles sont, si je puis m’exprimer ainsi, plastiques. Elles représentent comme un réseau de canaux remplis de liquide et communicants. »/
« Un jour vient où les mêmes hommes pensent sur les mêmes choses autrement que la veille. Mais pourquoi n’ont-ils pas pensé la veille comme ils pensent aujourd’hui c’est là pour nous et pour eux-mêmes un obscur et impénétrable mystère. » (Freud.)

K Le sujet humain n’étant pas le lieu de cette inscription, c’est vers les plus récents développements de la science freudienne que nous pourrions répondre à la question du sujet.

VH 101, n° 5, printemps 1971 [3].


[1Alain Kirili, né en 1946, a rencontré Ph. Sollers et Julia Kristeva en 1969.

[2Voir La Chine toujours.

[3Le numéro comportait également : Programmation de Matisse (extrait) de Marcelin Pleynet (qui sera repris dans L’enseignement de la peinture) et une série de textes des peintres composant le groupe « Supports/Surfaces » (Marc Devade, Daniel Dezeuze, Louis Cane, etc...).

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